Les sculpteurs de lumière

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Les sculpteurs de lumière
(design)
Les sculpteurs de lumière
Voici plus de 60 ans que les ateliers Ozeki dans le centre du Japon reproduisent
pieusement les lampes Akari d’Isamu Nogushi. Un savoir-faire traditionnel
pour des objets d’une exemplaire modernité, à (re)découvrir dans une exposition
organisée par Sentou, dans le cadre de la Paris Design Week.
Par Anne Desnos-Bré Photos Vincent Leroux/Temps Machine
P
our commencer une maison, nul autre besoin
qu’une chambre, un tatami et Akari”, se plaisait à dire Isamu Noguchi lorsqu’il évoquait
ses fameuses lampes, indiscutables symboles des
années 1950 et toujours aussi iconiques aujourd’hui.
Riche de sa double culture – américaine par sa
mère, l’écrivain Leonie Gilmour, et japonaise par
son père, le poète Yone Noguchi – l’artiste, sculpteur
(il s’initia à Paris auprès de Constantin Brancusi),
designer, scénographe (il créa de nombreux décors
pour la chorégraphe Martha Graham), paysagiste
(notamment le jardin de l’Unesco à Paris), avouait
s’être inspiré des lanternes des pêcheurs au cormoran sur la rivière Nagara dans la région de Gifu
pour créer ses fascinantes sculptures Akari, dont
le seul nom évoque à la fois la lumière et la légèreté.
Son intention : transmettre la lumière du soleil à
travers la transparence du papier et illuminer la
nuit de l’éclat du jour. Pour les faire fabriquer, c’est
donc tout naturellement qu’il s’adressa aux artisans
de Gifu, détenteurs d’une tradition séculaire de
lampions et d’ombrelles en Mino washi, ce papier
de mûrier d’une exceptionnelle qualité, résistant
Le fil de bambou est enroulé
autour d’une structure en
pièces de bois assemblées et
maintenues par des élastiques.
Les bandes de papier washi
prédécoupées selon des formes
adaptées au modèle à réaliser
sont encollées et posées sur la
structure de bambou.
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à la lumière et à la chaleur, dont les vers à soie
sont élevés dans la région. Et c’est l’atelier Ozeki
en particulier – spécialisé dans la fabrication de
lanternes traditionnelles décorées de saynètes –
qui, depuis plus de soixante ans, réplique l’ensemble
de la collection Akari, une centaine de modèles en
tout. Des objets d’une insensée délicatesse, des
volumes géométriques où le papier découpé en
tranches est collé sur une fine structure de bambou
maintenue par des pièces de bois assemblées pour
composer les formes, puis séchées dans des sortes
de fours. Un étage entier de la fabrique est consacré
aux lampes Akari pour lesquelles œuvrent une
demi-douzaine d’artisans dont l’un, garant de la
transmission, travaille là depuis plus de 45 ans.
Un savoir-faire perpétué en accord avec la Fondation
Noguchi à New York, qu’Ozeki expose dans un petit
musée privé situé à quelques mètres des ateliers.
Une collection dont l’immuable poésie continue de
nous enchanter.
EXPOSITION ISAMU NOGUCHI PAR SENTOU, DU 6 AU 13
SEPTEMBRE, DU MARDI AU SAMEDI DE 10 H À 2 H DU MATIN,
LE DIMANCHE DE 11 H À 19 H. LA ROTONDE STALINGRAD,
6/8 PLACE DE LA BATAILLE-DE-STALINGRAD, 75019 PARIS.
WWW.PARISDESIGNWEEK.FR ; WWW.SENTOU.FR
Fond : photo D.R.
Une fois les pièces
séchées dans un four,
les artisans pratiquent
la délicate opération de
démonter la structure
sans abîmer la lampe
terminée. Certains
modèles sont habillés
de motifs très simples
(le plus souvent des pois
noirs, rarement rouges)
toujours symboliques.

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