L`œil rouge: une approche clinique
Transcription
L`œil rouge: une approche clinique
L’œil rouge: une approche clinique Présenté aux résidents de l’UMF, par Dre Élise Roberge, urgentologue, le 16 juin 2010. Objectifs • Évaluer l’œil rouge selon une démarche clinique simple • Connaître le diagnostic différentiel de l‘oeil rouge • Initier un traitement efficace des pathologies traitables en cabinet • Reconnaître les pathologies nécessitant une référence urgente en ophtalmologie Lesquels des énoncés suivants sont vrais? • 1. La plupart des causes de l’œil rouge peuvent être diagnostiquées au bureau du médecin de famille. • 2. La plupart des causes de l’œil rouge sont sévères. • 3. La conjonctivite est la cause la plus fréquente d’un œil rouge en communauté. • 4. L'examen au biomicroscope (lampe à fentes) est nécessaire pour mettre en évidence la plupart des opacités cornéennes et identifier des cellules dans la chambre antérieure. • 5. L’omnipraticien peut traiter tous les patients se présentant avec un œil rouge. – – – – – A) 1, 2 et 3 B) 1, 3 et 5 C) 3 et 4 D) 1 et 3 E) Tous les énoncés Anatomie de l’oeil Ref: jumbotronics.wordpress.com Diagnostic différentiel de l’œil rouge • Étiologies traumatiques • Étiologies non traumatiques Oeil rouge traumatique • Abrasion /érosion cornéenne • Corps étranger cornéen • Corps étranger sous la paupière • Hyphéma • Kératite aux rayons ultraviolets (U.V.) • Brûlure chimique ou thermique • Corps étranger intraoculaire • Fracture orbitaire • Lacération cornéenne ou rupture du globe oculaire Oeil rouge non traumatique • Conjonctivite – Virale – Bactérienne – Allergique • Hémorragie sousconjonctivale • Uvéite antérieure aiguë • Cellulite orbitaire • • • • Kératite herpétique Glaucome aigu Épisclérite Sclérite Démarche clinique en 8 étapes • • • • • • • • 1. Acuité visuelle 2. Conjonctive 3. Sécrétions 4. Opacités cornéennes 5. Atteinte épithéliale 6. Chambre antérieure 7. Pupilles 8. Autres symptômes 1. Évaluer l’acuité visuelle NORMALE Conjonctivite virale, bactérienne et allergique Hémorragie sous conjonctivale Cellulite péri-orbitaire DIMINUÉE Trauma Kératite Uvéite antérieure aiguë Glaucome aigu 2. Inspecter la conjonctive • Hyperémie localisée – Hémorragie sousconjonctivale – Péricornéenne ou périlimbique • Kératite infect. • Uvéite • Glaucome • Hyperémie diffuse – Trauma – Inflammation • Conjonctivites 3. Évaluer le type de sécrétions • Aucune – Hémorragie sousconjonctivale • Claire – Trauma, kératite, uvéite, glaucome, conjonctivite virale ou allergique • Séro-sanguinolente – Trauma • Purulente – Infection bactérienne 4. Détecter la présence d’opacités cornéennes • Aucune – Conjonctivite • Opacités diffuses (grisaille) – Glaucome – Kératite aux rayons U.V. • Opacité localisée – Kératite herpétique – Ulcère cornéen 5. Rechercher une atteinte épithéliale (fluorescéine) • Kératite herpétique • Abrasion cornéenne • Irritation 2e au port de lentilles cornéennes • Kératite aux rayons U.V. • Brûlure chimique 6. Évaluer la chambre antérieure • Absente – Lacération du globe • Étroite – Glaucome aigu • Cellules en suspension – Uvéite ant. aiguë • Sang – Hyphéma, perforation du globe • Pus (hypopyon) – Ulcère cornéen 7. Examiner les pupilles (comparaison du diamètre, réflexe photomoteur, régularité du contour) • Mydriase • Myosis – Trauma #1 – Paralysie 3e nerf crânien – Glaucome aigu – Iatrogène (atropine) – Uvéite #1 – Syndrome de Horner – Iatrogène (pilocarpine, narcotiques) 8. Rechercher d’autres symptômes • Douleur & photophobie – Trauma, kératite, uvéite, glaucome • Halos colorés, douleur abdo, vomissements – Glaucome aigu • Prurit & chémosis – Conjonctivite allergique • Adénopathies pré-auriculaires – Conjonctivite virale Autres étapes utiles • 9. Mesurer la pression intra-oculaire dans les 2 yeux – Normale: • si entre 10-21 mmHg • si comparable des 2 côtés – Si augmentée, suspecter glaucome aigu • 