panorama historique des arts plastiques et de l`architecture en france

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panorama historique des arts plastiques et de l`architecture en france
LE BAROQUE ET LE CLASSICISME
L’Italie, terre natale de la Renaissance, est le pays où,
dès le milieu du XVIe siècle se développe un nouveau style
architectural et artistique : le baroque. Rome, surtout, mais
aussi Venise et Florence sont des villes d’où ce nouveau
mouvement se répand pour gagner, bientôt, toute l’Europe
catholique. Il y brillera pendant deux siècles, c’est-à-dire
jusqu’à la moitié du XVIIIe.
Le terme – baroque – que les historiens de l’art ont
attribué postérieurement à ce style, vient de la langue
portugaise. Le mot barroco y désigne une pierre de forme
irrégulière, ou encore, comme l’indique le dictionnaire Le
Petit Robert, une perle de forme irrégulière. Selon le
dictionnaire cité, l’adjectif est utilisé pour déterminer
quelque chose qui est d’une irrégularité bizarre, quelque
chose de choquant, étrange, excentrique. Le côté choquant,
dramatique, théâtral et la surcharge décorative sont les
principaux traits caractéristiques de l’architecture et des
arts baroques. L’illustre maître du baroque italien Gian
Lorenzo Bernini24, en français dit le Bernin, que l’on a
surnommé le second Michel-Ange, dans sa sculpture Extase de
Sainte-Thérèse (église de Sainte Marie des Victoires à Rome),
crée une véritable scène de théâtre à laquelle assistent des
spectateurs placés sur les côtés de la composition. Cette
œuvre d’une étonnante sensualité, qui est le parfait exemple
de l’esprit baroque, réunit dans un rapport étroit la
sculpture, la peinture et l’architecture.
L’objectif de l’esthétique baroque est de frapper les
sens, les émotions. Son rôle est de rendre stupéfait le
spectateur. L’édifice qui répond peut-être le mieux à cet
objectif est la basilique Saint-Pierre de Rome. Tous ceux qui
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Le Bernin (1598-1680), peintre, sculpteur et architecte, est l’auteur, entre autres, du
baldaquin de la basilique Saint-Pierre et de la colonnade place Saint-Pierre de Rome.
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se sont un jour retrouvés face à ce monument ont été fascinés
par ses dimensions colossales. Son intérieur est encore plus
étonnant. La richesse et la diversité des décors sont
éblouissantes.
Le monumental, les colonnes torses et les frontons
spectaculaires caractérisent l’architecture baroque. La
sculpture met en valeur les draperies et les modelés
réalistes. En ce qui concerne les matériaux, les artistes
utilisent le bronze et les marbres colorés. Le nu de la
Renaissance disparaît. La peinture met en scène des épisodes
dramatiques en des couleurs chaudes et vives tout en
exploitant le jeu des lumières et de l’ombre.
L’Église catholique romaine voit dans le baroque, qui est
né après les troubles causés par la Réforme, un très bon moyen
pour reconquérir ses fidèles. Elle l’encourage, récupère son
côté dramatique, qui provoque de fortes émotions, et elle s’en
sert pour promouvoir des thèmes religieux avec lesquels il
s’accorde à merveille. La naissance du baroque à Rome se situe
à la même époque que la naissance de la Compagnie de Jésus
(fondée en 1537 par Ignace de Loyola) dont l’objectif est de
renforcer l’influence catholique affaiblie pendant la Réforme
et d’évangéliser le Nouveau Monde. C’est la raison pour
laquelle l’art baroque est souvent assimilé à l’art jésuite et
que son esthétique, qui est une esthétique de la ContreRéforme, se heurte à de fortes résistances dans les pays
conquis par la Réforme. D’ailleurs, la France reste également
très réservée face au baroque. A tel point que les projets de
renouvellement de la façade du Louvre, présentés par le grand
Bernin, l’un des génies du baroque italien, que Colbert a
invité en France (1665), sont rejetés par Louis XIV.
