pages Rongeurs bull64 - Association Sauvegarde Faune Sauvage

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Rongeurs
Campagnol amphibie - P. Rigaux
Campagnol amphibie :
les dernières nouvelles
du terrain !
Un des enjeux de l’enquête nationale est de préciser la
limite mondiale de l’aire de répartition du Campagnol
amphibie qui passe par le nord et l’est de la France. Or
un campagnol très proche écologiquement et morphologiquement est présent dans le nord, le nord-est de la
France, et plus largement dans le reste de l’Europe : le
Campagnol terrestre (Arvicola terrestris, anciennement
appelé Campagnol terrestre de forme aquatique, au
mode de vie bien différent du Campagnol fouisseur Arvicola scherman). Les répartitions du Campagnol amphibie
et du Campagnol terrestre sont censées être distinctes,
mais qu’en est-il exactement ?
Dans la plupart des régions de France, l’absence du Campagnol terrestre permet d’identifier aisément le Campagnol amphibie par ses indices de présence. C’est pourquoi l’enquête nationale est réalisée en prospectant ces
indices, principalement les crottes. Mais en présence du
Campagnol terrestre, ceci ne suffit généralement pas car
il est souvent impossible de différencier à vue d’oeil les
crottes du Campagnol amphibie de celles du Campagnol
terrestre.
Pour déterminer la limite de répartition de ces deux espèces dans le nord et l’est de la France, les prospections
habituelles de l’enquête nationale par recherche d’indice
de présence dans des mailles 10x10 km sont complétées par des captures et/ou des prélèvements de crottes
pour identification génétique des animaux. Ces prospections bien particulières sont mises en œuvre localement
par différentes associations dans les régions concernées
: Groupe d’Etude des Mammifères de Lorraine, Groupe
Mammalogique Normand, LPO Champagne-Ardenne,
Picardie Nature.
La SFEPM coordonne, appuie et forme les naturalistes
des associations, et réalise aussi directement les études
de terrain. Après la Haute-Marne et la Côte d’Or en 2011
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Mammifères sauvages n°64 - octobre 2012
avec la LPO Champagne-Ardenne, après l’Aisne au printemps 2012 avec Picardie Nature, nous avons ciblé en juillet 2012 deux nouveaux secteurs en Saône-et-Loire, Côte
d’Or et dans l’Aube. Nous avons donc dans un premier
temps prospecté des mailles 10x10 km selon le protocole
d’enquête habituel : recherche des indices de présence
d’Arvicola « aquatiques ». Puis nous avons complété par
des captures pour identification des animaux, prise de
mesures et prélèvement de poils pour l’ADN. Une quarantaine d’Arvicola ont ainsi été capturés sur une vingtaine
de sites, puis relâchés bien sûr après quelques minutes
d’examen.
Ces 10 jours de recherche en équipe ont permis d’identifier une ligne passant par le Pays d’Othe et par l’Autunois
: au sud-ouest de cette ligne on trouve le Campagnol amphibie, et au nord-est le Campagnol terrestre. Ceci remet
en cause la répartition anciennement décrite du Campagnol amphibie qui était donné comme présent bien plus
au nord-est. Nous n’avons pas trouvé de zone de contact
entre les deux campagnols. Tout ceci reste néanmoins à
confirmer par analyse génétique car l’identification des
animaux n’est pas toujours simple.
Au-delà cette découverte, l’ensemble des résultats de
l’enquête nationale vont bientôt permettre de dresser un
état des lieux sans précédent de la situation du Campagnol amphibie en France. Cette synthèse pourra être produite début 2013.
L’enquête se termine : envoyez-nous les résultats de vos
prospections !
Merci à tous !
Et un merci chaleureux à l’équipe de bénévoles pour la
session de prospection bourguignonne : Blandine Collet,
Jacques Maguin, Manon Batista, Céline Roubinet et Charley Chancelier. Enfin merci à Cistude Nature pour le prêt
de matériel.
Pierre RIGAUX - [email protected]
Tél : 06 84 49 58 10
Le Grand hamster
Cricetus cricetus (Linné, 1758) :
une conservation qui passe
par l’élevage
Si « L’art de la guerre » de Sun Tzu n’a rien à envier
à la stratégie de défense du Grand hamster d’Alsace, il
n’en reste pas moins que cette dernière est suffisamment
impressionnante pour forcer le respect. De claquements
de dents en préambule, Cricetus cricetus passe alors au
gonflement de ses abajoues afin de doubler le volume
de sa tête. Dressé sur ses pattes arrières et écartant ses
membres antérieurs pour intimider son ennemi grâce à
son pelage ventral noir de jais, il se prépare à pousser des
cris stridents en se jetant sur son adversaire, effectuant
des bons spectaculaires (de plus d’un mètre de long).
