Eux présidents», les scénarios de 2017
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Eux présidents», les scénarios de 2017
«Eux présidents», les scénarios de 2017 : Époustouflantesque ! (épisode 2/2) FICTION POLITIQUE – Quelques jours après son élection, le président Le Maire convoque ses principaux ministres à une réunion de travail à l’Élysée. «Eux présidents»: jusqu’au 26 août, Philippulus imagine ce que pourraient être les 100 premiers jours des uns et des autres. Chacun a droit à deux épisodes pour convaincre, ou non… Dans le bureau présidentiel, l’atmosphère était fiévreuse. Pour être franc, l’hystérie n’était pas loin. Seul Bruno Le Maire, qui avait décidé une fois pour toutes d’être olympien pendant cinq ans au moins, et peut-être dix, conservait son calme. Valérie Pécresse était assise en face de lui et, autour de la grande table, on comptait cinq ministres et deux fois plus de conseillers. Depuis une heure déjà, le chef de l’État donnait la parole aux uns et aux autres, demandant à chacun d’expliquer brièvement comment mettre en musique le rude programme sur lequel il avait été élu. En ouvrant la réunion, le nouveau chef de l’État avait lancé: «Mesdames et messieurs, nous allons entrer dans le dur du sujet. La campagne fut un moment d’euphorie, mais l’heure est désormais à la réalité. Ne nous payons pas de mots. Nous allons bel et bien redresser ce pays mais au prix de mesures qui déclencheront, peut-être, un ouragan de protestations comme on n’en a jamais vu en France. Mais ne vous inquiétez pas, je suis là. Je serai un roc, ce qui fut loin d’être le cas de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, même si, en d’autres temps, nous les avons aimés. Sachez qu’avec moi la France est passée dans une dimension supérieure, espace qu’elle a abandonné depuis le 28 avril 1969 et la grandiose démission de qui vous savez. Une dimension dans laquelle le pouvoir exécutif supplante tous les autres, quelles que soient les contestations, et impose sa loi, qui est celle du peuple. Donc, vogue le navire! Et soyez des matelots avisés, sinon je vous jetterai moi-même pardessus bord! Je plaisante, certes, mais à moitié.» Il y eut trente secondes de silence durant lesquelles chacun, en son for intérieur, songea que l’ego du président de la République avait doublé de volume depuis sa victoire. Il y eut trente secondes de silence durant lesquelles chacun, en son for intérieur, songea que l’ego du président de la République avait doublé de volume depuis sa victoire. Valérie Pécresse se murmura à elle-même: «J’ai l’impression qu’on ne va pas rire tous les jours…» Le président de la République s’était rassis et ce fut ensuite une discussion virulente. Bruno Le Maire avait incité l’assistance à l’audace, mais, chez certains, les vieilles habitudes reprenaient le dessus. Il y eut d’abord une formidable passe d’armes entre Éric Ciotti, ministre de l’Intérieur, et Philippe Houillon, le garde des Sceaux. De sa voix chantante, le «premier flic de France» expliqua que, «sans une justice implacable, il ne sert à rien que les policiers arrêtent les voyous, lesquels souvent finissent djihadistes, puisqu’on les remet dans la nature sitôt jugés». En conséquence de quoi, Éric Ciotti réclama l’abrogation immédiate de toutes les lois de Christiane Taubira et la mise en place d’un système pénal «tenant en trois mots: répression, répression, répression».