l`oiseau chanteur - Théâtre des Marionnettes de Genève

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l`oiseau chanteur - Théâtre des Marionnettes de Genève
Théâtre des Marionnettes de Genève
Dossier pédagogique – saison 2013 - 2014
L’OISEAU CHANTEUR
Création du Théâtre des Marionnettes de Genève
DU 30 NOVEMBRE AU 18 DÉCEMBRE 2013
Texte, scénographie et mise en scène:
Guy Jutard
Interprétation : Didier Carrier
Marionnettes : Christophe Kiss
Assisté de : Adrien Jutard
Marionnettes à fils
~ 50 minutes
Dès 4 ans
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Le spectacle
1. L’histoire
De bon matin, juché sur son vélo,
Monsieur Fernand part au boulot. Ce
sympathique peintre en bâtiment
rencontre alors un oiseau gris bien
décrépi et à bout de souffle. Il
l’emporte avec lui et, le soir venu,
l’oiseau lui confie sa surprenante
aventure. Dans son royaume en or,
là-haut dans les nuages, il est tout
en or et chante en prime time pour
les hommes, qui font la sourde
oreille. Alors, le volatile vole vers la
ville pour compter en chansons les
mystères de son beau pays. Le
périple se révèle périlleux ; notre
héros ailé y perd ses précieuses
L’Oiseau chanteur
plumes plaquées or. Dans la cité en
construction, le zoziau croise ici un facteur, là une fleuriste au fil de cocasses rencontres. Son ami
Ferdinand parviendra-t-il à l’écouter et à le sauver de la grisaille ?
Au centre de son castelet circulaire aux images inspirées des toiles de Fernand Léger, le
comédien se fait malicieux conteur et manipulateur de marionnettes à fils aussi rondes
que les personnages du peintre. Evoquant avec poésie les thèmes du dialogue et des
apparences, ce savoureux spectacle se joue dans un décor mobile, qui se déploie
magnifiquement au rythme du récit. Ce spectacle est une évocation poétique sur les
thèmes du dialogue et de l’apparence.
2. Modernité des couleurs et des formes
Il y a de nombreuses années – bien avant mon travail sur les peintres – j’avais écrit et joué un Oiseau
d’or inspiré d’un texte sur les moineaux – oiseaux des villes – de Karl König et d’un poème sur la
métamorphose des couleurs du poète suisse de langue allemande Albert Steffen.
L’histoire était une aventure colorée : perte d’un monde originel doré, passage par le gris, découverte
des couleurs et de leur individualité, puis union des couleurs dans l’arc-en-ciel.
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J’ai conservé l’architecture de cette histoire. Arrivant à Genève, j’ai voulu prendre en compte les
spécificités du Théâtre des Marionnettes de la rue Rodo : le fil.
Au cours de mon avance dans l’étude du projet, Fernand Léger s’est imposé comme maître d’œuvre.
Chantre de la ville, de la ville colorée, le lien était évident avec notre conte.
Pour les marionnettes, le graphisme des personnages de Léger permettait une réalisation en
volume, avec articulations apparentes, particulièrement bien adaptée à la technique de la
manipulation à fils.
Pour le décor, carré, cercle et triangle devaient apparaître clairement : image carrée à la face,
ronde au sol (la partie centrale de la scène est circulaire et mobile), trois images successives de
lieu (triangle sur la scène circulaire). On retrouve ainsi dans la scénographie les fondements
artistiques de l’œuvre de Fernand Léger.
Les matières : bois toilé pour le décor et résine polyester stratifiée et recouverte de gel coat
coloré pour les personnages.
Guy Jutard
3. La Ville, de la grisaille à l’éclatement des couleurs
Monsieur Fernand arrive, joyeux et sifflotant, sur son beau
vélo à la Prévert. Il a gardé de l’enfant cette aptitude à
comprendre intuitivement les êtres et à devenir le complice
des oiseaux. Sa silhouette burlesque oscille entre l’étrangeté
des personnages inventés par Fernand Léger, qui adorait la
bicyclette et peint de nombreuses cyclistes notamment, d’une
part, et la cocasserie des figures de facteurs imaginées par le
cinéaste et acteur Jacques Tati.
