La fille de la ville
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La fille de la ville
La fille:Mise en page 1 18/06/15 16:08 Page1 BORIS LANNEAU La fille de la ville ÉDITIONS SARBACANE Depuis 2003 La fille:Mise en page 1 18/06/15 16:08 Page2 Dédicace ? La fille:Mise en page 1 18/06/15 16:08 Page4 Bande-son – Artiste, Titre du morceau – Artist, Title Of The Song Citation ? La fille:Mise en page 1 18/06/15 16:08 Page6 1 Dans deux minutes, il ne restera rien du lapin. Une touffe de poils, une tache de sang. La 2CV est à fond. – C’est pas un lapin, c’est un lièvre ! – Arrête tes conneries ! – J’te dis que c’est un lièvre ! Lapin ou lièvre, il court comme un taré dans l’herbe haute et toute mouillée, le phare de la Deuche lui brûle la queue. Un seul et unique phare planté au milieu du capot, comme un seul œil. Ce modèle, super rare, on l’appelle… la Cyclope. Rien qu’une lumière qui te trace la route des rêves. À bord de la caisse, il y a L’Équipe. C’est le nom de leur bande. Cinq potes unis comme une main dans ta gueule. Leur grand jeu du samedi soir, quand le bar est fermé, qu’il n’y a plus rien à faire et que tout le monde dort : péter du lapin. Et ce soir, il leur faut au moins ça, car ils fêtent un sacré truc : la fille de la ville. Une Parisienne qui vient passer les vacances d’été chez sa grand-mère. Ici, à Saint-Savin. Saint-Sav’, comme ils disent. Elle est déjà venue l’an dernier, et là… elle revient. Ils sont tous amoureux d’elle, en secret et sans trop savoir pourquoi. Peut-être c’est cette bretelle qui tombait et la déshabillait du bout des doigts ? Ou peut-être parce La fille:Mise en page 1 18/06/15 16:08 Page8 8 LA FILLE DE LA VILLE qu’elle savait plonger du grand plongeoir, et ça, c’est rare pour une fille… Elle revient ! En plus, Dudu, le chauffeur de L’Équipe, vient juste d’avoir son permis. Et le permis ici, au village, c’est pas des points, c’est le passeport. La feuille rose, y a pas mieux pour faire briller les yeux des filles, oublie les pétales et les épines. Ça fait rêver : des cuisses sur le cuir du fauteuil, la vitre ouverte vent dans les cheveux et les jambes sur le tableau de bord. La feuille rose et la fille de la ville, ça va bien ensemble. – Putain, t’as raison, c’est un lièvre ! Tue-le ! Des oreilles plus grandes que les coquelicots, pleins phares aux fesses, la pauvre bestiole ne pense pas à sortir du faisceau blanchâtre qui lui trace une route toute droite vers la mort. Il a plu toute la soirée, un orage a explosé en plein ciel, après des jours et des jours de grosse chaleur. Les pneus patinent, flaques d’eau et nids-depoule, ça accélère, freine et embraie, seconde, troisième, ça arrache le volant et dérape sans pitié. – Il est où ? Putain il est où ?! On l’a perdu ! Retour en première, le moteur reprend son souffle. Point mort, la 2CV s’arrête, le phare en veilleuse, on baisse le son du poste… plus un bruit. – T’as senti quelque chose, toi ? – Rien. – Derrière, vous avez senti quelque chose ? Derrière, il y a trois têtes. Deux d’entre elles, blêmes comme la lune, font non en même temps. La troisième a des lunettes noires, des écouteurs et bouge en musique, pareil qu’un chien sur la plage arrière. – Sûr, on l’a pas écrasé ? – Je crois qu’il a tourné au dernier moment dans les fougères… LA FILLE DE LA VILLE 9 – C’est toi la fougère ! À la place du mort, c’est Attila qui a parlé. Lui, il l’appelle « la place mortelle » – et c’est sa place, basket sur la boîte à gants. Le siège passager, son trône : c’est lui qui décide où on va. Il choisit la musique, il a le cendrier tout près et en plus il peut regarder tranquillement passer les culs. Ronds de fumée, la clope coincée entre le pouce et l’index. Il aime aussi « la place mortelle » pour la petite glace sous le pare-soleil, comme ça il peut vérifier s’il est bien coiffé, les mains dans ses cheveux longs et l’élastique entre les lèvres. Attila, il est grand, il a des épaules et une p’tite couette à la Zlatane. Dans les vestiaires, c’est lui qui a la plus grosse, et dans L’Équipe… c’est lui qui nique le plus. Enfin ça, c’est lui qui le dit. Une chose est sûre : Attila, c’est le chef, même si ce n’est pas lui qui conduit. D’ailleurs, suffit d’entendre comment