Le diagnostic d`une dépression chez la personne âgée

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Le diagnostic d`une dépression chez la personne âgée
ENSEIGNEMENT
Le diagnostic d’une dépression
chez la personne âgée
Diagnosis of a depression in elderly
Clément PINQUIER, Natacha WEIMANN, Jérôme PELLERIN
a dépression du sujet âgé constitue un problème majeur de santé publique dont l’importance
croît parallèlem ent au vieillissement démographique de la population, bien que l’âge per se ne soit
pas un facteur de risque. Cette pathologie fréquente est
caractérisée par une évolution chronique, une morbidité
et une mortalité non négligeables, alors même que des
progrès notables ont été réalisés en ce qui concerne
son traitement.
En fait, un des traits essentiels de la dépression du sujet
âgé est la difficulté que rencontrent les médecins pour
la reconnaîtr e. De plus, les contours des troubles de
l’hum eur survenant tardivem ent rest ent imprécis : la
succession des conce pt s nosographique s, anciens ou
plus récents, en témoigne (mélancolie d’involution, dysthymie , dé pres sion m ine ure ou incom plè te ) , alors
mê me que le diagnostic "épisode dépress if sé vère",
défini dans le ma nuel diagnostique et statistique des
troubles mentaux ( DS M) (4) par de s crit ère s ét ablis à
partir de données statistiques recueillies sur une population générale tout âge confondue, est utilisé tel quel
en gériatrie.
Il serait plus adapté de parler de dépressions du sujet
âgé tant les modes d’expression sont divers et intimement liés à une histoire individuelle. La séméiologie est
complexe, hétérogène et souvent trompeuse. Poser le
diagnostic n’est donc pas chose facile. La dépression
du sujet âgé est par conséquent insuffisamment dépistée, sous diagnostiquée et non ou mal traitée.
De plus , la que stion de la prés ence ou non d’une
pathologie dém entielle as socié e de meure en filigrane
lorsqu’on aborde les troubles de l’humeur de survenue
tar dive et ajoute donc un degré de complexité dans leur
approche clinique et leur prise en charge.
La survenue d’une dépression chez le vieillard n’est pas
sans conséquence sur sa qualité de vie et son pronostic
vital. En outre, le risque suicidaire est im portant et
donc à rechercher. D’autres facteurs de morbidité intervie nnent not amment par le biais d’int eractions ré ciproques avec d’autre(s) maladie(s) intercurrente(s).
Parallèlement à cet te com plexité dia gnostique et pronostique, la dépression du sujet âgé est potentiellement
à l’origine de souffrance et de déstabilisation dans un
équilibre familial apparent, et elle peut tout autant perturber un fonctionnement institutionnel voire une relation thérapeutique.
Service de Psychiatrie du Sujet Agé, Hôpital Charles Foix, Ivry-sur-Seine,
France.
Auteur correspondant : Clément Pinquier. [email protected]
L
ÉPIDÉMIOLOGIE _______________________________
Les données de la littérature sont assez variables suivant la population étudiée et les critères diagnostiques
ou instruments utilisés. Néanmoins, il en ressort que la
fréquence des états dépressifs du sujet âgé est suffisamment importante pour être préoccupante. En population générale, la prévalence de l’épisode dépressif sévère
(défini par des critères DSM IV) après 65 ans est de 2-
Article reçu le 04.05.2003 - Accepté le 29.07.2003.
La Revue de Gériatrie, Tome 28, N°10 DÉCEMBRE 2003
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3% et celle des symptôm es dépressifs varie entre 10% et
50% (11). En corollaire de ce qui a été abordé dans l’introduction, il faut souligner la grande proportion de dépressions méconnues, évaluée à plus de 40% des cas (6).