Tout de blanc vêtu, comme il sied à un peintre industriel en
bâtiments, il s’installe entre les panneaux subtilement
graphiques et puissamment colorés pour conter l’odyssée et
l’histoire de l’oiseau doré. Fernand a beau avoir un chant de
piaf dans la tête qui lui enchante le cœur, il raconte la triste
histoire d’un oiseau, un temps, abonné au malheur. N’a-t-il
pas perdu bien des plumes au cours de sa périlleuse odyssée
depuis son cher Pays doré ? L’or de son ramage, la ville
industrieuse et ses fumerolles l’ont transformé en plumes
couleur plomb. Et dans la cité grise, le volatile n’est guère
écouté pour dévider ses chroniques, souvenirs et impressions
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L’Oiseau chanteur
de ses nuages en or plaqué. Le ferronnier doit modeler sa ferraille afin de bâtir une cité, le savant
scruter ses planètes, la fleuriste écouler ses roses. Et le gros minet a d’autres digestions à l’esprit. Trop
occupé, personne n’a le temps ou la possibilité, telle cette vieille dame sourde, de prêter l’oreille à ces
récits faufilés d’or par le moineau. L’oiseau pourra-t-il retrouver sa voix entravée, son chant oublié ? Et le
peintre amoureux réalisera-t-il son rêve de ripoliner sa cité en multicolore ?
La scène s’ouvre sur un kaléidoscope de formes géométriques et de couleurs pures
fabuleusement animées. Faites de beaux volumes savamment articulés, les marionnettes
lustrées par un gel coloré se révèlent astucieusement pimpantes et flashy dans une
atmosphère d’heure bleue propice à la rêverie. Ces figures évoquent les personnages peints
par Léger ainsi que sa fascination parfois un brin inquiète pour la ville. Évoluant dans une sorte
de manège miniature, l’acteur montreur de marionnettes sait, lui, se faire ventriloque pour
insuffler les voix à une fleuriste poussant la chansonnette à l’heure de la cueillette ou à un
facteur à l’uniforme jaune solaire. Le tout vire au noir et blanc, dans un premier temps, pour
l’oiseau chanteur qui a cassé la voix, avant de renouer avec sa splendeur des débuts, les
couleurs vives impulsant mouvement et dynamisme aux différents tableaux. « L’Oiseau
chanteur » croise les thèmes de la rencontre, de l’apparence et les vertus du seul temps qui
existe, celui de la rencontre. En faisant jouer de fluide manière, les formes, le rythme et la rime,
le spectacle n’oublie pas que la principale source d’inspiration de Léger est la musique. Même
si le peintre moissonna aussi parmi les dessins d’enfants aux géométries primaires. L’esprit de
finesse domine les déplacements, souvent aériens, des marionnettes. Il est libre, l’oiseau…
4. Histoires de couleurs
Entretien avec Guy Jutard, metteur en scène
Qu’avez-vous retenu de Fernand
Léger pour les décors et figures de
L’Oiseau chanteur ?
Guy Jutard : C’est un travail autour de
son œuvre peint sans se concentrer sur
un tableau en particulier. Il est intéressant
que l’aventure urbaine de l’oiseau rejoigne
l’approche de Léger de l’univers de la
ville, du monde ouvrier. On y voit les
constructions, les compositions données
par les feux de circulation, les enseignes
lumineuses, les perspectives
qui
émanent de l’architecture. Le peintre s’est
aussi passionné dans la saisie de
paysages. Ainsi l’une des faces du
L’Oiseau chanteur
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castelet représente un jardin avec des arbres peints comme des cheminées d’usine.
Le premier personnage marionnettique, ce « ferronnier haut perché », comme le désigne l’oiseau,
a des gestes mécaniques.
G. J. : Cette façon de traiter les volumes dérive évidemment d’une époque marquée par le cubisme.
« Tout n’est que carré, cercle et triangle ». Cette phrase de Cézanne est essentielle et court en filigrane
sur l’ensemble du travail de Léger fasciné par la vie de la ville industrieuse. Ces volumes assemblés font
de ces personnages des icônes industrielles modernes.
