Trafalgar, beaucoup de boulets ont été tirés, peu de leçons
Transcription
Trafalgar, beaucoup de boulets ont été tirés, peu de leçons
Trafalgar, deux siècles après Trafalgar, beaucoup de boulets ont été tirés, peu de leçons... Bernard Dujardin Professeur à l’ENSTA Rien ne prépare mieux un échec qu’un succès mal analysé. (Daniel Mc Neil) Salamine, Lépante, La Praya, Trafalgar, Tsushima, Bismarck, Midway... ces batailles navales laissent des traces dans l’Histoire en raison des enjeux du moment. Salamine signe la fin de l’invincibilité perse en mer Égée ; Lépante la fin de l’invincibilité turque en Méditerranée ; La Praya la fin de l’invincibilité anglaise dans l’Océan Indien ; Trafalgar la fin de l’invincibilité impériale ; Tsushima la fin de l’invincibilité « blanche » en Extrême-Orient ; le naufrage du Bismarck la fin de l’invincibilité d’un Reich de mille ans ; Midway la fin de l’invincibilité nippone. Peut-on donner à la bataille navale plus de signification que celle du signal qui annonce un tournant... sans le provoquer ? Les stratèges navals sont rares? Ce sont généralement les marins historiens qui se donnent la peine d’interpréter les événements navals. Et ceux-ci restent fascinés entre 1874 et 1930 par « la guerre navale de cent ans » entre la France et la Grande-Bretagne. Alfred Mahan, le plus connu d’entre eux, en fixe les bornes : entre 1660 et 1783 parce qu’il est Américain, mais il est communément reconnu par l’Université que ce siècle commence en 1689 et se termine en 1815. Son point d’orgue est Trafalgar en 1805. L’École historique ou la passion de la flotte magnifique « L’influence de la puissance maritime sur l’histoire 1660 - 1783 » d’Alfred Mahan est la bible de l’école historique. La stratégie navale développée par l’auteur se décalque de celle du traité de Karl von Clausewitz : « De la guerre » (1832) qui est une stratégie terrestre pertinente focalisant sur « l’esprit offensif » des chefs et sur « la bataille décisive » qui conduit à « l’annihilation de l’ennemi ». Cette théorie ne s’appliquerait-elle pas à la guerre navale de 1805 au point que nombre d’historiens après 1815 voient rétrospectivement dans la mare de Trafalgar le reflet d’une morne plaine... pour la plus grande gloire du roi d’Angleterre ? Or Austerlitz succède à Trafalgar et la retraite de Russie précède Waterloo. Juin 2005 1 La Revue Maritime N° 472 L’analogie entre la guerre navale et la guerre terrestre est un leurre : sur terre, la guerre consiste à occuper le terrain. En mer, il n’y a pas de terrain à occuper. En termes de stratégie, Trafalgar et surtout la formidable maîtrise de Nelson et d’une marine aguerrie dans l’usage de la force en mer, conduit pendant un siècle et demi le raisonnement implicite ou explicite des stratèges navals à une seule et même conclusion : conforter la « pensée navale unique ». Nul ne conteste l’axe d’une politique de la mer fixée depuis toujours, celle que résume Isaac de Launay-Razilly : « Quiconque est maître de la mer a par cela même un grand pouvoir sur la terre. », celle que professe Walter Raleigh : « Whosoever commands the seas, commands the trade ; whosoever commands the trade of the sea, commands the riches of the world, and consequently the world himself. » La leçon de Trafalgar est le credo naval de cette stratégie maritime, formalisé par Alfred Mahan, Philip Colomb et Raoul Castex1 : « ... cette maîtrise de la mer et toutes les opérations qui l’exploitent reposent au premier chef sur la force organisée. » D’objectif politique, la maîtrise de la mer devient un moyen de justifier les budgets navals. Le concept central de Mahan est celui de la concentration de la puissance de feu dans la force organisée des battleships, des vaisseaux de ligne, dont la seule rivale est une autre force organisée sur le même modèle dont il est à espérer qu’elle est plus faible. Pourquoi Villeneuve a-t-il appareillé de Cadix ? Pourquoi n’a-t-il pas attendu la fatigue des équipages britanniques ? Pourquoi Rodjestvensky fait-il le tour du monde avec une flotte épuisée pour se jeter en 1905 dans la nasse tendue par Togo à Tsushima ? Et que s’est-il passé entre la Hoch See Flotte d’Heligoland et la Grand Fleet de Scapa Flow quand celui qui se sent le plus faible n’ose pas sortir de son repaire et quand celui qui se croit le plus fort s’aperçoit qu’un vulgaire sous-marin, ce grain de « poussière navale » risque de l’envoyer par le fond. Après la bataille « décisive » de 1805, Montesquieu reste ignoré des amirautés : « L’empire de la mer a toujours donné aux peuples qui l’ont possédé une fierté naturelle, parce que, se sentant capables d’insulter partout, ils croient que leur pouvoir n’a plus de bornes que l’Océan. » Dès qu’un analyste ose porter un regard