Dépression vasculaire
Le concept de dépression vasculair e a été récemment
développé sur les bases des liens existant entre pathologie cérébrale d’origine vasculaire et dépression. Le
diagnostic repose sur l’association de facteurs de risque
vasculaire, d’une clinique particulière marquée par un
ra lentissem ent psychomoteur im portant, une aboulie,
une pa uvre té idéique, une int rospection limitée, une
réduction voire une absence d’affects dépressifs et d’idée s de culpabilité , et une pe rturbat ion co gnit ive
importante principalement des fonctions exécutives. La
présence de signes neuroradiologiques en faveur d’une
atteinte vasculaire (s ignaux hyperintenses à l’IRM) est
un ar gument supplémentaire. Enfin, la réponse thérapeutique serait également moins bonne. Aucun de ces
critères n’a fait pour l’instant l’objet d’un consensus (5).
Concernant les populations âgées hospitalisées ou en
institution, la prévalence des symptômes dépressifs est
évaluée autour de 20% (13), celle de l’épisode dépressif
sévère à 13% (12) et dans la première année d’une institutionnalisation 10 à 1 5% des résidents développent
une dépression (1).
FACTEURS DE RISQUE ET DÉPRESSIONS
SECONDAIRES _________________________________
Facteurs de risque
Ce n’e st pa s l’â ge qui est un fact eur de ris que de
dépression mais plutôt certains paramètres qui accompagnent le vieilliss ement. Le s caractéristique s s ociodémographiques class iquement e n lien avec la survenue d’une dépression sont bien identifiées : celle-ci est
plus fréquente chez les femmes notam ment chez les
veuves et chez les personnes ayant subi la perte d’un
proche, chez celles qui ne bénéficient pas d’un entourage suffisamment présent et qui vivent dans une situation d’isolem ent social. Elle est également plus fréquente
chez les patients souffrant d’affections som atiques graves
et chroniques qui en aggravent aussi la durée, la sévérité
et le pronostic. Dans ce cadre, la perte d’autonomie et
le handicap auraient davantage un rôle prédisposant
que la pathologie elle-même.
La prés ence d’a nt écédents dépressifs personnels ou
familiaux constitue un terrain vulnérable à l’apparition
ou à la re chute d’ une s ymptoma tologie dépressive.
Cependant, 75% des épisodes dé pres sifs sévères du
vieillard sont des for mes tardives, caractérisées par une
morbidit é e t une morta lité plus importa ntes et une
moins bonne réponse thérapeutique (5).
CLINIQUE ______________________________________
Stigmates et préjugés
La séméiologie des dépressions du sujet âgé est certes
hétérogène mais d’autres obstacles concourent à rendre leur dépistage ardu. Entre autres, ce que nous pourrions appeler le "filtre du vieillissement" vient brouiller
l’expression et la perception par le patient de sa propre souffrance morale.
Le sujet âgé m et sur le com pte du vieillissement s on
expérience dé pre ssive, plus ou m oins inhibé pa r un
sentiment de honte vis-à-vis de ce qu’il perçoit comme
un laisser aller (14). Il n’ira donc pas forcément consulter
et en tout cas pas pour ce motif. Une étude nord américaine (15) port ant sur une population âgée retrouve
ainsi que 58% d’entre eux pensent que la dépression
est une composante normale de la vie illesse et 49 %
estiment que c’est un signe de faiblesse. Ce vécu de la
dépre ssion exp lique e n partie pourquoi les pa tie nts
âgés déprim és sollicitent plus souve nt les mé decins
généralistes que les psychiatres, même si le motif de la
consultation n’a pas de lien apparent avec leur état thymique.
