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Les 1res Rencontres Franco-Belges (Traduction simultanée)
18 Septembre 2015 – Salons du Relais (Paris, Gare de l’Est)
ACTUALITéS EN ALLERGOLOGIE MOLECULAIRE ET AUTO-IMMUNITE
Les connectivites en pratique courante
Pr Zahir AMOURA, Service de Médecine Interne 2, Centre National de Référence
« Lupus », Institut E3M, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris, France
Prototype de la connectivite, le lupus systémique est une maladie autoimmune très protéiforme. Basé sur l’association de critères cliniques et biologiques, son diagnostic nécessite
une étroite collaboration entre clinicien et biologiste.
Le terme de connectivite fait allusion à des maladies systémiques que l’on pensait caractérisées par une atteinte du collagène vasculaire (d’où l’appellation de collagénose ou connectivite). Cette conception s’appuyait sur l’idée que l’atteinte
du système vasculaire jouait un rôle important dans le processus autoimmun qui menait à ces pathologies. Aujourd’hui, ce
terme n’a plus aucun rapport avec la réalité puisqu’il ne s’agit pas de maladies du collagène.
Les connectivites (Connective Tissue Diseases ou CTD) forment, en fait, un groupe de maladies d’étiologie inconnue qui
ont pour caractéristiques d’être systémiques, d’affecter plusieurs organes et d’être associées à la présence, dans le sang,
d’auto-anticorps. Toutefois, si ceux-ci constituent un élément diagnostique de grande importance, ils ne résument en aucun cas la pathologie. Le bilan immunologique doit, en effet, toujours être combiné à un contexte clinique bien particulier.
Le diagnostic de CTD étant souvent difficile et parfois porté en excès, l’échange clinicien-laboratoire est un facteur déterminant pour l’interprétation des résultats.
Le lupus, prototype de la connectivite
Dans les CTD sont regroupés les vascularites, la sclérodermie systémique, les myosites, le lupus érythémateux systémique
(LES), dans lequel était inclus initialement le syndrome des anticorps anti-phospholipides (SAPL), le syndrome de Gougerot-Sjögren, le syndrome de Sharp ou connectivite mixte ou indifférenciée. De toutes les maladies systémiques, le LES est
probablement celle offrant le plus grand spectre de présentations cliniques. Son évolution par périodes d’exacerbation et
de rémission est un élément primordial à prendre en compte, surtout pour la détermination des anticorps. On peut ainsi obtenir, au cours de certaines phases et lorsque les patients sont traités efficacement, des antinucléaires anti-ADN négatifs.
Lié à une atteinte de certains tissus, le LES est une maladie à complexes immuns(1). Fil rouge essentiel pour comprendre
sa physiopathologie : il n’y a pas de lupus sans anticorps antinucléaires. Un seuil a été déterminé chez les sujets de moins
de 60 ans, qui est > 1/160. Ce que l’on appelait auparavant « lupus anticorps à antinucléaire négatif » représente vraisemblablement le SAPL.
La physiopathologie est caractérisée par des cercles vicieux d’amplification où se succèdent production des anticorps
antinucléaires, lyse des cellules et de leurs noyaux, apparition d’antigènes nucléaires dans la circulation, production d’anticorps. Ce processus peut se réaliser à l’échelon de tout un individu ou d’un seul tissu, comme le rein (production d’autoanticorps, dépôt dans les tissus, activation du complément, recrutement des cellules inflammatoires, apoptose, nécrose,
lésions des tissus).
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9 femmes pour 1 homme
Classée parmi les maladies rares en France, le LES touche 27 000 malades et sa prévalence est de 47 pour 100 000(2).
Comme beaucoup de connectivites, c’est une maladie de la femme (9 pour 1 homme), en âge de procréer, avec une fréquence plus forte dans les populations originaires d’Afrique et d’Asie du Sud-Est. De 5 à 10% des formes sont familiales
mais la transmission directe d’une mère à son enfant est exceptionnelle et les formes pédiatriques représentent environ 4%
de l’ensemble des patients lupiques.