différent sur le dogme, aussitôt les anathèmes sont prononcés. La « Jeune École » horresco referens est vilipendée « phénomène de génération spontanée amené par l’apparition d’engins nouveaux2 ». Les conceptions développées par cette école « étaient prônées par des esprits sérieux, mais aussi par un certain nombre de personnalités pittoresques de notre métier, bohèmes militaires en quête d’inédit, auxquelles s’étaient joints quelques civils bien intentionnés, mais incompétents. La thèse stratégique de la Jeune École... est, en substance, la négation de l’importance de la force organisée et de la bataille qui règle son sort, et la croyance étrange que l’objectif principal sur mer, n’est pas comme sur terre la destruction de la principale armée ennemie. » La stratégie d’interdiction de la Jeune École est un déni de la stratégie navale. L’objectif principal est réalisé à Trafalgar, l’exemplaire... mais non à La Praya où l’ennemi vaincu subit proportionnellement moins de pertes que le vainqueur. Remarquons que Julian Corbett (« cet original est... comme le M. Prud’homme du général Lawal, ‘assailli de pensées stratégiques’. ») « agit sur la conception [que Mahan et Colomb ont forgée] en la sapant, en la grignotant méthodiquement ; c’est l’action de l’eau sur le sucre, de l’acide sur le métal. …Il a la phobie des armées permanentes du continent. Par contrecoup, il exècre la doctrine issue de ces sanctuaires... Il n’y développe, au fond, que la stratégie bien connue des opérations combinées menées par une puissance forte au point de vue naval et faible au point 1 2 Les citations en français qui suivent sont extraites des « Théories stratégiques » de Raoul Castex. La torpille et le sous-marin. Juin 2005 2 La Revue Maritime N° 472 de vue terrestre. Et avec assez peu de logique, il attaque au nom des principes de cette stratégie ceux qui régissent le cas, tout différent, de la guerre terrestre pure ou de la guerre navale pure. Il rompt des lances contre les notions de la nation armée, de l’importance de la force organisée, de la bataille, de l’offensive, etc. » Ainsi ceux qui ne sont pas Trafalgar minded n’ont pas leur place dans la stratégie navale, parce que Trafalgar est l’arc de triomphe de la guerre navale pure. Victoire pour les uns, défaite pour les autres, bataille navale exemplaire pour les neutres, dans toutes les marines, une même conclusion est tirée. Trafalgar est l’ultime et glorieuse rencontre entre le vaisseau de ligne, the man-of-war et la force navale organisée, le dernier grand événement où les forêts de chênes se confrontent dans le final de la grande canonnade par les mille sabords. À l’époque, personne ne peut le pressentir. À l’époque, personne ne se pique de stratégie navale. On s’en tient à la tactique et à la sacro-sainte ligne de file. Trafalgar et le mythe du navire de ligne C’est par admiration de la gloire repeinte et astiquée du Victory que le navire de ligne devient Dieu de la mer quels que soient les avatars de la technologie. Les ingénieurs encouragés par les amiraux des temps de paix se lancent le défi du « plus » et sacrifient un long siècle durant au culte des sacred vessels3. L’art naval français4 en sera la première source avec le lancement en 1860 du premier vaisseau de ligne cuirassé à vapeur, la Gloire construit par Stanislas Dupuy de Lôme, immédiatement suivi l’année suivante par le Warrior britannique à coque métallique. Avec le Dreadnought de John Fisher, en 1907, modèle de tous les cuirassés dits modernes, le vocabulaire change : the man-of-war devient the capital ship. Tout au long du XIX e siècle, accompagnée par l’évolution technologique de la révolution industrielle, la Royal Navy développe le modèle d’un navire de combat de surface qui ressemble au mieux au vaisseauamiral de Nelson. L’art naval consiste alors chez le concert des nations à imiter le RoyaumeUni. Il s’agit d’aligner des navires toujours plus nombreux de taille toujours plus grande capables de porter à l’abri d’un blindage toujours plus épais une artillerie toujours plus nombreuse d’un calibre toujours plus gros aux tubes toujours plus longs, lançant toujours plus loin des obus toujours plus lourds sur des objectifs… toujours plus incertains. La stratégie navale de maîtrise de la mer se résume en une course aux armements aussi prestigieuse pour les amiraux que coûteuse pour les contribuables dont la doctrine victorienne du two powers standard5 est la Loi. La flotte de vaisseaux de la Royal Navy doit être toujours plus nombreuse en unités et en canons que l’addition des deuxième et troisième marines du monde. Les désillusions de la première guerre mondiale sont au rendez-vous. Il faut attendre le traité de désarmement naval de Washington du 6 février 1922 pour que Londres accepte de consentir la parité navale aux États-Unis qui reprennent le flambeau avec la doctrine « Navy second to none6 ». 