Quelles formes de composante lente de la consommation d`oxygène

Transcription

Quelles formes de composante lente de la consommation d`oxygène
Quelles formes de composante lente de la consommation d’oxygène
dans le cas d’un exercice de ramp test ?
Valéry Bocquet
Agrocampus Rennes, Laboratoire de Mathématiques appliquées
65 rue de Saint Brieuc, 35042 Rennes Cedex, France.
Email : [email protected]
R Hugh Morton
Institute of Food, Nutrition and Human Health
Massey University, Private Bag 11 222, Palmerston North, New Zealand.
Résumé. La composante lente de la consommation d’oxygène (VO2) se manifeste plusieurs
minutes après le début de l’exercice lorsque la valeur de VO2 est plus élevée que l’équivalent en
oxygène d’une puissance de sortie donnée. Puisque peu d’éléments sont connus à propos de la
cinétique de VO2 lors d’un ramp test, cette étude examine l’ajustement de plusieurs modèles de
cinétique de VO2 à des données de consommation d’oxygène obtenues sur des sujets lors de ce
type d’exercice. Huit sujets ont donc entrepris trois exercices identiques de ramp test sur bicyclette
ergométrique (30W/min) jusqu’à leur épuisement. Trois modèles de cinétique de VO2 ont été
ajustés aux données cycle à cycle en utilisant la méthode des moindres carrés non linéaires. Une
analyse détaillée de la qualité de l’ajustement (R² ajusté) confirme l’existence d’une composante
lente curvilinéaire de la cinétique de VO2 lors d’un exercice de ramp test. Cependant, il n’a pas été
possible de distinguer une forme unique de composante lente : soit les données sont trop bruitées,
soit la forme elle-même est plus complexe que bi-exponentielle ou quadratique.
Mots-clés :
bicyclette ergométrique, cinétique, consommation d’oxygène, ventilation
Abstract. The slow component of oxygen uptake (VO2) dynamics manifests several minutes after
the start of exercise as observed VO2 levels higher than the oxygen equivalent of the power output
of the exercise being undertaken. Since so little is known about its dynamics under these
conditions, this study examines the fitting of several models of VO2 dynamics to oxygen uptake
data generated by exercising subjects. Eight subjects undertook three identical ramp (30 W/min)
cycle ergometer tests to exhaustion. Three models of VO2 dynamics were fitted to breath-by-breath
data using non-linear least squares. A detailed analysis of goodness of fit (adjusted R2) confirms
the existence of a curvilinear slow component of VO2 dynamics during ramp exercise. However, it
is not possible to distinguish a unique form of the slow component, either the data is too noisy or
that the form itself may be more complex than bi-exponential or quadratic.
Key words : cycle ergometer, kinetics, oxygen consumption, ventilation
1
1) Introduction
Lors d’exercices continus à charge constante au-dessus d’une certaine intensité, la
consommation d’oxygène (VO2), après un certain temps après le début de l’exercice, atteint des
niveaux supérieurs à l’équivalent en oxygène de la charge de travail. Ce phénomène, connu comme
“la composante lente” d’oxygène, a été le sujet de plusieurs expérimentions (Gaesser et Poole,
1996). Bien que déjà observée lors d’exercices de ramp test, la composante lente n’a été examinée
plus attentivement que récemment (Zoladz et al, 1995). Des essais pour modéliser ce phénomène
lors d’exercices à charge constante ont apporté quelque lumière sur ce phénomène mais la situation
n’est pas claire. Il est possible que la définition de la composante lente uniquement en terme
d’amplitude n’est pas suffisante, le phénomène étant clairement dépendant du temps et de
l’intensité de l’exercice. Il semble qu’aucun effort n’ait été fait pour modéliser la composante lente
lors d’exercices de ramp test. La principale conclusion de ces études est que la composante lente est
“non-linéaire” ou que l’augmentation au-dessus de l’équivalent en oxygène est “disproportionnée”
et que l’amplitude de la composante lente varie selon le type de fibre. Cette disproportion
n’implique pas nécessairement non linéarité et tous ces travaux se reposent fortement sur un
examen subjectif de représentations graphiques de données. Il n’y a eu aucune tentative pour
analyser ces données par des comparaisons d’ajustement de courbe.
L’objectif de cette étude est donc d’examiner l’ajustement de trois modèles mathématiques de
la cinétique de la consommation d’oxygène lors d’un exercice de ramp test dans le but de a)
confirmer l’existence d’une composante lente lors d’un exercice de ramp test et b) de définir sa
nature si elle existe.
