[LE_MONDE_2005 - 18] LE_MONDE_2005/PAGES 17/11/08

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Dialogues
18
Appeler un Noir
un Noir
Médiatrice
Véronique Maurus
L
’élection de Barack Obama a un
avantage annexe, appréciable
pour les médiateurs : on peut
enfin écrire Noir, même dans
un sous-titre de première page,
comme dans Le Monde du
6 novembre (« … le vainqueur démocrate,
premier Noir à accéder à la Maison Blanche »), sans recevoir une volée de messages
criant au racisme. Ce jour-là, le terme a été
utilisé 21 fois, idem le lendemain. Pas un
reproche. Au contraire, des courriels ravis
de notre couverture très complète de cette
élection. C’est nouveau : jusque-là, mentionnerlacouleur delapeau, lesracinesethniques ou religieuses d’une personne était
tabou.
Il est vrai qu’il s’agit des Etats-Unis.
Dans une page Focus du 26 août – « Pour-
quoi le métis Obama se définit comme un
Noir » –, notre correspondant Sylvain
Cypel a longuement expliqué que le mot
« race », de ce côté de l’Atlantique, n’a pas
le sens péjoratif qu’il a en Europe depuis la
seconde guerre mondiale. Il désigne simplementun groupe humain, choisi par chaque citoyen, lors du recensement. Depuis
2000, un individu peut cocher plusieurs
cases (par exemple « Hispanique » et
« Noir ») ou une seule, comme Obama,
signifiant ainsi la communauté à laquelle
ils’assimile. Uneminorité (2,5 %)d’Américains se déclarent métis – en cochant deux
races ou plus. « On ne dit pas le candidat
métis, mais noir, car lui-même se revendique
comme tel. C’est une culture politique »,
ajoute notre correspondant.
Cette approche décomplexée (de fraîche
date il est vrai) n’a pas encore gagné la
France. Durant toute la campagne américaine, nos correspondants se sont ainsi
plaints du racisme sous-jacent de nos articles. « Je n’en peux plus de lire des précisions
de couleur quand il s’agit de “noir (e)”, écrivait par exemple Ana Chavanat (courriel).
Loyers. L’Insee précise que les chiffres
communiqués par la Fondation AbbéPierre sur les impayés de loyers en 2002
et en 2006 (Le Monde daté 2-3 novembre)
ne pouvaient pas être comparés. L’information comparable porte sur le nombre
de ménages ayant eu des difficultés pour
régler leur loyer ou leurs charges au cours
des deux dernières années : il a augmenté
de 30,3 % de 2002 à 2006.
Breakingviews. Dans l’article du site
de commentaires sur l’actualité économi-
Hier une écrivaine “noire américaine”,
aujourd’hui “une députée noire et quatre
sénatrices d’origine maghrébine”. » Ce message faisait référence à deux articles : un
portrait del’écrivaine MayaAngelou (grande figure de la communauté noire américaine, amie de Malcolm X et de Martin
Luther King) et une enquête intitulée « Où
est l’Obama français ? » qui soulignait la
faible diversité ethnique de la représentation nationale, en France. Dans les deux
cas, le contexte justifiait l’usage du mot
« noir (e) ».
« J’ai été très étonnée, soulignait également Marcelle Espejo (courriel), de découvrir (…) qu’on identifie le père du sénateur
McCain comme étant un “amiral en chef”,
alors que le père du sénateur Obama est un
“Noir kényan”. Sans doute l’origine ethnique de M. Obama suffit-elle pour situer sa
carrière professionnelle… De même, la mère
d’Obama est une “Blanche américaine”,
alors qu’on ne mentionne pas la couleur de la
peau de la mère de Mc Cain, sans doute parce
qu’elle n’est ni noire, ni latino, ni…, etc. Je suis
très inquiète de voir ce dérapage dans les
pages du Monde. »
Les deux encadrés auxquels se référait
notre lectrice résumaient en quelques
lignes le parcours des deux candidats. Les
précisions, qui auraient été choquantes
dans un autre contexte, ne l’étaient pas
dans ce cadre. L’origine de Barack Obama,
Afro-Américain né d’un couple mixte, a eu,
de fait, un poids non négligeable dans la
bataille électorale – comme le fait que John
McCain est le fils d’un amiral.