3 Robert O’Connell. L’art naval français se relèvera difficilement de Trafalgar, mais existait-il encore en 1805 alors qu’il avait été « guillotiné » en 1793, douze ans auparavant et qu’il avait triomphé en 1783, vingt-deux ans auparavant aux Amériques. 5 Autre formulation de cette norme : two keels to one. 6 Intitulé significatif de la loi de 1938 que vote le congrès de Washington pour renforcer l’armée navale des États-Unis à l’époque de la montée des périls. 4 Juin 2005 3 La Revue Maritime N° 472 Avant que le Bismarck lors de son raid sans objectif à travers l’Atlantique en 1941 ne soit devenu cible de foire et envoyé par le fonds, il est arrêté dans sa course sous des coups venus du ciel, portés par « une poussière aéronavale » de biplans obsolètes 7. L’Arizona coule à Pearl Harbor un dimanche de décembre 1941 avec 1 177 marins et officiers. Il donne à Franklin Roosevelt l’occasion de justifier sa déclaration de guerre à l’Axe devant le congrès. Est-ce vraiment à cela que doit servir un navire de ligne ? Trois vagues de 386 avions de la marine américaine sont lancées victorieusement le 7 avril 1945 contre le Yamato le plus grand des Dreadnoughts jamais construit lors de son ultime croisière. Cet excès de moyens n’est nécessaire que parce qu’ils existent. L’épitaphe du navire de ligne prononcé par l’amiral Isoruko Yamamoto8 est sans appel : « Ces navires sont comme les symboles religieux dont les gens ornent leur foyer. Leur utilité effective n’est pas prouvée. Ils font appel à la foi, non au sens des réalités. » L’erreur stratégique est salutaire quand c’est chez l’ennemi qu’elle se rencontre. Écrivant en novembre 1926 dans Mein Kampf9 sur la « fausse » politique navale de l’Allemagne avant 1914, Adolf Hitler se révèle le parangon du stratège cuirassé : « Une flotte qui ne peut pas, dès le début, être portée, en ce qui concerne uniquement le nombre des unités, à un niveau égal à celui de son adversaire éventuel, doit essayer de compenser son infériorité numérique par la supériorité de la puissance de combat de chacun de ses navires. » La soumission à cette doctrine offre au troisième Reich l’occasion de gaspiller une large part de sa capacité de construction navale militaire à produire des cuirassés dont le Bismarck est le modèle, sans aucune utilité tactique réelle - à la différence des U-Boots. Les alliés doivent de gagner la bataille de l’Atlantique à cette divagation idéolo-stratégique de l’ennemi. Victime de son coût et de son inutilité, la stratégie de « maître de l’île mondiale, donc de maître du monde » à perspective dominatrice de l’Union soviétique disparaît avec la fin du complexe d’encerclement placé au crédit des nations maritimes « capitalistes ». La flotte « rouge » des croiseurs de l’amiral Gorchkov, l’ami de Leonid Brejnev, finit rouillée sans avoir jamais su à quoi elle servait. Trafalgar et le mythe de la force organisée Que faire du navire de ligne ? Sinon l’employer en nombre en ligne de bataille... permettant ainsi aux peintres des victoires navales d’ordonnancer les flottes comme des parades militaires où la rigueur des alignements des voilures au soleil compose avec des eaux calmes et bleues valorisant ainsi les fumées bizarrement blanches des canonnades. La pensée navale unique depuis le XVII e siècle fixe l’axe : « Gardez la ligne ! » Quiconque s’en évade et échoue est désigné pour la cour martiale... alors même que les tactiques navales qui gagnent sûrement sont autres : la chasse à l’affût (blocus des ports militaires) et à courre (guerre de course en meute) et plus prosaïquement la surprise au mouillage. Certes la concentration des forces est de rigueur, mais la tactique n’obéit pas à l’instinct grégaire des chenilles processionnaires. À Aboukir, Nelson n’ignore pas la leçon donnée par Suffren à La Praya. Et ce qu’on appelle la Nelson touch est justement de ne jamais 7 Des Fairey Swordfish. L’apogée de la technique est atteint avec le Yamato, le plus grand des cuirassés avec 263 mètres de long, d’un déplacement de 72 809 tonnes, doté de trois tourelles triples pesant chacune 2 700 tonnes, armé de neuf pièces de 457 millimètres capables de propulser des obus d’une tonne et demie à 54 kilomètres de distance. 9 Nouvelles Éditions Latines. Ouvrage aujourd’hui heureusement rangé à l’index et conservé dans les enfers des bibliothèques. 