Lorsque l’oiseau d’or venu d’un autre monde déboule au cœur de la cité, il perd sa couleur dorée en
entrant dans la grisaille de la ville. C’est toute la démarche de Léger que d’avancer que la ville n’est pas
uniment grise, mais éclatante de couleurs. Ce que veut d’ailleurs Monsieur Fernand dans L’Oiseau
chanteur n’est-il pas de peindre sa ville aux couleurs de l’arc-en-ciel ?
Monsieur Fernand fait à plusieurs reprises le tour de la palette colorée de Léger. «Les maisons
rouges et les toits bleus… Portes jaunes et fenêtres oranges », souligne-t-il.
G. J. : C’est une manière de parcourir le tableau et ses couleurs. Ce spectacle est aussi une histoire de
couleurs, où l’on perd l’univers iconique, doré, édénique afin de s’immerger ensuite dans la dimension
de l’arc-en-ciel. Entre les deux, se développe une forme de passage au gris, celui du plumage de
l’oiseau.
A chaque personnage croisé s’associe une nature colorée singulière. Les rencontres que fait l’oiseau
chanteur sont constituées de personnages à dominante colorée. Le spectacle progresse ainsi à travers
les couleurs de l’arc-en-ciel. Voici le rouge qui insuffle une caractéristique proche de Mars, le Dieu de la
guerre, avec cette figure d’ouvrier-bâtisseur frappant avec son marteau sur la structure métallique. Ici, le
vert vénusien propre à la marchande de fleurs. Là, un bleu saturnien accompagne la grand-mère avec
ce personnage d’ancien. Ne dit-on pas « vieux comme Saturne » ? Le violet est associé au savant qui
scrute les astres. Et le jaune est la couleur du facteur, personnage mercuriel, qui fait le lien entre ville et
campagne en portant le courrier et les nouvelles.
Propos recueillis par Bertrand Tappolet
5. La Marionnette à fils
La manipulation à fils reste un domaine à part dans l’univers des formes manipulées. Souvent taxée
d’académisme ou de vérisme, la marionnette à fils est parfois représentative d’un théâtre désuet et sa
technique – complexe et exigeante – rebute un grand nombre de manipulateurs. Peu présente dans la
création marionnettique contemporaine, la technique « à fils » (fils longs, fils courts) mérite cependant
d’être approchée avec un œil neuf, tant elle recèle de potentialités dans le domaine de l’art du
mouvement.
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Les figurines sont suspendues à des fils par plusieurs points d’attache (notamment au niveau des bras
et des jambes). Le manipulateur peut ainsi leur donner vie par des mouvements en apparence très
simples, mais qui nécessitent une véritable connaissance du métier. Ce type de marionnette est aussi
appelé fantoche. Les plus complexes et les plus raffinées sont en Birmanie, en effet, ceci relève des
intentions scéniques, leurs danses ne sont pas reproductibles par le corps humains ce qui implique des
marionnettes dont la fabrication pousse le facteur à articuler jusqu'aux doigts des personnages.
L’Oiseau chanteur présente une mise en scène calquée sur l’univers du peintre Fernand Léger. Elle
reprend par conséquent des éléments pour placer l’histoire dans ce contexte tout en restant dans une
actualité beaucoup plus contemporaine liée à la pollution urbaine et aux changements climatiques
affectant tant l’homme que les animaux.
6. Les Résonances du spectacle avec l’œuvre de Fernand
Léger
Alors le sémaphore fait un signe.
Un œil bleu s’ouvre.
Le rouge se ferme.
Tout n’est bientôt que couleurs.
Compénétration. Disque. Rythme. Danse.
Un orangé et un violet se mangent.
Blaise Cendrars, Profond aujourd’hui, 1917
La manipulation à fils reste un domaine à part
dans l’univers des formes manipulées. En
insufflant du mécanique dans le vivant dans
des marionnettes construites à partir de
volumes coloré l’univers marionnettique
rejoint les principes de composition de
Fernand Léger.
