gerse 2003-2004
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gerse 2003-2004
Du cinéma à la ville chez Disney Dispositifs, hétérotopies et représentations chez Disney Charles Perraton Proposition de recherche — 2003-2004 GERSE (Groupe d’études et de recherches en sémiotique des espaces), UQAM Dans son exposition du 17 juin au 28 septembre 1997 sur les parcs thématiques de Disney, L’architecture du réconfort, le Centre Canadien d’Architecture se consacrait à la présentation des différents mythes de Disneyland et à l’étude de ses différentes modalités de réalisation. Pourtant, même si l'exposition principale réunissait quelques 350 pièces (plans, dessins, peintures et maquettes des parcs et de leurs attractions) tirées des archives de Walt Disney Imagineering, et qu'elle s'accompagnait d'une sélection de 23 photographies réalisées dans le cadre de la mission confiée à Catherine Wagner sur les parcs de Disney (Réalisme et illusion : Photographies des parcs thématiques de Disney était une autre exposition présentée parallèlement à la principale) aux Etats-Unis (Anaheim, en Californie, et Orlando, en Floride) et ailleurs (à Tokyo et à Paris), et malgré la puissance suggestive des titres des expositions, l'occasion ne nous avait pas vraiment été donnée de prendre le recul critique nécessaire pour comprendre en quoi et comment la « "magie" de Disney s'est rapprochée toujours davantage de la réalité ». Comment se l'expliquer, sinon que l'on retrouvait chez les concepteurs de l'exposition la même fascination pour l'imaginaire de Disney – s’agissant précisément d’une forme d’« engineering » de l’imaginaire – et son projet urbanistique (de « Tomorrowland » à « Epcot Center »), que ce qui s'observait déjà chez les millions de visiteurs de Disneyland. Alors que pour ces derniers l'enchantement vient d'avoir un monde à leurs pieds, il est pour les concepteurs de l’exposition et pour ceux de la firme Disney d'avoir un monde à portée de la main. Dans cette exposition, on ne trouvait rien de bien précis sur le contexte dans lequel Walt Disney avait donné naissance au premier parc à thème du monde, en 1955, à Anaheim ; rien de plus permettant de comprendre comment Disneyland radicalise un rêve utopique en le réalisant à l'échelle de la ville ; rien de pertinent non plus sur le sens à donner à ce prétendu « état de grâce » auquel le « Magic Kingdom » donne accès ; rien de très instructif finalement sur les rapprochements à faire entre le happy end du cinéma et le happy place des utopies concrètes des années cinquante et soixante. Ces questions prennent leur importance aujourd’hui avec la création de Celebration Town, la première communauté développée par Disney Corporation, ville phare du new urbanism, se situant en Floride, dans le comté d’Orlando, à quelques kilomètres de Disney World. Pourtant, quel mal y aurait-il eu à informer le visiteur sur toutes ces années qui ont marqué pour l'Occident la rupture par rapport à la tradition millénaire et universelle du héros sacrifié et de l'inaccessible bonheur ? Aurait-il été si gênant (pour les commanditaires et les bienfaiteurs sans lesquels de telles expositions ne pourraient avoir lieu...) de (re)faire le rapport entre cinéma (mise en forme bidimensionnelle d’un imaginaire de fantaisie), architecture et ville (mise en forme tridimensionnelle de cet imaginaire), que Walt Disney avait lui-même déjà fait ? Il aurait été utile de rappeler que par l'introduction massive du happy end, le cinéma des années trente et quarante, aux Etats-Unis d'abord, en Occident ensuite, renouvelait l'imaginaire contemporain en rapprochant le héros de la vie quotidienne et en mettant le bonheur à l'ordre du jour ? Il aurait été tout aussi utile de rappeler qu'à partir de 1955, le cinéma cesse d'être l'articulation principale de la culture de masse qui fait passer de l'euphorie à la problématique de la vie privée (Edgar Morin, L'esprit du temps) ? Que dire du lien entre la crise du bonheur des années soixante et le développement des nouvelles stratégies sociales de dressage des corps et de gestion de l'imaginaire des individus ? Aurait-on souffert d'apprendre qu'au moment où le cinéma exposait les difficultés de la vie sociale et amoureuse (néoréalisme italien et nouvelle-vague française), Ray Kroc achetait des frères McDonald leur chaîne