Autant de comportements qui, s’ils sont souvent source
de petites frayeurs voire de blessures, font la joie des soigneurs des élevages en vue de réintroduction en milieu
sauvage tenu par l’association Sauvegarde Faune Sauvage. En effet si pelage, poids, taille, forme des oreilles
ou des yeux constituent de bons indicateurs de santé, la
problématique du renforcement de population à l’aide
de spécimens nés en captivité nécessite également une
réelle sélection comportementale.
Maintenus captifs dans des cages individuelles de
60x60x40, nos énergiques rongeurs de 20 à 30 cm et de
200 à 600 g se sont vu offrir un terrier artificiel en terre
cuite (casier à vin) qui nous a permis de limiter de façon
drastique l’imprégnation à l’homme. Ce procédé nous
permet ainsi d’éviter les écueils de nos confrères OutreRhin et de leurs spécimens relâchés qui, stimulés par la
voix humaine, sortent des champs (milieu auquel le Grand
Hamster est inféodé) afin de quémander de la nourriture.
Le cycle du Grand hamster en élevage se déroule comme
suit :
•
Naissance des petits (1 à 8 par portée, la femelle
n’ayant que 8 tétines, les petits surnuméraires sont rares)
après environ 18 jours de gestation.
•
Après à peu près 2 semaines, séparation de la
mère en laissant les juvéniles ensemble (dans la nature
et dans la plupart des cas, la mère quitte le terrier afin de
s’en creuser un nouveau).
•
2 à 3 semaines passent encore avant séparation
des frères et sœurs en cage individuelle.
Si nombre de femelles élèvent leur progéniture en dehors du terrier artificiel dans des nids de foin élaborés par
leurs soins, la totalité des fratries autonomes se réfugieront quant à elles dans l’abri en terre cuite. De là, c’est au
moment de la séparation des fratries de juin à août que
les éleveurs verront réellement pour la dernière fois les
animaux avant les relâchers début mai de l’année d’après.
Grand hamster - Huber & Klein
Hormis les spécimens trop curieux qui insistent à tisser
des liens avec le personnel des élevages et qui seront gardés pour la reproduction ex situ, c’est à force de patience
et de pas de renard (un des plus grands prédateurs naturels du Grand hamster) qu’il sera possible, non sans difficulté, d’observer et de présélectionner les animaux destinés à être relâchés (198 en 2011 et 190 en 2012).
Mais soigner le milieu ne fait pas tout…. Avec quoi nourrir et comment nourrir sont des questions cruciales tant
au niveau sanitaire qu’au niveau comportemental. Un
aliment de base capable de pourvoir à leurs besoins est
donc fourni ad libitum dans des râteliers extérieurs à la
cage (aliment sous forme de « bouchon » SAFE105 spécial
hamster).
Afin, cependant, de stimuler le Grand hamster à la recherche alimentaire et, de fait, de le pousser à avoir un
comportement de stockage de nourriture, divers aliments
lui sont proposés directement dans la cage et de manière
ponctuelle. De l’oignon (friandise parmi les friandises, ce
dernier est consommé par 100% des spécimens et nous
permet de savoir, durant l’hibernation, si les animaux sont
toujours vivants sans pour autant les déranger) en passant par la luzerne fraîche et/ou déshydratée, du chardon
aux pousses de soja qui ont en plus le mérite de stimuler
le comportement reproducteur, etc. Autant d’outils nous
donnant les moyens d’encourager les animaux à stocker
de la nourriture, exercice dont ils auront particulièrement
besoin en milieu naturel pour se préparer à l’hibernation.
Cette démarche a aussi évité tous comportements dits
d’habitude alimentaire, faisant en sorte que les animaux
soient à la recherche de subsistance et les rendant par la
même plus vigoureux. Toujours dans cette optique et dans
le but de répondre au mieux à la biologie de l’espèce, des
essais et analyses sont en cours en ce qui concerne un
nourrissage au vivant. Animal omnivore se nourrissant en
partie de petits mammifères (en majorité du campagnols)
et d’invertébrés (vers de terre, insectes…), il nous semble
essentiel de répondre aux besoins de l’espèce eu égard à
la finalité des élevages.