il parle à Dudu : – Merde, tu conduis vraiment comme une nana ! – Ouais, mais moi je suis pas comme toi. Toi, les nanas, tu les mènes en bateau…, rétorque Dudu. – Si je les mène en bateau, c’est pour leur faire voir la mer ! décroche Attila tout en resserrant sa queue-de-cheval comme on se remet les couilles en place. Dudu n’a plus rien dit. Comme quoi la feuille rose, ça plaît aux filles mais ça ne met pas de cartons rouges aux mecs. Dudu, son vrai nom c’est Dulourd. Le genre de blase qui t’attire des bricoles dans la cour d’école… Il ne met pas des t-shirts, il met des polos. Pendant qu’Attila le vanne, il lâche le volant et s’essuie les mains sur les cuisses. Un truc qu’il fait tout le temps. La peur de ne pas être présentable ou d’attraper quelque chose. Il n’aime pas la sueur, la boue, le foot, alors dans les parties à la récré, il faisait l’arbitre. Dudu bosse chez son La fille:Mise en page 1 18/06/15 16:08 Page10 10 LA FILLE DE LA VILLE père garagiste, Dulourd Père et Fils, depuis trois générations. Quand Dudu lui avait dit qu’il ne savait pas quoi faire après la 3e, le paternel avait haussé le ton : « Je vais t’apprendre à te salir les mains, moi ! ». De temps en temps, la nuit – les nuits comme celleci – un peu pour faire le beau aux yeux de L’Équipe, un peu pour se venger de son père au regard de flic, il se sert au garage et emprunte une bagnole en réparation pour faire une virée avec la bande. Une virée dans les champs et les chemins de terre. Et juste avant le lever du jour, il la remet à sa place, ni vu ni connu. Tout à l’heure, quand il rentrera chez lui, il va retrouver son studio, sa chambre, sa salle de bains, son coin cuisine aménagé sous le toit de la maison familiale. Sans doute qu’un jour, il aura le garage à son papa : une vie toute tracée et une raie sur le côté. Le lièvre ! Sa petite tête en peluche sortie de l’herbe pas coupée a fait gauche-droite, les oreilles comme deux rétros, on dirait que ses yeux ronds et noirs ont perdu quelque chose. – Putain ! Démarrage, frein à main, première, seconde, plein phare qui fait feu, hurlements dans le moteur, c’est pas des chevaux qu’il y a sous le capot mais une meute de chiens de chasse ! 60 en seconde ! Des fous. – Accélère, vas-y, accélère ! Accélèèère ! Dudu se prend ça dans la nuque. Derrière lui, deux mains se sont accrochées à l’appuie-tête et « Jmenba » lui postillonne dans les oreilles. Jmenba, ça vient de « J’m’en bats », il le dit à tout bout de champ alors c’est resté. Et c’est vrai qu’il se fout de tout. JmenbaDes lunettes noires, des écouteurs, et aussi des grands : – Ha ha haaaaaa !!! LA FILLE DE LA VILLE 11 On dit qu’il est pas tout seul dans sa tête. Gueule de la gagne et un regard black glasses que rien n’arrête. Jmenba, il s’en bat de tout sauf du foot : numéro 10, il rentre dans les vestiaires avec ses deux écouteurs, il ressort des vestiaires avec ses deux écouteurs. De toute façon il sait que toutes les félicitations seront pour lui, de toute façon il s’en fout des félicitations. Il y en a qui disent aussi qu’il gâche ses possibilités. À l’entraînement, il traîne dans les vestiaires plutôt que d’aller s’échauffer, en match il ne se donne à fond que quand ça lui chante. À la mi-temps, il fume une clope dans les douches. Mais… on ne peut rien contre Jmenba dès qu’il chausse les crampons. Même quand il joue sans la gagne aux tripes. C’est le meilleur. Quand il n’est pas sur le terrain, il aide ses frères à la ferme. Ils lui disent de ramasser les pierres, lui il en ramasse une et s’amuse à jongler avec jusqu’au soir. C’est peut-être pour ça qu’on dit de lui qu’il s’en va aux champs quand les autres reviennent. On ne peut pas l’empêcher, il jongle avec tout ce qui bouge. Un fou. Un barjo. Un vrai. Un gentil aussi. Il appelle ses copains « mon vieux ». C’est peut-être parce qu’il n’a pas connu le sien. Le « mon vieux » de Jmenba, il est fort, aussi fort que prendre dans ses bras un pote qui pleure. Tiens, v’là qu’il met des coups de genou dans le dos de Dudu à travers le fauteuil ! Il s’en fout de tout, Jmenba. D’ailleurs, il a fait un retourné acrobatique avec son blase : J’m’en ballon d’or. – Allez mon vieux, plus vite merde, plus vite, oh tu fais quoi