de restaurants pour créer un havre familial de tranquillité pour tous (les restaurants McDonald’s) ? N’aurait-il pas été indiqué de souligner qu'à l'utopie olympienne succédèrent les utopies concrètes de la banlieue heureuse (l'auto et le bungalow, le McDos et le centre d'achats) et des paradis retrouvés (le Holiday Inn et les clubs de vacances) ? Comment le silence sur l'industrie de l'imaginaire pourrait-il nous aider à comprendre, par exemple, le sens et les enjeux du succès de la « Disney Corporation » avec la création de Celebration Town, une communauté de quarante mille habitants taillée sur mesure, et le réaménagement du centre de New York (Times Square, Cinquième Avenue et Central Park) ? Sans recul, que penser de cette dernière gigantesque opération de nettoyage qui vide le coeur de la métropole américaine d'un nombre important d'habitants aux revenus modestes, pour y substituer un grand hôtel traversé d'un « rayon galactique » et d'un centre commercial couvert d'écrans géants ? Pour que L’architecture du réconfort permette sa véritable « investigation des mythes multiples de Disneyland » n’aurait-il pas fallu avant qu’elle nous donne les moyens de comprendre combien le cinéma de Disney, ses parcs thématiques et ses projets de développement urbain contribuent largement à faire que « dans l'espace urbain, et dans l'espace social en général, la distinction entre réel et fiction [devienne] floue » (Marc Augé, L'impossible voyage), au risque de faire de nos villes des parcs d’amusement dont les thématiques nous achèvent… Pour tout dire, une véritable tyrannie du bonheur s’exerce dans l’espace public disneyen. Les identités se construisent au croisement de tous les actes de consommation et, pour ne pas perturber la satisfaction obtenue par cette dernière, les conflits sont évités et la communauté produite sur mesure. Recueil de textes ALTHUSSER, Louis (1976), « Idéologie et appareils idéologiques d’état », Positions, p. 67-125 AUGÉ, Marc (1997), « Un ethnologue à Disneyland », in L’impossible voyage, Paris, Payot & Rivages, coll. « Rivages poche/Petite bibliothèque », p. 21-34 BAUDRILLARD, Jean (1981, c1978), « La précession des simulacres », in Simulacres et simulation, Paris, Galilée, p. 9-68 CAUQUELIN, Anne (1979), « L’utopie définie », in Cinévilles, Paris, Union générale d’éditions, p. 275-298 DELEUZE, Gilles (1969), « Michel Tournier et le monde sans autrui », in Logique du sens, Minuit, Paris, p. 350-372 DELEUZE, Gilles (1980), « De la ritournelle », in Mille plateaux, Minuit, Paris, p. 381-433 DELEUZE, Gilles (1985), « Les cristaux de temps », in L’image-temps, Minuit, Paris, p. 92-128 DELEUZE, Gilles (1986), « Un nouveau cartographe » et « Les strates ou formations historiques : le visible et l’énonçable (savoir) », in Foucault, Minuit, Paris, p. 31-75 DELEUZE, Gilles, GUATTARI, Félix (1991), « Qu’est-ce qu’un concept ? », in Qu’est-ce que la philosophie ?, Minuit, Paris, p. 21-37 DUFRENNE, Mikel (1974), « L’utopie », in Art et politique, Paris, Union générale d’éditions, p. 172-216 ECO, Umberto (1985), « La cité des automates », in La guerre du faux, Paris, Grasset & Fasquelle, coll. « biblio essais », p. 63-73 FOUCAULT, Michel (2001), « Des espaces autres », in Dits et écrits II, p. 1571-1581; Conférence au Cercle d’études architecturales, 14 mars 1967 — Architecture, Mouvement, Continuité, no 5, octobre 1984, p. 46-49 GAGNON, Monika Kin (1998), « Mickey Mouse Geography : Disney’s ‘Africa’ and Animal Kingdom », Excerpted from Race-ing Disney : Race and Culture in the Disney Universe, Ph.D. Dissertation, Simon Fraser University GREIMAS, Algirdas Julien (1979), « Pour une sémiotique topologique », in Sémiotique de l’espace, Paris, Denoël / Gonthier, p. 11-43 ISHAGPOUR, Youssef (1996), « La réalité de l’image » et « L’image de la réalité » in Le cinéma, Paris, Flammarion, coll. « Dominos », 1996, p. 87-95 et 97-108. 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Le ré-enchantement de l’espace, Paris, L’Harmattan; plus particulièrement les chapitres suivants : « Nos territoires sont d’abord des mondes », p. 11-14, « Nos territoires sont dans la tourmente… ou les limites de l’organisation rationnelle de l’espace », p. 15-26, et « Quand la Consommation et la Norme traduisent les espaces poétiques en zones de non-droit », p. 129-144 PAGE 3