10. Inspection du visage, des paupières et des cils • 11. Évaluer l’état général du patient Cas 1: Fille de 16 ans, prurit et rougeur bilatéraux. Cas 1: Fille de 16 ans, prurit et rougeur bilatéraux. Acuité visuelle Normale Conjonctive Hyperémie diffuse, chémosis Écoulement Clair Opacités cornéennes Nil Atteinte épithéliale Nil Chambre antérieure Normale Pupilles Normales Autres symptômes Prurit oculaire, rhinorrhée claire Conjonctivite allergique (cas 1) • Tx – Éviter allergènes – Tx de support: lubrifiants oculaires, compresses froides, éviter de frotter les yeux – Médication: • Antihistaminiques topiques (ex: azelastine, levocabastine) ou PO (ex: diphenhydramine, hydroxyzine, loratadine) et/ou • Décongestionnants oculaires topiques (ex: naphazoline, tetrahydozoline) • Si Sx sévères et échec au Tx de 1ère ligne: – AINS topiques (ex: ketorolac) – Antihistaminiques mast cell stabilizers (cromolyn sodium, lodoxamide) – Suivi PRN Cas 2: Enseignante de 35 ans, rougeur et irritation de l’OG. Cas 2: Enseignante de 35 ans, rougeur et irritation de l’OG. Acuité visuelle Normale Conjonctive Hyperémie diffuse Écoulement Mucoïde Opacités cornéennes Nil Atteinte épithéliale Nil Chambre antérieure Normale Pupilles Normales Autres symptômes Sx d’I.V.R.S., adénopathie préauriculaire Conjonctivite virale (cas 2) • Tx – Auto-résolution en 2-3 semaines – Tx de support: lubrifiants oculaires, compresses chaudes ou froides, éviter de frotter les yeux – Mesures pour prévenir la transmission (ex: lavage de main) – Médication peu utile et risque d’effet rebond lors de l’arrêt. Si Sx sévères, on peut tenter: • antihistaminiques topiques (ex: azelastine, levocabastine) • décongestionnants oculaires topiques (ex: naphazoline, tetrahydozoline) – Éviter antibiotiques! – Suivi PRN (ex: si détérioration de l’état ou nouveaux Sx) Cas 3: Jeune homme de 18 ans, écoulement oculaire purulent. Cas 3: Jeune homme de 18 ans, écoulement oculaire purulent. Acuité visuelle Normale Conjonctive Hyperémie diffuse Écoulement Purulent abondant Opacités cornéennes Atteinte épithéliale Nil Nil Chambre antérieure Normale Pupilles Normales Autres symptômes Sensation d’irritation Conjonctivite bactérienne (cas 3) • • Tx de conjonctivite bactérienne – Cultures des sécrétions. Rechercher S & Sx d’urétrite. – Tx de support: lubrifiants oculaires, compresses froides, éviter de frotter les yeux – Mesures pour prévenir la transmission d’un œil à l’autre ou d’une personne à l’autre (ex: lavage de main) – Cesser le port et désinfecter ou remplacer lentilles cornéennes – Médication antibiotique: • 1ère ligne ou tx empirique: – Onguent erythromycin ou gouttes de sulfacetamide10% – Si lentilles cornéennes (pseudomonas), gouttes de fluoroquinolones (ex: ciprofloxacin) • 2e ligne: – Tx selon cultures ou antibiotiques à plus large spectre (ex: bacitracin, polymyxin) – Éviter aminoglycosides (ex:gentamicin, tobramycin) car irritation oculaire • 3e ligne: fluoroquinolones – Suivi dans 48 heures si pas d’amélioration ou si symptômes d’alarme Tx spécifique de «conjonctivite bactérienne hyperaiguë » (N. gonorrhea): admission et antibio IV Kératite bactérienne / Ulcère cornéen / Hypopyon • Référence immédiate en ophtalmo • Cultures des sécrétions • Tx initial – Gouttes antibiotiques topiques à large spectre chaque 15-30 minutes – Gouttes cycloplégiques • +/- débridement ou drainage chirurgical Kératite virale (herpétique) • Référence urgente en ophtalmo • Tx initial – Antiviraux topiques (ex: trifluridine) +/- AINS topiques – 2e ligne: antiviraux PO (ex: acyclovir, famcyclovir) – Eviter corticostéroïdes! Cas 4: Garçon de 14 ans, douleur oculaire et fièvre. Cas 4: Garçon de 14 ans, douleur oculaire et fièvre. Acuité visuelle Oeil peu ouvert Conjonctive Hyperémie diffuse, chémosis Écoulement Muco-purulent Opacités cornéennes Nil Atteinte épithéliale Nil Chambre antérieure Plus étroite Pupilles Légère mydriase