La réflexion clinique du médecin peut également être
troublée par sa propre concept ion du vieillissem ent,
infiltrée de préjugés, déformée par des stéréotypes parfois difficilement révisables. L’idée que la tristesse va de
pair avec le vieillisse ment est aussi parta gée par de
nombreux praticiens. De plus, certains signes cliniques
de la dépression du sujet âgé ne sont pas spécifiques
mais communs (asthénie, apathie, troubles du sommeil,
de l’a ppé tit ,…) à d’autre s pa thologie s som a tique s
contemporaines du vieillissement et d’ailleurs volontiers
attribués à ces dernières. La reconnaissance de la natu-
Dépressions secondaires
Ce rtaine s formes de dé pres sion sont qua lifié es de
secondaire s ca r un lie n chronologique e st retrouvé
entre la survenue d’une dépression et une pathologie
somat ique (m ala die de P arkins on, lés ions cérébrales
d’origine vasculaire à prédominance frontale, hydrocéphalie à pres sion norma le, dysthyroïdie, diabète ,…).
En dehors des corticostéroïdes et de l’inter féron, l’implication de certains médicaments classiquement décrits
dans la s urvenue d’ une dépre ssion ( bê ta-bloquants,
anti-hypertenseurs ce nt raux, neuroleptiques, cimé tidine,…) serait exagérée (3).
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re dépressive du trouble tout comme la réponse thérapeutique apportée en sont donc directement affectées.
Ces différentes modalités cliniques participent à occulter la toile de fond dépressive avec certes de s argum ent s de poids et suffisam ment préoccupant s pour
monopoliser l’at tent ion et influe nce r l’invest igat ion
médicale. Qu’il s’agisse d’ une anxié té invalidante, de
signes d’appel d’une m aladie organique, de douleurs
handicapantes, inexpliquées et résistantes, ou encore
d’une démence débutante, tout concoure à déplacer le
pôle de gravité et ainsi de passer à côté d’une dépression sévère, voire le cas échéant d’un risque suicidaire.
Une clinique autre
Parallè lem ent à ces am biguït és d’"expres sion" e t de
"compréhension", la sémiologie propre de la dépression
du sujet âgé participe à la complexité du diagnostic. La
clinique n’est pas classique, c’est-à-dire qu’elle est éloignée de ce qui se rencontre dans une population adulte
"jeune ". L’a bsence d’affects dépres sifs e st fré quente
d’où le développement du concept de dépression sans
tristes se. I l faut alors plutôt recherche r la prés ence
d’une perte de goût, d’un sentiment douloureux de vide
ou d’une indifférence affective accompagnée d’apathie,
qui devront faire penser au diagnostic d’autant plus que
ces symptômes s’associent à une asthénie, des perturbations de l’appétit ou du sommeil .
La coloration affective est donc moins apparente tandis
que d’a ut res s igne s d’app el p euvent occ upe r tout
l’es pace clinique et conduire vers de fausses piste s.
Ainsi nous pouvons distinguer de façon schéma tique
plusieurs modalités expressives qui viennent dominer le
tableau clinique :
• une anxiété d’intensité et de for me diverses, accompagnée ou non de conduites a ddictives, par exem ple
sous la forme d’une consommation abusive d’alcool ou
de benzodiazépines ;
• un m al être physique se traduisant par des douleurs,
des plaintes concernant le fonctionnement corporel et,
en corollaire, une quête médicale et une insatisfaction vis
à vis des examens réalisés et des médicaments prescrits,
tableau qui peut prendre une intensité hypochondriaque ;
• une symptomatologie délirante le plus souvent peu
élaborée et composée principalement d’idées de spoliation ou de vols, impliquant les proches, famille, amis
ou voisins. L’association d’ idées d’incurabilité, d’indignité voire de culpabilité doit orienter vers un diagnostic de mélancolie ;
• un comport ement caractériel, une irritabilité , des
traits de personnalité qui n’étaient pas présents antérieur ement, marquant une rupture dans un mode de vie
et facteur potentiel de dissolution des liens sociaux par
réaction d’évitement ou de rejet des proches ;
• un déclin cogn itif modé ré , caractérisé principalement par une perturbation des fonctions exécutives, de
la concentration et de la mémoire à court ter me, et qui
peut faire l’objet de plaintes de la part du sujet déprimé.
