Avant-Projet Loi Travail

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Avant-Projet Loi Travail
Actualité Juridique – Mars 2016
AVANT-PROJET DE LOI VISANT A INSTITUER DE NOUVELLES LIBERTES ET DE NOUVELLES
PROTECTIONS POUR LES ENTREPRISES ET LES ACTIFS
– ZOOM SUR LE VOLET DROIT-SANTE-TRAVAIL DE LA LOI DITE EL KHOMRI
Céline CZUBA, Juriste, ISTNF
Sophie FANTONI-QUINTON, Professeur des Universités,
Praticien Hospitalier, Docteur en Droit, Université Lille 2 / CHRU Lille
Après la Loi relative au dialogue social et à l’emploi adoptée par l’ancien Ministre du travail François
Rebsamen, le 17 août 2015 (commentée sur Kalipso), la nouvelle Ministre du travail, Myriam El Khomri
poursuit l’ambitieux projet du Gouvernement, entrepris cet été, de réformer le Code du travail dans
divers domaines : plafond des indemnités prud’homales, réforme du motif économique de licenciement,
temps de travail et congés payés, compte personnel d’activité, médecine du travail, ère numérique au
travail…
« En engageant cette réforme du Code du travail [dont 125 pages seront réécrites] ce sont bien la
compétitivité de notre économie et la création d’emplois que nous visons. La réforme que je proposerai
est ambitieuse » indiquait Mme la Ministre El Khomri lors de la première séance du mardi 26 janvier
2016 à l’Assemblée nationale.
Transmis au Conseil d’État le 17 février 2016, l’avant-projet intitulé officiellement « projet de loi visant à
instaurer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs » pose les
bases de la réécriture du Code du travail à venir. Ledit projet, de plus de 130 pages devait, à l’origine,
être présenté en Conseil des Ministres le 9 mars prochain, avant son examen par l’Assemblée nationale
en avril puis par le Sénat en mai 2016. Il semble que la date de présentation du texte ait été repoussée
au 24 mars 2016 pour laisser « place aux explications ». Le Gouvernement rappelle néanmoins que
l’objectif reste bien une adoption du projet « avant l’été ».
Nous vous présentons ici un tour d’horizon de l’avant-projet de loi dite « El Khomri » sur certaines
dispositions (Article 44 – « Moderniser la médecine du travail ») intéressant pleinement la santé en
milieu du travail (liste non exhaustive). L’objectif est de vous proposer une analyse factuelle du texte,
tout en sachant qu’il s’agit d’un « avant-projet de loi », susceptible donc d’être modifié à la marge.
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***
 Rappel des principes essentiels du droit du travail
 Vers un nouveau suivi individuel en santé au travail
 La réaffirmation des préconisations individuelles
 La réforme de la procédure d’inaptitude médicale : un avis qui ne peut être
rendu qu’en dernier recours
 Une meilleure harmonisation des dispositions en cas d’inaptitude d’origine
professionnelle ou non
 L’assouplissement du licenciement pour impossibilité de reclassement à la
suite de l’inaptitude
 La « nouvelle » contestation des avis médicaux
 Le travail de nuit revisité
 CHSCT et expertise
 Les autres mesures sociales et la création d’une Commission de recodification
du Code du travail
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 RAPPEL DES PRINCIPES ESSENTIELS DU DROIT DU TRAVAIL
A l’origine mandatée fin d’année 2014, une mission interministérielle présentait, le 21 mai 2015,
27 propositions argumentées, décrivant l’avenir de la santé au travail avec le dispositif actuel (Rapport
ISSINDOU). Certaines de ces dispositions relatives à la santé et à la sécurité au travail ont été reprises,
partiellement, par la Loi Rebsamen du 17 août 2015.
En parallèle, une autre mission a présenté, le 25 janvier 2016, les 61 principes essentiels du Code du
travail qui devraient constituer l’ordre public en matière de droit du travail, avec toutes les normes
auxquelles il ne sera pas possible de déroger (Rapport BADINTER). Le 19 février 2016, le Président de la
République soulignait qu’avec cette réforme « il fallait s’organiser » pour « être plus compétitif » et
« réformer le Code du travail pour favoriser les embauches et permettre aux entreprises de négocier des
accords pour s’adapter à la conjoncture », sans pour autant « remettre en cause les droits des salariés ».
L’avant-projet de loi El Khomri entend poursuivre la réforme du Code du travail et plus particulièrement
celle de la médecine du travail, telle que préconisée par le rapport Issindou.
C’est pourquoi, l’avant-projet de loi vise dans son premier article les principes essentiels du droit du
travail liés : aux libertés et droits de la personne au travail, à la formation, l’exécution et la rupture du
contrat de travail, à la rémunération, aux temps de travail, à la santé et sécurité au travail, aux libertés
et droits collectifs, à la négociation collective et au dialogue social ….