«Il nous faut l’arsenal Sarkozy multiplié par deux!», ajouta-t-il en guettant un regard approbateur du chef de l’État. Qui ne montra rien et donna la parole à Philippe Houillon. Éric Ciotti réclama l’abrogation immédiate de toutes les lois de Christiane Taubira et la mise en place d’un système pénal « tenant en trois mots : répression, répression, répression ». «Mon cher Éric, je t’aime bien, mais tu ne vas pas m’apprendre mon métier. Oui, je suis partisan de davantage de fermeté contre les malfrats, mais agissons avec discernement. Et je n’ai pas envie de me mettre à dos tous les juges… – Ça y est! Tu mollis!, l’interrompit Éric Ciotti. Les juges, c’est fait pour marcher au pas! D’ailleurs, il faut annoncer une loi pour leur interdire de se syndiquer, comme les militaires! – Alors là, ne compte pas sur moi! Je n’ai pas envie d’être accueilli par des œufs et des tomates sitôt que je quitte la Place Vendôme!» Valérie Pécresse prit la parole pour tenter de calmer les deux hommes. «Messieurs, lança-t-elle, peut-être pourrions- nous esquisser une sorte de synthèse entre vous deux. Je comprends bien les arguments d’Éric, mais Philippe n’a pas tout à fait tort non plus. Je suis certaine que vous pouvez trouver un terrain d’entente… – Quoi? Une synthèse! Tu parles comme Hollande! C’est nul! Nos électeurs vont être fous de rage!, rétorqua vivement Éric Ciotti. La synthèse! La synthèse! Pas de synthèse avec les djihadistes, les voyous, les voleurs et les violeurs!» Le président Le Maire restait silencieux. Mais il réfléchissait. Une petite voix lui disait que Valérie Pécresse avait raison, mais il se souvenait de ses propos de campagne et de ses philippiques endiablées contre «tous les accommodements mortifères, les petits arrangements honteux, les fauxsemblants, les demi-solutions» qui faisaient chavirer les foules. Il se dit qu’il étudierait la question de la réforme pénale le lendemain matin, après un sommeil salvateur, et décréta qu’on changeait de sujet. Il se tourna vers Sébastien Proto, ministre du Budget, qui résuma en quelques mots le projet de loi de finances rectificative qu’il entendait défendre à l’Assemblée dès les premiers jours de juillet. «Monsieur le président, le texte lancera le vaste plan d’économies que vous avez promis, sans le chiffrer. Certes, il ne faut pas, comme vous l’avez dit, infliger “une purge” aux Français, mais soyons malgré tout ambitieux. Un plan de 100 milliards d’économies me paraît raisonnable…» Le président de la République réprima une moue, songeant déjà à la multitude de récriminations qu’un tel chiffre provoquerait assurément. Il pensa qu’il devait faire une courte phrase. Qu’il prononça: «100 milliards, c’est beaucoup… – Certes, Monsieur le président. Mais si nous faisons moins, nous allons provoquer un débat au sein de la majorité présidentielle sur le thème “c’est des petits bras”. Les sarkozysto-fillonisto-juppéistes n’attendent que ça… – Mais tous ceux-là, je les emmerde! Le président, c’est moi!, répliqua Bruno Le Maire, qui se départit un bref instant de son calme. – Certes, et vous avez raison Monsieur le président. Cependant, il me semble raisonnable de commencer le quinquennat sur de bonnes bases vis-à-vis de votre majorité. C’est pourquoi je propose par ailleurs, et même si ça ne figure pas dans votre programme, de prévoir une baisse de 10 % de l’impôt sur le revenu applicable dès cette année… – Impossible!, l’interrompit Valérie Pécresse. On va encore exploser les critères de Maastricht! Jean-Claude Juncker va nous sermonner! – Maastricht et Juncker, on s’en fout!», lança Éric Ciotti, qui avait appris de Nicolas Sarkozy que plus on tape sur la Commission européenne mieux on se porte. Ministre de l’Agriculture, Bruno Retailleau prit alors la parole pour plaider lui aussi en faveur d’une baisse de l’impôt sur le revenu: «Monsieur le président, c’est vrai que nos électeurs se fichent un peu de Jean-Claude Juncker lorsqu’ils reçoivent leur avis d’imposition… S’agissant de la Vendée, je suis formel… – Bien vu!», lança Éric Ciotti, tandis que la ministre de l’Économie, Laure de La Raudière, demandait la parole. «Pour moi, une baisse de l’impôt sur le revenu est inenvisageable. Nous allons creuser le déficit d’une façon inimaginable! Oui à la baisse, mais plus tard! – Plus tard! Plus tard! Toujours plus tard! On fait encore du Hollande!», s’écria Éric Ciotti, qui songeait à tous ses électeurs des Alpes-Maritimes, lesquels pendant