Le baroque commence à apparaître en France dès le règne
d’Henri IV et durant les années à venir, il y prendra une
forme spécifique et deviendra, surtout à l’époque de Louis
XIV, un outil extrêmement important pour l’affermissement du
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pouvoir royal. Les commandes du roi, orientées vers le soutien
de l’absolutisme, inspirent le développement d’une
interprétaton originale de motifs classiques. Selon Colbert,
l’un des principaux ministres du Roi-Soleil, il y a deux
manières d’affermir le pouvoir et le prestige d’un monarque :
les guerres et l’architecture. Colbert réorganise non
seulement l’administration de l’État et l’armée, mais aussi
les arts. En créant l’Académie royale de peinture et de
sculpture en 1648, dont la direction est confiée à Charles Le
Brun, il les institutionnalise. Même si les arts et
l’architecture français ont puisé dans les modèles italiens,
les artistes, encouragés par le roi, cherchent à se libérer
des influences étrangères et à développer leurs propres formes
de style.
En France, la dialectique classique-baroque se manifeste
de la façon la plus originale. L’influence du baroque romain
est nette surtout dans les églises édifiées sous le règne de
Louis XIII. L’église Saint-Paul–Saint-Louis à Paris,
construite entre 1627 et 1641, dont l’aspect s’inspire de
l’église de Gesù à Rome, est un très bel exemple de style
jésuite. Le Val-de-Grâce est considéré comme la meilleure
réalisation de l’architecture baroque en France. L’église de
la Sorbonne, érigée entre 1635 et 1642 par Lemercier, a une
façade à deux ordres typiquement baroque, dominée par une
élégante coupole.
61) Val-de-Grâce.
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Le Grand Siècle, celui du règne de Louis XIV, est marqué
par le triomphe du classicisme. Le roi construit beaucoup en
dirigeant lui-même les travaux, en discutant les plans, en
imposant son goût. Il aime la régularité, la grandeur, le
faste uni à la distinction. Pour réaliser ses desseins, il
trouve deux hommes qui partagent ses vues : Colbert et Le
Brun. L’un multiplie les Académies et contribue à fixer la
doctrine classique, l’autre regroupe sous sa direction tous
les artistes les plus illustres de l’époque et réalise ainsi
cette unité dans la décoration qui est le trait distinctif du
style Louis XIV.
Le roi ordonne la construction d’un immense et fastueux
palais qui doit être le symbole de sa puissance. Dès le début
de son règne, des travaux sont entrepris à Versailles, où
Louis XIII a fait construire, en 1624, un pavillon de chasse.
Pour l’agrandir, Louis XIV emploie deux architectes de
talent : Louis Le Vau et Jules Hardouin-Mansart. La création
des magnifiques jardins à la française - avec des parterres,
des bassins, des jets d’eau, des sculptures disposées au fond
des bosquets et le Grand Canal - est confiée à André Le Nôtre.
Autour du château, une élégante ville se développe. Dans le
parc, le roi fait construire, pour sa favorite Madame de
Montespan, le Grand Trianon. Ses successeurs vont ajouter le
Petit Trianon (Louis XV) et le hameau de la Reine, édifié pour
Marie Antoinette, épouse de Louis XVI. La Grande Galerie,
aujourd’hui connue sous le nom de la Galerie des Glaces25,
inaugurée en 1684, est conçue par Jules Hardouin-Mansart et
décorée par Charles Le Brun. Les peintures de la voûte
représentent les exploits de Louis XIV. La galerie, lieu de
passage, de rencontres, d’attente, doit éblouir les visiteurs
du monarque jouissant en Europe d’une extraordinaire influence
politique et artistique.
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Le 28 juin 1919, le traité de Versailles, mettant fin à la Première Guerre Mondiale, est
signé dans cette galerie.
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62) Le château de Versailles et sa Galerie des Glaces.
