des Arts Actuels de Madagascar

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des Arts Actuels de Madagascar
Centre de Ressources
des Arts Actuels de Madagascar
Rencontre avec Haminiaina Ratovoarivony
On peut faire de bons films avec les moyens existants.
Après avoir reçu le Prix du Public au 10e Festival du Cinéma
Africain de Cordoba (FCAT) en Espagne le 19 octobre, le
réalisateur de «Malagasy mankany» parle du parcours de son
premier long-métrage, depuis sa sortie à Madagascar en
décembre 2013.
Dix mois après la sortie du film à Madagascar, il ne se passe pas
un mois sans que le film « Malagasy mankany » ne soit
sélectionné dans un festival dédié aux films d'Afrique. Comment
vivez-vous le succès de votre premier long-métrage ?
En effet, Malagasy mankany connaît un succès qui va au-delà de mes
anticipations, dans le cadre du circuit des festivals sur le thème de l’Afrique.
Au début, l’univers des festivals m’a un peu pris de court, par la suite, j’ai
plus ou moins cerné l’enjeu. Les festivals ne sont pas là pour offrir des
vacances. Ils existent pour donner l’opportunité de partager un travail, une
culture et un point de vue. Ils sont là pour faire en sorte que le film touche
un public plus large encore, enfin ils sont là pour donner des opportunités,
permettre de trouver des partenaires, afin de produire les projets à venir.
Pour conclure, avec le succès du film vient beaucoup de travail, mais ce
n’est pas moi qui vais m’en plaindre.
Le film a été sélectionné pour la première fois en février dans un
festival américain, au Pan African Film Festival plus précisément,
est-ce que ça a joué sur le sort du film ?
Disons que le PAFF a aidé à attirer l’attention du Fespaco, et que c’est la
sélection à ce dernier qui a révélé mon premier long-métrage aux
responsables de festivals de film sur le cinéma Africain. Et c’est donc après
cette deuxième sélection en festival que j’ai été contacté par des
personnes intéressées pour faire découvrir le film à d’autres. Pour ceux qui
ne savent pas ce qu’est le Fespaco (Festival Pan Africain du Cinéma de
Ouagadougou), c’est le plus grand festival de cinéma africain sur le
continent noir.
Jamais le cinéma malgache n'a joui d'une telle visibilité, de
l'Afrique en Europe, jusqu'à Hollywood, quel est le secret d'une
ascension aussi rapide à votre avis ?
Il n’y a ni secret ni formule toute faite, mais voici quelques repères
montrant la démarche que parcourt un film. D’abord, je suis convaincu que,
dans la majorité des cas, la passion envers un projet est un élément majeur
qui influence le choix des directeurs de festival. Sinon, par rapport à
l’élaboration même du film, il faut être sincère dans ce qu’on fait,
comprendre ce que l’on fait et le faire sérieusement. Concernant l’accès au
circuit de festival, c’est aussi le fait de rencontrer les bonnes personnes au
bon moment. Mais je tiens à préciser que les choses se font très rarement
toutes seules. Il faut savoir donner sa chance et les opportunités; et ça
c’est du travail.
« Malagasy mankany » a été réalisé avec pratiquement un budget
zéro, pensez-vous que le film malgache peut se suffire à sa propre
histoire pour emballer le public ?
Certes, un film c’est avant tout une histoire, mais le cinéma, par contre, ne
se résume pas à l’histoire. Il y a d’autres éléments artistiques, techniques
et intellectuels qui importent beaucoup pour emballer un public comme
vous le dites. Le genre, l’esthétique, le point de vue… le choix des
cadrages, de la couleur, de la musique, de l’ambiance sonore et tant
d’autres choses encore. Et tout ce que je viens d’énumérer ne veut pas
toujours dire coût exorbitant.
Le succès de « Malagasy mankany » pourrait-il s'expliquer par le
fait qu'il existe très peu de films malgaches sur le circuit
international, et que les seuls qui y circulent connaissent
inévitablement un engouement Qu'en pensez-vous ?
N’expliquer le succès de « Malagasy mankany » que par le fait qu'il existe
très peu de films malgaches sur le circuit international me paraît quand
même un trait réducteur.
