Timeout – Juillet 2010

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Timeout – Juillet 2010
Entre vous et moi Rémi Tremblay est patron depuis l’âge de 22 ans. Ancien PDG d’Adecco Canada,
il a fondé La Maison des leaders, une firme qui accompagne les dirigeants et
leurs équipes. Son dernier ouvrage, J’ai perdu ma montre au fond du lac (2009),
coécrit avec Diane Bérard, indique aux gestionnaires la voie de la tranquillité.
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Time out !
Comme plusieurs d’entre vous, qui êtes parents, j’assume
avec joie une part de ma mission de père en assistant aux
matchs de soccer, de basketball ou de football de mes fils. Je
quitte le bureau à toute vitesse, j’attrape au vol un de mes
garçons et trois de ses coéquipiers, et nous fonçons au parc.
Je suis un vrai fan ! OK, je ne saisis pas toujours
toutes les subtilités du jeu ou des pénalités,
mais, au moins, je fais semblant de
comprendre. Je suis debout dans les
gradins. Je crie. Et j’apprends.
C’est à l’occasion d’un des
premiers matchs de basketball
auxquels j’assistais que j’ai
véritablement compris la
signification et l’étonnant
pouvoir du time out. Imaginez, vers la fin du match,
l’équipe joue de façon décousue, quasi imprévisible.
J’ai beau ne pas tout comprendre, je réalise quand
même que rien ne va plus !
Chaque équipier semble jouer
seul. Plus de passes, plus de
stratégie commune, plus de complicité. Bref, plus d’équipe. Comme
si la couleur des chandails s’était effacée. Les adversaires gagnent du terrain.
Soudain, devant des regards surpris et déçus, un
cri se fait entendre : « Time out ! »
Pendant ce moment dont je ne saisis pas toute l’importance,
j’engage la conversation avec d’autres parents sans me rendre compte que le jeu a repris. Et là, je suis renversé ! C’est
comme si une nouvelle équipe s’était emparée du terrain. La
complicité est revenue, une volonté commune et une énergie
renouvelée émanent du groupe. Un panier, deux paniers…
Yessss ! Mais que s’est-il passé ?
Après avoir célébré la victoire, j’ai passé un coup de fil à
mon amie Danièle Sauvageau, ex-entraîneuse de l’équipe
olympique de hockey féminin, aujourd’hui conseillère et
conférencière en coaching exécutif et sportif, et lui ai
demandé comment je pouvais transposer cet enseignement
dans ma vie professionnelle. « Le time out permet d’abord
de se calmer et de se recentrer, explique Danièle. Grâce à lui,
on remet le jeu en contexte, on observe la réalité telle qu’elle
est. Par exemple, si on perd par un point ou si un des joueurs
est épuisé, on révise le plan de match. Puis on réajuste le tir ou on maintient le cap. Le time
out permet à chacun de revenir dans ses
baskets. »
Dans l’euphorie du jeu, la force
de l’ego nous éloigne parfois de
nos rôles, de la cible ou du bien
commun de l’équipe. Il faut
saisir l’occasion qu’offrent
les temps d’arrêt et oublier
les grandes leçons qui préconisent de les garder pour
les derniers instants du
match. « Nous devons
écou­ter notre gut feeling et
saisir le bon moment pour
revenir ensemble sur le terrain », conclut-elle.
Depuis, j’observe davantage
la dynamique des équipes que
j’accompagne. Et je marque volontiers un temps d’arrêt dans le feu de
l’action. Cela peut prendre la forme d’un cri
de ralliement dans une aire ouverte de
l’entreprise ; une heure dans un comité de direction pour se
demander comment ça va et échanger des idées « passeulement-professionnelles » ; un colloque ou un rassemblement pour l’ensemble des employés ; un lac-à-l’épaule pour
les cadres ; une pause pour écouter un collègue qui n’a pas l’air
d’aller… Autant d’occasions où l’on peut dire : « Time out ! »
Ralentir le rythme est toujours bénéfique. Oui, je sais,
ralentir vous semble difficile. Mais avez-vous seulement tenté l’expérience ? Il n’y a pas de limite de time out au sein de
votre organisation. Prenez le temps qu’il faut afin de revenir
au jeu plus centré et énergisé. Et admirez les résultats.
Illustrations : Martin Gagnon (R. Tremblay), Boris Zaytsev