LA PERSévéRANCE AU COLLéGIAL : L`IMPORTANCE DU

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LA PERSévéRANCE AU COLLéGIAL : L`IMPORTANCE DU
Programme Actions concertées
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La persévérance et la réussite scolaires
résultats de recherche
la persévérance au collégial :
l’importance du soutien familial
et des réseaux sociaux
chercheur principal
Sylvain Bourdon
Université de Sherbrooke
bien que la persévérance aux études secondaires retienne une grande
part de l’attention médiatique au québec, la question de la persévérance au
collégial est tout aussi préoccupante. Malgré une récente amélioration des
taux de réussite au collégial, seulement 41 % des nouveaux inscrits aux
programmes préuniversitaires obtiennent leur diplôme dans les deux années
prévues et un total de 68 % l’obtiennent deux ans après ce délai, selon les
données du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) publiées
en 2006. Ces proportions sont encore plus faibles chez les nouveaux inscrits
au secteur technique. Afin de mieux comprendre le phénomène et trouver
des pistes de solution, Sylvain Bourdon, professeur en éducation à l’Université
de Sherbrooke, a réalisé une recherche sur la persévérance des étudiants
à risque au collégial à partir d’une perspective peu courante, celle des
réseaux sociaux et de l’approche biographique.
Approche biographique
L’approche biographique invite à considérer l’interaction entre les
événements de tout ordre qui surviennent au cours du cheminement scolaire et qui redéfinissent continuellement la position des collégiens par
rapport à leur situation potentielle de « risque ». Selon cette approche, il
est important de prendre en compte les événements perturbateurs, par
exemple, le divorce tardif des parents, une rupture amoureuse ou une
faible sociabilité, pouvant influer sur l’environnement social du jeune et sur
sa décision de persévérer ou non au cégep.
D’après les chercheurs, les études collégiales correspondent à la
période où les réseaux des individus sont les plus étendus et diversifiés, et
où ils sont soumis à des recompositions intensives susceptibles, à leur tour,
d’influencer le cheminement scolaire. Plusieurs études ont montré l’importance des facteurs extérieurs dans la persévérance aux études, mais les
dynamiques en cause sont peu connues de sorte que les interventions
tiennent peu compte de ces facteurs.
« La famille et les réseaux sociaux sont susceptibles d’intervenir dans
le cheminement scolaire en fournissant de l’information et d’autres ressources ou en offrant des modèles et des valeurs qui influenceront la construction identitaire et les décisions des jeunes », explique Sylvain Bourdon.
Pour réaliser sa recherche, menée
« L’influence des
de 2004 à 2005 dans le cadre d’une
action concertée sur la persévérance
parents continue d’être très
et la réussite scolaires du Fonds quéimportante pour les cégépiens,
bécois de la recherche sur la société et
et plus particulièrement celle
la culture en collaboration avec le
de la mère. »
MELS, l’équipe a recruté 96 étudiants
(50 femmes et 46 hommes) des cégeps
Lionel-Groulx, de Sherbrooke et du Vieux-Montréal. Les jeunes étaient au
début du parcours collégial et avaient en moyenne 17 ans. Afin d’avoir une
base de comparaison commune entre les établissements, la moitié de
l’échantillon dans chaque collège était inscrit au programme de Sciences
humaines (profil Individu). L’autre moitié provenait d’un programme ciblé
par l’établissement en raison des problèmes de persévérance : Techniques
de comptabilité et de gestion (Sherbrooke), Technologie du génie électrique (Vieux-Montréal) et Sciences humaines (Lionel-Groulx). Les jeunes ont
été rencontrés à trois reprises afin de mieux suivre leur cheminement.
Importance des parents et des réseaux
Les chercheurs ont constaté que les cégépiens ont des réseaux
étendus composés en moyenne d’une trentaine de membres, dont 20 %
proviennent de la famille et 80 % hors famille. Parler, discuter et s’inviter
à des repas sont les activités les plus fréquentes pour 9 jeunes sur 10, tant
en relation avec des membres de leur famille que hors famille. Ils partagent
aussi leurs études et leurs travaux scolaires davantage avec des personnes
à l’extérieur de leur famille et demandent conseil à deux fois plus de femmes
que d’hommes, quel que soit le sexe de l’étudiant.
