Journal of Asian Martial Arts Volume 8 Number 1, 1999. Le Simple

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Journal of Asian Martial Arts Volume 8 Number 1, 1999. Le Simple
Le Simple Changement de Paume : Mouvement fondamental du Bagua
Je propose ici une traduction personnelle d'un article de Allen Pittman paru dans le
Journal of Asian Martial Arts Volume 8 Number 1, 1999.
L'article original est illustré de nombreuses photos, j'ai mis le lien plus bas dans l'article.
les photos ajoutées ici sont de mon fait. Toute erreur ou approximation de traduction sont
entièrement de mon fait...
Le Simple Changement de Paume :
Mouvement fondamental du Bagua.
Par Allen Pittman.
Introduction
Cet article analyse un mouvement fondamental du Baguaquan (Boxe des Huit
Trigrammes) ou Baguazhang (Paume des Huit Trigrammes), souvent abrégé en Bagual'art martial, ou ce que Donn Dreager nomme « système d'auto-défense civil » .
Historiquement, on ne connait pas de mention d'utilisation du bagua sur le champ de
bataille, donc on ne peut pas vraiment l'appeler un « art martial ». Selon sa tradition orale
et la légende, le Bagua serait né parmi les moines taoïstes anonymes des montagnes de la
province du Jiangxi. Et les gardes impériaux de la dynastie Qing (1644-1912) l'auraient
utilisé.
Bagua signifie « huit trigrammes » ou huit chaînes ». le caractère pour trigramme,
prononcé « gua » vient du mot qui désigne le fil transversal d'un métier à tisser. Le sens
s'apparente à celui du mot sanskrit « Tantra », qui signifie « tisser ». Bien que les
implications philosophiques dépassent le cadre de cet article, trois lignes horizontales
symbolisent le concept du Bagua. Ce symbole apparaît aussi dans la philosophie indienne
Samkya et pourrait constituer l'indication d'un syncrétisme sino-indien. La ligne
supérieure représente l'ordre céleste, celle du milieu l'ordre humain, et celle du bas l'ordre
terrestre. Cette représentation en triade n'est pas propre au monde chinois et se retrouve
dans de nombreuses cosmologies anciennes. Le Bagua s'occupe donc des interactions entre
ces forces et comment elles peuvent être alignées chez l'homme. Le système de self-défense
du Bagua classifie ses mouvements et ses principes selon ce schéma, en utilisant les
trigrammes et leurs huit combinaisons comme comme système de classification des
mouvements, des postures (positions statiques) et des tactiques de combat.
Depuis sa popularisation vers les années 1800, le Bagua s'est scindé en de
nombreuses écoles, et il existe de nombreux maîtres, clamant l'exclusivité et les
« enseignements secrets ». Les écoles publiques les plus connues descendent des élèves du
fondateur du Bagua Dong Haichuan, Sun Lutang à Dong Hai Chuan. D'autres écoles de
Bagua ont intégré d'autres styles de boxe dans leur système, tels que le « Bagua Ivre » de
Fu Zhengsong, dont les élèves enseignent aujourd'hui à Shanghai.
Dong Hai Chuan
Il est difficile de saisir les multiples variations du Bagua, voire impossible.
Cependant, on peut s'en approcher par l'étude du mouvement fondamental, commun à
tous les styles : le « Simple Changement de Paume » (Dan Huan Zhang). Dans cet article,
l'auteur se propose de présenter cinq variantes de ce mouvement, et ce faisant, d'élargir les
connaissances et le discernement des lecteurs sur ce qui définit l'art d'autodéfense du
Bagua.
L'auteur a étudié avec des élèves de ces cinq lignées, et est bien conscient des
risques de déformation. Cependant, la paralysie est pire que l'ananlyse, donc franchissons
le pas , en étant conscient que ces mouvements ne viennent pas de livres ou de videos,
mais bien d'un travail acharné pendant plus de 20 ans.
Les Paumes Mères
Dans le Bagua, les tactiques de combat, l'anatomie, et les enseignements
ésotériques sont organisés selon le même octogone, avec huit mouvements de main, les
« Mu Zhang » (Paumes mères) correspondant aux huit phénomènes. Ces « paumes » sont
intégrées dans une série de mouvements réalisés en marchant autour d'un cercle. Il existe
des divergences d'enseignement concernant la façon dont ces Paumes mères sont
réalisées : Dans certaines lignées, le corps se retourne et repart dans l'autre sens en
exécutant un changement de paume, dans d'autres on exécute le changement de paume
sans changer de direction. D'autres enfin enseignent les Paumes Mères avec les bras dans
des positions statiques , tout en marchant en cercle.
