Chronique EC 2016-22 - Ordre des Experts

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Chronique EC 2016-22 - Ordre des Experts
COMPTES ANNUELS
Indemnités de fin de carrière – Contrats d’assurance au titre de ces
engagements – Première comptabilisation de la provision pour
indemnités de fin de carrière
(EC 2016-22)
Un groupe de sociétés prévoit de provisionner pour la première fois à la clôture de l’exercice N les
indemnités de fin de carrière dans les comptes annuels de chaque entité du groupe.
Certaines entités du groupe ont conclu des contrats d’assurance aux termes desquels :
- l’entité cantonne des fonds auprès de la compagnie d’assurance grâce au paiement de primes
déductibles fiscalement ;
- les montants des primes sont décidés par l’entreprise ;
- les fonds cantonnés sont à la disposition de l’entreprise uniquement pour obtenir le
remboursement des indemnités de fin de carrière payées au cours de l’exercice.
Les indemnités de fin de carrière sont les seuls engagements post-emploi à prestations définies
existant au sein du groupe.
L’évaluation de la dette actuarielle au titre des indemnités de fin de carrière a été réalisée par le
groupe au mois de novembre N.
Question :
Quelles sont les modalités à suivre pour comptabiliser pour la première fois la provision pour
indemnités de fin de carrière dans les comptes annuels, que l’entité ait souscrit ou non un contrat
d’assurance et versé des primes au titre de ces engagements ?
***
*
Rappel des textes applicables
Dispositions sur les engagements de retraite et versements assimilés
Code de commerce
Art. L. 123-13 : « […] Le montant des engagements de l'entreprise en matière de pension, de
compléments de retraite, d'indemnités et d'allocations en raison du départ à la retraite ou avantages
similaires des membres ou associés de son personnel et de ses mandataires sociaux est indiqué
dans l'annexe. Par ailleurs, les entreprises peuvent décider d'inscrire au bilan, sous forme de
provision, le montant correspondant à tout ou partie de ces engagements. […] ».
Règlement n° 2014-03 de l’Autorité des normes comptables relatif au Plan comptable général
Art. 322-13 : « Un passif peut ne pas être comptabilisé dans les cas prévus à l’article 324-1 relatif aux
pensions retraites et versements assimilés ».
Art. 324-1 : « Les passifs relatifs aux engagements de l’entité en matière de pensions, de
compléments de retraite, d’indemnités et d’allocations en raison du départ à la retraite ou avantages
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similaires des membres de son personnel et de ses associés et mandataires sociaux peuvent être, en
tout ou en partie, constatés sous forme de provision.
La constatation de provisions pour la totalité des engagements à l’égard des membres du personnel
actif et retraité, conduisant à une meilleure information financière, est considérée comme une
méthode préférentielle ».
Art. 941-15 : « 15 : Provisions
[…]
Le compte 153 "Provisions pour pensions et obligations similaires" enregistre les provisions relatives
aux charges que peuvent engendrer des obligations légales ou contractuelles conférant au personnel
des droits à la retraite « ou d'autres avantages postérieurs à l'emploi (assurance vie, couverture
médicale). […] ».
Dispositions sur la permanence des méthodes et les changements de méthode comptable
Code de commerce
Art. L. 123-17 : « Sauf dans des cas exceptionnels, afin de donner une image fidèle du patrimoine, de
la situation financière et du résultat de l'entreprise et dans les conditions prévues par un règlement de
l'Autorité des normes comptables, les méthodes comptables retenues et la structure du bilan et du
compte de résultat ne peuvent être modifiées d'un exercice à l'autre. Si des modifications
interviennent, elles sont décrites et justifiées dans l'annexe et signalées, le cas échéant, dans le
rapport des commissaires aux comptes ».
Règlement n° 2014-03 de l’Autorité des normes comptables relatif au Plan comptable général
Art. 121-5 : « La cohérence des informations comptables au cours des périodes successives implique
la permanence dans l'application des règles et procédures.
Toute exception à ce principe de permanence doit être justifiée par un changement exceptionnel dans
la situation de l'entité ou par une meilleure information dans le cadre d'une méthode préférentielle.
Les méthodes préférentielles sont celles considérées comme conduisant à une meilleure information
par l'organisme normalisateur. Il en résulte que lorsqu'elles ont été adoptées, un changement inverse
ne peut être justifié ultérieurement que dans les conditions portées à l'article 122-1 ».