En 1682, après vingt ans d’itinérance, le Roi-Soleil fixe
sa résidence à Versailles. Cadre de vie, le nouveau château
est aussi un instrument politique où l’étiquette et le luxe
sont au service d’une tentative de domestication de la haute
noblesse. Vu de loin, ce monde semble ordonné et luxueux. Il
dissimule pourtant un manque de confort, une absence d’hygiène
et une gêne occasionnée par la permanence des travaux.
L’hiver, il y fait tellement froid que le vin gèle dans les
verres.
À Paris, les grands architectes construisent de nombreux
hôtels particuliers, comme les hôtels Lambert et Lauzun conçus
par Louis Le Vau dans l’île Saint-Louis. L’hôtel Guénégaud
dans le Marais, parfait exemple d’un palais parisien du XVIIe
siècle, est l’œuvre de François Mansart. Mais les réalisations
qui fondent en Europe la réputation de l’art français, à part
Versailles, sont la Colonnade du Louvre (fig. 63) et l’Hôtel
des Invalides.
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63)
La Colonnade du Louvre est réalisée entre 1667 et 1670
d’après le projet de Claude Perrault, frère aîné de Charles,
auteur des Contes. La façade Est, qui est considérée comme
l’un des chefs-d’œuvre du classicisme français, se distingue
par ses lignes horizontales, sa sobre ordonnance et son aspect
grandiose. Les colonnes accouplées et le fronton triangulaire
central reprennent des éléments essentiels de l’architecture
antique.
Le vaste ensemble des Invalides comprend l’Hôtel des
Invalides, le Dôme et l’église Saint-Louis. C’est Louis XIV
qui décide de sa construction, confiée à Libéral Bruant en
1671. L’Hôtel des Invalides est destiné à hospitaliser les
soldats blessés et à donner asile aux vieux invalides, souvent
réduits à la mendicité. Le Dôme, édifié entre 1679 et 1706,
qui devait être réservé à l’usage personnel du roi, est la
meilleure œuvre de Jules Hardouin-Mansart.
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64) Le Dôme des Invalides.
Même si Louis XIV, humilié par la fuite de la famille
royale, obligée en janvier 1649 de quitter Paris pour SaintGermain-en-Laye, n’affectionne pas la capitale, il l’a
profondément marquée. Il veut que Paris ressemble à Rome.
Alors, les églises sont surmontées de coupoles ornées de
fresques, au-dessus de l’autel de Val-de-Grâce, un baldaquin
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est érigé comme à Saint-Pierre de Rome. Dans les chapelles de
plusieurs églises, les artistes Coysevox, Coustou et Girardon
sculptent des tombeaux monumentaux qui rappellent ceux des
grandes églises romaines.
Parmi les ensembles architecturaux civils, mentionnons
encore deux places aménagées sous le règne de Louis XIV : la
place des Victoires de forme circulaire, datant de 1685, et la
place Vendôme (1687) de forme octogonale. Au centre de cette
dernière, une statue de Girardon représentait le roi en
empereur romain. L’aspect de la place Vendôme est modifié
lorsque l’on y érige, en 1806, la « colonne de la Grande
Armée » réalisée sur le modèle de la colonne Trajane de Rome.
Au sommet est placée la statue de Napoléon Ier en empereur
romain, lui aussi.
65) La Place Vendôme vue du ciel.
La distinction entre la peinture baroque et classique
n’étant pas suffisamment claire, nous allons utiliser le terme
de peinture du XVIIe siècle. Au XVIIe siècle, la peinture
connaît une des périodes les plus fécondes de son histoire
avec Georges de la Tour, les frères Le Nain, Nicolas Poussin,
Claude Gellée dit le Lorrain, Philippe de Champaigne et bien
d’autres. Les sujets sont très variés. Les artistes puisent
leur inspiration dans la religion, l’Antiquité, l’Histoire,
mais également dans la vie quotidienne des gens de l’époque.