la campagne lui disaient qu’il avait «méchamment intérêt à baisser les impôts tout de suite», sinon ils voteraient Front national. Le chef de l’État grimaçait beaucoup intérieurement mais très peu physiquement. Il se dit en lui-même : « Cette NKM, je la débarque au premier remaniement. Bruno Le Maire regarda la scène. Les uns et les autres s’invectivaient, certains en tendant le poing. Des conseillers ministériels fouillaient fiévreusement leurs classeurs pour prouver les dires de leur patron, lequel, quasi cramoisi, faisait trois fois le tour de la table en fulminant. Le chef de l’État imposa le silence d’un geste de la main. Et, désireux d’entendre une intervention qui, dans son esprit, ne prêterait pas à la polémique, donna la parole à sa ministre de la Défense, Nathalie KosciuskoMorizet. Elle passa sa main droite dans ses cheveux, sourit joliment à toute l’assistance, et lâcha en s’esclaffant: «Moi, j’ai une idée pour faire des économies! On bazarde toute la force de dissuasion, qui rouille, ne sert vraiment à rien et dont on ne sait même pas si elle marche vraiment! Bonjour les milliards économisés!» Ce fut un tollé. On entendit des «de Gaulle doit se retourner dans sa tombe», mais aussi des «notre dissuasion? Mais c’est fou!», ou encore des «confier la Défense à une femme et voilà ce qui arrive…». Quant à Valérie Pécresse, elle se leva, l’air extrêmement revêche, et pointa en direction de la ministre de la Défense un doigt vengeur: «Si tu veux enterrer l’héritage du Général, tu me trouveras sur ton chemin!» Il n’y eut que Sébastien Proto pour dire, au milieu du vacarme: «Cette proposition mérite réflexion. Quelques milliards d’économies, moi je prends! Et ça me finance ma baisse de l’impôt sur le revenu!» Le chef de l’État grimaçait beaucoup intérieurement mais très peu physiquement. Il se dit en lui-même: «Cette NKM, je la débarque au premier remaniement.» Puis, il se leva et prit la parole. Il avait décidé d’avoir le visage souriant et l’expression détachée des contingences. «Mesdames et messieurs, je vous remercie pour ce débat constructif. Et parfois véhément. Vous comprendrez que tout cela mérite réflexion au sommet, c’est-à-dire dans ma caboche! C’est là que tout se joue sous la Ve République! La caboche du président! Je vous tiendrai informés de mes décisions. Merci.» Bruno Le Maire pensa soudain au général de Gaulle et se demanda à quoi devaient ressembler ses tête-à-tête avec Yvonne. Était-il froid et distant ? Ou bien proche et cajoleur ? Quelques minutes plus tard, dans les appartements de l’Élysée, il rejoignait Pauline, désormais première dame de France. «Qu’as-tu mon chéri? Tu as l’air bien las.» Bruno Le Maire pensa soudain au général de Gaulle et se demanda à quoi devaient ressembler ses tête-à-tête avec Yvonne. Était-il froid et distant? Ou bien proche et cajoleur? Ne sachant répondre à ces questions, il embrassa tendrement sa femme sur le front puis se crut obligé de lui dire d’un ton grave: «Je dois dompter les forces contradictoires qui planent au-dessus de ma tête. Le destin est adverse, mais moi, Bruno Le Maire, huitième président de la République française depuis 1958, éloigné des passions premières, tendu vers la simple et saine ambition du bien commun, sachant considérer, évaluer, puis décider, insoucieux du tumulte, simplement habité par le souci de l’intérêt général, je me sens prêt à relever le défi. Ma Pauline, si d’aventure tu sens que ma fonction m’égare, s’il te plaît, dis-le moi. Tu seras, au milieu de tant de fausses étoiles, mon seul astre véridique qui ne me fera jamais dévier de ma route…» Bref, le moment était grand. Pauline le regarda d’un air mi-amoureux, mi-gêné. Elle prit son élan quelques secondes puis lança à son mari: «Tu vois, Bruno, déjà, tu ne parles plus comme avant. Quand nous sommes toi et moi ensemble, ne te crois pas obligé de faire des phrases! Tes grandes considérations, réserve-les à tes