Selon les écoles, d'autres mouvements sont enseignés parallèlement au Paumes
Mères. Dans la tradition martiale chinoise, l’entraînement à mains nues est suivi par
l'étude des clés et torsions (Qinna), des points vitaux, et des méthodes de réanimation, et
enfin les armes. Il n'y a pas de travail au sol. Aujourd'hui, le plus souvent, la boxe Bagua
n'est pas enseignée de façon systématique et l'on ne met souvent pas l'accent sur l'
application tactique.
Quelles que soient les lignées, elles partagent toutes deux techniques : le Simple
Changement de Paume et l'exercice de la marche en cercle. Le Simple Changement de
Paume possède de nombreuses variations et est enseigné différemment selon les écoles de
Bagua. Certaines écoles considèrent le Simple Changement comme la base, avant
d'aborder les changements de paumes en eux-mêmes, plus avancés. D'autres considèrent
le Simple Changement de Paume comme la première Paume Mère. Dans tous les cas, il
s'agit de la technique fondamentale de la boxe Bagua. C'est une façon d'inverser la garde
ou la main qui guide, et elle contient un arsenal d'options pour s'échapper, dévier, tirer,
placer des clés de bras, des coups, et des saisies au visage ou au corps.
La Marche en cercle
L'autre idée de base dans la pratique du Bagua, la marche en cercle, se retrouve
dans toutes les écoles. Il existe différentes façons de marcher sur le cercle et différentes
tailles de cercle, mais la marche demeure fondamentalement identique.
Bien que la marche en cercle ait une grande importance en Bagua, il n'en a pas
l'exclusivité. D'autres boxes chinoises et exercices auxiliaires de l'époque de Dong Hai
Chuan, comme le Bapan Zhang, la Boxe de Sun Bin, et le « qinggong » (techniques
d'agilité) utilisaient la marche en cercle dans leur entraînement. On la connaît sous le nom
de Gyromancie dans les Îles britanniques, et le Cercle de Navarez » dans l'escrime
espagnole. Les lutteurs turques pratiquent dans un cercle et les dévots hindouistes
continuent de marcher autour des arbres (tel que l'apprit Dong, selon la légende). Dans la
Grèce Grèce antique, Melancomas encerclait ses adversaires, gardant la garde pendant
deux jours jusqu'à épuisement de ses adversaires, un fait rapporté pas Jean Chrysostome.
Partout dans le monde, les danses traditionnelles se font en cercle depuis des temps
immémoriaux. Pour toutes ces raisons, il est probable qu'il existât plusieurs arts corporels
utilisant la marche en cercle pour le combat ou la méditation à l'époque de Dong.
Cependant, c'est l'art de Dong qui était réputé pour sa marche en cercle ; certaines
écoles favorisent une façons de réaliser les pas au détriment des autres. La plupart des
écoles enseignent la marche en huit, puis travaillent sur le cercle autour de neufs stations,
ou poteaux.
Les variations du Simple Changement de Paume
Dans cet aperçu, quatre lignées et cinq variations sont présentées. Le lecteur pourra
les comparer dans la pratique. Ainsi quand d'autres articles sur le bagua seront publiés, ils
posséderont une base d'étude et seront à même de percevoir l'ensemble des possibilités de
mouvement de l'entité Bagua -c'est à dire la structure sous-jacente commune à toutes les
écoles. C'est un peu comme apprendre les langues : on apprend d'abord la forme standard
avant de pouvoir apprécier les dialectes.
Sun Lutang
Les lignées suivantes sont présentées :
A) Cheng Tinghua (?-1900 A.D.)(via Sun Lutang jusqu'aux frères Zhang, à Guo Fengchi, à
Robert W. Smith). Cette version du Simple Changement de Paume se trouve dans
l'ouvrage de Sun, Étude de la Boxe Bagua (1916). on y trouve plus de mouvements que
dans dans d'autres versions telles que celles, plus tardives, des textes Huang Bonian et
Gong Baotian. Les autres versions du Simple Changement de Paume démontrées ici
utilisent également moins de mouvement, en omettant notamment, le pied en dedans final
ou combinant les deux premiers mouvements des bras en un seul.
B1 & 2) Li Cunyi (1849-1921) [via Chen Panling et ses fils, Yunqing and Yunchao]. Deux
variantes ici : une par fils de Chen Panling. L'amplitude des mouvements de la version du
plus jeune fils contraste avec la version compacte du plus âgé.
C) Zhang Zhaodong (1858-1938) [de Wang Sujin à Robert W. Smith et Marnix Wells], dans
la même lignée de LiCunyi, cette version met l'accent sur l'utilisation du tranchant de la
main et du coude.
