L`entretien des infrastructures aéroportuaires de Paris
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L`entretien des infrastructures aéroportuaires de Paris
( ) _ _ g AUTEUR Françoise Marmier RGRA Bien loin d’être une sinécure Néovia L’entretien des infrastructures aéroportuaires de Paris - Orly Application du produit de colmatage Lorsque l’on envisage l’entretien des infrastructures aéroportuaires, l’image des spectaculaires réfections de pistes s’impose. Pourtant, le quotidien d’un gestionnaire de plate-forme est plus complexe, partagé entre les chaussées circulées par les véhicules du personnel habilité, les parkings des avions et leurs voies d’accès, sans oublier les pistes. L’entretien est donc un enjeu de tous les instants, un éternel recommencement où l’improvisation n’a aucune place. Deux types d’entretien coexistent : l’un, structurel, en réfection générale de piste par exemple, l’autre, préventif ou curatif, une action du quotidien. Cet article s’attache plus particulièrement à ce dernier. Paris - Orly : 2 700 000 m2 à gérer au quotidien S’il est un homme qui maîtrise ce sujet, c’est Stéphane Colbert, responsable maintenance et génie civil à l’unité opérationnelle des aires aéronautiques de l’aéroport Paris - Orly. « Mon rôle consiste à gérer dans la zone réservée sûreté de l’aéroport d’Orly les infrastructures routières et aéronautiques, ainsi que certains équipements s’y rapportant ». Et en l’occurrence, cette zone représente un peu plus de 1 500 hectares, dont un tiers revêtus, soit environ 2 700 000 m2 de chaussées aéronautiques, répartis entre les pistes, les voies de circulation et les postes de stationnement des avions. Ainsi qu’une quarantaine de kilomètres de routes de service en zone réservée ; sans oublier les toitures des bâtiments. Mais son rayon d’action porte également sur les protections de mâts, des portiques, sur la signalisation verticale, les clôtures… « Ainsi que sur tout le réseau d’assainissement de la totalité de l’aéroport d’Orly avec son traitement final puisque nous avons ici un système de traitement dynamique des eaux pluviales que nous collectons [1] ». Enfin et non des moindres de ses responsabilités : la partie hivernale, avec le déneigement de l’aéroport à l’intérieur de cette zone réservée sûreté. Un seul maître, l’exploitant D’usage, Aéroports de Paris (ADP) dimensionne les structures les plus sollicitées en béton hydraulique (aires de stationnement d’avions, taxiways, pistes ou seuils de pistes parfois...) et celles qui le sont moins, en enrobés bitumineux (pistes parfois, chaussées routières…). La diversité des infrastructures à entretenir donne toute sa place au béton comme aux enrobés bitumineux. Selon le responsable maintenance de la plate-forme d’Orly, la limite entre les dépenses d’investissement et celles d’exploitation est si ténue qu’il est difficile de préciser une notion de budget. En outre, l’exploitation est elle-même séparée en deux : maintenance courante et travaux de grande maintenance. « Nous essayons de travailler par zone puisque, ce qui devient prépondérant dans notre action et dans la conception de notre plan de maintenance, est certes le vieillissement des chaussées mais surtout les gênes occasionnées à l’exploitation. Nous tentons d’avoir la hauteur de vue nécessaire pour apprécier les différents paramètres et surtout les contraintes des uns et des autres », précise Stéphane Colbert. En l’occurrence, une voirie fatiguée mais faiblement circulée ne sera pas prioritaire par rapport à une chaussée identique extrêmement sollicitée. Mais le point faible de cette dernière est que sa réfection engendre beaucoup de gêne, car elle doit intervenir le plus rapidement possible, en raison de sa fréquentation importante. Et là, selon les techniques employées, les travaux se dérouleront de jour ou de nuit pour minimiser les nuisances à l’exploitation. L’aéroport d’Orly a un atout, le couvre-feu qui interdit tout vol commercial : « la plate-forme est ouverte car elle peut devoir accueillir un avion détourné, une obligation de service public (OSP) ou encore un vol en difficulté. Il existe toujours une piste disponible pour pouvoir accueillir un tel vol entre 23 h 30 et 6 h. Néanmoins, il nous est possible de travailler sur la grande piste ou sur certaines parties de la plate-forme. Nous choisirons alors des techniques qui permettent de réouvrir la zone au plus tard à 6 h ». De jour ou de nuit, un entretien en fonction de la nature des travaux De jour ou de nuit, tout