là, vas-y ! Allez feignasse, bouge-toi un peu, bute un lapin, quoi !!! Ha ha haaaaaaa !!!! – Lâche-moi, toi !!! – Quoi, « lâche-moi » ?! J’m’en bats, moi ! La fille:Mise en page 1 18/06/15 16:08 Page12 12 LA FILLE DE LA VILLE Ça rebondit à la Paris-Dakar, mains cramponnées au volant ou à l’appuie-coude. Sur la banquette arrière, c’est épaule contre épaule et coups de coude dans les côtes. Tout est noir dans le pare-brise sauf les pleins phares qui brûlent tout sur leur passage : la queue du lièvre s’agite toute jaunie, les oreilles flippées, il doit avoir le cœur à 5 000, la peur de sa vie, le rugissement sous le capot qui lui passe partout sous les poils, si ça se trouve il sent la chaleur du moteur comme un chien lui soufflerait la mort de sa truffe humide !… Au milieu de la banquette arrière, Rouge-Gorge regarde les étoiles à travers le pare-brise taché de boue. Et s’il ferme les yeux, Rouge-Gorge, c’est parce qu’il porte toujours un foulard autour du cou. Un courant d’air, il éternue, un peu de pollen, ses yeux le piquent et un brin de laine l’emmène : c’est un poète, notre Rouge-Gorge. Il ferme les yeux, ce n’est pas qu’il a peur, c’est juste qu’il voudrait être ailleurs. Ce qu’il voudrait, Rouge-Gorge, c’est revenir en arrière, rentrer à la maison après la dernière bière… mais pas se retrouver à carburer dans un champ pour péter du lapin. Il voudrait dire « Non les gars, il vous a rien fait ce lièvre », ou plutôt « Non, on va rien lui faire à ce lièvre », oui, ça c’est mieux. Ou alors, être ailleurs. Un pays où on ne se fait pas de mal, un pays avec que des filles ! Être avec que des filles, oui, une bande de filles, des filles qui tirent sur leur jupe après avoir croisé les jambes. Les filles, ça pense pas à tuer les lapins… hein ?! Même les filles d’ici ! Ici, les filles, elles ne sont pas très nombreuses, mais elles pensent pas à tuer les lapins, non… mais elles sont trop maquillées, ou elles regardent d’abord ta voiture, alors… LA FILLE DE LA VILLE 13 Rouge-Gorge, il aimerait être ailleurs. À l’échauffement, avant un match. Lui, il est gardien, parce qu’on dit que les goals sont tous un peu fous, ou un peu seuls, avec leur maillot qui n’est pas de la même couleur que les autres. Lui, c’est les deux qu’il est, un peu des deux. Un peu de Jmenba, un peu de sa folie et un peu de lui, un peu trop gentil. Il faut dire qu’ils se comprennent bien, tous les deux. Inséparables. En match, quand Rouge-Gorge a le ballon, c’est toujours Jmenba qu’il cherche en premier avant de dégager. Il rouvre les paupières et suit des yeux la queue du lapin comme le ballon dans le camp adverse, et dans sa tête, une question tourne à chaque coup de volant : Est-ce qu’ils veulent le tuer pour le manger ? Est-ce qu’ils veulent le tuer pour le manger ?… Est-ce qu’ils veulent le tuer pour le tuer ?!? Rouge-Gorge a les pieds quasiment dans le frein à main… J’aime pas qu’on fasse du mal aux autres. J’aime pas qu’on fasse du mal aux autres. J’aime pas qu’on fasse du mal aux autres. Aux lapins, aux lièvres… ou aux petits gros : comme Dolby, le cinquième et dernier de L’Équipe, assis à sa droite. Dolby, gardien-remplaçant et responsable de la trousse à pharmacie pendant les matchs. Numéro 22 sous le K-way. Dolby, il rêverait de pouvoir toucher la barre transversale comme on cueille un brin d’herbe en entrant sur le stade. Mais un jour, en Poussin, comme l’entraîneur ne savait pas où le mettre, il lui a crié du banc de touche : « Allez, mon gros, décroche la caravane ! »… Dolby sera donc gardien-remplaçant. Il s’assied toujours derrière la place mortelle, regarde à travers la vitre par-dessus l’épaule d’Attila, pour voir au loin, et il voit qu’un jour, c’est sûr, il sera comme Attila ! En La fille:Mise en page 1 18/06/15 16:08 Page14 14 LA FILLE DE LA VILLE attendant, il l’admire en secret dans le rétroviseur et répète à peu près tout ce qu’il dit. – Oh les gars, ça va derrière ?! demande Attila en se retournant sur la banquette. – Ça va derrière ! s’écrie Dolby en écho. – Pourquoi tu répètes toujours ce que dit Attila ? le sermonne Jmenba. – Je répète pas, je… je confirme. – Tu confirmes rien du tout ! – Laisse-le, Jmenba ! intervient Rouge-Gorge. – Quoi, laisse-le ? Il redit les mêmes conneries que l’autre devant, et en plus, il les redit en plus fort ! – Parce que toi, t’en dis jamais de conneries, toi ? se retourne Attila. – Si ! J’en dis des conneries. Mais c’est les miennes ! Elles sont fières mes conneries à moi, elles sont… – Pfff… – C’est bon, arrêtez ! se plaint Dolby. – Quoi ?! Tu nous dis c’est bon, arrêtez… le reprend Jmenba. – Ben oui, je vous dis c’est bon, arrêtez… – Tu nous dis c’est bon, arrêtez… alors qu’on s’engueule à cause de TOI ! – Arrête Jmenba, on n’est pas en train de s’engueuler, là ! revient Rouge-Gorge. – Si ! Si, on s’engueule. On s’engueule ! C’est comme ça que ça s’appelle ! Et c’est fait pour ça aussi, les copains. Ça sert à s’engueuler ! – Allez, c’est bon…, dit Dolby, qui ne sait plus où se foutre dans la banquette. – Non, y a pas de c’est bon ! Non, c’est pas bon ! – De toute façon, c’est toujours de ma faute, marmonne Dolby. LA FILLE DE LA VILLE 15 – Mais non Dolby, le console Rouge-Gorge. – Si, si. – Dolby ? fait Rouge-Gorge. – Hmm ? – Tu veux pas répéter la même chose que moi ? – D’accord. – C’est pas de ma faute. – C’est pas de ta faute. – Non : c’est pas de ma faute, Dolby ! – Mais… – Dolby ? se retourne Attila. – Quoi ? – Tiens. Et bing. Un steak. – Alors, mon vieux Dudu, t’as des couilles au cul ?! gueule Jmenba, accroché au siège conducteur qu’il secoue comme s’il cramponnait Dudu par le col. Peut-être qu’au fond de lui, tout au fond, il voudrait en faire un siège éjectable, et se téléporter devant, tourner la clef, les jantes chromées, le 140 d’une seule main… Le lièvre panique. L’herbe est tout écrasée ici, y a des coquelicots au sol. Attila en profite : – Partout où Attila passe… Il sourit, parce qu’il sait déjà qu’une petite voix va s’élever de derrière son épaule : – … l’herbe ne repousse pas ! Merci qui, merci Dolby. – Et ta connerie, elle repousse ?! Merde, v’la Rouge-Gorge qui s’y met ! Il a rouvert les yeux et voit le pauvre lièvre qui ralentit, épuisé, crevé, bientôt à plat sous la Deudeuche. – Hein ?! Qu’est-ce que t’as d… La fille:Mise en page 1 18/06/15 16:08 Page16 16 LA FILLE DE LA VILLE Attila se retourne, mais revient vite fait sur le lièvre : une bosse plus haute le ramène devant, une bosse avec une pente derrière, attention, ça descend : mais Dudu accélère encore, 80 en troisième, bordel c’est chaud ! La 2CV blanche dévale le champ comme une avalanche, le lièvre n’a plus de slalom dans les pattes. – T’as dit quoi, Rouge-Gorge ? ricane Dolby, qui aime bien faire l’interprète pour Attila – et parfois aussi, selon l’occasion, l’éclaireur, le goûteur, le meilleur copain de l’animateur. – Vos gueules, j’arrive pas à conduire ! On le tient… Hé ! On va le coincer en bas ! Ça descend vite, merde ! Quelqu’un sait ce qu’il y a, en bas ? – On s’en ballon d’ooor !!! Fonce, mon vieux ! Oh ! Ce taré de Jmenba, il a MIS SES MAINS SUR LES YEUX DE DUDU ! – Hein ?! – Jmenba a… ?! – OUI ! –… SUR LES YEUX DE DUDU !!! – Tiens, ça te fera des black Glasses, connaaard ! Ha ha haaaaaa ! – Arrête, Jmenba ! Putain, qu’est-ce tu fais ?! Dudu pense que ce dingue de Jmenba va encore lui boucher la vue une seconde ou deux, pas plus. Même Attila se marre avec Dolby dans le rétro. – Ha ha haaaaaa ! – Arrête, arrête ! – Ha ha haaaaaa ! – Putain ! Arrête maintenant ! J’y vois plus rien !!! Attila, oh, dis-l… Jmenba appuie plus fort ses doigts sur le visage transpirant de Dudu qui se débat, le volant commence à vibrer LA FILLE DE LA VILLE 17 dans ses mains. Il faudrait que Rouge-Gorge intervienne et l’arrête mais au lieu de ça, il ferme-ouvre-ferme-ouvreferme les yeux comme pour faire des appels de phares à son copain le lièvre, lui hurler : « Allez ! C’est le moment, vas-y file, va t’en loin ! » Alors pour en finir, Attila s’extrait de la place mortelle, se jette, essaie d’arracher les bras de Jmenba : – Putain, le con ! – Ch’ais pas où je vais ! gueule Dudu. Ch’ais pas où je vais ! Faites quelque chose, bordel !!! – Alors, les gros durs ?! On veut taquiner du lapin, mais dès que ça se corse, on a peur, hein ? On a peur !!! rigole Jmenba. – Mais t’es ouf, putain ! – J’m’eeen baaaaaats ! Ha ha haaaaaa ! – Freine, Dudu ! Freine ! crie Attila. Dudu freine pied au plancher, la