8 Juin 2005 4 La Revue Maritime N° 472 respecter le dogme. À Trafalgar, l’utilisation d’une flotte très amarinée et entraînée au meilleur emploi de ses canons commande la tactique de Nelson : diviser en deux escadres sa force apparemment plus faible et casser la ligne de file de l’adversaire par le travers. Cette leçon ne sera pas écoutée. De 1805 à 1917, l’amirauté britannique rend hommage au héros et ignore son génie. Et comme le Lion britannique domine la scène navale, tout ce qui se dit et se fait à Portsmouth est parole et acte d’évangile. La mondialisation des comportements navals que connaissent les marines de guerre durant ce long siècle de paix conduit à la vérité dont Alfred Mahan est l’évangéliste. L’Histoire comme chacun sait bégaye. En 1905, Rodjestvensky tel un Villeneuve du e XX siècle se rend à l’hécatombe de Tsushima. Togo est son Nelson, Togo qui use sans vergogne de la Nelson touch jusqu’à l’emploi d’une « poussière navale » de torpilleurs. Cet épisode naval extrême-oriental sera considéré en occident comme accidentel : un fait-divers loin des terrains familiers mettant aux prises des puissances navales « secondaires ». Et si la tactique ne se justifie pas, l’objectif final, la bataille décisive, est atteint. Centième anniversaire de Trafalgar : Tsushima, 27 et 28 mai 1905* La bataille se déroule dans le sud-est de l’île de Tsushima à l’entrée du détroit du même nom qui sépare cette île japonaise de Pusan en Corée. Elle est, sur mer, la dernière et décisive affaire de la guerre russo-japonaise. L’escadre russe, venue de la Baltique commandée par le vice-amiral Zinovi Petrovitch Rodjestvensky, quitte les îles Saddle, près de Shanghai après un périple de 18 000 milles marins pour gagner Vladivostok accompagnée de la troisième flotte du Pacifique du contre-amiral Nicolaï Nebogatov qui l’a rejointe. Formée en ligne de file, elle est repérée à cause du navire-hôpital Orel (éclairé) à 5 heures du matin le 27 mai par le croiseur auxiliaire Shinano Maru à l’entrée du détroit. Se divisant en deux colonnes devant la menace rapprochée, elle se trouve à 14 heures aux prises avec les forces de l’amiral Heihachiro Togo, lesquelles entament un mouvement enveloppant contre la première division des cuirassés russes. Grâce à la supériorité de l’artillerie japonaise, quatre bâtiments russes sont mis hors de combat en moins d’une heure. L’amiral Togo qui a son pavillon sur le cuirassé Mikasa**, ordonne au contre-amiral Taketomi sur le croiseur Hashidate de prendre avec sa division l’autre colonne russe à revers. À 16 heures, le combat se perd dans la brume et la fumée. Le navire amiral de Rodjestvensky, lui-même grièvement blessé, le Knyaz Suvorov déjà fortement meurtri par l’artillerie coule torpillé. Les tirs japonais quoique moins précis continuent leur pilonnage. À la nuit, les torpilleurs japonais entrent en scène pendant trois heures et coulent quatre bâtiments russes en lançant 74 torpilles Whitehead dont 7 au moins touchent leurs cibles. Le Navarin explose au contact d’une mine dérivante (3 survivants sur 622 hommes). La bataille continue le lendemain et aboutit à la destruction quasi complète de l’escadre russe. Le dernier navire à périr est le croiseur Dmitri Donskoi au soir du 28 mai sous les coups combinés de six croiseurs japonais. Le contre-amiral Nebogatov qui assure le commandement amène son pavillon et se rend. Rodjestvensky est fait prisonnier avec son état-major. Le croiseur rapide Izumrud sous le commandement du baron Vasily Ferzen brise l’encerclement des Japonais et après trois jours de course, s’échoue au pied des falaises d’Orehova où il achève sa croisière. Le contreamiral Enkwist peut éviter d’être pris, mais doit se diriger sur Manille où il finit par arriver avec trois croiseurs passablement avariés, l’Oleg, le Vladimir Monomakh et l’Aurora***. Seuls les destroyers Bravi, Grozni et le croiseur léger Almaz arrivent à rallier Vladivostok. Les pertes russes sont de 5 045 tués et de 6 106 prisonniers. Juin 2005 5 La Revue Maritime N° 472 Les Japonais perdent trois torpilleurs dont un par collision avec le destroyer Akatsuki II (qui, à vrai dire, n’est que le destroyer ex-russe Puilki transféré) et 699 hommes pendant cette bataille qu’ils nomment la bataille de la mer du Japon. * Selon le calendrier russe de l’époque, 14 et 15 mai selon le calendrier occidental. ** Seul navire survivant japonais de l’époque visible dans le port de Yokosuka dans la baie de Tokyo. *** Seul navire survivant russe de l’époque visible sur la Neva à Saint-Pétersbourg. Le 2 août 1914 est salué dans le petit monde naval comme la « chance » qu’il est donné aux amiraux de démontrer la pertinence du dogme. La Grand Fleet va pouvoir se mesurer à la Hoch See Flotte et la Hoch See Flotte à la Grand Fleet. Les canons vont tonner une fois pour toutes et le sort de la guerre en sera déterminé. L’entrée en jeu de la guerre sous-marine change-t-elle la donne ? Les torpillages du croiseur Pathfinder par l’U-21, le 5 septembre 