ministres, mais pas à moi!» Puis, elle l’embrassa sur la bouche d’une façon si tendre et mutine que le huitième président de la République depuis 1958 devint rouge comme une tomate. À ce moment-là, le téléphone portable du chef de l’État sonna. Il répondit puisqu’il s’agissait visiblement des affaires du vaste monde. «Monsieur le président? C’est encore Donald Trump qui souhaiterait enfin vous parler…» Dans le bureau de la secrétaire particulière du président de la République, le conseiller diplomatique était livide. «Cette fois-ci, il ne peut pas lui raccrocher au nez, sinon c’est l’incident diplomatique! J’ai déjeuné aujourd’hui même avec l’ambassadeur des États-Unis, qui m’a dit que Trump détestait déjà plus Le Maire que Roosevelt détestait de Gaulle! Donc, c’est grave!» Mais le présidentiel «passez-le moi tout de suite» ne vint pas. En lieu et place, on entendit la charmante voix de Pauline. Qui lança: «Mademoiselle, vous direz au président des États-Unis d’Amérique que le président de la République française a mieux à faire! Avec moi!» Vingt-deux minutes plus tard, le téléphone portable du chef de l’État vibra. C’était un texto de Dominique de Villepin. «Ce nouveau raccrochage téléphonique est positivement abracadabrantesque! Bruno, désormais, je vous appelle Charles! J’aimerais que vous soyez à l’Élysée pour des années et des années! Je viendrai vous visiter souvent! Je serai votre Malraux, “l’ami génial, fervent des hautes destinées”, comme disait le Grand Charles soimême! Je vous embrasse et retourne à mes ténébreuses obsessions! DDV.» Quelques semaines plus tard, un mercredi, une heure avant le Conseil des ministres, le président Le Maire, dont la popularité était au zénith, recevait dans son bureau Valérie Pécresse. «Comment vas-tu, Valérie? – Ça va, ça va. Je commence à t’éduquer cette majorité et je lui donne des coups de cravache. T’inquiète, ils vont tous nous faire les yeux doux parce qu’ils savent qu’on est là pour au moins cinq ans… – Tiens, c’est drôle ce que tu me dis, parce que justement, j’ai un projet, répondit le président Le Maire. – Ah oui? – Voilà. Toi et moi, nous sommes bien placés pour dire que Jacques Chirac n’a pas fait que des trucs formidables… – Certes, Bruno, mais je n’aime pas parler de ça. C’est mon côté bonne fille… – Et c’est une qualité formidable, vraiment! Mais voilà, je suis en train de me dire que le quinquennat adopté en 2000 était vraiment une connerie et que les deux quinquennats non renouvelables décidés en 2008 par Sarko étaient une absurdité… – Ce qui veut dire?, s’enquit Valérie Pécresse, légèrement inquiète. – Ce qui veut dire que j’ai bien envie de soumettre rapidement à référendum le retour au septennat… – Le septennat! Non renouvelable, je suppose?, lâcha le premier ministre. – Si. Renouvelable. Une fois, deux fois, trois fois… Pourquoi faudrait-il interdire juridiquement au peuple de perpétuer une précieuse alchimie qui l’amène à admirer, chérir, soutenir celui qui le dirige? – Mais Bruno, ça va à l’encontre de tout ce que tu as dit sur la limitation des mandats! – Certes, Valérie, mais je parlais des parlementaires. Pas du chef de l’État, qui, par nature, est très largement au-dessus de tout ça. L’alchimie, Valérie, songe à l’alchimie… Pourquoi la briser, si elle dure?» Et soudain, l’ancien normalien se répéta en lui-même un vers du Pont Mirabeau: «Les jours s’en vont je demeure.» Quelques jours plus tard, Bruno Le Maire annonçait aux Français son projet référendaire. Trente secondes après son intervention télévisée, il reçut de Dominique de Villepin le texto suivant: «Mon Bruno, permettez-moi cette familiarité, je suis fier de vous! Vous êtes gaullisto-apollinaro-rimbaldien! Et si le divin Arthur était toujours parmi nous, il écrirait que tout cela est époustouflantesque! Votre ami génial. DDV.» Source :© Le Figaro Premium – «Eux présidents», les scénarios de 2017 : Époustouflantesque ! (épisode 2/2)