Fernand Léger s’est voulu peintre de la
modernité, de la mécanique, de la ville
laborieuse. Il a représenté le monde des
travailleurs dans une réelle transposition
artistique. On retrouve ainsi dans le décor
son travail pictural des années vingt, parmi
lesquelles :
Fernand Léger, Les Loisirs sur fond rouge, 1949
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Disques dans la ville (1920)
La Gare (1923)
La Ville (1920)
Le Pont du remorqueur (1920)
Paysage animé (1921)
Pour les personnages, on retrouve :
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La Lecture (1924)
Les trois Musiciens (1925)
Trois Femmes sur fond rouge (1927)
Les deux Sœurs (1935)
Les Loisirs (1948)
Le Campeur (1954)
Composition aux oiseaux (1955)
On n’oubliera pas non plus la bicyclette, présente dans de nombreuses œuvres :
● Les Loisirs (1948)
● Les Cyclistes (1932)
● Les quatre Personnages (1944)
Ni les métiers : ferronnier, jardinier, fleuriste, facteur, savant.
7. Légèreté et écoute
Rencontre avec Guy Jutard, metteur en scène
Monsieur Fernand arrive avec son vélo, un
objet qui marqua durablement Léger.
Cette histoire
parle au cœur des enfants.
G. J. : A l’époque d’avant la grande guerre 14-18
ou de l’entre-deux-guerres, la bicyclette
constitue la manière la plus aisée de se déplacer
pour les personnes issues du monde ouvrier. On
parcourait alors facilement 80 kilomètres en une journée. Machine la plus moderne pour se déplacer, le
vélo donnait l’impression de vitesse et de liberté. Une impression qui fut plus tardivement associée à la
voiture se démocratisant en France dans les années 50. De plus, ce qui intéresse Léger, c’est que le
vélo est une machine que l’homme peut facilement dominer.
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Lors de l’une de ses périodes
américaines, dès 1940, Léger
peint les séries des plongeurs
et acrobates, personnages en
apesanteur comme l’étaient les
objets qu’il peignait entre 1926
et 1931. Cette dimension de
figures en apesanteur, on la
retrouve
dans
L’Oiseau
chanteur pour la manipulation
des marionnettes.
G. J. : Le propre de la
marionnette est justement de se
libérer du pesant. Dans ce travail
de marionnettes à fils courts avec
L’Oiseau chanteur
une tringle centrale, il y a le souci
de travailler sur cette dimension
de l’apesanteur, de la légèreté
que l’on peut retrouver dans les toiles et dessins de Léger. Mais aussi chez Picasso ou Chagall.
Ainsi l’univers du cirque que Léger a si bien dépeint, montre aussi des trapézistes voulant s’affranchir
des lois de l’apesanteur et faire croire que l’on vole. Alors que les jongleurs suggèrent que les objets
perdent leur pesanteur.
L’aspect du conte voit l’oiseau se métamorphoser après avoir tenté de dire son histoire, son
récit.
G. J. : Cet oiseau qui a quelque chose à dire, à délivrer, On ne l’écoute pas, car personne ne parvient à
percer le gris de son plumage, son apparence. Les citadins croisés ne croient pas en son histoire,
puisque son habit n’est pas de la bonne couleur. Doré, l’oiseau fascinerait par son merveilleux. Le gris
empêche ainsi d’écouter sa parole. Chacun a d’ailleurs une excuse pour ne pas tendre l’oreille.
Monsieur Fernand découvre in fine par la métamorphose de l’oiseau sa vraie et originelle nature
multicolore. C’est cet arc-en-ciel, cette large palette qui correspond aux couleurs dont il souhaite peindre
sa ville.
Cette histoire parle au cœur des enfants. Pourquoi ne sont-ils pas écoutés ? Chacun peut s’identifier au
périple de l’oiseau, à son besoin de reconnaissance, d’attention et d’écoute. A ses espoirs et difficultés
d’être compris dans son désir de s’affirmer et d’exister pleinement dans un monde forgé par les adultes.