1914, des cuirassés anciens Cressy, Aboukir et Hogue par un seul sous-marin l’U-9 en une demi-heure le 22 du même mois, la perte du cuirassé Audacious à peine sorti du chantier dans un champ de mines le 27 octobre, puis le torpillage du cuirassé Formidable le 31 décembre 1914 ont pour conséquence de faire passer Trafalgar du rayon du mythe à celui de l’Histoire. Ce n’est qu’un mauvais cauchemar. Le rêve de la pensée navale dominante se maintient, droit dans ses guêtres. Les armadas, l’invincible et la vincible, se guettent. La stratégie trafalgarienne en vigueur à Londres en 1914 consiste à faire d’Heligoland un Cadix du XXe siècle. On ne se souciera pas de la poussière navale, des sous-marins, des mines, des torpilleurs (vedettes rapides lance-torpilles) et des aéronefs de reconnaissance (dirigeables et avions). On assurera un blocus hermétique. Par prudence et éviter les pertes collatérales provoquées, ce blocus se fera de Scapa Flow avec de simples patrouilles d’éclairage sur la côte de Frise. On attendra que le Villeneuve allemand, l’amiral Scheer qui ronge son frein sorte du bois pour en découdre et engager la bataille décisive, celle qui conclura la guerre. Et cette bataille aura lieu non pas en haute mer mais au plus près du port de refuge : le Jütland sera le cap Trafalgar. L’Histoire est paradoxale. Rien ne se passe comme à Trafalgar. D’abord, si en 1805 les meilleurs marins et les meilleurs canonniers sont embarqués sur les mêmes navires, les 31 mai et 1er juin 1916, les meilleurs marins viennent du nord-ouest et les meilleurs canonniers du continent. Et si les pertes britanniques sont très supérieures de ce fait aux pertes allemandes, la Grand Fleet n’est pas ruinée : la bataille a bien eu lieu... mais elle n’est pas décisive. Après ce non-Trafalgar, comme deux escargots, les deux grandes flottes rentrent dans leur coquille où elles resteront inutiles jusqu’à la fin du conflit. Cent onzième anniversaire de Trafalgar : Jütland, 31 mai et 1er juin 1916 La bataille du Jütland est un spectacle de puissance navale jamais vu et vraiment « mahanien » d’après Daniel Mc Neil. La Grand Fleet appareille le 30 mai avec 151 unités principales : 28 dreadnoughts, 9 croiseurs de ligne, 26 croiseurs légers, 8 cuirassés, 5 destroyers de commandement, 74 destroyers et un porte-avions. La Hoch See Flotte appareille le 31 mai avec 99 unités principales : 16 dreadnoughts, 6 cuirassés prédreadnoughts, 5 croiseurs de ligne, 11 croiseurs légers et 61 destroyers. La bataille du Jütland s’avère une désillusion : la mentalité est celle de Trafalgar, les tactiques, celles du combat rangé et les objectifs ceux d’une stratégie orientée sur la bataille décisive. Les pertes britanniques sont de 16 navires, 6 097 morts et disparus, 674 blessés et 177 prisonniers (11,6 % des effectifs) ; les pertes allemandes de 11 navires, 2 545 morts et disparus, 507 blessés et zéro prisonnier (6,8 % des effectifs). Juin 2005 6 La Revue Maritime N° 472 Churchill déclare que « Jellicoe était le seul homme des deux camps à pouvoir perdre la guerre en un après-midi. » La « bataille décisive » reste le dogme, mais il faut dorénavant l’éviter autant que possible. L’impasse sur mer reflète celle de la guerre des tranchées sur terre et devient, en toute ironie, la stratégie la plus sûre de la Royal Navy. « Whatever the motives of the players, the stage was finally set for the long-awaited battle royal. The logic that had given birth to the dreadnought and had supported the naval world for more than a century since Trafalgar would at last be subjected to a test of reality. And in the heat of Armaggedon that logic would fail. » remarque Robert O’Connell. En France, la même idée reçue d’une « conception purement imaginaire et vraiment trop simpliste » selon l’amiral Darrieus veille sur le destin des armes navales : « La guerre est déclarée le 2 août, l’armée navale appareille le même jour, prend le contact quarante-huit heures après en Méditerranée de l’escadre autrichienne, sortie également pour en découdre, la coule en moins d’une heure et rentre au port ; au bout d’une semaine, les hostilités sur mer sont terminées10. » Martin Motte observe : « La marine austro-hongroise, consciente de son infériorité numérique, eut le mauvais goût de refuser la bataille décisive qu’on lui proposait si obligeamment. Barricadée dans ses ports à l’abri de filets d’acier et de champs de mines, elle choisit la stratégie de la ‘flotte en vie’ et resta sur l’expectative... La vulgate mahanienne a masqué le renforcement de la défensive sous l’effet des armes modernes, mines et torpilles jouant sur mer le même rôle que les barbelés et les mitrailleuses à terre. L’armée navale commence sur le détroit d’Otrante sa guerre des tranchées, un