dépend de la nature des travaux à effectuer. Si les travaux de nuit sont privilégiés, ils sont, dans certains métiers, de préférence ponctuels ou transitoires et ne sont pas des remises RGRA | N° 862 • novembre 2007 5 ) _ _ à niveau de long terme. « Nous avons peu de problèmes de logistique puisque les entreprises qui travaillent avec nous sont bien rodées au système et tous, nous apportons beaucoup d’attention à la préparation des chantiers ». L’imprévu, surtout de nuit, est beaucoup plus difficile à gérer. « Par exemple, lorsqu’une dalle de béton est cassée (pour information, Orly possède environ 50000 dalles béton), nous avons deux solutions: • soit nous procédons à sa réfection avec du béton compacté au rouleau (BCR) revêtu d’une couche d’enrobé. La société chargée des travaux peut l’exécuter en une seule nuit pour une remise en circulation le lendemain. Mais cette réparation est transitoire pour une durée de 12 à 36 mois, suivant la qualité du sous-sol et le trafic qu’elle va recevoir. • soit nous réparons cette dalle avec un béton hydraulique traditionnel et là, nous savons que sa longévité sera supérieure mais aussi que sa durée de séchage n’autorise pas une réouverture rapide à l’exploitation. Selon les formulations de béton mises en œuvre, la période neutralisée de séchage sera de 5 à 6 jours en moyenne avec un béton classique pour obtenir les bonnes résistances. Nous subissons alors de très fortes contraintes. Si le temps de démolition de l’ancienne dalle et de mise en œuvre est identique dans les deux solutions, le temps de séchage fait toute la différence. » Ce sont les méthodes de réparations de dalles retenues par ADP, mais ailleurs en Europe, de telles réparations sont effectuées en quelques heures en remplaçant une dalle cassée par une dalle en béton préfabriqué. Sont également employés des bétons fibrés à prise rapide ainsi que des bétons spéciaux atteignant leur résistance au roulage en 6 heures [2]. Des travaux spéciaux Ces travaux de maintenance curatifs et préventifs relèvent de la réparation classique, assurés par deux types d’entreprises : celles qui vont procéder à la démolition puis couler du béton et celles qui vont réaliser des travaux spéciaux, annexes aux grands travaux. Dans ce dernier cas, intervient une société telle Néovia, spécialisée dans la rénovation et l’entretien des voies routières et aéroportuaires. Sur la plate-forme d’Orly, elle prend en charge de nombreuses opérations : 6 g Néovia ( Trancheuse en action • goujonnage des dalles béton, • pontage de fissures, • rénovation du balisage des pistes et taxiways (tranchage, carottage, scellement de feux et rainurage). Domaine routier • pontage de fissures sur chaussée hydrocarbonée pour rétablir l’imperméabilité et augmenter la durée de vie, • reprises d’épaufrures sur chaussées bétonnées afin d’anticiper la dégradation et de rendre au support un état de surface compatible avec la sécurité et le confort, • mise en œuvre de résine époxy sur chaussée béton ou enrobé, chargée d’une bauxite calcinée à refus, pour toutes les zones à sécuriser. Gérant de Néovia, Eric Gonot, précise : « Chacune de nos techniques est soumise à des obligations liées à la sûreté, la sécurité, la rapidité et le respect de l’environnement. L’aéroport est une micro-entreprise pour nous : on y trouve des routes, des chaussées aéroportuaires, des ouvrages d’art… L’entretien de chaussées, ce sont un certain nombre de techniques, toutes regroupées dans un aéroport. » Néovia se définit comme un spécialiste du petit entretien de chaussées, indispensable, celui qui donne une durée de vie supplémentaire à la structure, qui évite les travaux lourds en investissements et en contraintes d’exploitation. L’expertise dans les décisions d’intervention curative ou préventive durant la vie de la structure est garante de la réussite de la politique d’entretien. Elle doit être prévue et intégrée à l’investissement initial pour pouvoir profiter de tous les avantages du béton hydraulique. Domaine aéroportuaire Responsabilité et sécurité • rénovation des joints de dalles béton (dégarnissage, chanfreinage et reconstitution), • sciage en petite et grande profondeur, • surfaçage du béton dégradé, Quelles sont principales difficultés rencontrées sur de tels chantiers d’entretien ? Eric Gonot n’hésite pas : « La première complication, RGRA | N° 862 • novembre 2007 ce n’est pas le chantier, c’est la notion de responsabilité. Ce sont de gros enjeux pour de petits montants : nous intervenons