NEA Say ...173 - EU

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NEA Say ...173 - EU
NEA Say ...173
La défense du maintien du Royaume Uni dans lUE : la lutte contre la
corruption, une opportunité pour la gauche anglaise ?
La tension monte dans la presse anglaise alors que le 23 juin approche et que le dernier sondage publié par la société
de conseil MORI révèle que lappel des britanniques aux urnes est en train de suggérer de plus en plus léventualité de
consultations pareilles dans les autres États-Membres. À la fin de Mai le coude à coude en faveur de lélectorat
britannique est de plus en plus serré : 46% voteraient pour le maintien dans lUE, 43% pour la sortie, selon une
estimation publiée par le Financial Times. Des études diverses se multiplient pour essayer de mieux comprendre quel
coût entraînera le Brexit, à la fois en considérant les effets sur le bien-être des citoyens britanniques et les immigrés
sur sol anglais, à la fois en essayant de comprendre quelles seront les conséquences pour le reste de lUnion
Européenne après ce départ éventuel.
Dans la presse anglaise, le sujet du Brexit a été jusque là abordé principalement par rapport à trois thèmes ou
politiques : la politique économique, la politique migratoire et la sécurité. Globalement, pour chacun de ces
domaines la position des Brexiters a été celle de récupérer une marge de manuvre en sortant de lUE, pour
optimiser lengagement britannique en terme de ressources désinvesties du cadre européen en les injectant à
nouveau dans des politiques axées sur des actions susceptibles de bénéficier aux citoyens britanniques. Le parti
du «On Reste » a insisté sur les coûts additionnels que les sociétés britanniques et européennes auront à souffrir
du point de vue économique et social. En particulière, le discours sur la migration a été instrumentalisé, en insistant
sur les bénéfices que les flux migratoires apportent en terme doffre de main d'oeuvre pas chère (seulement dans
quelque cas on a souligné la valeur de la migration des travailleurs hautement qualifiés). À loccasion de la visite au
Parlement Européen de lancien Premier Ministre et secrétaire du Parti Travailliste Gordon Brown, le Président du
Parlement Européen, Martin Schultz, a souligné que « le débat sur le Brexit et ses conséquences ont pris une
dimension simplement économique, avec un langage qui relève de plus en plus de la comptabilité ». La visite de
Brown au Parlement Européen à Bruxelles, organisée par le groupe du S&D le 25 Mai, a montré, au-delà de
la rhétorique, quil y aurait encore une marge dinfluence dans le débat, une fenêtre dopportunité que le Parti
Travailliste devrait occuper. Or, un positionnement clair dans le débat public ne sest concrétisé que tardivement,
avec la tiède déclaration du leader travailliste Jeremy Corbyn du 14 avril 2016. Le discours de Corbyn, qui avait
voté contre l'adhésion du Royaume-Uni à l'UE lors du référendum de 1975, était très attendu, alors que le résultat
a été estimé trop fade même au sein de son parti. Sil a déclaré que « le Labour est majoritairement en faveur d'un
maintien parce que nous estimons que le projet européen a apporté emplois, investissement et protection aux
travailleurs, aux consommateurs et à l'environnement», son ami de longue date Tariq Ali, écrivain vétéran de
gauche, qui connaît M. Corbyn depuis 40 ans, a dit au journal New Yorker de ne pas avoir de doute sur le fait que
le secrétaire aurait plutôt continué à sopposer aux conditions de participation du RU à lUE et que son attestation
relèverait plutôt dune opposition forte à la frange conservatrice du mouvement Vote Leave. Dans ce scénario,
lintervention de M. Brown a indiqué une voie précise pour son parti dappartenance. Pour lancien premier ministre,
la vraie question du rapport Royaume-Uni/UE ne tourne pas autour du « membership », mais plutôt du « leadership
» : comment le Royaume-Uni pourrait-il jouer un rôle capital dans lUnion Européenne (car il ne serait pas question
de sortir) ? D'ailleurs il a bien avoué comprendre la réaction de lélectorat et les stratégies des politiciens qui
comptent en faire leur fortune mais pour lui il ne sagirait que dune réponse émotive au plus complexe phénomène
de la globalisation et à toute conséquence que ça entraîne pour la politique du Royaume-Uni. Contre les
nostalgiques de la grandeur de la Grande Bretagne au centre du Commowealth, lancien secrétaire se contente de
répéter la vielle leçon du fédéraliste italien Mario Albertini, c'est-à-dire qu'en Europe désormais lEtat National est
un organisme trop petit et dépourvu de forces pour faire face a lenjeu de la dimension globale des phénomènes