éprouvant blocus à distance qui reste perméable aux sous-marins adverses… » La contestation du dogme Si la stratégie navale trafalgarienne ne change pas le sort de la guerre, celui-ci risque de l’être, en revanche, par la guerre des communications et cette guerre est une guerre de course sous-marine. Celle-ci entre dans une phase où elle est en mesure d’asphyxier le front de l’ouest. La révolte vient du vaincu de 1805, mais elle est appuyée à Londres par les Jeunes Turcs et leur porte-parole Herbert Richmond11. L’amiral Lacaze en novembre 1916 jette un pavé dans la mare à Mahan : « C’est de la guerre sous-marine qu’il faut uniquement nous inquiéter, sans nous laisser arrêter par la hantise de la guerre d’escadre. » Le commandant Vandier plaide alors à Londres la cause des convois : « En France, notre parti est pris. Nous renonçons à protéger la mer pour nous restreindre à la protection des navires. » Les pertes en tonnage coulé sont tellement élevées au premier semestre 1917 que l’Amirauté les cache à l’opinion publique. Lors de cet annus horribilis, la flotte marchande britannique perd 3 750 000 tonnes alors que les chantiers navals n’en livrent que 1 110 000. Jellicoe persiste à condamner les convois escortés12 : il s’agit d’empêcher que la Grand Fleet ne perde son écran protecteur en transférant les destroyers à l’escorte des convois de navires marchands. Le Premier ministre Lloyd George l’emporte sur Jellicoe le 30 avril 1917. 10 Vice-amiral Darrieus, « Le programme naval : les deux écoles », Revue maritime, 1921 La place des officiers de Marine est en mer, disaient-ils, car la marine a besoin de matelots et non de rats de bibliothèque. C’était la place où apprendre la stratégie et la tactique ; après le nombre requis d’années sur le pont, on pouvait s’attendre à ce qu’une appréciation mystique de tout ce qu’est la guerre navale descende à la manière du Saint-Esprit sur la tête du bon officier de Marine. 12 Martin Motte hasarde une judicieuse réponse doctrinale à cet entêtement : les routes patrouillées, seule concession à la protection des voies maritimes commerciales, représentent sans doute le dernier avatar du « contrôle de la mer » mahanien, par lequel les Amirautés alliées se seraient donné l’illusion d’occuper le large comme on tient une forteresse. 11 Juin 2005 7 La Revue Maritime N° 472 Mais chez les Occidentaux, l’acte de décès de la force organisée n’est réellement confirmé que pendant la Seconde Guerre Mondiale. La désuétude du concept n’est acceptée qu’une fois dûment constatée, l’espace à trois dimensions des opérations navales et la pertinence de Julian Corbett13 quant aux opérations navales. La mer n’est pas le terre : « The crude maxims as to primary objects which seem to have served well enough in continental warfare have never worked so clearly where the sea enters seriously into a war. In such cases, it will not suffice to say that the primary object of the army is to destroy the enemy’s army, or that of the fleet to destroy the enemy’s fleet. The delicate interactions of the land and sea factors produce conditions too intricate for such blunt solutions. » Le premier argument de Corbett est que la concentration d’une force navale supérieure à la mer ne la conduit pas nécessairement vers la bataille décisive parce qu’à la mer, à la différence de la guerre sur terre, l’ennemi n’est pas tenu à une posture sur le terrain... et plus il est menacé par une force qu’il estime supérieure, plus il va tenter de l’esquiver, notamment en se dispersant sur le vaste océan ou plutôt en le faisant croire. Nous sommes loin du cas d’école « aberrant » de Trafalgar. Le second argument se déduit du premier. Corbett avertit en 1907 : « Plus vous concentrer vos forces afin de vous assurer le succès d’une hypothétique bataille décisive, plus vous rendez vos lignes commerciales vulnérables à des attaques meurtrières. » Castex souligne l’inverse en 1912 dans L’envers de la guerre de course en alertant sur « le danger terrible qu’il y a à se livrer à cet exercice avant d’avoir détruit l’ennemi par la bataille, qui prime tout ». La bataille de l’Atlantique lors de la Seconde Guerre Mondiale est gagnée par une « poussière navale » de petites corvettes mal équipées qui se bat contre une « poussière navale » de sous-marins en meute, formation qui est loin de s’apparenter à celle d’une force organisée à l’occasion d’une multitude de rencontres ou la supériorité passe sans crier gare d’un camp à l’autre. Si tant la Jeune École de l’amiral Aube en France que les Jeunes Turcs menés par Richmond dans la Naval Review au Royaume-Uni ont initié et conduit le débat qui remet en cause le dogme, c’est à Corbett que l’on doit la vision stratégique la plus complète. Héritier