Propos recueillis par Bertrand Tappolet
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8. Un Oiseau qui met le coeur en fête
De bon matin, sur son vélo
Monsieur Fernand part au boulot
Part à vélo vers son boulot
Monsieur Fernand le matin tôt
Peindre les bâtiments
C’est le métier de Monsieur Fernand
Les maisons rouges et les toits bleus
Voila qui rend Fernand heureux
Murs bleus, cheminées violettes
Et Monsieur Fernand se dit «Chouette»
Portes jaunes et fenêtres oranges
Voilà Monsieur Fernand aux anges
Sur son vélo, Monsieur Fernand sifflote
Il sifflote comme un oiseau
Fernand a un oiseau dans la tête
Un oiseau qui jour après jour
Lui met le cœur en fête
Il sifflote Monsieur Fernand
Le peintre en bâtiment
Depuis qu’un matin
Un matin tôt
En arrivant au boulot
Sur son vélo…
Il a découvert un oiseau
Un oiseau tout ordinaire
Comme il avait l’air paniqué, épuisé
Monsieur Fernand l’a ramassé
Tu seras bien dans ma musette
Qu’il a dit à la petite bête
Tu picoreras bien au chaud
Et à la fin de mon boulot
Tu viendras à la maison…
Bien au chaud
Dans ma musette
Le soir, il m’a raconté son histoire
Je sifflote tellement
Que je comprends ce que veulent
Dire les oiseaux
Extrait du texte du spectacle L’Oiseau chanteur
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9. À bicyclette
Léger
aimait
les
spectacles
populaires. Le cirque, les soirées au
Vélodrome d’hiver le rendaient
heureux
et
nourrissaient
son
inspiration.
Dans les années trente, l’artiste peint
le monde des saltimbanques (Marie
l’acrobate, Composition aux deux
perroquets), puis commence aux
Etats-Unis, une série de toiles sur les
cyclistes : La belle Equipe, Les Quatre
Cyclistes…
C’est le vélo placé au centre de la
toile, qui situe les personnages dans
Fernand Léger, Les Quatre Cyclistes, 1943-1948
leur contexte. Objet en mouvement,
les deux roues mobiles − thème cher
au peintre − contrastent avec le cadre de la machine, formant triangle ou parallélépipède.
Au cinéma, la bicyclette est aussi l’accessoire dynamique du film de Hans Richter, Rêves à vendre. De
retour en France, le vélo s’impose dans Les Loisirs, Hommage à Louis David de 1948-1949 et les
illustrations du Cirque (1950) sur un texte du peintre. Léger y écrit : « Les instruments sont au maximum
du rendement. La grosse caisse se défend contre le trombone et les pistons contre le tambour. Tout ce
tintamarre se projette d’une estrade surélevée. Cela vous arrive en pleine figure, en pleine poitrine, c’est
comme un envoûtement. Derrière, à côté, devant apparaissent et disparaissent des figures, des
membres, des danseuses, des clowns… ». Léger s’amuse avec l’image du cycliste de la dernière
lithographie, et n’hésite pas à placer dans sa bouche une expression plutôt triviale : « Je ne te demande
pas si ta grand-mère fait du vélo. » Car la bicyclette évoque des ambiances modernes que le cinéma et
les chansons populaires ont également rapportées.
Nelly Maillard
10. Fernand Léger : la vie d’un constructeur de volumes et
d’espaces
L
a place de Fernand Léger (1881-1955) dans son siècle s'est définie avec plus de lenteur que
pour certains de ses grands contemporains. Lenteur sans doute à l'image du personnage et de
sa légendaire silhouette de paysan normand, à l'image aussi de l'artiste au cheminement régulier et
obstiné, qui construit son œuvre avec la certitude de l'objectif visé et la confiance en ses capacités à
l'atteindre.
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La bataille du cubisme
Comme beaucoup d'artistes de sa génération, Léger connaît les effets de la redécouverte de Cézanne,
complétés par l'exemple des tableaux de Braque et de Picasso. Léger participe dès lors pleinement à
cette phase de refondation des bases de la peinture que les contemporains nomment bientôt
« cubisme ». Il se signale toutefois par un attachement durable à l'intégrité de la forme, appliquant la
leçon de Cézanne (« Traitez la nature par le cylindre, la sphère, le cône, le tout mis en perspective... »)
en construisant au moyen de volumes géométriques l'une des pièces maîtresses du Salon des
indépendants de 1911, Nus dans un paysage.