auxquels la classe politique est censée sadresser. Si on regarde la taille de leffort nécessaire pour gérer les flux
économiques, les flux migratoires, ou encore assurer lintégrité des citoyens face à la menace terroriste, la seule
réponse rationnelle est, selon M. Brown, « la coopération, et lUnion Européenne est le cadre idéal pour développer
cette stratégie ». La vraie question nest donc pas « qu'est ce que lEurope peut faire pour le Royaume-Uni » mais,
au contraire, quel apport devrait amener le Royaume-Uni à lEurope pour répondre aux défis contemporains ? La
réponse, qui bien sûr est  liée avec un rejet de la proposition dabandonner le consortium des 28, est de
promouvoir en 2017 « une présidence britannique 100% européenne ». Comme le calendrier du Conseil prévoit
que de juillet à décembre ce soit le Royaume Uni à la tête de linstitution, M. Brown a développé des points précis
pour le futur mandat de son gouvernement. Cet agenda positif et progressiste est articulé autour des cinq points ou
lignes daction suivants : 1. Création demploi ; 2. Développement dune véritable Union Européenne de lénergie et
de lenvironnement ; 3. Lutte contre le terrorisme. 4. Renforcement des droits sociaux ; 5. Lutte contre les paradis
fiscaux. Évidemment la lutte contre le terrorisme est dune importance capitale, et laction en ce domaine devrait se
développer dune façon harmonisée entre la politique de sécurité et sa déclinaison en matière de coopération
judiciaire et de garde-frontières dun côté, et une véritable sécurisation des lieux dorigine des migrants. « La misère
et le manque dopportunité poussent les gens à la fuite » a-t-il spécifié, en proposant un plan concret de
financement de lUnion : « On devrait assurer un nouveau pacte entre lUnion et les populations du Moyen Orient en
lançant un nouveau Marshall Plan », en soulignant que le budget de ce fond devrait être supérieur à celui des
fonds déjà disponibles. Mais le rôle pivot de la présidence britannique que rêve M. Brown est celui de champion de
la lutte contre la corruption et le recours aux paradis fiscaux. En faisant de çet objectif un véritable drapeau de
transparence et de justice sociale, lUnion Européenne regagnerait son image de « communauté pour le bien être
du citoyen », une image perdue pendant la gestion néolibérale de la crise financière et économique qui a intensifié
linégalité économique et les désavantage pour les catégories sociales plus dépourvues. Selon Gordon Brown, la
lutte contre les paradis fiscaux devrait être accompagnée d'un effort plus sévère pour la soumission des
entreprises multinationales à la fiscalité et au droit de travail là où ils réalisent leurs profits (dans chaque
État-membre) pour équilibrer l'inégalité croissante face aux lois du marché globale. Le gouvernement du Royaume
Uni alors à la présidence du Conseil jouerait alors un rôle magistral en couplant la lutte européenne avec leffort au
niveau national de combattre lentrée des capitaux blanchis aux Caïmans et simili dans ses circuits financiers.
Comme montré par divers think thank en 2015, chaque année des centaines de milliards de dollars de provenance
criminelle sont à être blanchis à travers les banques du Royaume Uni et leurs filiales (National Crime Agency),
pendant que le marché immobilier en expansion continue  à assumer la fonction de stockage des capitaux
(Transparency UK). Les estimation des ONG sont arrivées à un montant présumé de 57 milliards de sterling
recyclés chaque année, soit 74 milliards deuros. Selon Transparency International, en 2015 à Londres, dans une
zone de 6 km carrés, on comptait 36.342 immeubles qui relevaient de sociétés offshores de couverture.
Actuellement, 75% des immeubles au Royaume Uni sont sous enquête judiciaire. Dans la capitale, 90% des
immeubles de propriété des entreprises étrangères sont enregistrés auprès de paradis fiscaux. Le tango entre
ladministration londonienne et les titans de limmobilier a commencé en 2013 à Cannes, où le premier maire de
Londres choisi par élection, Ken Livingstone, allait pour rencontrer un collectif dentrepreneurs auxquels il promit le
potentiel pour de très bons profits et laval pour la construction des tours the taller the better qui sont aujourdhui au
centre des polémiques. Qu'on les considère dun point de vue esthétique ou sociologique, ces tours ne sont pas
intégrées dans le tissu urbain et social de Londres et restent souvent inoccupées. Comme repris par The Guardian,
le vrai problème derrière la « chirurgie drastique infligée à la ville » est le manque de transparence, car un plan de
régulation avec des limites par rapport à la localisation des nouvelles tours ou de leur hauteur na jamais été publié.