Autres symptômes Fièvre, céphalée, exophtalmie, rhinorrhée purulente, Pioc. élevée,ophtalmoplégie Cellulite orbitaire (cas 4) • Référence immédiate en ophtalmo • Admission avec examens ophtalmiques et neurologiques répétés • RX sinus, Scan orbites et cérébral +/- angio scan ( pour évaluer sinusite et pour éliminer abcès cérébral ou thrombose sinus caverneux) • Tx initial – Antibiotiques IV: • Céphalo 3e génération IV (céfotaxime ou ceftriaxone) ou vancomycin si allergie pénicilline +/• Clindamycin IV (couvrir anaérobes) – Tx support: analgésie, hydratation, etc. – Drainage chirurgical selon évolution Cas 5: Fillette de 8 ans, boiterie et oeil rouge et douloureux. Cas 5: Fillette de 8 ans, boiterie et oeil rouge et douloureux. Acuité visuelle Diminuée Conjonctive Hyperémie péricornéenne Clair, liquide Écoulement Opacités cornéennes Nil Atteinte épithéliale Nil Chambre antérieure Cellules visibles au biomicroscope Pupilles Myosis, non réactives Autres symptômes Douleur, photophobie Uvéite antérieure aiguë (cas 5) • Référence urgente en ophtalmo • Tx initial de l’uvéite non infectieuse – Corticostéroïdes topiques (ex: prednisolone 1%) – Cycloplégiques (ex: cylcopentolate, homatropine) • Investigations complémentaires pour éliminer maladie systémique associée Ex: arthrite rheumatoïde juvénile (cas 5), maladie inflammatoire de l’intestin, spondylarthropathie, infection, néoplasie Cas 6: Femme, 72 ans, symptômes gastrointestinaux et oeil rouge douloureux. Cas 6: Femme, 72 ans, symptômes gastrointestinaux et oeil rouge douloureux. Acuité visuelle Diminuée Conjonctive Hyperémie péricornéenne Clair Écoulement Opacités cornéennes Opacification diffuse Atteinte épithéliale Nil Chambre antérieure Étroite Pupilles Mydriase fixe Autres symptômes Nausées & vomissements Glaucome aigu à angle fermé (cas 6) • Référence immédiate en ophtalmo • Tx initial: – Diminuer pression intraoculaire • Bloqueur bêta-adrénergique topique (ex: timolol) • Inhibiteur anhydrase carbonique IV puis PO (ex: acetazolamide) • +/- agoniste alpha-adrénergique topique (ex: brimonidine) – Réduire inflammation avec corticostéroïde topique (ex: prednisolone) – Tx de support: décubitus dorsal, antiémétique, analgésique, etc. Puis – 1 heure après traitement initial, renverser l’angle fermé avec gouttes myotiques (ex: pilocarpine) – Equilibrer les pressions chambre ant. et post. avec iridotomie au laser Cas 7: Garçon de 10 ans, a reçu un élastique au niveau de l‘OD. Cas 7: Garçon de 10 ans, a reçu un élastique au niveau de l‘OD. Acuité visuelle Diminuée Conjonctive Hyperémie diffuse Écoulement Clair, liquide Opacités cornéennes Atteinte épithéliale Nil Déficit épithélial Chambre antérieure Normale Pupilles Normales Autres symptômes Douleur, photophobie Abrasion de la cornée (cas 7) • Tx initial – Lubrifiants oculaires – Médication antibiotique prophylactique (suggérée, mais peu étudiée) • Onguent erythromycin ou gouttes de sulfacetamide10% ou de ciprofloxacin (si lentilles cornéennes) • Éviter aminoglycosides (ex:gentamicin, tobramycin) car irritation oculaire – Analgésie • Analgésie systémique (ex: acétaminophène, AINS, opiacés) ou AINS topiques (ex: diclofenac) • Non recommandées en général mais peuvent être utiles si surface d’abrasion de plus de 50% de la cornée: – Gouttes cycloplégiques (ex: cyclopentolate ou homatropine) – Occlusion mécanique de l’oeil avec gazes • Ne pas prescrire d’anesthésiques topiques (ex: proparacaine) – • Vaccin tétanos non recommandé pour abrasion cornée ou corps étranger cornéen Suivi dans 24-48 heures Cas 8: Mécanicien de 32 ans, douleur lorsqu'il cligne des paupières. Cas 8: Mécanicien de 32 ans, douleur lorsqu'il cligne des paupières. Acuité visuelle Normale Conjonctive Hyperémie diffuse Écoulement Clair, liquide Opacités cornéennes Nil Atteinte épithéliale Fines stries linéaires à la fluorescéine a|n cornée Chambre antérieure Normale Pupilles