comme Mahan de Clausewitz, il pose le primat du politique sur le stratégique. Il en déduit que l’interdépendance entre les forces terrestres et les forces navales ne sont jamais à perdre de vue et que les secondes doivent en conséquence « subordonner » leur intervention au soutien de l’effort des premières dans un mouvement logistique global : assurer l’approvisionnement des fronts et ouvrir de nouveaux fronts avec des opérations de débarquement conduites de la mer vers la terre. « The interdependence of land and sea forces is crucial to the success of a national military effort14 (e.g., Trafalgar by itself, as only a naval victory, was insufficient to decide the Napoleonic Wars). » C’est au capitaine de corvette Richard qu’il revient de définir la démarche tactique : « Sur mer, la destruction des forces organisées de l’ennemi ne constitue pas comme à terre le moyen unique, nécessaire et suffisant pour imposer sa volonté à l’adversaire. La bataille, toujours souhaitable, n’est utile que dans la mesure où cette destruction s’impose pour atteindre le double objet qui constitue le véritable mode d’action de la puissance navale : maintien de l’intégrité de ses communications, rupture de celles de l’ennemi. » 13 Some Principles of Maritime Strategy - La réévaluation de Corbett se résume ainsi : impossibilité d’obtenir la bataille décisive, lenteur des effets du blocus, pesanteurs induites par le droit des neutres, primat de la guerre des communications. 14 L’importance réelle de la puissance maritime est son influence sur les opérations militaires. Juin 2005 8 La Revue Maritime N° 472 Commentant la réédition15 magistrale des œuvres complètes de Raoul Castex, Hervé Coutau-Bégarie note que l’auteur avait corrigé le tir et finalement replacé la stratégie navale classique dans un contexte élargi. « Les missions de la force organisée ne peuvent se réduire à la seule recherche de la bataille. La guerre navale n’est pas isolée, mais s’inscrit dans une stratégie générale qui lui impose des servitudes... La focalisation sur la bataille risque de faire oublier ces missions qui peuvent se révéler décisives pour l’issue de la guerre. » C’est nécessaire, mais est-ce suffisant ? Castex change les mots et persiste : « La guerre de 1914 n’a fait en somme que vérifier une notion historique bien établie, avec ce correctif qu’au lieu d’exercer la ‘maîtrise de la mer’, le groupe des porte-canons de haut bord, ou la masse cuirassée, n’assure maintenant que la ‘maîtrise de la surface’. » Mais à quoi sert la maîtrise de la surface si tout se passe sous et au-dessus du dioptre. La France n’en continue pas moins de ce fait à se construire entre les deux guerres une force navale conforme au dogme. En 1939, Darlan ne fait rien d’une force navale qui ne sait se battre ni contre les avions, ni contre les sous-marins. La stratégie navale nippone pendant la Seconde Guerre Mondiale est la preuve par neuf de l’inanité de la stratégie, fille de Trafalgar. « La géographie de l’océan Pacifique et la politique de reconquête des États-Unis offrent une opportunité extraordinaire à une stratégie de déni sur les lignes de communication américaines qui s’étirent sur une dizaine de milliers de milles. Or l’amirauté japonaise applique Mahan et Castex à la lettre… plutôt que de livrer une guerre sous-marine. Dans le même temps, l’US Navy lance une guerre de communications totale contre la logistique maritime japonaise par voie aérienne et surtout sous-marine… et gagne la bataille de la mer de Chine. » Francis Faye complète cette observation par l’hypothèse impertinente suivante : « Cela montre l’influence des idéologies car au fond, pour les deux visions allemande et nippone, ‘l’empire central’ totalitaire a besoin du principe de maîtrise de la mer [Seeführung] pour justifier sa politique navale. Cette fascination les a empêchées de comprendre l’essentiel. D’une certaine façon, le lien est très fort entre les systèmes politiques et les choix stratégiques et donc leur succès. La pensée unique est la maladie des systèmes centraux. Paradoxalement seules les vraies démocraties sont susceptibles d’énoncer16 des principes stratégiques adaptés à une Histoire en marche. » Y a-t-il une bonne lecture de l’Histoire ? À l’automne 1914, le peuple britannique attend avec impatience un autre Trafalgar pour mettre une fin rapide et victorieuse à la guerre. Elle sera désappointée. La Royal Navy a mal lu l’Histoire. « Trafalgar is ranked as one of the decisive battles of the world, and yet of all the great victories, there is not one, which to all appearance was so barren of immediate result… It gave England finally the dominion of the seas, but it left Napoleon dictator of the continent. So incomprehensible was its apparent