Le peintre développe ce qu’il nomme la théorie
des contrastes : « J'oppose des courbes à des
droites, des surfaces plates à des formes
modelées, des tons locaux purs à des gris
« J'oppose des courbes à des droites,
nuancés », expliquera-t-il en 1923 quand cette
théorie se sera définitivement affirmée comme la
des surfaces plates à des formes modelées,
continuation de l'œuvre, qu'aucune évolution
ultérieure ne remettra en cause. À partir de
des tons locaux purs à des gris nuancés. »
1913, Léger se consacre à l'exploration
Fernand Léger
systématique des possibilités de son nouveau
langage, à travers la vaste série des Contrastes
de formes. Pour plus de force visuelle, il se
limite à l'utilisation d'un trait noir épais cernant
des volumes encore simplifiés et grossis, portant des zébrures de couleurs pures, parfois réduites aux
trois primaires (rouge, jaune, bleu). Dans le souci de se concentrer sur l'emploi exclusif de ces quantités
plastiques, il abandonne à plusieurs reprises tout souvenir d'un sujet réel et crée certains des premiers
tableaux abstraits de l'histoire de la peinture. Leur traitement rugueux veut prévenir tout effet de
séduction : la couleur est sèche et granuleuse, elle ne recouvre pas entièrement la toile non préparée, et
c'est un dessin à grands traits sommaires qui la contient.
Une moderne Arcadie
Au cours des années 1930, le thème du sport, et de l'exercice physique en général, est le sujet de
plusieurs œuvres de Léger, qui projette à travers elles la vision optimiste d'un âge de santé et de
libération du corps. Dans Composition aux deux perroquets (1935-1939) comme dans Adam et Ève
(1935-1939), les athlètes de Léger habitent un paradis terrestre. L'épanouissement de l'aspect le plus
détaché et le plus aérien de son art se poursuit dans la série des Plongeurs (1941-1944), voluptueuse
apothéose de corps en grappes. Peints au cours de son exil américain (1940-1946), ces corps en
lévitation, défiant toute gravité, ne pourraient être plus éloignés du tragique contemporain.
En 1945, Léger transmet son adhésion au Parti communiste français. En 1950, il présente l'un de ses
plus grands chefs-d'œuvre de l'après-guerre, Les Constructeurs. En accompagnant son tableau d'un
très grand nombre d'études et de travaux préparatoires, le peintre cherchait sans doute à suggérer que
la création est elle aussi un labeur : « Je monte mon boulot étude par étude, pièce par pièce, comme on
monte un moteur ou une maison. » C'est d'ailleurs à cette époque que l'on voit se renforcer dans la
presse l'image de Léger en peintre-ouvrier.
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Suspendus à leur échafaudage contre un fond de ciel
bleu parsemé de petits nuages, ses travailleurs ne
constituent pourtant qu'une métaphore très idéalisée de
la construction d'une société meilleure, qui n'est
visiblement pas encore de ce monde. Tout comme est
parfaitement utopique l'Arcadie de travailleurs au repos
que Léger met en scène dans sa suite magistrale sur les
loisirs populaires, depuis l'Hommage à Louis David
(1948-1949) jusqu'à La Partie de campagne (1954), en
passant par Les Deux Cyclistes (1951) et Les Campeurs
(1954), dont beaucoup de détails semblent appartenir
aux souvenirs des congés payés de l'avant-guerre — si
ce n'est aux parties de campagne des impressionnistes.
Ces derniers tableaux illustrent bien la nature de
l'engagement du peintre, loin de toute héroïsation de la
classe ouvrière comme de tout misérabilisme. Plus
volontiers, il donne à l'utopie sociale le visage placide et
joyeux d'une peinture qui ne craint pas de renouer avec
la grande tradition bucolique. À la fin de sa vie, Léger
avait rejoint cette pléiade de vieillards heureux, Matisse,
Picasso, Bonnard, qui ont enchanté de leurs visions d'un
impossible âge d'or la peinture d'après le désastre.