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Certains d’entre eux se consacrent en particulier à des
paysages et portraits. Dans la plupart des œuvres, on peut
observer la préoccupation des auteurs pour la composition,
l’équilibre et la couleur. Les peintres français sont
influencés surtout par le caravagisme26 (Georges de la Tour) et
par le courant flamand (Philippe de Champaigne).
Le meilleur représentant du caravagisme en France est
sans doute Georges de la Tour (1593-1652). L’influence du
style caravagesque, qui est une façon particulière de
représenter des scènes nocturnes en utilisant de puissants
contrastes d’ombre et de lumière, se lit avant tout dans ses
tableaux Saint Joseph Charpentier (Musée du Louvre), Le
Nouveau-né, exposé au Musée des beaux-arts de Rennes et la
série des quatre tableaux représentant Madeleine pénitente (La
Madeleine au miroir, La Madeleine à la flamme filante, La
Madeleine à la veilleuse et La Madeleine aux deux flammes)
peints vers la fin des années 1630 et au début des années
1640. La composition de ces tableaux témoigne d’une
compréhension profonde des thèmes caravagesques, avec lesquels
Georges de la Tour a pu se familiariser directement à Rome,
éventuellement par l’intermédiaire de certains maîtres
flamands ou hollandais, suiveurs du Caravage.
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Le substantif est dérivé du nom du peintre italien Le Caravage (Michelangelo Merisi da
Caravaggio; 1571-1610), grand maître de la technique du clair-obscur.
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66) Georges de la Tour : Saint Joseph Charpentier.
Les frères Le Nain – Antoine (1558-1648), Louis (15931648) et Mathieu (1607-1677) – sont frères non seulement par
le sang mais aussi par le travail, puisqu’ils ne cessent, leur
vie durant, de peindre en commun dans le même atelier, et de
signer leurs œuvres de leur seul nom de famille. De grandes
compositions religieuses, des portraits officiels leur valent
à l’époque les faveurs de la cour et de la ville, mais ce sont
surtout les tableaux consacrés à la paysannerie qui les font
passer à la postérité. Les frères Le Nain s’y montrent
« peintres de la réalité » , encore que leurs scènes paysannes
soient davantage des transpositions lyriques que des miroirs
fidèles de la dure vie quotidienne dans les campagnes du
siècle. La sincérité et la sensibilité de ces peintres ont
complètement transformé un genre d’ordinaire pittoresque ou
caricatural. La famille des Paysans dans un intérieur, exposé
au Louvre, est le tableau considéré par tous les historiens
comme l’une des créations les plus parfaites de Louis Le Nain.
Il représente une famille paysanne dans un intérieur. La pièce
est sombre, il y a peu de meubles. Trois générations y vivent
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ensemble. Les bons habits, le pain et le vin montrent que
cette famille, sans être dans l’opulence, n’est pas dans la
misère. Il s’agit de paysans relativement privilégiés. Le
musée du Louvre abrite encore deux autres tableaux traitant le
même sujet : Repas de paysans et La famille du forgeron.
67) La famille des paysans dans un intérieur (les frères Le Nain).
L’un des représentants de la peinture française du XVIIe
siècle, Nicolas Poussin (1594), passe la majeure partie de sa
vie à Rome où il meurt en 1665. Pour la richesse de ses
compositions mythologiques et religieuses et la beauté de ses
expressions, il est surnommé « le peintre des gens de
l’esprit ». Ses premières œuvres, par exemple les Bacchanales,
reflètent l’influence de Titien27. Il évolue vers un
classicisme de plus en plus dépouillé, ce que l’on peut
observer dans ses deux séries de Sacrements, les deux versions
de l’Enlèvement des Sabines ou encore dans ses tableaux Les
Bergers d’Arcadie et l’Inspiration du poète. Ses derniers
paysages témoignent d’un lyrisme large et puissant. Le tableau
Les Quatre Saisons, où il reprend des scènes de l’Ancien
Testament, est considéré comme son testament artistique.