sterility that to fill the void a legend grew up that it saved England from invasion. » constate froidement Julian S. Corbett17. Mahan, l’historien, fait une leçon magistrale de l’expérience acquise par la Royal Navy à l’époque de la voile. Il flatte inconsciemment l’ego des membres d’un club mondial de consanguins. Il émerge comme le « doctrinaire » de l’application d’une ancienne tactique aux innovations techniques de la révolution industrielle. Il néglige l’impact potentiel de la 15 Théories stratégiques de l’amiral Castex. Édition Economica 1996. Sans doute parce que leurs dirigeants acceptent que des non professionnels de la guerre s’en mêlent (cf. politique navale de Lloyd George en 1917). Ndlr 17 The Campaign of Trafalgar. 16 Juin 2005 9 La Revue Maritime N° 472 guerre de course18. Le capitaine de frégate Baret note en 1920 que grâce à lui, domine en 1914 l’idée que le sous-marin n’est qu’un simple et presque inoffensif brûlot, trop vanté par une Jeune École turbulente hypnotisée par la technique. Or comme le remarque Francis Faye : « Dénier la maîtrise de la mer définit en fait… le vrai et grand objectif stratégique : l’enjeu de la mer est la sécurisation des voies de communication. Le « déni de la mer » est si peu coûteux, si peu glorieux, si difficile à coordonner… D’une certaine façon, il est une stratégie d’action asymétrique avant l’heure. » Longtemps comme le constate Hervé Coutau-Bégarie, la stratégie navale consiste à « essayer de théoriser la guerre qui avait eu lieu sans voir celle qui s’annonçait. » Tel est le drame historique de cette discipline qu’elle n’est utile que pour faire confirmer ses erreurs par des batailles tournant en défaites ou à défaut de guerre par des défilés navals de vaisseaux qui joignent l’incongru à l’inutile. Aujourd’hui, tout cela relève du passé. Avec l’implosion du bloc soviétique, l’école dite historique dont « l’approche synthétique et généraliste postule la permanence des grands principes stratégiques à travers les âges », meurt. Son agonie fut bien longue. Deux leçons sont à tirer du grand livre de l’Histoire. En premier lieu, au dogme de la pure domination de la mer comme règle de toute ambition ultime d’une Marine, doit se substituer une ardente obligation moins prométhéenne et plus opérationnelle de « maîtrise de l’information sur mer ». À ce titre, la démonstration de Francis Faye semble valable tant en matière de sécurité intérieure que de sécurité extérieure : « L’intervention en mer avec des navires ou des éléments aériens d’État est l’aboutissement de processus décisionnels qui s’appuient sur des informations d’intérêt maritime dont la maîtrise prend une importance croissante et dont le centre de gravité est le plus souvent hors du champ strictement maritime, nées de coopérations complexes. » En second lieu, le séisme dans les relations internationales que représente la fin de la guerre froide marquerait-t-il l’aboutissement de l’évolution sociale ? La démocratie libérale occidentale serait-elle l’ultime état de l’État ? L’ordre démocratique mondial garantirait-il la paix universelle ? Peut-on en conséquence annoncer « la fin de l’Histoire » ? Quinze ans après la chute du mur de Berlin, la guerre n’a pas disparu. Elle s’est métamorphosée en nouvelles menaces souvent asymétriques. L’incertitude est au rendez-nous. L’échec de la contention de la prolifération nucléaire est patent. Les conflits des années 1990 ont fait plus de victimes et de morts, surtout chez les civils, que les années de guerre par procuration qui ont marqué la guerre froide. L’Histoire n’est pas finie bien qu’il n’y aura plus jamais de Trafalgar. Bibliographie : The influence of sea power upon history 1660 - 1783 - Alfred Mahan Théories stratégiques de Raoul Castex - Economica Sacred vessels – The cult of the battleship and the rise of the U.S. Navy – Robert O’Connell – Oxford University press 1991 L’après-grande guerre dans la Revue Maritime, (1920-1923) - Martin Motte - Institut de Stratégie comparée La technologie, l’histoire et la révolution dans les affaires militaires par le commodore Daniel Mc Neil - Royal Canadian Navy in Revue militaire canadienne The Anglo-French naval wars (1689-1815) in twentieth century naval thought - Caird lecture, 2000 Some Principles of Maritime Strategy et The Campaign of Trafalgar - Julian S. Corbett. Une stratégie navale pour le XXI e siècle - La maîtrise de l’information sur mer - Francis Faye n° 471 de la Revue Maritime (janvier 2005) et archives inédites FF 2405. 18 Il est symptomatique de lire sous la plume de Mahan l’expression française (du vaincu) de « guerre de course » et non l’expression britannique (du vainqueur) de « guerre des communications ». Juin 2005 10 La Revue Maritime N° 472