Normales Autres symptômes Douleur & photophobie Corps étranger sous-palpébral(cas 8) • Tx: – Anesthésie locale avec proparacaine – Eversion de la paupière – Exérèse du corps étranger • Irrigation • Cotton-tige imbibé d’eau stérile • Aiguille ou pinces • Si c.e. transperce paupière, référer en ophtalmo – Tx standard de l’abrasion cornéenne secondaire – +/- Vaccin tétanos – Prévention: lunettes protectrices Corps étranger cornéen • Tx: – Anesthésie locale avec proparacaine – Exérèse du corps étranger • Irrigation • Cotton-tige imbibé d’eau stérile • Aiguille 25 ou pinces – Si difficulté à enlever c.e. ou si perforation du globe (Siedel test +), référer en ophtalmo – Cureter l’anneau de sidérose avec drill ophtalmique si disponible. Sinon, référer en ophtalmo – Tx standard de l’abrasion cornéenne secondaire – Vaccin tétanos non recommandé – Suivi 24-48 heures – Prévention: lunettes protectrices Trauma oculaire contondant avec hyphéma • Référence immédiate en ophtalmo • Tx initial: – Repos, tête surélevée 30-45 degrés – Patch oculaire – Analgésie: éviter ASA ou AINS • Dans certains cas particuliers: – Corticostéroïdes topiques ou PO – Cycloplégiques – Antifibrinolytiques Rupture du globe oculaire • Référence immédiate en ophtalmo • Tx initial: – Repos en décubitus dorsal – Protection œil avec coquille rigide – Pas de Rx topiques – Antibio IV • R/O corps étranger et perforation oculaire (RX+/scan, et examen lampe à fentes) • Vaccin anti-tétanos si c.e. perforant • Chirurgie Brûlure chimique • Tx initial – Irrigation immédiate avec eau +++ • A l’urgence, anesthésie locale puis NS 1-2L • Cible: pH ioc.7-8 – Identifier le produit si possible et son pH – Appel au Centre antipoison • Référence urgente en ophtalmo Pathologies traitées et suivies en première ligne • Hémorragies sous-conjonctivales • Conjonctivites (virales, bactériennes*, allergiques) • Abrasions cornéennes* • Corps étrangers cornéens* • Aussi – – – – – Orgelaie / Chalazion Blépharite Réactions allergiques Syndrome des yeux secs Irritation secondaire aux lentilles cornéennes * Suivi 48 heures après début du traitement. Si pas d’amélioration ou si détérioration, référer à l’ophtalmologiste. Symptômes & signes de danger • • • • • • • • • Diminution acuité visuelle, vision floue Hyperémie péricornéenne / Flush ciliaire Rupture des structures anatomiques Opacification de la cornée Sensation sévère de corps étranger avec incapacité d’ouvrir l’oeil Chambre antérieure étroite, hyphéma, hypopyon Anisocorie ou pupille irrégulière Douleur intense, photophobie, halos colorés, céphalée, vomissements, fièvre, anomalies neurologiques Pression intra-oculaire augmentée Indications de référence en ophtalmologie • Très urgentes (immédiate • Urgentes / Semiou dans les heures qui urgentes (dans les 24 suivent) – Trauma pénétrant / corps étranger intra-oculaire / Rupture du globe – Hyphéma – Glaucome aigu – Kératite bactérienne/ Ulcère cornéen/ Hypopyon / Cellulite orbitaire heures après début du Tx) – Uvéite antérieure aiguë – Kératite virale (herpétique) – Anomalies pupillaires – Atteintes de la vision Lesquels des énoncés suivants sont vrais? • 1. La plupart des causes de l’œil rouge peuvent être diagnostiquées au bureau du médecin de famille. • 2. La plupart des causes de l’œil rouge sont sévères. • 3. La conjonctivite est la cause la plus fréquente d’un œil rouge en communauté. • 4. L'examen au biomicroscope (lampe à fentes) est nécessaire pour mettre en évidence la plupart des opacités cornéennes et identifier des cellules dans la chambre antérieure. • 5. L’omnipraticien peut traiter tous les patients se présentant avec un œil rouge. – – – – – A) 1, 2 et 3 B) 1, 3 et 5 C) 3 et 4 D) 1 et 3 E) Tous les énoncés Références • Manuel Basic Ophthalmology, de Cynthia A. Bradford, MD. • Sites web: – www.eyesite.ca Lien modules d’auto-apprentissage: www.eyesite.ca/7modules/index – Up To Date – eMedicine