Enfin, en ce qui concerne la reproduction ex situ, la problématique devient plus complexe. Animal solitaire, le
Grand hamster n’accepte ses congénères de l’autre sexe
Mammifères sauvages n°64 - octobre 2012
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que dans certaines conditions et pour très peu de temps.
Un refus d’accouplement, le plus souvent de la part de
la femelle, se traduit systématiquement par un combat
violent pouvant très rapidement (en quelques secondes)
mener à la mort d’un des deuxpartenaires.
S’appuyant sur les techniques éprouvées de nos collègues hollandais, il nous a cependant fallu faire de nombreuses adaptations dans la mesure où nous possédons
à peu près 5 fois plus de spécimens qu’eux (entre 600 et
700).
Nous avons donc en plus pris en compte, étant donné le
grand nombre d’animaux que nous avons, les interactions
phéromonales possibles (effets Lee Boot, Vandenberg,
Whitten, Bruce) afin d’organiser les élevages au mieux.
De là et après avoir formé au préalable les couples sur le
papier à l’aide d’un logiciel de gestion génétique (ZooEasy), nous stimulons les femelles à deux reprises à l’aide
de l’urine du mâle directement mise dans sa cage et ce
durant la semaine précédant la mise à l’accouplement.
Le jour J la femelle est placée dans un box muni d’un
tapis antidérapant et d’une petite cloison de séparation
pour limiter le stress. Le mâle lui est ensuite présenté
dans une petite cage afin que les éleveurs puissent jauger de la compatibilité des partenaires sans prendre de
risques. Si compatibilité il y a, la cage du mâle est ouverte
et les animaux laissés ensembles pendant 30 minutes
dans ce milieu neutre (systématiquement désinfecté et
nettoyé, tout comme la totalité des outils), élément essentiel à la rencontre apaisée entre congénères. Il arrive
régulièrement que le coït soit constaté de visu, mais afin
d’améliorer les chances de réussite, les deux partenaires
sont laissés ensemble pendant 8 jours (cycle œstral).
Les résultats préliminaires (la saison est en cours) de
cette méthode sont plus qu’encourageants. D’un taux de
réussite (nombre de tentatives de formation de couple
par rapport au nombre de femelles mettant bas) de 6%
l’année dernière nous sommes, pour le moment, à 33%, la
moyenne des portées passant de 3.8 à 5.6 petits.
Nous avons donc de nombreux leviers pour améliorer l’efficacité des élevages, mais si ce succès venait à
se confirmer, nous aurions là un moyen supplémentaire
d’améliorer les renforcements de population sauvage en
« préparant » les femelles à se reproduire une fois sur le
terrain !
Julien HOFFMANN - Association Sauvegarde Faune Sauvage
[email protected]
http://sauvegardefaunesauvage.fr/wordpress/
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Mammifères sauvages n°64 - octobre 2012
Casier pour Grand hamster - J. Hoffmann
Deux posters pour présenter
le Printemps des Castors
La SFEPM a récemment imprimé un poster de présentation de cette manifestation en anglais afin de la faire
connaître aux autres pays venant participer au 6ème Symposium International sur le Castor qui s’est tenu en Croatie du 17 au 20 septembre dernier. Nous espérons qu’à la
suite de ce symposium, d’autres pays viendront rejoindre
la prochaine édition du Printemps des Castors, le weekend principal de lancement étant les 23 et 24 mars 2013.
Ce poster a aussi été imprimé en français et nous suivra
sur les stands tenus en France, notamment lors des colloques annuels de mammalogie de la SFEPM mais aussi à
la Fête de la Nature à Paris.
Pour 2013, le site internet du Printemps des Castors devrait être modifié de sorte que les personnes proposant
une animation puissent entrer directement leurs informations dans un formulaire en ligne, informations qui seront
validées par nos soins avant de figurer sur le site.
N’hésitez pas à proposer une animation dans le cadre de
cette manifestation, nous possédons en vente à la boutique de la SFEPM des petits livres très pédagogiques qui
pourront vous aider dans la construction de votre intervention auprès du grand public.
Côté outil de communication, nous espérons pouvoir
sortir une plaquette de présentation de la manifestation
mais aussi une exposition avec des photos d’un de nos
adhérents, Gilles Larnac, qui a participé cet été à un tournage de l’émission Des racines et des ailes sur le Castor
avec la salariée de communication de la SFEPM. Diffusion
prévue en début d’année 2013.
Décidemment on ne s’ennuie pas avec les Castors !
Samuel DUBIE et Dominique SOLOMAS