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L’auteur de la célèbre Vénus d’Urbin (Galerie des Offices de Florence), le peintre italien
Tiziano Vecellio (1488-1576), en français appelé le Titien, est un représentant de l’école
vénitienne. Il est considéré comme l’un des plus grands portraitistes de son époque. Au
Louvre, on peut admirer son fameux tableau La Femme au miroir.
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68) Nicolas Poussin: Les Bergers d’Arcadie.
Claude Gellée dit Claude Lorrain (1600-1682) est
probablement le plus grand paysagiste français du XVIIe siècle.
En général, ses paysages servent de cadre à une scène
biblique, mythologique ou historique. L’essentiel de sa
carrière se déroule à Rome. Dans ses œuvres, il emprunte tant
aux écoles du Nord qu’aux Italiens, tout en maniant la lumière
de façon féerique. Son originalité profonde est dans
l’attention qu’il porte aux variations de la lumière, à cette
clarté méridionale qu’il étudiait avec passion au cours de ses
promenades dans la campagne romaine. Il y observe les arbres,
les édifices, la mer qui, avec les métamorphoses du ciel,
n’arrêtent pas de changer d’aspect. Claude Lorrain n’est pas
un historien, c’est un poète. Ses célèbres scènes de port de
mer, comme Vue d’un port avec le Capitole (1636), Port de mer
avec la villa Médicis (1638), Port de mer au soleil couchant
(1639), Port de mer avec l’embarquement de sainte Ursule
(1641), Le Débarquement de Cléopâtre à Tarse (1642), Le matin
dans un port de mer (1649), sont la preuve de sa fascination
pour la lumière. Dans ces scènes, il la peint comme si elle
était enserrée dans un cadre grandiose de colonnes et de
portiques ou dans l’entrelacs des mâts de navires.
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69) Claude Lorrain: Port de mer au soleil couchant.
Le portraitiste de Richelieu, de Mazarin, de Colbert, de
jansénistes et de religieuses de Port-Royal, Philippe de
Champaigne (1602-1672) est un autre grand maître de la
peinture française. À la postérité, il a laissé une œuvre très
vaste dans laquelle dominent les tableaux représentant des
sujets religieux. Ses toiles étaient présentes dans de
nombreuses églises, surtout parisiennes (par exemple SaintSéverin, Saint-Merry, Saint-Médard ou Saint-Gervais-SaintProtais), mais aussi en province, comme cette Adoration des
Bergers en la cathédrale Notre-Dame de Rouen. Le chef-d’œuvre
de Philippe de Champaigne, conservé au musée du Louvre, est le
tableau L’Ex-Voto de 1662, exécuté en action de grâces pour la
guérison miraculeuse de sa propre fille Catherine, religieuse
au couvent de Port-Royal de Paris. Tombée gravement malade,
paralysée des jambes, celle-ci recouvre la santé à la suite
d’une neuvaine28 faite par la communauté. Champaigne a choisi
de représenter le moment où, le 6 janvier 1662, la Mère Agnès
Arnauld, abbesse de Port-Royal, priant auprès de la malade, a
la révélation de la guérison prochaine. L’inscription, à
gauche du tableau, relate en latin cet événement.
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Prière que l’on récite neuf jours de suite avec une intention particulière.
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70) Philippe de Champaigne: L’Ex-Voto de 1662.