Le concept de dépression pseudodémentielle a été élaboré pour décrire ces tableaux de dépression comprenant une at teinte cognitive trans it oire et réve rsible
puis que corrigée pa r le trait em ent a ntidépresseur.
Cependant, comme nous le verrons dans le pronostic,
la pertinence de ce concept est actuellement débattue.
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Dépression et dépressions
Les épisodes m élancoliques sont a ussi préoccupants
que ceux rencontrés chez les sujets plus jeunes et sont
de réels urgences thérapeutiques du fait de la mise en
jeu du pronostic vital. Ce diagnostic doit être évoqué
devant la convict ion d’idées d’indignité, d’incurabilité
ou de ruine, associées à une prostration, un mutisme
ou au contraire, une grande agitation et une irascibilité.
Les états d’opposition massive représentent aussi une
forme grave de la dépression du vieillard et s’accompagnent également d’un comportement régressif et d’un
refus alimentaire absolu, sans que des affects dépressifs
soient exprimés, tableau proche en cela des syndromes
de glissement.
Les concepts de dépress ion mineure (ou "subsyndrom ique ") e t de dys thym ie ont é té déve lop pés p our
dénommer les situations où les critères ne sont pas suffisants pour répondre à la définition DSM de l’épisode
dépressif sé vè re (4). Da ns la dépres sion m ineure le
ta ble au clinique es t incomplet et ne dure pas ass ez
longtemps, tandis que la dysthymie représente plus une
for me chronique de dépression incomplète. Cependant
la prés ence d’ une dépres sion mineure sera it source
d’ un handicap fonctionnel, entraînerait une consommation médical importante et aurait un risque d’évolution vers un épisode dépressif sévère (18).
DÉPISTAGE ET OUTILS D’ÉVALUATION _______
L’importante proportion des épisodes dépressifs non
traités a soulevé la question de l’intérêt de réaliser un
dépis tage sys tém atique nota mm ent en méde cine de
ville.
Les critères du DSM-IV pourraient être plus développés
pour porter le diagnostic dans le cadre des dépressions
gériat riques. Les variabilit és de prévalence suivant les
études et les particularités cliniques de cette pathologie
sont autant d’argument en faveur d’une autre approche
que l’on pourrait qua lifie r de gé riatrique, en évitant
toute vision adultomorphiste.
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Le diagnostic d’une dépression chez la personne âgée
L’utilisation d’échelles peut apporter une aide dans la
démarc he dia gnost ique e t dans l’é va lua tion de la
dépression du sujet âgé. Dans ce cadre, la Geriat ric
Depress ion Scale (GDS ) es t l’éche lle de référence.
Validée, fiable et facile d’utilisation, il s’agit d’un autoquestionnaire de 30 questions qui peuvent être lues au
patient. D’autres versions plus courtes ont été validées
notamment les mini GDS à 5 items et la version française à 4 items (7) (cf. tableau mini GDS).
Les échelles ne permet tent pas cependant de distinguer la dépression sévère d’autres formes de dépression comme la dysthymie, la dépression mineure ou la
dépression en rémission partielle ou encore débutante.
De plus, le choix du seuil de positivité partielle modifie
les degrés de s ensibilité et spécificité et par suite les
risques de poser le diagnostic de dépression par excès,
ou a u contraire de pas ser à côt é d’une dépression
authentique.
évolution torpide ne doit pa s être méconnue car elle
est bien souvent responsable d’un rejet prématuré du
traitement donnant lie u à des pres criptions nouvelles
tout aus si inefficaces car poursuivies insuffisamment
longtemps ou inadaptées. La quête médicale excessive
et l’ abus de substances psychoanaleptique s ( anxiolytiques, hypnotiques, alcool) illustrent encore les difficultés
de l’approche diagnostique et thérapeutique de ce tte
pathologie.