D’autres films malgaches ont fait quelques festivals dans les cinq dernières
années, autant des courts que des long-métrages. Mais, pour une raison ou
une autre, ils n’ont pas connu le parcours que Malagasy mankany est en
train de faire maintenant. À mon avis, la rareté est un facteur important,
mais ce n’est pas l’unique raison. Déjà, le film en lui-même est assez
spécial par rapport à tout ce qui se fait dans l’univers du cinéma africain,
de plus, il y a quand même un gros travail d’accompagnement pour lui
donner les meilleures chances d’être visible. Le travail sur la production
d’un film ne s’arrête pas à la sortie de la salle de montage.
À l'issue de la première projection du film à Los Angeles lors du
PAFF, vous avez posté un commentaire sur FB selon lequel - je cite
- « le film a absolument fait tomber l'audience amoureuse de notre
merveilleux pays », qu'est-ce qui a charmé le plus le public
américain dans votre film ?
Madagascar en lui-même est déjà un objet de fascination pour l’américain
de base. Et quand l’opportunité leur a été donnée de découvrir le pays par
le point de vue de quelqu’un qui y est originaire, et de surcroît par le
vecteur du cinéma ; pour la plupart des spectateurs, la fascination a glissé
vers l’émerveillement. Et à la fin des séances de projection, beaucoup ont
témoigné de leur amour naissant pour notre pays et notre culture. Quand
une salle de cinéma entière tient à vous serrer la main en vous remerciant
à la fin d’une projection, c’est qu’ils ont été touchés par ce qu’ils ont vu:
dans ce cas, Madagascar et les Malgaches.
Jusqu'où voulez-vous aller avec « Malagasy mankany » ? Comment
voyez-vous l'avenir du film ?
Mise à part la démarche artistique et intellectuelle du projet, l’un de mes
principaux objectifs avec ce premier long-métrage était de démontrer à
mes compatriotes qui veulent faire du cinéma qu’il était possible de faire
des long-métrages de fiction avec les moyens existant à Madagascar, et
que ces films peuvent être appréciés autant du public malgache que du
public international. À voir « Malagasy mankany » projeté sur des écrans
américains, européens et africains et de surcroît gagner un prix du meilleur
long-métrage en France, le prix du jury de la section diaspora à Hollywood,
un prix du public en Espagne et une mention spéciale du jury au Maroc;
tout cela m’a fait gagner mon défi original.
Maintenant, tous mes efforts vont dans le sens de trouver un moyen pour
que le film soit vendu sur le marché international. Et si cela est possible,
même à moindre échelle, cela nous prouvera que chaque réalisateur en
herbe peut y arriver. Même qu’il devrait pouvoir pousser le bouchon plus
loin encore, maintenant que « Malagasy mankany » a ouvert la porte.
Pouvez-vous nous parler de votre prochain projet ?
« Malagasy mankany » fait partie d’une trilogie; une trilogie d’idées et non
d’histoires. Avec ce premier film, j’ai exploré les problèmes internes à
Madagascar, et par extension en Afrique. Avec les deux autres volets, je
me pencherai sur la relation Nord-Sud et Sud-Nord. Quand les occidentaux
immigrent chez nous, qu’est-ce qu’il se passe. Et quand les gens du sud
émigrent vers le Nord, que se passe-t-il
En ce qui concerne l’aspect de la production, mon but est de faire en sorte
que les deux films suivants ne soient plus autoproduits. L’objectif serait de
faire une coproduction européano-malgache pour l’un et une coproduction
américano-malgache pour l’autre. Par rapport à cela, je souhaiterais passer
un message aux jeunes réalisateurs malgaches qui voudraient faire du
cinéma : « Arrêtez d’espérer l’arrivée du producteur milliardaire qui va
financer vos rêves, car il ne viendra pas tant que vous n’aurez pas montré
vos capacités. Faites votre premier film avec vos propres moyens. Faites-le
bien, et s'il se fait remarquer par les bonnes personnes dans le cadre des
festivals ou autres, vous aurez éventuellement une chance pour que votre
prochain projet intègre un modèle de financement professionnel. Il va de
soi qu’il faut avoir un certain talent dans cet univers ».
Source : www.lexpressmada.com
Lien vers fiche artiste : Haminiaina Ratovoarivony
Bande annonce de "Malagasy Mankany":
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source : www.craam.mg :

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