caisse tortille du cul mieux qu’une danseuse sur un cube, le lièvre n’est plus très loin, sa queue semble essuyer la boue sur le parebrise et les étoiles dans les yeux de Rouge-Gorge. Ce coup de frein, c’est peut-être sa dernière chance… Dudu, lui, gueule le plus fort qu’il peut : – Quelqu’un sait ce qu’il y a en bas ?! Est-ce que quelqu’un SAIT ce qu’il y a en bas, bordel ?!? Attila tente tout ce qu’il peut pour dévisser les mains de Jmenba, aidé de Dolby qui du coup écrase RougeGorge avec son genou. – Oh ! Y a quelqu’un qui sait ce qu’il y a en bas OU PAS !?! Ça y est, les mains de Jmenba glissent enfin dans la sueur et les secousses et Dudu retrouve peu à peu la vue – mais avec un doigt dans l’œil !… Retour sur le lièvre : il est encore là ! Je vais te faire ta fête, sale petit enculé de mes deux. Dans La fille:Mise en page 1 18/06/15 16:08 Page18 18 LA FILLE DE LA VILLE la tête de Dudu, les oreilles du lapin portent les écouteurs deJmenbaVengeance !!! Coup d’accélérateur. Ça y est, les phares lui brûlent la queue, il a le feu au cul, il a le feu au cul, ses oreilles s’affaissent en feuilles mortes… … et dans son coin, Rouge-Gorge ferme les paupières aussi fort qu’on serre les poings. – C’est parti ! lance Dudu avec le calme de la vengeance. La Deuch’ dévale toujours la pente, bossue et cahotante. – Ouais ! Accélère ! Bute-le ! Bute-le ! Bute-le ! l’encourage Attila en appuyant à fond sur le tapis de sol. 50, 60. Le lièvre n’est plus qu’à deux-trois mètres, il a un pétale de coquelicot dans le dos, il peine à lever son arrière-train… Vous l’écraserez pas ! Vous l’écraserez pas ! Vous l’écraserez pas ! Non ! Vous l’écraserez pas !!!, se répète RougeGorge en respirant fort pour retenir ses larmes, presque aussi fort que le moteur. – Fais-lui la peau ! Alleeez !!! Fais-lui la peau ! hurle Attila en ouvrant sa vitre. – Ouais, j’y suis ! J’y suis !… Putain, ça descend vite, non ?!? Y a quoi en bas ?! Oh, les gars, y a quoi en bas ?! redemande Dudu, enfoncé dans le fauteuil en pilote de course, une main sur le levier de vitesse, les yeux féroces comme ses phares. – Tu l’as ! crie Attila, le torse sorti par la fenêtre. – Tue-le ! hurle Dolby. – Tu l’as ! – Tue-le ! – Tu l’as ! – Tue-le ! – Plus fort, le public ! rigole Dudu, électrisé. – TU L’AS !!! LA FILLE DE LA VILLE 19 – TUE-LE !!! – TU L’AS !!! – TUE-LE !!! – NOOOOOOON !!! hurle brusquement RougeGorge, et il s’arrache les semelles du frein à main, se jette sur le volant et le tourne d’un coup sec et désespéré, juste avant que Dudu mette le coup de grâce sur l’accélérateur. Mais, au même moment, dans un flash, L’Équipe se rappelle ce qu’il y a en bas de la pente. – LA RIIIVIÈÈÈRE !!!… – Ha Ha Haaaaaa ! La fille:Mise en page 1 18/06/15 16:08 Page20 LA 2 La même nuit, avec la même lune, ronde et pulpeuse. Juste un peu plus tard, avant le chant du coq, avant les croissants chauds, avant l’heure des poubelles. Une nuit où les couettes sont au placard, juste un drap fin qui finira par terre. Saint-Sav’ dort encore, il n’y a que le feu rouge au pont qui s’allume, mais rien qui roule dessus. Aucune enseigne ne clignote, la station-service ne prend pas les cartes bleues. Dans les rues, l’odeur du goudron et les trottoirs abandonnés, des volets tirés sur une fenêtre ouverte. Sur la place, La Flèche sonne toutes les heures. « La Flèche », c’est le blase de l’église, le petit nom du clocher – et quel clocher ! Gigantesque. La nuit, il fait du bilboquet avec la lune. Quand on quitte la nationale, la pancarte Saint-Savin dépassée, là où les arbres s’étirent au loin et où la rivière coule sans un bruit, on peut trouver des vers luisants dans les buissons du Rochangou et… cette nuit, cette nuit-là, un énorme projo monté au-dessus de la cabine d’une jeep qui écrase tout sur son passage. Des roues grosses comme des bobines de câbles haute tension, peinture tellement métallisée qu’elle se voit dans le noir. Stop. Sous le capot, ça se calme. La lumière jaune du projo s’agite dans le noir, s’allume, s’éteint, entre le laser FILLE DE LA VILLE 21 de boîte de nuit et l’appel de phares. Deux types sur la scène : un maigre comme un fil de fer se tient derrière, debout, et braque le faisceau vers le sol. Un