Certaines répercussions de l’état dépressif chez le sujet
âgé rappellent les situations qui peuvent l’avoir favorisé, rendant parfois difficile la distinction entre causes et
conséquences. L’isolement, la perte des liens sociaux,
la dégradation de la qualité de vie, le handicap, l’incapacité fonctionnelle, l’ instit utionnalisation et la dégradation de l’état de santé sont ainsi décrits dans l’évolution des épis ode s dépressifs (16) . Une autre complication majeure retr ouvée dans cette population de sujets
â gés e t dé p rimé s e s t une i mpo rt an t e mor ta lit é .
L’augmentation de la mortalité cardiovasculaire et cérébrovasculaire mais aussi probablement le suicide participent à cet excès de mortalité.
Poser les questions au patient en lui précisant que, pour répondr e, il doit
se resituer dans le temps qui précède, au mieux une semaine, et non pas
dans la vie passée ou dans l’instant présent.
1. Vous sentez-vous découragé(e) et triste ?
oui
non
2. Avez-vous le sentiment que votre vie est vide ?
oui
non
3. Etes-vous heureux(se) la plupart du temps ?
oui
non
4. Avez-vous l’impr ession que votre situation est désespérée ?
oui
non
Risque suicidaire
Le passage à l’acte suicidaire demeur e le risque évolutif
majeur, s oit dans le cadre d’un rapt us anxieux, soit
com me issue incont rôlable d’ un syndrome dé pressif
notamment accompagné d’un vécu délirant ou mélancolique. La pathologie thymique est l’étiologie la plus
souvent retrouvée dans les cas de suicide des sujet âgés
(9).
Dans cette population, le taux de suicide est pratiquement le double de celui de la population générale et il
s’agit le plus souvent d’hommes. Les vieillards réalisent
moins de tentatives de suicide que les sujets plus jeunes, mais parviennent plus fréquemment à leurs fins. Ils
font appel plutôt à des méthodes violentes (arme à feu,
pendaison, noyade) et potentiellement létales (surdosage en médicament cardiotoxique) (10). Les idées suicidaires précèdent habituellement le passage à l’acte et une
étude rapporte que 75% des s ujets âgés qui s’étaient
suicidés avaient consulté un médecin dans le mois précédent (2).
La difficulté consiste donc à apprécier le risque suicidaire.
Des antécédents de conduite suicidaire, une symptomatologie mélancolique, l’expression de propos suicidaires
(rum inations ou m enaces) , un comportem ent impulsif
ou une consommation excessive d’alcool, le sexe masculin s ont autant de facteurs m ajorant le risque. La
recherche systématique d’une idéation morbide et suicidaire est donc primordial et même obligatoire chez tout
sujet âgé déprimé, en sachant que cette investigation
n’augmente pas le risque (3).
Cotation :
Question 1 : oui :1, non :0
Question 2 : oui :1, non : 0
Question 3 : oui :0, non : 1
Question 4 : oui :1, non : 0
Si le score est supérieur ou égale à 1 : forte probabilité de dépression
Si le scor e est égale à 0 : forte probabilité d’absence de dépression.
Tableau mini GDS (Clément et al., 1997)
ÉVOLUTION ET PRONOSTIC ___________________
Evolution
L’évolution propre de la dépression du sujet âgé se fait
vers la chronicité ou la récidive dans plus de la moitié
des cas (8).Le patient est donc confiné dans une souffrance parfois intense et durable, concourrant à l’épuisement de la famille comme du médecin traitant. Cette
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Le diagnostic d’une dépression chez la personne âgée
RÉFÉRENCES __________________________________
Dépr ession et déclin cognitif
Le déficit cognitif est également décrit comme un des
ris que s é vo lut ifs de la dé p re s si on du s uje t â gé .
