L`Orient-le jour 18 juillet 2016 La diaspora appelée au chevet de la

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L`Orient-le jour 18 juillet 2016 La diaspora appelée au chevet de la
L’Orient-le jour 18 juillet 2016
La diaspora appelée au chevet de la croissance libanaise
Conférence
Les intervenants de cette seconde édition soulignent le rôle des transferts financiers des Libanais de
l'étranger, en baisse l'an dernier, dans le soutien de l'économie.
Céline HADDAD
« Si l'on raisonne en tant qu'investisseur, on n'investirait pas au Liban, mais on le fait car on est attaché
à ce pays. C'est cet attachement qui est le plus grand avantage du Liban », lance Rabih Nassar, qui a
fondé Scriptr à New York et ElementN au Liban. Il s'exprimait lors d'une table ronde sur le rôle de la
diaspora dans le développement des investissements du Liban jeudi au Mövenpick, à Beyrouth.
Organisé par le groupe al-Iktissad wal aamal en coopération avec la Banque du Liban et l'Autorité de
développement des investissements au Liban (Idal), « cette conférence vise à encourager les
entrepreneurs de la diaspora à soutenir la croissance économique du pays dans un contexte
économique difficile et en l'absence de certains investisseurs », explique à L'Orient-Le Jour le président
d'Idal, Nabil Itani. En juin, la Banque mondiale (BM) a revu à la baisse – de 0,7 points – son estimation
de la croissance du PIB libanais en 2016 à 1,8 %.
Remises et IDE en baisse
De fait, l'attachement des expatriés au Liban ne semble plus suffisant pour attirer leurs capitaux. « Il
faut différencier les remises des expatriés, envoyées à leurs familles au Liban pour soutenir leur
consommation, et les investissements directs étrangers (IDE) qui financent des projets », explique à
L'Orient-Le Jour Nassib Ghobril, directeur du département de recherche du groupe Byblos Bank. Pour
l'instant, les remises des expatriés – 15 % du PIB du pays – sont en baisse de 3 % en 2015 à 7,16
milliards de dollars, selon la BM. « Les transferts de la diaspora sont toujours aussi importants pour
combler le déficit commercial et soutenir la balance des paiements », résume Amine Awad, conseiller
auprès du président du conseil d'administration de la Blom Bank. « Cet argent provient des pays du
Golfe, mais pas seulement, il vient aussi des pays d'Afrique de l'Ouest et surtout d'autres pays, parfois
pour des raisons fiscales », dévoile Roger Melki, consultant pour Med Generation, un programme visant
à aider des entrepreneurs de la diaspora libanaise à trouver des financements au Liban. « Les dépôts
des banques commerciales, dont 40 % proviennent des expatriés, permettent aux banques de prêter au
secteur privé. En 2015, les banques ont financé la consommation des ménages à hauteur de 18
milliards de dollars, de 6 milliards pour l'industrie et de plus de 4 milliards pour le commerce de détail.
Cela contribue directement au développement de l'économie libanaise », plaide Nassib Ghobril.
De leur côté, les IDE, provenant en grande majorité des Émirats arabes unis, de l'Arabie saoudite et du
Koweït, ont baissé de 19 % en 2015 pour atteindre 2,34 milliards de dollars. « Les investissements
sont en baisse du fait de l'instabilité politico-sécuritaire locale et régionale ainsi que de la baisse des
prix du pétrole », explique Nabil Itani.
Climat des affaires
« La situation politico-sécuritaire n'est qu'une excuse. Nous ne pouvons pas demander à la diaspora
d'investir au Liban si nous ne faisons rien pour améliorer le climat des affaires », rétorque Nassib
Ghobril. Car selon les interlocuteurs interrogés, un environnement des affaires peu propice et un
manque de compétitivité à l'international restent les principaux obstacles. Le Liban a ainsi été classé
123e sur 189 pays en matière de climat des affaires, selon l'édition 2016 du rapport Doing Business de
la BM. « Nous ne vendons pas assez notre pays à l'étranger, et pour cela nous devons avoir les
infrastructures et institutions propices », résume Antoine Menassa, président de l'Association d'hommes
d'affaires libanais et français (Halfa), avant de partager l'expérience d'un expatrié voulant ouvrir un food
truck au Liban ayant dû abandonner son projet face à la complexité d'obtention de permis légaux. « Il
est vrai qu'obtenir des permis pour les secteurs comme l'export ou la restauration est très difficile, mais
c'est aussi le cas à New York par exemple. Ouvrir une SAL au Liban ne prend que trois jours ! Ce qui
est réellement un frein, ce sont les infrastructures libanaises et la lenteur d'Internet », rétorque Rabih
Nassar.
Les intervenants ont d'ailleurs rappelé que le Liban a été classé en 2015 140e (sur 144 pays) en
termes de qualité de ses infrastructures, et 143e pour sa fourniture d'électricité par le dernier indice de
compétitivité du forum économique mondial.
« Aujourd'hui chacun travaille de son côté : nous travaillons seuls, la Chambre de commerce, d'industrie
et d'agriculture du Mont-Liban est en train de créer un club de la diaspora, le Rassemblement des
dirigeants et chefs d'entreprise libanais aussi... Nous voulons être trop de généraux sans soldats, il faut
que nous soyons unis ! »
conclut Antoine Menassa. « Il existe de nombreuses initiatives qui cherchent à créer des liens avec la
diaspora, que ce soit les ministères, l'Idal ou des initiatives privées. Il faut pousser le gouvernement à
créer un organe étatique dédié à la question, afin que les investisseurs aient un seul interlocuteur »,
plaide Nabil Itani.