Fernand Léger, Le Cycliste, 1948
11. Oiseaux en péril
Est-ce que nous ne sommes vraiment plus capables
De respecter la nature, la liberté vivante, qui n’a
pas de rendement, pas d’utilité, pas d’autre objet
que de se laisser entrevoir de temps en temps
Romain Gary
Les Racines du ciel
Chaque année, en Suisse, une espèce animale disparaît et 1272 sont menacées. Plus de 460 espèces
d’oiseaux ont été observées à ce jour sur territoire helvétique, mais seules 200 d’entre elles nichent
régulièrement dans notre pays.
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Le martinet noir et l’expansion des villes
Les zones construites sont en constante
expansion, au détriment des prairies, des
champs, des vignes et des friches. En Suisse,
entre le milieu des années 1980 et le milieu
des années 1990, ce sont chaque jour 69 000
m2 de terres cultivables qui ont disparu pour
laisser plus de place aux agglomérations. Ce
bourgeonnement
de
béton
se
fait
généralement au détriment de la flore et de la
faune. Malgré cela, et pour autant que des
espaces verts puissent être aménagés,
beaucoup d’espèces arrivent à s’épanouir
dans l’environnement construit au point d’en
faire leur habitat de prédilection…
L’Oiseau chanteur
Les dangers venant de l’homme sont
l’obstruction des anfractuosités et des ouvertures permettant d’accéder au nid, la pose de filets
d’échafaudage, la mise en place de pièges à glu contre les moineaux domestiques et les pigeons bisets.
Les oiseaux sont aussi victimes des chocs contre les surfaces vitrées des constructions élevées… Il est
pourtant facile d’aider les martinets en posant des nichoirs conçus à leur intention.
Oiseaux des villes
Chez les oiseaux, une vingtaine d’espèces n’hésitent pas à construire leur nid sur un bâtiment. Le
goéland leucophée choisit les toits plats recouverts de cailloux… La tourterelle turque, le rouge-queue
noir, la bergeronnette grise et le gobe-mouche gris sont au nombre des oiseaux chanteurs qui installent
leur nid en corbeille sur les poutraisons des maisons. Mais au centre ville, dans un environnement très
construit où subsiste peu de végétation, il ne reste guère que le moineau domestique et le pigeon biset
domestique pour braver les dangers de la circulation, dans une relative austérité de l’habitat.
Favoriser la biodiversité en milieu urbain
En Suisse, l’expansion rapide des agglomérations au détriment des zones agricoles contribue à une
perte rapide de la biodiversité. Il pourrait en être tout autrement si plus d’efforts étaient consentis pour
aménager des espaces diversifiés où une faune et une flore variées puissent trouver refuge. L’opération
la plus difficile est de mettre en réseau des milieux de même nature qui servent à la prospérité des
espèces. C’est en effet le morcellement de l’espace et l’isolement des ressources qui menacent la survie
des organismes qui s’y trouvent. Il convient donc de décloisonner les biotopes en les reliant les uns aux
autres, Comment ? Par exemple par l’entremise de toits végétalisés, d’allées arborisées, de jardins
potagers, de ruisseaux, de petits bois, d’affleurements rocheux.
Blaise Mulhauser
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12. Pistes pédagogiques
Propositions de thèmes de réflexions et de discussions
L’écoute et l’attention aux autres
► Pour quelles raisons les différents personnages du spectacle n’écoutent-ils pas l’oiseau ?
► Quelles sont les occupations de ces protagonistes ?
► L’oiseau a volé jusqu’à la cité. Pour quelle raison ?
► Pourquoi l’oiseau veut-il être écouté ?
► De quel lieu vient l’oiseau ?
► Décrivez le personnage de Monsieur Fernand
Inspiration d’un langage pictural
► Regardez des tableaux de Fernand Léger, par exemple sur le net,
et dessinez des oiseaux ou des personnages à sa manière.
Les oiseaux
► Le chant : Pourquoi les oiseaux chantent-ils ?