2) Méthodes expérimentales
Tableau 1. Caractéristique des sujets
Variable
Age
Taille
Poids
Puissance maximale
VO2 maximale
SAV
Moyenne + écart-type
23,2
+
5,3
années
175,0
+
8,2
cm
75,6
+
11,2
kg
325,0
+
49,7
watts
4,38
+
0,83 l/mn
57,2
+
7,0
ml/kg/mn
2,54
+
0,41 l/mn
SAV: Seuil anaérobie ventilatoire
Sujets
Huit sujets (cinq hommes et trois femmes) ont été volontaires pour participer à cette
expérimentation. Tous étaient en bonne ou très bonne condition physique et étaient accoutumés à
un exercice soutenu régulier sur bicyclette ou bicyclette ergométrique. Tous les participants ont
2
signé un document de consentement, approuvé par le comité d’éthique de l’Université de Massey
(Nouvelle Zélande). Leurs caractéristiques sont résumées dans le tableau 1.
Protocole expérimental
Tous les sujets ont rempli un questionnaire de préparation concernant
des contre-indications médicales ou d’autres contre-indications pour des tests à l’exercice. Ces
sportifs sont venus quatre fois au laboratoire de performance humaine. La première visite était une
visite de familiarisation lors de laquelle les sujets effectuaient de courts essais. Lors des trois visites
suivantes, les sujets ont entrepris des exercices de ramp test sur bicyclette ergométrique (Lode
Excalibur). Chacun de ces trois tests a pris la forme suivante: les sujets devaient effectuer une
période d’échauffement d’au moins quatre minutes sur bicyclette ergométrique sans charge.
L’enregistrement de l’analyse de gaz en cycle à cycle (Morgan Pulmolab EX 6700) durait au moins
trois minutes lors de cet échauffement. Les sujets respiraient à travers un masque et portaient un
clip nasal. L'exercice proprement dit de ramp test ne commençait qu’au moins une minute après la
fin de l’échauffement. La puissance de sortie de la bicyclette ergométrique débutait à 0 watt et
augmentait linéairement à un taux de 30 watts par minute. Les sujets devaient maintenir une
cadence de pédalage de 80 révolutions par minute le plus longtemps possible jusqu’à leur
épuisement. Immédiatement ensuite, ils effectuaient un exercice de récupération sans charge de
quatre minutes. Quelques instants plus tard, l’enregistrement des données cycle à cycle était stoppé.
La puissance maximale atteinte était alors enregistrée au moment de l’épuisement.
3) Analyse et résultats
Modèles ajustés
Tous les modèles décrits ci-dessous ont été ajustés aux données cycle à cycle
en utilisant le logiciel Sigma Plot (Jandel Scientific). Toutes les données aberrantes en début ou en
fin d’enregistrement ont été supprimées. Ceci n’a occasionné que la suppression de trois ou quatre
données au maximum. Lors du premier ajustement, deux paramètres ont été ajustés : les paramètres
a0 (le niveau de VO2 durant l’échauffement) et t1 (le temps correspondant au début de
l’augmentation de VO2 en réponse à l’exercice). Ces paramètres ont été utilisés respectivement
pour refixer les niveaux de VO2 (par soustraction) à 0, et pour établir le temps écoulé (par
soustraction), depuis le début de l’augmentation de la VO2. Toutes les données se trouvant avant t1
ont alors été supprimées. Le second ajustement a fourni l’estimation de tous les autres paramètres,
ainsi que la qualité de l’ajustement (R, R² et R² ajusté) et l’écart-type de l’estimation (SEE)
Le modèle 1 n’a aucune composante lente. Ce modèle, introduit par Whipp et coll. (1981), a pris la
forme suivante pour estimer VO2 lors du premier ajustement :
z1 (t) = a0
z2 (t) = a0 + a1(t-t1) - (a1/k)[1-exp(-k(t-t1))]
où z1 (t) s’applique aux données durant l’échauffement et z2 (t) aux données durant le ramp test.
3
Après avoir refixé les valeurs de base de VO2 et du temps à 0, la forme suivante a été ajustée à
partir de laquelle les estimations des paramètres ont été obtenues :
z2 (t) = a1t - (a1/k)[1-exp(-kt)].
Le modèle 2 a été introduit par Morton (1990). Ce modèle possède une composante lente
exponentielle, débutant au temps t2 significativement supérieur à t1 :
z1 (t) = a0
z2 (t) = a0 + a1(t-t1) - (a1/k1)[1-exp(-k1(t-t1))]
z3 (t) = a0 + a1(t2-t1) - a1[1-exp(-k1(t2-t1))][(1/k1)+(t-t2)] +
a1[1-exp(-k1(t2-t1))][(1/k1)[1-exp(-k1(t-t2))] + (1/k2)[1-exp(-k2(t-t2))]]
ce qui se réduit après le changement de variables à :
z2 (t) = a1t - (a1/k1)[1-exp(-k1t)]
z3 (t) = a1t2 - a1[1-exp(-k1t2)][(1/k1)+(t-t2)] +
a1[1-exp(-k1t2)][(1/k1)[1-exp(-k1(t-t2))] + (1/k2)[1-exp(-k2(t-t2))]].
Le modèle 3, adapté du modèle de De Meyer et Vogelaere (1995) possède une composante lente
quadratique commençant dès le début de l’exercice et prenant la forme suivante :
z1 (t) = a0
z2 (t) = a0 + a1(t-t1)² + a2(t-t1)[1-exp(-k(t-t1))]
ce qui se réduit après le changement de variables à :
z2 (t) = a1t² + a2t[1-exp(-kt)].