D) Song Changrong (?) [via Gao Yisheng (1866-1951 ) de Zhang Junfeng, à Huang Yimian].
Cette version, la plus compacte, est la plus proche de celles présentées dans le texte de
Huang Bonian La Paume Bagua du Dragon (1936).
Chacune de ces lignées peut être remontée jusqu'à Dong Hai Chuan (1797-1882). La
quatrième lignée, celle de Song Changrong, a peut être eu des influences externes à Dong.
Celui-ci popularisa la boxe Bagua au siècle dernier en tant que garde du corps de
l'empereur Qing. Il y a beaucoup de spéculation autour de la question de savoir quelle
part du Bagua fut crée par Dong lui-même et quelle part il apprit. Il prétendait avoir
appris d'un taoïste (d'autres versions disent : deux taoïstes) dans les montagnes du Jiangxi.
Les auteurs révisionnistes de Chine continentale affirment que Dong créa le Bagua à partir
de sa propre synthèse de marche en cercle taoïste, et de Boxe Shaolin ou Lohan.
L'explication de cette théorie est étrange, manquant même de preuve documentée de
l'existence de taoïstes enseignant une boxe circulaire aux gens à cette époque. Après
cinquante ans de destruction sociale et politique, il est absurde de demander des preuves à
un groupe de taoïstes spécialisés dans l'anonymat. Le Bagua et les arts martiaux chinois en
générale, ont toujours constitué une tradition orale. Ce n'est que depuis le début du 20ème
siècle qu'ils ont fait l'objet d'une littérature substantielle. Certains des textes et recherches
majeurs du 20ème siècle, dont de nombreux travaux de Chen panling, ont été détruit
pendant la Révolution culturelle (1966-1976).
Cependant, la tradition orale existe depuis des temps immémoriaux au sein des
artistes et et des artisans. Ces traditions sont souvent considérées comme des « traditions
secrètes », non parce qu'elles devraient être tenues éloignées des gens, mais parce que
seuls les pratiquants d'une école seront en mesure de saisir les subtilités de
l'enseignement. Il faut expérimenter pour comprendre. Le dicton : « ne montre tes poèmes
qu'à un poète » véhicule la même idée. Les observateurs extérieurs peuvent penser qu'il
existe un secret caché quelque part mais les pratiquants constituent leur expérience par
une longue pratique. L'expérience commune est une composante importante de la relation
professeur-élève.
A partir des exemples ci-dessus, le lecteur devrait être en mesure de discerner les
caractéristiques physiques majeures de tous les styles de Bagua :
• Toutes utilisent la marche en cercle pour l’entraînement.
• La principale position défensive (les bras) est fondamentalement la même, bien que
l'extension des bras puisse varier.
• Les six alignements sont maintenus entre les épaules-hanches (cœur), genou-coude
(intention) et main-pied (énergie vitale).
• Le tronc est maintenu vertical durant la marche et le Simple Changement de Paume.
Les six alignements maintiennent le corps dans une configuration optimale pour se
défendre aisément et procure un avantage mécanique, les principes incarnées dans les six
alignements constituent la base technique des différentes théories énergétiques de la Boxe
chinoise.
Le Bagua démontré ici privilégie l'efficacité sur l'esthétique et essaient de réduire
toutes les tactiques aux actions de marcher et tourner. En utilisant la taille comme axe du
mouvement, soutenant les mains par le dos et les jambes, le Bagua est une manifestation
du corps entier en mouvement dans un cercle, à partir de positions très fortes.
Le Bagua est un système de self-défense civil. Il était utilisé principalement par les
gardes qui escortaient les caravanes à l'époque mandchou. Il fut d'abord rendu public par
Dong Hai Chuan (1797-1882), qui l'aurait démontré à l'empereur lors d'un banquet. A
partir de Dong, il aurait essaimé en environ cinq styles principaux, qui ont depuis été
modifiés, améliorés, déconstruit. Une controverse subsiste autour des des styles
soudainement « redécouverts » en République Populaire de Chine. Il semble que l'aspect
mercantile des arts martiaux et le développement du tourisme aient impulsé cette
tendance.
Certains systèmes paraissent plus complets ou systématiques que d'autres ;
Certains se sont mélangés à d'autres formes de boxe. Certains se sont orientés
principalement vers l'éducation physique et ont perdu leur signification tactique. Tous les
systèmes contiennent le noyau commun de la marche en cercle et favorisent l'habileté à
marcher et tourner (Le Simple Changement de Paume). L'auteur espère que le lecteur
comprend mieux ce qu'est le Bagua et ce qui le distingue d'autres formes d'arts martiaux.

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