En 1955, une personne qui en était atteinte avait 50% de risque de mourir dans les cinq ans. En 2000, la survie à dix ans
était supérieure à 90%. Les atteintes rénales très sévères et neurologiques centrales, le début dans l’enfance, le genre
masculin et l’origine africaine ou antillaise étaient les critères de pronostic défavorable. Aujourd’hui, en 2015, pour les sujets
suivis dans les centres experts, la survie est équivalente à celle de la population générale. Cette avancée a été obtenue
avec les médicaments conventionnels, corticoïdes, hydroxychloroquine et immunosupresseurs classiques. L’essentiel du
travail ayant été fait depuis les années 2000, l’objectif des biothérapies qui arrivent sur le marché est de permettre de résoudre certaines situations, notamment de traiter les lupus réfractaires.
Ce qui rend difficile le diagnostic de LES est son caractère hétérogène et protéiforme : tous les organes peuvent être
touchés. Ceci est toutefois exceptionnel. A savoir : dans la vie d’un patient lupique, deux grandes poussées sévères surviennent et, au cours de chacune d’entre elles, deux organes en moyenne sont atteints. Autre difficulté : chaque signe peut
être inaugural. D’où la nécessité d’utiliser les résultats des auto-anticorps et, donc, de travailler en étroite collaboration avec
le laboratoire. En tenant compte de l’activité du lupus (rémission ou exacerbation), un certain nombre d’auto-anticorps
disparaissant en phase de quiescence.
Manifestations cutanées
Décrite par les dermatologues, le Lupus était initialement l’appellation de la tuberculose cutanée (« morsure du loup »).
Les chiffres issus d’un suivi de patients effectué sur dix ans montrent que 80 à 90% d’entre eux ont une atteinte cutanée
spécifique. Au sein des symptômes dermatologiques, on peut distinguer différentes formes d’atteintes cutanées : aiguës,
subaiguës et chroniques, sans lien entre elles.
Caractérisé par sa grande photosensibilité, le lupus cutané aigu (30-60% des cas) peut se manifester sur toutes les régions photo-exposées : atteinte malaire avec rash en ailes de papillon, érythème sur les mains, avec pour particularité de
respecter les articulations interphalangiennes (c’est l’inverse dans la dermatomyosite), par exemple. Des lésions peuvent
aussi être observées au niveau des muqueuses (ulcérations dans la bouche). Le traitement de la poussée permet de faire
disparaître les lésions sans laisser de trace ni d’atrophie des tissus.
Autre type d’atteinte cutanée, le lupus subaigu (7-20%), également photosensible, touche avec prédilection les membres
et le tronc. Son aspect est très évocateur : il ressemble à une urticaire, avec une partie très érythémateuse et œdémateuse
active et un centre en voie de guérison. Il est associé à la présence d’anticorps anti-Ro/SSA, .
Concernant la forme chronique (15%), sa manifestation la plus affichante, la plus ennuyeuse est le lupus discoïde (15-20%)
qui prend l’apparence d’une large plaque érythémateuse. Sa caractéristique, qui permet de porter le diagnostic, est son
aspect séquellaire, atrophique, squameux. Photosensible, cette éruption peut siéger partout, sur le cuir chevelu (plages
d’alopécie majeure, cicatricielle et définitive), la face, les oreilles, les bras, etc.
A noter que des manifestations non spécifiques existent : alopécie diffuse (à différencier de l’alopécie en plaque de la forme
discoïde), signe d’activité du LES, érythème d’origine vasculaire (livedo), syndrome de Raynaud ciblant les pouces et les
pieds, évocateur d’une connectivite.