Qualité de l’ajustement
La qualité d’ajustement des courbes était de bon à excellent, avec un
R² ajusté compris entre 0,8555 et 0,9636. Seules deux courbes seront présentées, une correspondant
au modèle 3 s’ajustant aux données du sujet 1 avant de refixer VO2 et t (Figure 1) et une autre
correspondant au modèle 1 s’ajustant aux données du sujet 2 après avoir refixé VO2 et t (Figure 2).
Un modèle linéaire généralisé sur des R² ajustés a été employé pour comparer des modèles ayant un
nombre de paramètres différents. Cette comparaison est basée sur un protocole de mesures répétées
non équilibrées, avec trois tests par sujet et au maximum trois modèles ajustés par test. Plus
précisément, la somme de carrés pour la comparaison de modèles (l’hypothèse nulle correspond à
une absence de différence dans la qualité d’ajustement entre les modèles) avec deux degrés de
liberté, peut être décomposée en deux contrastes orthogonaux à un seul degré de liberté
correspondant aux deux sous-hypothèses suivantes :
a) pas de différence dans la qualité de l’ajustement entre le modèle sans composante lente
et les modèles avec composante lente ;
b) pas de différence dans la qualité de l’ajustement entre le modèle avec une composante
lente exponentielle et le modèle avec une composante lente quadratique.
4
VO2 (litres/mn) versus temps (mn)
VO2 (litres/mn) versus temps (mn)
Figure 1: Données incluant l’échauffement et
ajustement du modèle 3
Figure 2: Données excluant l’échauffement et
ajustement du modèle 1
Notons que SEE aurait pu être analysé de la même manière. Cependant, cela n’a pas été effectué
puisque sa valeur est fortement dépendante du nombre de données lors de chaque test. Ceci
concerne particulièrement les tests effectués par les femmes de l’étude.
Le résumé de l’analyse de variance est présenté dans le tableau 2.
Tableau 2: Qualité d’ajustement des modèles de VO2
Source de Variation
Entre sujets
Entre la répétition des tests
Résiduelle 1
Sous total entre tests
Entre les modèles
Sous-hypothèse a)
Sous-hypothèse b)
Interaction sujets * modèles
Interaction répétition * modèles
Résiduelle 2
Total
4)
Degrés de liberté
7
2
14
23
2
1
1
12
4
28
69
P-value
0,031
0,597
0,037
0,017
0,274
0,063
0,593
Discussion et conclusion
Discussion
En examinant le tableau 2, on remarque quelques différences évidentes entre sujets
dans la qualité d’ajustement. Ceci provient probablement du fait que quelques sujets ont des
données avec moins de variabilité que d’autres. Il est à noter, parmi les résultats d’ajustement, que
les valeurs des paramètres des modèles diffèrent entre les sujets, bien que nous ne les ayons pas
5
spécifiquement analysées. La répétition des trois essais n’a induit aucune différence significative
dans la qualité d’ajustement. D’autre part, des différences significatives dans la qualité
d’ajustement ont été constatées. L’origine de ces différences entre modèles provient du rejet de la
sous-hypothèse a) mais pas de b). Il est également intéressant dans le tableau 2 de constater une
interaction significative entre les sujets et les modèles. Les différences constatées entre les modèles
semblent varier selon les sujets. A des puissances de VO2 élevées lors d’un ramp test, Zoladz et
coll. (1995) ont également observés que les réponses de VO2 de quelques sujets divergeaient des
autres.
Conclusion La composante lente de la consommation d’oxygène est clairement évidente lors
d’un exercice de ramp test. Comme l’ont constaté d’autres auteurs, la composante lente peut être
considérée comme non-linéaire mais aucune différence n’a pu être établie entre les formes
exponentielles et quadratiques. Cette incapacité peut être due soit à la variabilité propre des
données cycle à cycle soit à leur forme elle-même sachant que cette forme semble être plus
complexe que quadratique ou exponentielle.
Bibliographie
[1] De Meyer, F. et Vogelaere, P. (1995) Rheological modelling of cardiorespiratory kinetics
during sub-maximal exercise, Science & Sports 10 175-187.
[2] Gaesser, G. A. et Poole, D. C. (1996) The slow component of oxygen uptake kinetics in
humans. Exerc Sport Sci Rev. 24 35-71.
[3] Morton, R. H. (1990) Modelling human power and endurance. J Math Biol. 28 49-64.
[4] Whipp, B. J., Davis, J. A., Torres, F. et Wasserman, K. (1981) A test to determine parameters of
aerobic function during exercise. J Appl Physiol. 50 217-221.
[5] Zoladz, J. A., Rademaker, A. C. H. J. et Sargeant, A. J. (1995) Non-linear relationship between
O2 uptake and power output at high intensities of exercise in humans. J Physiol. 488 211-217.
6

Documents pareils