L`expérience de la République de Djibouti

Transcription

L`expérience de la République de Djibouti
L’expérience de la République
de Djibouti
ABDI ISMAËL HERSI
Directeur général des Services judiciaires au Ministère de la Justice
La République de Djibouti a accédé à la souveraineté le 27 juin 1977 après un siècle d’administration coloniale française. D’une superficie de 23 000 km2, la République de Djibouti est peuplée d’environ 600 000 habitants. La population djiboutienne est musulmane. Mais les grandes autres religions monotéistes sont représentées
par des communautés étrangères pratiquant librement leur religion dans leurs lieux de culte (catholique, protestante, orthodoxe et copte).
La République de Djibouti est née dans un contexte sous-régional conflictuel (guerre somalo/éthiopienne, érithréano/éthiopienne). Mais, également, dans une sous-région dominée par des régimes caractérisés par des dictatures féroces (le négus rouge, Syad Barré) et qui constitua également un terrain privilégié de rivalité Ouest-Est
avec une présence militaire française.
L’État a hérité d’une situation socio-économique peu propice au développement puisqu’aucune infrastructure
industrielle n’existe et que plus de 90 % de la population reste analphabète.
C’est dans ce contexte peu favorable conjugué de la pratique unanime dans le continent des partis uniques et
des « pères de la Nation » qu’évolue la politique djiboutienne jusqu’en 1997.
Le 15 septembre 1992 est adoptée une Constitution intégrant les principes fondamentaux des droits de l’Homme
et posant les bases des institutions de la République.
Certains principes essentiels seront consacrés :
– le multipartisme avec une limitation des partis politiques à quatre pour une période de 10 ans. Cette atténuation est dictée par les réalités socioculturelles du pays et elle est adoptée par voie de référendum en même
temps que la constitution ;
– le principe de séparation des pouvoirs est retenu dans la Constitution ;
– une loi organique sur les élections est promulguée, ainsi que d’autres lois organiques relatives à la liberté de
la presse et de la communication, au Conseil constitutionnel, au CSM, à l’organisation judiciaire ;
– deux partis politiques nouveaux ont vu le jour et ont pris part aux élections législatives et présidentielles en
présence des observateurs internationaux.
Paradoxalement, dès l’émergence de l’idée de l’ouverture démocratique, un conflit armé éclata et dura jusqu’en décembre 1994, date de la signature d’un accord de paix et de réconciliation nationale entre le gouvernement et la rébellion, le FRUD, qui devient par la suite un parti politique légal avec une participation au gouvernement.
Des éléments de ce front ont rejeté l’accord et ont continué leur opposition armée jusqu’en février 2000 où ils ont
signé avec le gouvernement un accord-cadre de réforme et de concorde civile.
Les éléments de cette tendance, qui avaient séjourné en France, sont rentrés à Djibouti après la signature de
cet accord et travaillent actuellement à la mise en œuvre des points de l’accord.
La gestion de ce conflit et son aboutissement paraît unique en son genre, dans la mesure où la solution du conflit
a été trouvée par les belligérants eux-mêmes sans aucune intervention extérieure.
Lorsque certains ont voulu intervenir pour réconcilier, cela a produit un effet contraire. La démarche directe a
sûrement été rendue possible par la volonté de vouloir résoudre un conflit ayant lourdement entravé le développement du pays.
Un autre fait marquant de la vie politique de Djibouti est l’élection présidentielle d’avril 1999 après que l’ancien Président eut terminé son mandat de six ans. L’actuel Président qui fut un acteur principal, dans le règlement
interne, a fait de sa priorité la paix et la sécurité dans le pays et dans la sous-région.
C’est ainsi qu’une conférence de paix et de réconciliation se déroule à Djibouti depuis le 2 mai 2000 à la suite
du discours du Président en septembre dernier, quelques mois après son investiture, à la tribune de l’Assemblée
générale des Nations Unies, à New York.