Atteintes rénales, neurologiques et autres atteintes
Avec une prévalence située aux alentours de 30-40% des cas, l’atteinte rénale est assez fréquente. Grande pourvoyeuse
de morbidité, voire de mortalité, elle survient, en moyenne, dans les cinq premières années après le diagnostic. Elle est
plus fréquente chez les enfants, les personnes originaires d’Afrique et de sexe masculin. Il s’agit, avant tout, d’une glomérulopathie. L’analyse montre une protéinurie (+++), une hématurie et une augmentation de la créatininémie, rarement une
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insuffisance rénale. Nécessaire, la biopsie rénale permet de classer l’atteinte(3) pour ensuite déterminer le traitement (tous
les atteintes rénales ne se traitent pas). Comme pour la peau, sont retrouvés dans le rein des dépôts de C1q et d’anticorps,
notamment des anti-ADN de haute affinité qui activent le complément et qui entraînent les lésions.
Des manifestations plus générales et neuropsychiatriques peuvent également survenir. Très gênantes, elles regroupent
dix-neuf syndromes, sept périphériques et douze centraux. Le SAPL étant présent au cours du lupus, il est important de
faire la différence entre ce qui est lié à une atteinte vasculaire, et qui ne justifie ni corticoïde ni immunosuppresseur, et ce
qui est de l’ordre de l’inflammation et qui répond au traitement. Une classification a été proposée, qui oppose deux sortes
de manifestations, les unes focales, dont l’origine est surtout vasculaire, les autres diffuses, beaucoup plus inflammatoires.
La polyarthrite concerne, pour sa part, 90% des patients au bout de dix ans. Caractéristique majeure : elle est non déformante et ne détruit pas le cartilage comme dans la polyarthrite rhumatoïde. Une exception : l’arthropathie de Jaccoud marquée par des dommages au niveau des tendons, qui se traduit par une déformation en coup de vent cubital réductible.
Des atteintes pleurales et pulmonaires (30%), cardiovasculaires peuvent, de plus, se manifester. Concernant le cœur,
toutes les membranes peuvent être affectées, le péricarde en premier lieu, essentiellement sous une forme inflammatoire
(péricardite). L’endocardite de Libman-Sacks (valvulopathie) ainsi que les thromboses sont très courantes (plus de 30%
des lupiques ont une valvulopathie) et liées au SAPL.
Biologie spécifique ou non
Le diagnostic peut être simplement basé sur l’hémogramme, où tous les paramètres sont « à la baisse ». Anomalies constatées : une anémie, plus souvent d’origine inflammatoire, parfois hémolytique, une leucopénie, une lymphopénie, (avant la
prise de corticoïdes), une thrombocytopénie. Lorsqu’une personne souffrant de polyarthrite affiche une thrombopénie ou une
leucopénie, le diagnostic est facilement évoqué si les anticorps antinucléaires sont positifs.
La CRP (Protéine C-réactive) est souvent normale. La présence de sérites (CRP autour de 40-80 mg/l), ou une infection sont,
en fait, les seules situations où la CRP est à très élevée. Devant une polyarthrite sévère avec une CRP quasiment normale, le
lupus est à mentionner en priorité, avant une polyarthrite rhumatoïde. En parallèle, un allongement du TCA (temps de céphaline activé) peut signer la présence d’un anticoagulant circulant de type lupique.
En termes d’anomalies spécifiques, les anticorps antinucléaires (avec le seuil de 1/160) servent pour le diagnostic (associés
à d’autres critères issus des classifications ACR ou SLICC) et il n’y a aucune raison de doser au cours du suivi. Bien évidemment, les médicaments inducteurs (bêta bloquants, interféron, antipsychotiques…) ou toute autre situation potentiellement
inductrice de ce type d’anticorps doivent être préalablement éliminés. Autres autoanticorps importants dirigés contre les antigènes nucléaires : anti-ADN double brin, anti-Sm et anti-SS-A/SS-B, anti-nucléosomes et antiribosomes. Les antiSm et antiribosomes P sont les plus spécifiques du diagnostic de lupus et rendent celui-ci quasiment sûr (faux positifs quasi inexistants).