sur les pistes fermées la nuit, et qui doivent impérativement être remises en service à 6 h du matin… Pour une entreprise, c’est un véritable challenge, parce que nous n’avons aucun droit à l’erreur ». Bien entendu, Néovia a mis en place des procédures, mais le risque zéro n’existe pas. « Le deuxième point, ce sont les notions de sécurité. Une zone aéroportuaire répond à des règles très strictes. Nous avons de très bons ouvriers de chantier mais qui ne saisissent pas toujours la complexité de l’endroit dans lequel ils évoluent… » Ces notions de sécurité sont alors chargées d’une très lourde responsabilité. Car il y a parfois une divergence entre la compétence technique développée et les exigences sécuritaires du client. Et Eric Gonot de constater : « Néovia pourrait très bien remplir sa mission technique pour le marché de l’entretien et en être exclue si elle ne respectait pas les notions de sécurité ». Autre complication d’un chantier, l’adaptation, parce que beaucoup se déroulent de nuit. « Il faut toujours être armé dans ce type de chantier et prévoir l’improbable. Cette notion rejoint celles de la réouverture du matin, de la sécurité et de la responsabilité ». La préparation en amont doit être professionnelle. Mais Eric Gonot possède un atout de taille dans sa mission auprès d’ADP. « Nos hommes connaissent le site depuis des d’années, dont un conducteur de travaux qui y travaille depuis 20 ans. Il a non seulement la compétence technique, mais il a la culture et la connaissance des plates-formes. C’est capital et rassurant pour notre client ». Par exemple, ce membre de l’équipe Néovia sait que sur Orly, se trouvent des bétons en silice, plus longs à scier et qui nécessitent de doubler la durée de travaux. Ainsi d’emblée, la société va retenir des moyens adaptés, prévoir des délais qui seront cohérents et présenter à son client une juste programmation des travaux. ) _ Profiter des évolutions techniques Stéphane Colbert collabore étroitement avec le laboratoire ADP dans différents domaines: environnementaux, ouvrages d’art ou sur des formulations de béton. Il s’intéresse notamment à la prise des bétons, pour essayer de gagner du temps au niveau de l’exploitation et faciliter la mise en œuvre. « Nous préférons payer plus cher avec des matériaux plus sophistiqués et réduire la durée du chantier, donc la gêne à l’exploitation, même si le coût intrinsèque du chantier est supérieur. En aéroportuaire, neutraliser un poste de stationnement au contact génère une perte d’exploitation puisque l’avion verse alors moins de redevance et que des autobus doivent être mis en service. Cette hauteur de vue est prépondérante dans notre métier ». Le responsable de la maintenance confesse sa curiosité et son intérêt notamment pour les géogrilles et les produits anti-remontée de fissures, qui agissent, quelles que soient les structures, en permettant le glissement d’une couche sur l’autre. Faire évoluer l’entretien tient parfois à une simple réflexion. Ainsi, sur une autre zone très sollicitée, il a été décidé de fractionner les dalles de béton avec une guillotine à masses tombantes, avant de recharger la voie. « Nous sommes partis de l’idée que si l’on fractionnait la dalle en éléments plus petits, les efforts seraient moindres pour chacune des dalles puisqu’ils seraient plus répartis et qu’il y aurait moins de remontées de fissures. Depuis longtemps, nous voulions réaliser ce test, déjà pratiqué avec succès à Toulouse pour l’A380. » Ce procédé a prouvé son efficacité dans l’utilisation systématique avant tout renforcement de dalles béton par du béton armé continu. Pour Néovia, l’évolution technique des produits provient des fabricants : résines epoxy, joints de dalles à froid ou à chaud… « Nous dialoguons avec eux », remarque Eric Gonot, « mais nous ne représentons que des petits volumes. Nous avons des idées ou des demandes d’amélioration de produits sur les prises, sur les mises en œuvre, sur les passages dans les machines car certains les abîment. ». Néovia coopère beaucoup avec le laboratoire d’une importante société routière britannique. « Les Anglais ont une analyse de l’entretien de leurs chaussées qui est différente de la nôtre. Ils sont parfois plus pragmatiques : au lieu de faire des grands travaux, ils vont essayer de faire perdurer leurs systèmes. » _ g Ce laboratoire développe donc des produits spéciaux dans cet esprit, pour le pontage de fissures, des joints de dalles béton… plus simples à mettre en œuvre, avec de meilleures