Où commence la discrimination, où
finit le politiquement correct ? Le problème n’est pas neuf. Il est même un cassetête pour les médiateurs. Rien, en effet,
dans les chartes de déontologie n’interdit
depréciser la couleur de peau, l’origine ethnique, la religion ou l’orientation sexuelle
d’une personne, à condition que ces détails
soient pertinents dans le contexte – ou que
l’intéressé s’en prévale. Le Livre de style du
Monde, ajoute, au chapitre Préjugé (s) :
« Les rédacteurs s’interdisent d’utiliser toute
formule ou tout cliché exprimant du sexisme
(“une charmante greffière”), du racisme
(“une cruauté tout orientale”) ou du mépris
social (“ fils d’un modeste instituteur”). »
D
ans ce domaine, la faute s’apprécie au cas par cas et la maladresse n’est pas la moindre. Prenons
deux exemples. D’abord une
nécrologie du conseiller d’Etat Guy Braibant qui mentionnait « sa mère, une juive
d’origine égyptienne ». « Cette formulation laisse une impression de malaise, relève M. Lemesle (Maisons-Laffitte, Yvelines). Qu’est-ce que votre journal veut prouver ? » Cette précision, explique l’auteur
de l’article, éclairait les liens de M. Braibant avec son cousin Henri Curiel, une
figure de l’anticolonialisme, assassiné à
Paris en 1978, qui l’avait profondément
marqué.
Autre exemple, un portrait de la comédienne Marina Foïs. « Vous écrivez : “mère
juive, père sarde”, note Steven Lérys
(Neuilly, Hauts-de-Seine). Je vous rappelle
quele judaïsmeestunereligion, pasunenationalité. » La remarque dans ce cas est justi-
fiée, même si la formulation exacte –
« Parents soixante-huitards, mère juive et
psy, père sarde, chercheur en physique » –
venait de la comédienne elle-même et
visait à souligner la diversité culturelle
dont elle est issue, plaide l’auteur de l’article. L’erreur, ici, relève de la maladresse et
non du sous-entendu malsain. Mais elle
doit, bien entendu, être évitée.
C’est de moins en moins facile. Le politiquementcorrect et les crispations identitaires progressant (avec le malaise de la société ?), la liste des termes tabous s’allonge,
contraignant les rédacteurs à des périphrases de plus en plus artificielles : « minorités visibles », « jeunes de la diversité » ou
« issus de l’immigration », etc. « Musulman » fait partie des termes sensibles,
idem pour « Kabyle » – « Depuis plus d’un
siècle, la Kabylie désigne une partie intégrante de l’Algérie ! », proteste Luc Thiebaut
(Dijon). « Jeune » lui-même devient suspect, car synonyme de voyou issu des banlieues– vérificationfaite, cen’est heureusement pas le cas dans nos pages.
Depuis peu c’est au tour du mot :
« 9-3 ». Après la publication d’un article
intitulé « Dans le “9-3”, beaucoup d’ascenseurs, pas de formation », un lecteur habitant Le Raincy (Seine-Saint-Denis) écrit :
« Les habitants de ce département se considèrent comme stigmatisés par le comportement
des médias. Le mot nègre est banni, mais
nous, on continue à nous traiter de “9-3”,
comme si c’était une nouvelle forme de langage. » Vivement l’effet Obama ! a
Courriel : [email protected]
Succession par Haddad
RECTIFICATIFS ET PRÉCISIONS
SNCF. Contrairement à ce nous affirmions dans l’article « Guillaume Pepy
veut transformer la SNCF à la vitesse du
TGV » (Le Monde du 7 octobre), M. Pepy
n’est pas le premier président de la SNCF
à être issu de l’intérieur de l’entreprise.
Louis Armand, président en 1955, avait
été directeur général pendant six ans et
Philippe Rouvillois, nommé à la tête de
l’entreprise en 1988, avait été directeur
général adjoint puis directeur général pendant cinq ans.