Si les anti-ADN sont un bon marqueur de l’activité de la pathologie, tous les patients n’en ont pas (60 à 70% seulement des
LES actifs).. Le type de test utilisé est, bien évidemment, d’une grande importance. Pour exemple, si celui-ci est très sensible,
il positivera les anticorps anti-nucléaires, anti-ADN chez tous les individus. La présence de ces anticorps est confirmée par
un test spécifique (par exemple e test de Farr). Ces anticorps ont un intérêt pronostique et doivent être dosés régulièrement
pour le suivi.
Les anti-SS-A/SS-B (20 à 30% des cas) sont, quant à eux, plus particulièrement recherchés au cours de la grossesse
puisqu’ils exposent au risque de lupus néonatal. Enfin, le dosage de la fraction C3 du complément constitue le deuxième
examen biologique spécifique réalisé pour surveiller les patients. Le LES est, en effet, l’une des rares situations en médecine
où on a une consommation du complément. S’il a une importance diagnostique, ce test a aussi une valeur pronostique pour
suivre l’évolutivité de la maladie.
Traitements standard
Quid de la prise en charge ? Un protocole national de diagnostic et de soins a été établi sous la direction de la HAS (Haute
Autorité de Santé). Celui-ci intègre les traitements standard, ceux-là même qui ont permis une amélioration très nette de la
survie. Le traitement de fond, préconisé pour tous les porteurs de cette maladie chronique, est l’hydroxychloroquine. Pour
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ce qui concerne les atteintes aiguës, c’est un schéma de riposte graduée qui est employé, Le traitement est déterminé en
fonction du type de manifestation en évitant le plus possible d’utiliser les corticoïdes, notamment en cas de polyarthrite et
d’atteinte cutanée, pour limiter le risque de complications cardiovasculaires, principale cause de mortalité des patients lupiques. Ainsi, dans ces formes les plus fréquentes, les stratégies thérapeutiques déployées passent directement à l’immunosuppresseur (hydroxychloroquine, méthotrexate, thalidomide) en s’abstenant de corticothérapie. En cas de polyarthrite,
si la douleur est soulagée, il est possible d’attendre l’efficacité de tels médicaments.
Des critères diagnostiques plus précis
Basé sur la conjonction de signes cliniques et biologiques, le diagnostic de lupus s’appuie sur une liste de
critères de classification, dont celle établie par l’ACR (American College of Rheumatology).
Définie en 1971, celle-ci a été révisée en 1997 avec notamment l’inclusion des anticorps anti-phospholipides. Caractérisée par une surreprésentation des critères dermatologiques (la classification de l’ACR
a été initialement élaborée pour réaliser le diagnostic différentiel avec la polyarthrite rhumatoïde), le diagnostic peut être retenu en cas de présence simultanée ou cumulative d’au moins quatre critères, sans
limitation de temps, la maladie peut être retenue.
En 2012, une nouvelle classification a été proposée : celle du SLICC* (Systemic lupus international collaborating clinics), beaucoup plus pointue, apportant précisions et compléments par rapport à celle de
l’ACR. Elle liste notamment, pour ce qui est de la clinique, toutes les atteintes cutanées spécifiques possibles (aiguës, subaiguës, chroniques) ainsi que les diverses manifestations neuropsychiatriques (dix-neuf
syndromes).
* Critères non encore validés
(1) Formation de complexes immuns : activation du complément, dépôt de complexes immuns et de C-reactive protein, diminution
des niveaux de C’ dans le sérum.
(2) Selon une étude réalisée avec la Caisse nationale d’assurance maladie. La prévalence est différente dans d’autres pays car le
lupus est très hétérogène et sa recherche dépend des techniques utilisées.
(3) Classification internationale (ISN/RPS classification).
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