« En fait, l’influence des parents continue d’être très importante
pour les cégépiens, et plus particulièrement celle de la mère », affirme sans
ambages Sylvain Bourdon. Qu’il s’agisse de soutien moral, matériel ou financier, les parents occupent une place centrale dans l’univers des jeunes et
plusieurs exercent des pressions pour que leurs enfants poursuivent leurs
études le plus longtemps possible. L’encouragement et le soutien sont
généralisés chez les parents qui ont fait des études postsecondaires et
sont très présents chez les autres parents aussi. Par ailleurs, l’équipe a
aussi constaté que le pacte d’offrir un logement en échange des études est
généralisé, mais peu explicite.
Parcours improbables
L’une des particularités de cette recherche est d’avoir utilisé la notion
de parcours improbables pour mieux comprendre le cheminement scolaire
des cégépiens. Cette notion fait référence aux destinées de personnes
ayant eu des parcours scolaires ou des conditions sociales difficiles, mais
qui, en toute improbabilité, finissent par réussir leurs études. Elle s’applique aussi aux destinées de personnes n’étant pas considérées comme à
risque et qui finissent quand même par interrompre leurs études.
La recherche a relevé trois groupes de jeunes selon la probabilité de
leurs parcours. Le parcours probable (n = 70) rassemble ceux ayant commencé le cégep avec un faible rendement académique au secondaire qui
ont abandonné les études collégiales et ceux débutant avec des rendements moyens ou élevés et qui persévèrent avec ou sans changement de
programme ou d’établissement. Ensuite, le parcours improbable persévérant (n = 17) regroupe les jeunes qui, tout en ayant obtenu un rendement académique faible au secondaire,
persévèrent au collégial. Et le parcours
improbable interruption (n = 9) est comL’intégration sociale
posé des jeunes qui, au contraire, avec des
des jeunes et le type de
moyennes élevées au secondaire, interromsociabilité jouent un rôle
pent leurs études collégiales.
important dans la persévérance aux études.
L’équipe a constaté que l’intégration
sociale des jeunes et le type de sociabilité
jouent un rôle important dans la persévérance aux études. « Les jeunes ayant persévéré malgré une faible probabilité initiale ont rencontré davantage de
membres de leur réseau hors famille au travail et dans des activités sportives, note Sylvain Bourdon. Ce pourrait être un indice d’une meilleure
intégration sociale. » Ceux ayant interrompu leurs études ont davantage
de relations à distance, rencontrées par l’intermédiaire d’une troisième
personne ou dans le voisinage. Et, fait intéressant, ces jeunes dont
l’interruption semblait improbable entretiennent aussi nettement plus de
relations sur Internet.
Ceux qui persévèrent malgré une faible probabilité au départ se
démarquent également par la composition de leurs réseaux. Ils comptent
beaucoup plus de membres ayant une scolarité postsecondaire que les
autres jeunes, comme si le fait de fréquenter des personnes diplômées
avait une influence positive sur leur parcours. De fait, les chercheurs ont
relevé que les jeunes ayant interrompu leurs études malgré une faible
probabilité fréquentent des personnes beaucoup moins scolarisées.
Moyens d’action
Les pistes proposées par les chercheurs ciblent non seulement les
membres du personnel scolaire, mais aussi les étudiants et les membres de
leurs réseaux sociaux. Les moyens d’action peuvent se déployer avant l’entrée au cégep, une fois l’admission rendue officielle et lors de la première
année d’études collégiales qui est déterminante sur le parcours scolaire.
Par exemple, une rencontre avec les conseillers d’orientation des écoles secondaires pourrait avoir lieu afin de les sensibiliser davantage ; une
journée porte ouverte serait également une piste à développer pour établir
un contact avec les jeunes et mieux leur faire connaître la réalité des programmes ; du même souffle, les chercheurs suggèrent fortement d’organiser
des activités d’accueil à la veille de la fin de la cinquième secondaire.
Pendant la première année collégiale, l’équipe de Sylvain Bourdon
estime fort pertinent aussi d’offrir une formation ciblée à la gestion du
temps afin de mieux outiller les jeunes à organiser leur horaire. Comme 25 %
du réseau des jeunes collégiens se renouvellent tous les sept mois, il serait
pertinent également de les encourager à socialiser avec des jeunes studieux,
engagés dans des objectifs plus définis de parcours scolaire. « Une chose est
certaine : il faut accroître la conscience des facteurs externes, non scolaires,
sur la persistance aux études collégiales, conclut Sylvain Bourdon. Et particulièrement le rôle de la famille et des réseaux sociaux. »
partenaires
Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture
Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport
référence
Famille, réseaux et persévérance au collégial, Sylvain Bourdon, Université
de Sherbrooke, 2007, 118 pages.
Une réalisation de :
• Fonds de recherche sur la société et la culture
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• Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport
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