Des années après, c`est par la BD qu`elle révèle son histoire

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Des années après, c`est par la BD qu`elle révèle son histoire
Des années après, c'est par la BD qu'elle révèle son histoire
Lundi 26 avril, les élèves de la classe de seconde D ont reçu une délégation d'Amnesty
international venue évoquer le témoignage d'une femme ayant subi des violences dans sa jeunesse.
Ce témoignage, sobrement intitulé « Marie », est intégré dans un collectif dénonçant les violences
faites aux femmes : « en chemin, elle rencontre... ». Si au départ ils se sont contentés d'écouter, ils
ont vite pris part au débat et ont tous tiré parti de la rencontre.
En ce lundi de rentrée, deux
visiteurs d'Amnesty
international, accompagnés de
l'infirmière du lycée,
pénétraient dans la classe de
seconde D sous le regard
curieux des élèves. Venus pour
parler avec eux du témoignage
d'une femme du nom de Marie,
ils furent désolés d'annoncer
qu'elle n'avait pas pu venir,
étant malade. L'absence de cette
femme, violentée lorsqu'elle
était jeune par son petit ami et à
présent éditrice de la bande
dessinée qui porte son histoire
et son nom, provoqua une
déception chez les élèves.
Ceux-ci, bien que désireux de
voir « pour de vrai » la jeune
fille dont l'histoire les avait
touchés, n'en perdirent pas pour
autant leur intérêt pour cette
rencontre avec les personnes
venues pour la remplacer ;
c'est-à dire Damien Vanders, le
dessinateur de la bande
dessinée en question, Laelita
Canezza, une intervenante
d'Amnesty international,
Ségolène Vimeux, l'infirmière
du lycée et Pierrick Gargam,
secrétaire d'Amnesty
international, qui arriva en
cours de route.
Tout commença lorsque
Marie, l'éditrice, proposa à Éric,
le scénariste, le témoignage
d'une femme battue. Par la
suite, Damien accepta d'être le
dessinateur de la Bande
dessinée issue de ce
témoignage. Ce n'est que quand
la BD fut achevée que Marie
leur avoua, à leur grande
surprise, que cette histoire,
c'était la sienne. Elle ne l'avait
raconté jusque là qu'à très peu
de gens, pour ne pas dire
personne, et avait par ailleurs
surmonté cette histoire. Après
avoir quitté son petit ami, avec
lequel elle était restée 5 ans,
elle « n'en avait pas voulu à
tous les hommes de la terre » et
avait à présent une fille, qui
n'était pas celle de son ex
conjoint. Celle-ci, qui est
majeure, n'était d'ailleurs pas au
courant de son histoire avant de
la lire dans la BD.
« Le but de Marie, en faisant
cette bande-dessinée, était de
s'adresser aux jeunes, »
explique Laelita. « C'est à cet
âge qu'on peut prendre
conscience des violences faites
aux femmes, pour être plus à
même de s'en défendre plus
tard ». Mais cette bandedessinée a aussi déclenché des
réactions de la part de femmes
de tous âges qui sont venues
vers Marie pour en parler avec
elle ; une femme, après avoir lu
la BD à un stand, lui a avoué
qu'elle était battue par son
mari ; c'était la première fois
qu'elle en parlait. Le
témoignage avait été dur à
transmettre, mais utile.
La conversation prend soudain
un tour plus sombre lorsque
quelqu'un demande si « les
proches se sont rendus
compte ». « Il y a beaucoup
d'isolement, » explique
l'infirmière. « Si la personne
reste chez soi, ça ne se sait pas
forcément ; quand on s'est pris
autant de coups, on ne sait pas
forcément le dire. Et puis,
lorsqu'on sort, les gens
visualisent les coups, pas la
détresse psychologique
derrière. »
Certains s'inquiètent de savoir
si une aide lui a été proposée
par ses amis, mais le problème
ne semble pas venir
uniquement de là : une
personne dans cet état physique
et psychologique n'accepte pas
forcément de l'aide. « on reste
cloisonné, enfermé dans la
violence psychologique que le
conjoint exerce sur nous »,
affirme Laelita. Elle explique
également qu'il existe un
processus hormonal et
chimique, lors de la violence,
qui se déclenche pour se
protéger. Par la suite une
parole, un cri, des odeurs
peuvent redéclencher ce
processus de protection : l'esprit
est alors préoccupé par le fait
d'éviter tout ce qui pourrait
déclencher ces bouffées de
peur. Pour cette raison, il est
important que la victime parle
rapidement de ce qu'elle a subit,
de manière à éviter le
déclenchement de ce processus.
Mais les élèves ont été
interpellés par un mot, « en
parler ». À partir de là, le débat
s'intensifie ; à qui en parler, et
comment faire lorsque l'on
soupçonne des violences mais
que l'on ose pas le dire ?
« Pour vous, c'est lourd à
porter, affirme l'infirmière. Il
faut savoir se protéger et
protéger l'autre. »
L'idéal, c'est d'en parler au
moins à une personne qui
pourra faire le relais à
quelqu'un d'autre : infirmières
scolaires, numéros faits pour
ça, médecin... « Même s'il ne
s'agit que d'une rumeur, vous
pouvez nous en parler, assure t-
elle. Nous sommes tenues au
secret professionnel, nous ne
dirons rien. [...] Même le
proviseur n'est pas au courant
de tout. »
Mais les élèves ne sont toujours
pas convaincus : « Mais il y a
des gens qui ne veulent pas
qu'on en parle... »
« Dis-toi : est-ce que ça peut
empirer ? Demande Ségolène.
Si tu attends, il y a toujours le
risque qu'il se passe quelque
chose... »
Reste le problème de la famille.
« Dans ma famille, c'est très
fermé, s'inquiète un élève. Les
secrets de famille, c'est sacré.
Perrine Prost
Question d'éthique. Dans ce
genre de familles, si tu fais une
remarque, tu n'es pas pris au
sérieux. »
« Oui, mais qui protège-t-on,
les victimes ou les bourreaux ?
Lance Pierrick. L'honneur de la
famille, mais une femme
violentée n'a plus d'honneur. »
Damien affirme ensuite que
encore une fois, l'important
c'est de le dire. Une porte
s'entrouvre pour la victime, elle
se dit qu'elle n'est plus seule,
que quelqu'un le sait, quelqu'un
va oser en parler. Le fait que la
victime s'en sorte est plus
important que l'honneur de la
famille.
Après quelques notes plus
joyeuses et les dernières
questions, la sonnerie retentit,
marquant la fin de l'entretien ;
et la rencontre se termine sur la
promesse des intervenants de
transmettre les questions
auxquelles ils n'ont pu répondre
à Marie, et de renvoyer la
réponse dans les jours qui
viennent. La rencontre aura été
enrichissante des deux côtés ; et
les élèves gardent l'espoir d'en
apprendre plus sur Marie dans
les jours à venir...

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