Actue llement, les liens e nt re dépress ion et dé mence
re stent obscurs. C ependant plus ieurs argum ents plaident en faveur de l’hypothèse suivante : la dépression
tardive serait un facteur de risque d’évolution vers un
syndrome démentiel, ou du moins un prodrome ou la
premièr e manifestation d’un processus neurodégénératif. C omm e il a ét é signalé plus haut, des signes de
déficit cognitif peuvent être retrouvés dans le tablea u
clinique de la dépression du sujet âgé, et ce, plus souvent dans les premiers épisodes (sans aucun antécédent
thymique) (16) . Pa r aille urs les résultats d’ ét ude s prospectives récentes sont assez troublants. D’une part la
dépre ss ion ps eudo déme ntie lle s’accompa gne d’un
risque d’évolution vers un tableau de démence constitué même si la réponse thérapeutique initiale avait été
satisfaisante (3), d’ autre part l’existence de symptômes
dépres sifs e st pré dict if de l’app arition d’un dé ficit
cognitif voire d’une maladie d’Alzheimer (17,19).
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
CONCLUSION __________________________________
15.
La dépression et ses différents modes d’expression ren contré s dans la popula tion âgée es t une pa thologie
grave avec des répercussions directes sur la qualité de
vie e t un pronostic péjorat if. En dehors des tableaux
symptomatiques classiques, elle devrait être systématiquement évoquée devant toute clinique bâtarde qui ne
fait pas la preuve de son origine organique, surtout s’il
exis te une perturbation de l’alimenta tion ou du s ommeil.
Une détection précoce est souhaitable afin de mettre
en place une prise en charge rapide et adaptée, et prévenir ainsi la survenue de risques éventuels notamment
suicidaires . Les échelles peuvent être ut iles da ns la
démarche diagnostique mais demeurent un outil et non
un référentiel. Leur utilisation peut néanmoins apporter une ouverture dans l’échange avec le patient sur la
question de sa souffrance morale et guider l’investiga tion clinique.
L’approche diagnost ique doit être raisonnée et argu m en té e, pour pe rmettre la r eco nna iss an ce de la
dépression, d’évaluer les risques éventuels et d’agir en
conséquence . Il ne s’ agit pas non plus de poser par
excès le diagnostic de dépression dont le t raitement
n’e st pas anodin, de passer à côté d’une pathologie
somatique, ni de négliger une dépression associée à
une pathologie démentielle par exemple.
■
La Revue de Gériatrie, Tome 28, N°10 DÉCEMRE 2003
16.
17.
18.
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Voir QCM page suivante
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Le diagnostic d’une dépression chez la personne âgée
QCM ___________________________________________
A) Les symptômes sont rattachés à l’âge des maladies
somatiques, ou une démence.
B) Les malades dénient leurs troubles psychiatriques.
C) La prise en charge de la dépression en institution
n’est pas suffisante.
D) Les signes de dépression de la personne âgée sont
trompeurs.
1 : Quelles propositions sont exactes ?
A) Le DSM IV est adapté pour le diagnostic de dépression de la personne âgée.
B) Il s erait plus adapté de parler de dépressions du
sujet âgé tant les modes d’expression sont divers et intimement liés à une histoire individuelle.
C) La séméiologie est complexe, hé térogène et souvent trompeuse.
D) La dé pre ssion du s ujet â gé e st insuffisamment
dépistée, sous diagnostiquée et non ou mal traitée.
3 : Que lle affirmatio n s ur les mal adies c hroniques et la dépression est inexacte?
A) Le risque de dépression croît avec le nombre et la
durée des affections débilitantes.
B) Un mauvais état général favorise la dépression.
C) Les sym pt ôme s de dépre ssion s ont souvent en
second plan par rapport aux problèmes somatiques.
D) La dépression n’existe pas chez le dément très évolué.
2 : Quelles propositions sont exactes ?
Pourquoi la dépression de la personne â gée est-elle
sous diagnostiquée?
RÉPONSES
Consultez notre site internet
www.revuedegeriatrie.fr
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