caractéristiques de tenue dans le temps, et beaucoup moins agressifs pour les machines. Le coût de l’entretien intégré dans l’investissement global Pour ADP, il est évident que le coût de l’entretien est partie prenante dans le budget initial d’investissement. Les techniques sont choisies pour durer longtemps et sont relativement conventionnelles, testées, éprouvées chez ADP. Si des essais ont lieu avec des techniques nouvelles, ils n’interviennent pas sur des zones fortement sollicitées. Après un renforcement en 1995 prévu pour durer une dizaine d’années, la piste 06 24 a été renforcée l’année dernière [3]. RGRA ( Réfection de la piste 06 24 en 2006 En 2006, quelques faiblesses commençaient à apparaître, mais elle se comportait très bien. Stéphane Colbert précise : « L’annonce par Air France de l’achat de Boeing 777 nous a conduit à faire des travaux avant leur mise en service. » La décision de procéder à ces travaux de réfection a été vite prise. « Pendant les deux mois de chantier, plus personne ne pourrait se servir de cette piste. Or le 777-300 ne tourne que sur la piste 06 24. Cela signifiait qu’il aurait fallu arrêter ses rotations ou le détourner sur la piste 08 26, entraînant sa dégradation accélérée ». La « nouvelle » piste est prévue à nouveau pour une durée de 10 à 12 ans. Après un an d’exploitation, elle se comporte très bien et n’enregistre aucun désordre apparent, tout comme les voies d’accès aux différents seuils sur le cheminement des lourds 777-300 ou 747-400. « Mon collègue de Roissy a de la chance car il a une réserve foncière importante et peut ainsi s’étendre. A Orly, construit en milieu urbain, notre espace est plus confiné. Donc à chaque fois qu’il y a des nouvelles compagnies, de nouveaux appareils, il faut moduler l’existant, le renforcer ou le déplacer, mais on ne peut pas s’étendre. D’où l’importance de l’entretien qui prend une dimension supplémentaire ». Le choix de l’expérience « Neovia est composé de femmes et d’hommes qui possèdent tous une grande expérience des métiers de l’entretien des chaussées routières et aéroportuaires et des enjeux qui y sont associés. Par ailleurs, l’entreprise s’est associée à Socotras et Robuco, qui sont des sociétés spécialisées dans ces domaines de compétences en France, en Belgique et en Allemagne. Néovia bénéficie donc d’une importante mutualisation de moyens en hommes, en technique, en matériel et en expérience. » Néovia ayant été créée en juillet 2006, il était légitime de connaître les motivations techniques d’ADP pour faire confiance à une jeune PME. Stéphane Colbert répond sans équivoque: «Le risque est qu’une société nouvelle puisse avoir financièrement plus de difficultés qu’un grand groupe qui a les moyens d’absorber une éventuelle défaillance ou une mauvaise estimation du chantier. Ce qui n’est pas le cas d’une PME. L’avantage est que Néovia opère sur un marché de niches où peu d’hommes ont une expérience significative. Si ces hommes sont regroupés dans une société récente, le risque est contrebalancé. Par ailleurs, une société nouvelle présente des avantages: le matériel étant neuf, un soin particulier y est apporté. Mais je pense que les métiers des travaux publics sont des métiers d’hommes, où les relations humaines sont capitales: on travaille en partenaires. Dès la préparation du chantier, on avance dans le même sens, on fait partie de la même équipe. C’est bien de travailler en confiance, cela rassure». Eric Gonot souligne un dernier avantage qui est celui de la proximité, surtout en termes d’astreintes. « L’entreprise, et donc le matériel, sont basés à 15-20 minutes de l’aéroport et les hommes demeurent dans un rayon de 5-10 km. Nous les savons mobilisés et opérationnels rapidement. C’est un point important ». Par un partenariat réussi avec un professionnel expert en entretien courant de chaussées en béton hydraulique, ADP fait tous les jours la preuve sur la plate-forme d’Orly des qualités de ce matériau parfois écarté en France, par insuffisance d’expérience de terrain. BIBLIOGRAPHIE [1] Ph. Grosse, M. Bras, « Système de traitement des eaux pluviales de la plate-forme d’Orly (STEP) », Revue générale des routes et des aérodromes (RGRA) n° 745, septembre 1996 [2] Specbea,– Guide pratique d’entretien – Voiries urbaines et espaces publics en béton de ciment, juin 2007 [3] F. Marmier, « Aéroport de Paris - Orly : un chantier sous haute sûreté », Revue générale des routes et des aérodromes (RGRA) n° 849, juin 2006 RGRA | N° 862 • novembre 2007 7