Art. 122-1 : « La comparabilité des comptes annuels est assurée par la permanence des méthodes
d'évaluation et de présentation des comptes qui ne peuvent être modifiées que si un changement
exceptionnel est intervenu dans la situation de l'entité ou dans le contexte économique, industriel ou
financier et que le changement de méthodes fournit une meilleure information financière compte tenu
des évolutions intervenues.
L'adoption d'une méthode comptable pour des événements ou opérations qui diffèrent sur le fond
d'événements ou d'opérations survenus précédemment, ou l'adoption d'une nouvelle méthode
comptable pour des événements ou opérations qui étaient jusqu'alors sans importance significative,
ne constituent pas des changements de méthodes comptables ».
Art. 122-2 : « Lors de changements de méthodes comptables, l'effet, après impôt, de la nouvelle
méthode est calculé de façon rétrospective, comme si celle-ci avait toujours été appliquée. Dans les
cas où l'estimation de l'effet à l'ouverture ne peut être faite de façon objective, en particulier lorsque la
nouvelle méthode est caractérisée par la prise en compte d'hypothèses, le calcul de l'effet du
changement sera fait de manière prospective.
L'impact du changement déterminé à l'ouverture, après effet d'impôt, est imputé en « report à
nouveau » dès l'ouverture de l'exercice sauf si, en raison de l'application de règles fiscales,
l'entreprise est amenée à comptabiliser l'impact du changement dans le compte de résultat.
Lorsque les changements de méthodes comptables ont conduit à comptabiliser des provisions sans
passer par le compte de résultat, la reprise de ces provisions s'effectue directement par les capitaux
propres pour la partie qui n'a pas trouvé sa justification ».
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Art. 833-2 : « L'annexe comporte les informations suivantes sur les règles et méthodes comptables :
[…]
4. En cas de changement de méthode ou de réglementation, justification de ce changement et effet
sur les résultats et les capitaux propres des exercices précédents en cas d'application rétrospective,
sur les résultats de l'exercice, en cas d'application prospective.
[…]
7. Lorsque des changements de méthodes ont été effectués, des informations pro-forma des
exercices antérieurs présentés sont établies, à des fins comparatives, suivant la nouvelle méthode.
[…] ».
Dispositions sur les changements de méthode portant sur des engagements de retraite et
versements assimilés
Avis n° 2000-A du 6 juillet 2000 du Comité d’urgence du Conseil national de la comptabilité relatif à la
comptabilisation des changements de méthode portant sur des engagements de retraite et assimilés
Dans l’avis n° 2000-A, le Comité d’urgence répond aux deux questions suivantes :
-
une entreprise qui provisionnait partiellement les engagements de retraite peut-elle, sans
changement exceptionnel dans sa situation, comptabiliser la totalité de ces engagements ? Si oui,
l’impact de ce changement déterminé à l’ouverture doit-il être imputé en report à nouveau ?
-
une entreprise qui ne provisionnait pas les engagements de retraite peut-elle changer de méthode
en provisionnant partiellement ces engagements dans les deux cas suivants :
(i)
sans que sa situation ait changé ;
(ii)
lorsque sa situation a changé (par exemple lorsqu’une société, qui ne provisionnait aucun
engagement, se fait coter en bourse et qu’elle souhaite à cette occasion ne provisionner
que les engagements vis-à-vis d’une catégorie de salariés).
A la première question, le Comité d’urgence répond qu’une entreprise qui provisionnait partiellement
les engagements de retraite peut, sans changement exceptionnel dans sa situation, comptabiliser la
totalité de ces engagements. Ce changement de méthode comptable est justifié par la recherche
d’une meilleure information dans le cadre d’une méthode préférentielle. L’impact de ce changement
de méthode comptable est imputé en « report à nouveau » dès l’ouverture de l’exercice.
A la seconde question, le Comité d’urgence répond qu’une entreprise qui n’a pas comptabilisé de
provision pour engagements de retraite, que sa situation ait changé ou non, n’aurait pas d’autres
choix que de maintenir sa situation inchangée (en donnant les informations appropriées dans
l’annexe) ou de provisionner l’intégralité des engagements et comptabiliser cette modification comme
un changement de méthode comptable.
Réponse de la Commission des études comptables de la CNCC relative à la comptabilisation
des indemnités de fin de carrière en cours d’exercice (Bull. CNCC, mars 1999, EC 98-83)
Dans la réponse EC 98-83 publiée dans le bulletin CNCC de mars 1999 aux pages 167 et suivantes,
la Commission des études comptables a examiné le cas où, simultanément à la comptabilisation pour
la première fois de la provision pour indemnités de fin de carrière, une entité souscrit à un contrat
d’assurance et verse des primes égales au montant de la provision à la fin de l’exercice.