autre, gros comme une bobine de barbelés, est assis au volant et regarde tout ce qui bouge. À cet endroit, l’herbe est écrasée : quelqu’un est déjà passé par là. Des traces de freins à retourner la terre pire qu’un socle de charrue, des coquelicots à l’agonie : un lièvre, une Équipe, une 2CV. – Ah merde, putain de lampe ! gueule sous sa casquette le gars debout derrière, canon de fusil de chasse en bandoulière dans le dos. Par la vitre ouverte de la jeep, l’autre gars sort sa tête, coude sur la portière, une montre plus brillante que les enjoliveurs. Grognement qui va bien avec le râle du moteur. Regard de sanglier. – Braque je te dis, braque là-d’ssus ! Sur le siège passager, la lune scintille sur un fusil canon court, lunette infrarouge et silencieux, des balles ont roulé contre le dossier. Ça y est ! Le faisceau pisse sa lumière jaune sur un tas de branches, de fougères, de bambous, que l’on a visiblement arrachés. – Ça cache quelque chose, ça ! grogne l’autre en ouvrant sa portière. Il sort son ventre de là, gilet à poches, bedaine prétentieuse. Le maigre, le gros. Les deux collègues se regardent, le fusil pas loin. Deux ombres qui braconnent sous la lune. – Fais gaffe, c’est peut-être dangereux, lui dit le maigre accroché à son projo. – Pfff… Arrête tes conneries, c’est juste un tas de branches…, répond le gros. La fille:Mise en page 1 18/06/15 16:08 Page22 22 LA FILLE DE LA VILLE – Je te dis que ça bouge, y a une bestiole là-d’ssous qu’a pas fini sa nuit ! Clac. Le projo s’éteint. La lune reprend ses droits et d’un coup, plus obscure est la lumière, comme des dents de piège brillent dans le noir. – Qu’est-ce que tu fais, oh ?! Tu crois que j’ai que ça à faire ! beugle le gros. – C’est pas moi, c’est… c’est… – Rallume je te dis, je vois pas où je mets les pieds ! – C’est pas moi, c’est… c’est… la nuit. Il tremble encore plus, ses ongles font des claquettes sur le fer du projecteur. Le noir partout, un nuage sur la lune. – Dis, tu veux pas prendre ton pétard ?… On sait jamais ! – Le pétard, c’est tout un art ! Tant que le gibier est vivant, l’homme reste un animal. Sur ces mots, le gros ramasse un bâton et, les pieds bien à plat sur la terre ferme, près du calme de l’eau où se reflètent les étoiles, balaie doucement les premiers branchages à sa portée. Les bambous et les fougères tombent un à un sur son ombre, il s’agite, s’approche, balaie encore, sabre même, éjecte tout, le bois, les feuilles, la mousse, la sève collante, bâton entre ses deux mains, de plus en plus vite. – Alors, tu vois quelque chose ?!…, demande le maigre, inquiet. – Oh, putain ! – Qu’est-ce qu’y a ?! – Une 2CV… Une Cyclope ! – Hein ?! 3 Juillet, un an en arrière. Quand on se rasait seulement sous les narines. Jmenba et Rouge-Gorge sont passés sous le grillage pour rentrer à la piscine. Les trois autres passent par la caisse : Dolby a craqué son t-shirt, l’autre jour, fini les acrobaties. Attila sort plus ou moins avec Samantha, la nana qui fait les entrées : il rentre à l’œil. Dudu préfère payer. – Ça fait deux euros chacun, dit dans son chewing-gum Samantha, justement, son carnet de ticket sous ses faux ongles. Autour d’elle, des paniers en plastique rouge pour ranger ses affaires. Attila, Dolby et Dudu attendent leur tour, l’un derrière l’autre mais ils n’ont qu’un seul et même regard pour trois : les yeux dans les poches arrière d’un short en jean. Devant eux, à la caisse, une fille cherche son porte-monnaie dans son panier, cheveux ultra-courts comme son short. Serviette autour du cou. Les trois derrière ne manquent rien du paysage – ça, Samantha l’a chopé au vol et ça ne lui plaît pas du tout. Dans ses yeux, elle voit trop bien l’ourlet du short en jean, l’horizon La fille:Mise en page 1 18/06/15 16:08 Page24 24 LA FILLE DE LA VILLE coincé entre ciel et terre… Enfin dans sa tête à lui, c’est plutôt le cul et les cuisses. Tous les trois se sont compris sans rien dire, savent que le spectacle est rien que pour eux ; Attila vérifie que sa p’tite couette est bien accrochée et que tout est en place sous les fleurs de son bermuda. Samantha voit tout, tout ça, broie son chewing-gum et égraine les secondes avec ses ongles sur le comptoir. Quand la fille sort enfin son porte-monnaie, ils jettent tous les trois leurs yeux dans le panier. Ses doigts. Une bague. Une seule. Énorme. Une pierre. Ses ongles, sans rien, sans vernis. Elle déplie… un billet ! 