Pour plusieurs espèces d'oiseaux, le chant permet au mâle d'attirer la femelle en
période de nidification. Les oiseaux chantent également pour indiquer aux autres à
quelle espèce ils appartiennent, défendant ainsi leurs territoires sans avoir à combattre.
On croit aussi que certaines espèces communiquent pendant les migrations pour
signaler leur position.
► Reconnaître les chants d'oiseaux
Les chants de chaque espèce sont suffisamment distinctifs pour pouvoir être reconnus
par des individus de même espèce, et bien entendu, par l'oreille humaine. L'écoute
attentive des chants d'oiseaux, sur CD, fichiers audios ou simplement lors d'une balade
en forêt, vous permet d'identifier certains oiseaux avant même de les apercevoir.
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► Est-ce que tous les oiseaux chantent ?
On dit que la pie bavarde, le canard cancane, l’alouette chante, le merle siffle, le
pigeon roucoule…
► Y a-t-il un rapport entre le chant et la couleur du plumage ?
- Les oiseaux les plus colorés chantent-ils le mieux ?
► L’oiseau et le chat
- Quelles sont leurs relations ?
- A quel dessin animé vous fait penser la scène entre la grand-mère, le chat et l’oiseau ? (Titi et
Grosminet)
► Les oiseaux dans la ville
- Quelles sortes d’oiseaux pouvez-vous observer en ville ? Dans les jardins ?
Au bord de l’eau ?
- Comment l’oiseau du spectacle se débrouille-t-il dans un milieu urbain ?
13. Bibliographie
Fernand Léger

Christian Derouet, Brigitte Hédel-Samson, Claude Laugier, Nelly Maillard, L’ABCdaire de Léger,
Paris, Flammarion, 1997

Arnauld Pierre, Fernand Léger. Peindre la Vie Moderne, Paris, Gallimard, 1997

Serge Fauchereau, Fernand Léger. Un Peintre dans la cité, Paris, Albin Michel, 1994

Dorothy Kosinsk (dir.), Fernand Léger. Le Rythme de la vie moderne, 1911-1924, Paris,
Flammarion, 1994
15

Hélène Lassalle, Fernand Léger, Paris, Flammarion, 1997

Gilles Néret, Fernand Léger, Paris, Casterman, 1990

Fernand Léger : les constructeurs, Texte de Claude Roy, Paris, Editions Falaize, 1951

Fernand Léger, Fonction de la peinture, Paris, Gallimard, 2004
Etudes sur les oiseaux

Lars Jonsson, Les Oiseaux d’Europe, d’Afrique du Nord et du Moyen Orient, Paris, Nathan,
1994

Jacques Laesser, Peter Rüegg, Marco Ou voir les oiseaux en Suisse ? Lausanne, Editions
Delachaux et Niestlé, 1998

Blaise Mulhauser, La Faune disparaît, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires
romandes, 2008

Detlef Singer, Quel est donc cet oiseau ?, Paris, Nathan, 2008
► Les ouvrages cités dans cette sélection bibliographique ont été choisis pour vous.
Ils sont disponibles dans le cadre des Bibliothèques Municipales et de la Bibliothèque de Genève.
Ce dossier contient des propositions à l’attention des enseignants. Il est évident qu’ils sont les mieux
placés pour adapter le contenu à leur classe, et que ce document ne peut être transmis tel quel aux
élèves.
Pour des informations complémentaires :
Bertrand Tappolet
Théâtre des Marionnettes de Genève
3, rue Rodo - cp 217 - 1211 Genève 4
tél. +41 22 807 31 04
mobile +41 0 79 517 09 47
e-mail [email protected]
Pour les Réservations Ecoles :
Joëlle Fretz
Théâtre des Marionnettes de Genève
3, rue Rodo - cp 217 - 1205 genève 4
tél. +41 (0) 22 807 31 06
e-mail [email protected]
Davantage d’informations sur : www.marionnettes.ch
Théâtre des Marionnettes de Genève - Rue Rodo 3, 1205 Genève / Tél. 022/807.31.00 - fax 022/807.31.07
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