Dans la peinture du XVIIe siècle, Charles Le Brun (16191690) occupe une place tout à fait particulière. Ordonnateur
principal des fastes de la résidence royale à Versailles, il
exerce une véritable domination sur les arts décoratifs de la
seconde moitié du siècle. Il fournit des dessins et
directives, il surveille l’équipe des peintres, sculpteurs,
tapissiers, ébénistes, chargés de l’exécution, se réservant le
droit de peindre lui-même une grande partie des immenses
décorations murales. Son chef-d’œuvre est assurément la grande
Galerie des glaces : sur la voûte ornée d’un riche décor de
stucs, il a rappelé les épisodes principaux du règne
triomphant. L’ensemble s’inspire de la polychromie somptueuse,
de la surcharge ornementale du baroque italien, tempérées
cependant par l’harmonie et le rythme de l’art classique
français. Avant de travailler à Versailles, Le Brun décore le
château de Vaux-le-Vicomte appartenant à Nicolas Fouquet,
surintendant des finances de Louis XIV, tombé en disgrâce. Ses
travaux au château de Fouquet séduisent le roi qui fait appel
à Le Brun pour diriger les chantiers royaux. Charles Le Brun
assume alors plusieurs fonctions : il est premier peintre et
valet de chambre du roi Louis XIV, directeur de l’Académie
royale de peinture et de sculpture, directeur de la
Manufacture royale des Gobelins. En 1666, il fonde, avec
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Colbert, l’Académie de France à Rome29 qui existe jusqu’à nos
jours. Dans ses œuvres, Le Brun se consacre aux sujets
historiques, mythologiques et religieux (fig. 71, 72 et 73).
Il est également auteur de quelques portraits dont celui de
son protecteur, le chancelier Séguier, qui lui a permis de
séjourner en Italie, conservé au Louvre.
71) Apothéose du roi Louis XIV.
29
L’Académie de France à Rome est aujourd’hui plus connue sous le nom de Villa Médicis. Cette
institution accueille des pensionnaires, artistes et chercheurs, de toutes nationalités. Ils
se consacrent à tous les champs de la création littéraire et artistique et de l’histoire de
l’art, ainsi qu’à la restauration des œuvres d’art et des monuments. De nombreux artistes
mondialement connus y ont séjourné ; parmi eux, les peintres François Boucher, Jean-AugusteDominique Ingres, Jean-Honoré Fragonard, le sculpteur Jean-Baptiste Carpeaux ou les
compositeurs Claude Debussy, Hector Berlioz , Charles Gounod et bien d’autres.
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72) Dédale et Icare.
73) Le sommeil de l’Enfant Jésus.
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La présentation de la peinture du XVIIe siècle est loin
d’être exhaustive. Dans la multitude des artistes de ce siècle
extraordinairement fécond en œuvres d’art, nous avons choisi
les plus grandes figures qui avaient marqué, de façon
décisive, leur époque. Le même critère est appliqué au choix
des sculpteurs.
La sculpture française du XVIIe siècle évolue dans les
mêmes conditions que la peinture, ce qui veut dire que les
artistes les plus talentueux travaillent, sous la houlette de
Le Brun et de Colbert, pour le roi et surtout pour décorer
Versailles et ses jardins.
Celui qui est considéré comme le plus grand sculpteur du
règne de Louis XIV, François Girardon (1628-1715), a peut-être
le plus contribué à faire triompher le classicisme français en
Europe. Girardon, tout comme Charles Le Brun, bénéficie du
soutien du chancelier Séguier qui finance son séjour à Rome.
À son retour d’Italie, il participe à l’édification et à la
décoration du château de Vaux-le-Vicomte où il fait la
connaissance des plus grands maîtres de son temps : de
l’architecte Le Vau, du paysagiste Le Nôtre et de Le Brun.
Après la chute de Fouquet, Colbert engage cette équipe
illustre au service du roi. Girardon se retrouve, très tôt, à
la tête des sculpteurs qui feront de Versailles une véritable
galerie de magnifiques statues et bas-reliefs. Son groupe
d’Apollon servi par les nymphes, qu’il réalise avec Thomas
Regnaudin, rivalise aux yeux de ses contemporains avec les
plus belles créations de l’Antiquité et de la Renaissance. Son
bas-relief Le Bain des nymphes est un hommage à Goujon et son
groupe L’Enlèvement de Proserpine est comparé aux meilleures
œuvres du Bernin. Au Louvre, Girardon participe au décor de la
galerie d’Apollon. La place Louis-le-Grand, l’actuelle place
Vendôme, accueille sa statue équestre de Louis XIV qui, hélas,
n’a pas survécu à la Révolution française. Avec Le Bernin, il
réalise une Statue équestre de Louis XIV sous les traits de
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Marcus Curtius pour le parc du château de Versailles. Dans la
sculpture funéraire, il excelle par le tombeau de Richelieu à
la chapelle de la Sorbonne (fig. 74). Ses bustes du RoiSoleil, de Nicolas Boileau et de Pierre Mignard font preuve de
son art de portraitiste.