10 euros !… Un billet de 10 euros ! – Vous n’avez pas plus petit, parce que là on vient d’ouvrir et là j’ai pas la monnaie…, râle Samantha avec son chewing-gum. Cette fille, elle n’est pas d’ici. Quand tu as 16 ou 17 ans, que tu habites Saint-Sav’ et qu’ils n’ont pas voulu te prendre au castrage de maïs pour l’été, 10 euros pour la piscine, ce n’est pas possible. Même Dudu, ça ne lui est jamais arrivé. Ici, l’argent il tombe là où tu récupères la monnaie dans le distributeur de canettes – et le plus souvent, tu ramasses que de la poussière. La fille se tourne pour mieux regarder, dévoile son visage, renifle du bout du nez. Une mèche de cheveux fait des pointes tout près de son oreille. C’est une fille que t’embrasses les yeux ouverts ça, s’imagine Attila. Elle cherche encore dans son porte-monnaie. Attila, cherche aussi quelque chose : un tatouage, un piercing, un trou dans son short en jean. Mais rien. Samantha met sa joue dans ses doigts et défonce du regard son bel Attila, qui ne fait pas attention. Pas attention à elle. La fille change de jambe d’appui, jolie jambe, elle passe distraitement LA FILLE DE LA VILLE 25 une main sur son short, sans doute pour chasser ces yeux qui tournent autour de son cul. La bretelle de son haut tombe de son épaule. – Tu vois mon pote, ça c’est une fille qui cache bien son jeu…, dit tout bas Attila à Dolby. Dolby fait mmm-mmm du menton mais on voit bien à sa bouille qu’il n’a pas compris, Attila s’en rend bien compte. – Ça c’est une fille qui cache bien son jeu ! redit Attila, cette fois à l’oreille de Dudu, en lui montrant l’ourlet du short et tout ce qu’il y a en dessous, tout ce qu’il y a au-dessus, de la tête aux claquettes. – Je verrais bien ses pieds sur ma boîte à gants…, répond Dudu, les yeux bleus comme les poches arrière du jean. Oui. Il l’imagine à côté de lui dans la voiture, attachant sa ceinture de sécurité entre les seins tandis que tombe sa bretelle. – C’est toi, la boîte à gants. Tiens : air-bag ! Et bing, un steak. Ça te fait sortir vite fait de tes rêves. – Oh ! – Chut ! Le pauvre Dolby ne veut surtout pas qu’elle se retourne, ça lui fait trop peur une si belle créature, la dernière fois qu’il a été si près d’une fille c’était, c’était… en CM2, quand il fallait se mettre en rang par deux ! C’est vrai quoi, là, juste devant lui, si elle se retourne elle va le regarder, elle va voir qu’il est gros, elle va voir qu’il a honte, et si jamais elle leur parle, c’est sûr que lui, elle ne le regardera pas. Jamais une fille ne l’a regardé. Rien que d’y penser ça lui fait trembler les jambes, alors c’est aussi bien qu’elle leur tourne le dos. La fille:Mise en page 1 18/06/15 16:08 Page26 26 LA FILLE DE LA VILLE – Non, désolé, j’ai pas de monnaie. Elle a parlé. Silence. On entend des enfants rire et se jeter à l’eau. Derrière le comptoir, Samantha fait une bulle, l’éclate dans sa bouche. – Excusez-moi… La fille devant s’est retournée soudainement. – Vous auriez pas la monnaie ? Sa voix n’est pas pointue comme des talons, on n’entend pas les Grands Boulevards, la grande ville, Paris, ou Lyon ou peut-être Marseille, enfin, une ville de ligue 1, quoi. Sa voix est sucrée-salée, une figue avec ce qu’il faut de poivre. De grands yeux verts et un grain de beauté à chaque œil. Dolby sursaute, c’est lui qu’elle a regardé en premier – et sans tourner la tête pour envoyer très vite son regard ailleurs : elle l’a regardé normalement, même pas comme un gros gâteau, elle l’a regardé dans les yeux. Ceux d’Attila, eux, descendent dans le cou doré de la fille, mais elle a un haut sans décolleté ou plutôt des seins qui n’ont pas besoin de décolleté. Avec ses cheveux courts – Châtains dira Dudu, Non elle est plus brune, ça c’est Dolby, Moi j’en ferais bien ma blonde, là on sait qui c’est. Cette coupe, les petites mèches sur les tempes, ça lui fait un visage qui a trempé son doigt dans la confiture. Elle sourit, à peine. Leurs yeux s’ouvrent si grands qu’ils pourraient la prendre tout entière. Elle a mis le bout de ses doigts dans les