0123
Dimanche 16 - Lundi 17 novembre 2008
que et financière Breakingviews, « La note
d’AIG sera salée pour le contribuable » (Le
Monde du 13 novembre), une mauvaise traduction laissait entendre qu’AIG avait bénéficié d’une « aide supplémentaire » de l’Etat
américain de 150 milliards de dollars. Il
s’agit en fait d’un montant total, qui comprend les deux premières interventions de
la Réserve fédérale de 123 milliards.
Histoire. Les manuscrits de la mer
Morte n’ont pas été trouvés en Israël, comme il a été écrit par erreur dans Le Monde
du 6 novembre, mais en territoire occupé
de la Palestine, à l’époque sous juridiction
jordanienne.
Sous-marin « Nerpa ». Dans l’article consacré à l’accident du sous-marin
nucléaire russe Nerpa (Le Monde du
11 novembre), le décompte des morts
civils et militaires était inexact.
Asphyxiées par des émanations de Fréon,
20 personnes sont mortes : 17 civils et 3
militaires. Intoxiquées, 21 personnes ont
été hospitalisées : 19 civils et 2 militaires.
George Bush à Barack Obama : « Bientôt, tout ça sera à toi. » Ce dessin est paru dans « Al Hayat » (Londres).
[email protected]
Au courrier des lecteurs
dimanche 16 novembre à 20h40
UN APRÈS-MIDI DE CHIEN
Affaire de parti
Le Monde daté 11 novembre nous
apprend que l’élection des sénateurs est devenue enfin conforme
à la démocratie !
Si l’on en croit en effet l’interview
de Jean-Luc Mélenchon auquel
on pose la question : « Allez-vous
rendre votre mandat de sénateur ? » Et M. Mélenchon de
répondre : « Le peuple dira, le
moment venu, ce qu’il en pense… »
Autant on peut penser que l’élection d’un maire ou d’un député
n’est pas qu’une affaire de parti,
l’équation personnelle du candidat comptant beaucoup dans le
suffrage universel, autant un
mandat de sénateur, dans un
département, est lié directement
à la désignation du candidat par
son parti, et le « peuple » n’a pas
grand-chose à y voir.
La moindre des choses serait, me
semble-t-il, que M. Mélenchon
remette son mandat au PS, qui l’a
fait élire.
Georges Quézel
Grenoble
Miss USA
UN FILM DE SIDNEY LUMET AVEC AL PACINO
Direct 8 est accessible sur la TNT gratuite (Canal 8), le satellite (CanalSat et TPS - canal 38), le câble (Noos-Numéricable - canal 28),
l’ADSL (Canal 8), la téléphonie 3G. www.direct8.fr
Une gigantesque photo est actuellement apposée sur la façade du
Pavillon populaire de Montpellier. Une image de l’Amérique, en
fait. Une représentation de la
famille Obama ? Non, les cinquante Miss de l’élection de la
plus belle fille de 1946 aux EtatsUnis !
Un excellent document anthropologique, comme seule la photo
peut en fournir. Cependant, sur
la cinquantaine de créatures à la
peau laiteuse, le plus souvent
blondes et l’air enjoué, qui sont
proposées « aux regards concupiscents des passants honnêtes », pas
une seule n’a la peau noire ou
même ambrée.
Eh bien, c’est par ce genre d’images que l’on peut mesurer le chemin parcouru grâce à une élection d’un autre genre à peine
plus d’un demi-siècle plus tard
(…).
Mark-Antony B. Emerson
Montpellier
Amitié franco-allemande
En ce matin du 11 novembre
2008, je pense à mon grand-père
maternel, porté disparu le
11 novembre 1918. Je pense à ma
famille, à toutes les familles d’Europe, d’Amérique et d’Afrique,
marquées par l’ombre de la mort
d’un proche le jour même de l’Armistice.
Je pense aux sanctions jamais prises contre les fauteurs de guerres
présentes et passées (…).
Je réagis aux discours d’aujourd’hui tenus par des journalistes ou
des politiques imberbes dans les
salles de presse face aux « poilus » et Feldgrau de terrain, privés
de parole sous des mètres de terre,
pour dire : à propos de cette
guerre franco-allemande de 14-18,
on ne parle plus depuis longtemps
de « réconciliation » mais d’amitié franco-allemande (…).
Jean-Pierre Andry
Arnas (Rhône)

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