74)
75) Le buste de Nicolas Boileau par François Girardon.
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Pierre Puget (1620-1694), appelé par les uns « le MichelAnge de la France », par les autres « Le Bernin français »,
aime les figures théâtrales, les nus musculeux dans la manière
de Michel-Ange et les attitudes pathétiques rappelant celles
du Bernin. Ce Marseillais séjourne à deux reprises en Italie
où il travaille dans l’atelier de Pierre de Cortone à Gênes.
Son premier chef-d’œuvre date de 1656. A Toulon, pour l’ancien
hôtel de ville, il réalise un magnifique portail soutenu par
deux atlantes. En 1663, il sculpte, pour Fouquet, la statue du
Hercule gaulois que Colbert décide d’ériger dans le parc du
château de Sceaux. Pour les jardins de Versailles, Puget crée
deux œuvres superbes : Milon de Crotone (1671-1682) et le
groupe du Persée et Adromède (1675-1684), aujourd’hui exposées
au Louvre. Son Milon de Crotone, en marbre de Carrare, n’est
pas sans rappeler les compositions des deux illustres Italiens
auxquels Pierre Puget est comparé. La sculpture représente
Milon, athlète grec, multiple vainqueur aux Jeux olympiques et
pythiques. Arrivé à un certain âge, il veut mettre sa force à
l’épreuve en fendant un tronc d’arbre déjà entrouvert.
Malheureusement, sa main reste coincée dans le tronc et Milon
est attaqué par des loups qui le dévorent. Puget remplace les
loups par un lion, animal plus noble. La composition est d’une
beauté fascinante. L’expression de la douleur sur le visage de
Milon fait penser, dans un certain sens, aux visages sculptés
par Le Bernin. La fougue et la verve de Puget ont profondément
influencé les artistes en dehors de la France. Dans ce
contexte, les historiens de l’art mentionnent surtout l’Italie
du Nord et l’Allemagne centrale.
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76) Milon de Crotone : vue d’ensemble et quelques détails.
Antoine Coysevox (1640-1720) est le plus jeune du trio des
sculpteurs que nous avons choisi de présenter dans notre
ouvrage. Employé, lui aussi, au château de Versailles où il
collabore avec Le Brun, il décore de sculptures, aujourd’hui
disparues, l’Escalier des Ambassadeurs et la galerie des
Glaces. Dans le salon de la Guerre, son médaillon en stuc
représente Louis XIV à cheval, en empereur romain, enjambant
ses ennemis vaincus et couronné par la Victoire. Dans le parc,
les parterres d’eau sont rehaussés de ses allégories :
l’Allégorie de la Garonne et l’Allégorie de la Dordogne.
Coysevox est un excellent maître de portraits sculptés en
buste. Les matériaux qu’il utilise sont variés : bronze,
marbre, surtout, mais aussi terre cuite. Ainsi a-t-il
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immortalisé le Roi-Soleil, Louis XV à l’âge de neuf ans,
Marie-Adélaïde de Savoie (épouse de Monsieur, frère unique du
roi), Mazarin, Louis II de Condé, dit le Grand Condé, JeanBaptiste Colbert, Charles Le Brun, Vauban, l’architecte Robert
de Cotte et lui-même en autoportrait. Les portraits d’Antoine
Coysevox démontrent sa capacité d’observation et sont
caractérisés par une vivacité que l’on retrouve dans d’autres
de ses œuvres, comme le tombeau de Mazarin à l’Institut de
France. Dans l’art funéraire, Coysevox réalise encore le
tombeau de Colbert en l’église Saint-Eustache à Paris.
77) Antoine Coysevox : le buste de
100
Louis II de Condé

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