poches, ses bras fins comme une bretelle de sac à main et musclés pour faire des bras d’honneur. Tu le sens, qu’elle a les deux : douce et faut pas me chercher. Vite, on reprend ses esprits, on regarde LA FILLE DE LA VILLE 27 si on a quelque chose, même si on sait que… on sort les mains des poches, on tâte. Non, rien, on s’escuz’. Bon, c’était tout vu, l’argent de poche on ne connaît pas ici. Elle voit les regards désolés, les mains qui se retournent et claquent dans le vide, tant pis. Attila doit se ressaisir, merde, il est le chef… une main dans la nuque, est-ce que sa p’tite couette est bien faite ? Bombe le torse et ne souris pas, qu’il se dit. Ils cherchent encore, mais à part un papier de bonbecs et un briquet… rien. Ça craint. Personne ne peut dire On n’a que deux euros, c’est la honte devant une nana qui te claque un billet de 10 pour une entrée de piscine ! Dolby sent que son short lui rentre dans les fesses, il passe une main discrètement pour le sortir de là. Dudu sait qu’il y a quelque chose qui ne va pas : son bermuda pour jouer au golf, là… pfff… une ceinture en plein été, et un polo, un polo attaché jusqu’en haut ! – Bon, vous pouvez laisser passer les gens ?! une voix chewing-gum et salive s’élève, jalouse. Ils ont quatre euros – Attila n’a rien pris avec lui –, quatre petits euros qu’ils serrent au creux de leur main parce qu’ils ont trop envie de les lui donner. Dudu regarde une dernière fois dans sa banane où il met sa crème solaire. Pour l’honneur, il ouvre la petite pochette devant. Non, désolé. La fille fait aïe avec les lèvres. Ses jambes, elle les enroule l’une dans l’autre, ça fait remonter son short et ça tire sur son haut, elle a du soleil couchant dans l’épaule. – Vous, je vous mets trois entrées, demande Samantha aux garçons, sans poser la question. Elle est bien décidée à faire payer Attila. Merde alors, elle a eu beau tirer sur son décolleté, il ne l’a pas regardée La fille:Mise en page 1 18/06/15 16:08 Page28 28 LA FILLE DE LA VILLE une seule fois ! Hé ben maintenant, c’est fini de rentrer gratos, tu sors les sous ! Attila gonfle ses narines de colère et serre la mâchoire. Et… – Attendez ! Quoi ? – Je paie pour vous… 1, 2, 3 entrées plus une pour moi, ça fait 8 euros. Hein ? Les trois têtes se regardent comme quand tu mets tes essuie-glaces sous le soleil à la place du clignotant. Ils ne comprennent pas, mais alors pas du tout. Qu’est-ce qu’il lui prend, on se connaît pas et elle va nous payer nos entrées !? Ça se fait pas ! Une fille, ça paie pas pour un mec ! Attends, hey, si tu vas au bar, c’est le gars qui te paie ton jus de ch’ais pas quoi, sinon c’est la honte ! Et puis en plus, tu casses pas ton billet pour des gens que tu n’as jamais vus ! Ici, un sou est un sou, comme on dit, on a un cahier de dépenses dans le buffet de la cuisine et on fait plus confiance au carnet de chèques qu’à la carte bleue ! Quand même. Elle repasse devant eux, Dolby respire à fond pour rentrer son ventre et choper son parfum qui lui rappelle la poudre des pétards qui reste sur les doigts… Elle est sûre d’elle, encore plus de seins que tout à l’heure, se penche sur le comptoir comme si elle allait commander un cocktail et claque son billet de 10 comme un carré d’as au poker. Ils ne savent pas quoi dire, même Attila reste muet. – Ça sera quatre entrées, s’il vous plaît. Derrière la caisse, le chewing-gum est mort sous la langue. Samantha craque quatre tickets, rend une pièce de deux, donne un panier rouge pour mettre les affaires. La fille chope son ticket, son panier et… LA FILLE DE LA VILLE 29 – Les deux euros, c’est pour le sourire ! … se retourne vers les garçons… – Merci ! … qui restent plantés, la bouche ouverte. La fille s’en va vers les cabines, applaudissements dans les claquettes, tangue le bleu en haut de ses jambes comme quand tu regardes trop longtemps le fond de la piscine. – Les femmes, c’est de l’autre côté, lance Samantha, les coudes sur le comptoir. – JE SAIS ! Ses poches en jean n’ont pas fait demi-tour. On a entendu la porte d’une cabine se refermer et en se tenant la tête, les garçons ont entendu la mer. Personne ici n’avait encore signé son nom comme ça : La fille de la ville. Tu la vois, tu fais un vœu.