« Personne n'a pris soin de leur apparence ou volume, leur signification civique ou le rôle quelles allaient jouer
dans la vie de la capitale. Autour de 80% des bâtiments approuvés étaient des appartements de luxe, précisément
commercialisés comme des spéculations en Asie de lEst ». Si à lépoque David Cameron dénonça cette initiative
en tant que poursuite de grandeur fasciste, sa montée au pouvoir na pourtant rien changé, tout a été vite oublié,
car la lobby des constructeurs à Londres est simplement trop puissant. Mais qui se cache derrière cet enjeu de
pouvoirs et de béton ? Récemment, lexpert international des modèles économiques de gestion daffaires par la
criminalité organisée, le journaliste italien Roberto Saviano, auteur de Gomorra et de ZeroZeroZero, a fait
beaucoup de bruit dans la presse internationale en déclarant lors du festival littéraire de Hay-on-Wye que « Si on
demande quel Pays est le plus corrompu au monde, la réponse la plus immédiate sera influencée par le niveau de
corruption perçu. On pourrait penser au Mexique, aux Pays latino-américains ou africains, au Moyen-Orient, à
lItalie. Au contraire, le plus corrompu est lAngleterre, mais il ne sagit pas dun type de corruption qui concerne
ladministration publique, les policiers, les maires, mais dune corruption qui est de la même nature que le système
économique. Le système anglais est alimenté par la corruption. Et dans toute cette affaire le gouvernement et les
citoyens britanniques nont pas réalisé cette émergence dans le Pays ». Selon Saviano, toutes les organisations
criminelles qui ont atteint désormais léchelon international sont aujourdhui silencieusement présentes dans la
capitale anglaise. En 2013 une étude fondée sur des enquêtes menées par Transcrime, le Centre de Recherche
transnational de lUniversité Cattolica de Milan, a montré que toutes les principales organisations mafieuses dItalie
ont développé leurs affaires à Londres. A lheure du désengagement de lEtat dun welfare véritablement universel
au nom de la durabilité financière des comptes publics, le scandale des Panama Papers, qui a touché directement
le premier ministre David Cameron et jeté une ombre sur le Parti Conservateur en tant que défenseur de la grande
propriété immobilière, financière et à la fois spéculatrice, a renforcé le mépris et la méfiance des citoyens envers la
classe politique au pouvoir. Dune certain façon, cette méfiance est similaire au sentiment de plus en plus répandue
 en Europe dune Union Européenne de plus en plus inefficace, lUnion Européenne des bureaucrates que ne
parvient pas a formuler des politiques calibrées sur la réalité de la vie des citoyens, lUnion Européenne qui impose
des limitations et des coûts pour lindividu moyen, lUnion qui impose laustérité mais qui permet les grand profits des
multinationales et la fuite dune partie légitime de la fiscalité ailleurs. En bref, lUnion Européenne que lélecteur
désinformée pourrait rejeter lors dun référendum. Dans ce peu de temps avant  le 23 juin, une véritable
campagne de soutien à une Grande Bretagne qui participe à lUnion devrait se focaliser sur un message fort et
claire de changement du statu quo où nage lUnion maintenant, de réagir au manque de solution efficaces en se
proposant comme propulseur, tout en bénéficiant, bien sûr, des avantages que comporte le fait de faire partie de
lUnion. En tirant une leçon des campagnes référendaires (Pays-Bas) et présidentielles (Autriche) de cette année,
les partisans du maintien devraient essayer une communication plus simple et efficace, plus proche de la majorité
des citoyens, dont les contenus (donnée et projections statistiques) soient plus compréhensibles. Un vrai
programme anti-establishment, comme celui indiqué par M. Brown, ne pourrait pas être soutenu par la fraction
anti-Brexit des Tories, déjà divisé et dont le leader est couramment mis en cause. Au Labour de jouer.  
Francesca Sanna Pour en savoir plus : · « Revealed: 9% rise in London properties owned by offshore firms, The
Guardian,
http://www.theguardian.com/money/2016/may/26/revealed-9-rise-in-london-properties-owned-by-offshore-firms · «
Britain is most corrupt country on Earth, says Mafia expert Roberto Saviano, The Telegraph,
http://www.telegraph.co.uk/science/2016/05/29/britain-is-most-corrupt-country-on-earth-says-mafia-expert-rober/?cid=sf27215
· « La mafia silenziosa alla conquista di Londra », La Repubblica Esteri,
http://www.repubblica.it/esteri/2016/05/26/news/saviano_mafia_londra-140616042/ · « Londons empty towers mark
a very British form of corruption, The Guardian,
http://www.theguardian.com/commentisfree/2016/may/25/london-empty-towers-very-british-corruption-tainted-wealth
· « Brexit would be 'very dangerous' for the NHS, health service chief executive warns, The Telegraph,
http://www.telegraph.co.uk/news/2016/05/22/brexit-would-be-very-dangerous-for-the-nhs-health-service-chief/ ·
Devastating MORI poll shows Europe's peoples share British rage over EU, The Telegraph,
http://www.telegraph.co.uk/business/2016/05/10/devastating-mori-poll-shows-europes-peoples-share-british-rage-o/
· Jeremy Corbyn 'would be campaigning for Brexit if he was not Labour leader', says long-time ally Tariq Ali, The
Independent,
http://www.independent.co.uk/news/uk/politics/jeremy-corbyn-would-be-campaigning-for-brexit-if-he-was-not-labour-leader-sa