Dans cette circonstance particulière, la Commission des études comptables a estimé que l’entité
pouvait appliquer la dérogation prévue en cas d’application de règles fiscales.
Pour la Commission des études comptables, une entreprise qui ne constate pas l’impôt différé ne
peut, au cours du même exercice, comptabiliser en capitaux propres l’impact brut (c’est-à-dire sans
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effet d’impôt) d’un changement de méthode et constater l’effet d’impôt, résultant de la déductibilité de
la prime d’assurance, dans le compte de résultat sans contrevenir au principe d’image fidèle.
Réponse de la Commission commune de doctrine comptable
La Commission commune de doctrine comptable constate que, s’agissant de la première
comptabilisation de la provision pour indemnités de fin de carrière, la réglementation comptable en
vigueur ne fait pas de différence entre une entité ayant cantonné des fonds auprès d’une compagnie
d’assurance et celle qui n’a pas souscrit de contrat d’assurance. La décision de souscrire un contrat
d’assurance est une décision de gestion indépendante du mode de comptabilisation des
engagements de retraite et versements assimilés. Il convient néanmoins de tenir compte des fonds
cantonnés auprès de la compagnie d’assurance pour évaluer la provision constatée au titre de ces
engagements si l’entité a choisi de comptabiliser cette provision, ou pour évaluer ces engagements si
l’entité n’a pas choisi le provisionnement.
Dans le cas où l’entité n’a pas souscrit un contrat d’assurance, la provision à comptabiliser à
l’ouverture et à la clôture de l’exercice correspond à la dette actuarielle au titre des indemnités de fin
de carrière. La provision calculée en début d’exercice est imputée sur le report à nouveau. En
l’absence de déductibilité fiscale de cette provision, l’entité ne peut se prévaloir de la dérogation
prévue par l’article 122-2 du Plan comptable général pour enregistrer cette première provision en
résultat. La variation de la provision au cours de l’exercice du changement constitue un produit ou une
charge à comptabiliser en résultat.
Dans le cas où l’entité a souscrit un contrat d’assurance, la provision évaluée à l’ouverture et à la
clôture de l’exercice du changement correspond à la différence entre la dette actuarielle et la valeur
des fonds cantonnés auprès de la compagnie d’assurance. La provision évaluée à l’ouverture de
l’exercice du changement est imputée sur le report à nouveau conformément à l’avis n° 2000-A du
Comité d’urgence du Conseil national de la comptabilité. La variation de la provision entre ces deux
dates constitue un produit ou une charge à comptabiliser en résultat. Si l’entité a versé une prime
d’assurance au cours de l’exercice du changement, cette prime est prise en compte dans l’évaluation
de la provision à la clôture de l’exercice. La charge représentée par la prime, ajustée de la variation de
la provision, reflète ce qu’aurait été la variation de la provision si l’entité n’avait pas souscrit un contrat
d’assurance. En souscrivant un contrat d’assurance, l’entité a obtenu la déductibilité de la provision à
hauteur des primes versées.
Même si l’entité qui a souscrit un contrat d’assurance a indiqué jusqu’à présent, par erreur, dans
l’annexe des comptes annuels qu’elle considérait avoir provisionné partiellement ces engagements à
hauteur des fonds cantonnés, le provisionnement complet est un changement de méthode comptable
et la provision constatée à l’ouverture de l’exercice du changement est imputée sur le report à
nouveau.
Par ailleurs, la Commission commune de doctrine comptable constate que la réponse de la
Commission des études comptables rappelée ci-dessus (Bull. CNCC, mars 1999, EC 98-83) se situe
dans le contexte particulier d’une entité qui, tout en comptabilisant pour la première fois la provision
pour indemnités de fin de carrière, verse simultanément des primes d’assurance au cours du même
exercice égales à l’intégralité de la dette actuarielle de l’entité. Elle conclut que cette réponse porte
sur un cas d’espèce non transposable au contexte de la question soulevée.
En conclusion, la Commission commune de doctrine comptable considère que le changement de
méthode en cause doit être comptabilisé selon les règles de droit commun prévues par l’article 122-2
du Plan comptable général, qui impose l’imputation sur le report à nouveau de la provision à
l’ouverture de l’exercice, que l’entité ait souscrit un contrat d’assurance ou non.
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