Il est ainsi rappelé en « Préambule pour le Code du travail » (liste non exhaustive) :
-
Au titre des « libertés et droits de la personne au travail » :
o Les libertés et droits fondamentaux de la personne sont garantis dans toute relation
de travail. Des limitations ne peuvent leur être apportées que si elles sont justifiées
par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon
fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ;
o Le droit au respect de la dignité au travail, le droit au respect du secret de la vie privée
et la protection des données personnelles dans toute relation de travail ;
o L’interdiction des discriminations, du harcèlement moral ou sexuel dans toute relation
de travail ;
o L’exercice du pouvoir de direction de l’employeur dans le respect des libertés et droits
fondamentaux des salariés ;
o …
-
Au titre de la « formation, exécution, et rupture du contrat de travail » :
o L’exécution de bonne foi du contrat de travail ;
o La protection de la grossesse et de la maternité ;
o L’adaptation par l’employeur du salarié face à l’évolution de son emploi et le concours
au maintien de sa capacité à exercer une activité professionnelle ;
o Sauf dérogation légale, l’effort de reclassement par l’employeur avant tout
licenciement pour « inaptitude physique » du salarié, à l’instar du licenciement pour
motif économique ;
o …
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-
Au titre de la « santé et sécurité au travail » :
o L’obligation patronale d’assurer la sécurité et de protéger la santé des salariés dans
tous les domaines liés au travail ;
o L’obligation de prévenir les risques professionnels, d’informer et de former les
salariés ;
o Le devoir d’alerte du salarié et son droit de retrait ;
o L’accès par le salarié à un service de santé au travail « dont les médecins bénéficient
des garanties d’indépendance nécessaires à l’exercice de leurs missions » ;
o La suspension de l’exécution du contrat de travail en cas d’incapacité du salarié au
travail, médicalement constatée ;
o La protection spécifique des salariés victimes d’accident du travail ou de maladie
professionnelle ;
o …
Lors de la première séance du mardi 26 janvier 2016 à l’Assemblée nationale, Mme la Ministre précisait
en effet qu’il « faut garantir aux salariés les droits fondamentaux, qui seront déclinés et enrichis dans la
loi pour préciser, dans un second temps, le cadre dans lequel la négociation collective, les accords
d’entreprise et les accords de branche peuvent prendre plus de place ».
Ainsi, le dispositif de la santé et de la sécurité au travail reste donc bien un des principes
fondamentaux du droit du travail même s’il devra être aménagé pour répondre aux évolutions socioprofessionnelles.
A noter : l’avant-projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les
entreprises et les actifs est composé de sept titres :
-
Titre 1er :
Refonder le droit du travail et donner plus de poids à la négociation
collective
-
Titre 2ème : Favoriser une culture du dialogue et de la négociation
Titre 3ème : Sécuriser les parcours et construire les bases d’un nouveau
social à l’ère du numérique
-
Titre 4ème : Favoriser l’emploi
Titre 5ème : Moderniser la médecine du travail
Titre 6ème : Renforcer la lutte contre le détachement illégal
Titre 7ème : Dispositions diverses
***
modèle
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 VERS UN NOUVEAU SUIVI INDIVIDUEL EN SANTE AU TRAVAIL
Au titre de la surveillance de l’état de santé des travailleurs, tout travailleur bénéficie d’un suivi
individuel de son état de santé. Ce suivi est en principe assuré conjointement par le médecin du travail
et, sous son autorité, par les autres professionnels de santé membres de l’équipe pluridisciplinaire à
savoir : l’infirmier en santé au travail et/ou le collaborateur médecin.
(Nouvel article L. 4624-1 - Alinéa 1er)
Pour rappel :
Depuis la réforme du 20 juillet 2011, les missions du service de santé au travail, nouvellement définies
par le Code du travail à l’article L. 4622-2, sont assurées [au sein d’un service interentreprises] par une
équipe pluridisciplinaire de santé au travail comprenant des médecins du travail, des intervenants en
prévention des risques professionnels et des infirmiers. Ces équipes peuvent être complétées par des
assistants de services de santé au travail et des professionnels recrutés après avis des médecins du
travail. Les médecins du travail animent et coordonnent l'équipe pluridisciplinaire (conformément à
l’article L. 4622-8 du Code du travail).
Dans l’avant-projet de loi, trois nouveautés semblent se dessiner concernant ce suivi individuel en santé
au travail. D’abord la disparition de la visite médicale d’embauche au profit d’une visite d’information et
de prévention (A) ; ensuite le renforcement du suivi médical pour les salariés affectés à un poste à
risques (B) ; enfin, l’assouplissement des visites médicales périodiques (C).
A) UNE VISITE D’INFORMATION & DE PREVENTION POUR TOUS LES SALARIES HORS
RISQUES SPECIFIQUES
Jusqu’à présent, chaque salarié, nonobstant son contrat de travail, bénéficie d'un examen médical avant
l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail. Pour les
salariés notamment soumis à une surveillance médicale renforcée (article R. 4624-18 du Code du travail)
cet examen a lieu avant leur embauche.
Pour rappel :
L'examen médical d'embauche a pour finalité de :
-
S'assurer que le salarié est médicalement apte au poste de travail auquel l'employeur envisage
de l'affecter ;
-
Proposer éventuellement les adaptations du poste ou l'affectation à d'autres postes ;
-
Informer le salarié sur les risques d’expositions au poste de travail et le suivi médical nécessaire
;
-
Rechercher si le salarié n'est pas atteint d'une affection dangereuse pour les autres travailleurs
;
Sensibiliser le salarié sur les moyens de prévention à mettre en œuvre.
(Articles R. 4624-10 et suivants du Code du travail).
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L’avant-projet de loi propose la possibilité de moduler ladite visite médicale d’embauche par une visite
d’information et de prévention. Celle-ci aurait lieu après l’embauche et pourrait être effectuée soit par
le médecin du travail, soit par les autres professionnels de santé membres de l’équipe pluridisciplinaire
en santé au travail, c’est-à-dire : l’infirmier en santé au travail ou le collaborateur médecin.
Un décret pris en Conseil d’Etat devrait néanmoins fixer le délai dans lequel cette visite d’information et
de prévention devrait avoir lieu.
(Nouvel article L. 4624-1 - Alinéa 2ème du Code du travail)
Quid du contenu de la visite d’information et de prévention ?
Qui décidera de l’application de cette modulation ?
B) RENFORCEMENT DU SUIVI MEDICAL POUR LES SALARIES AFFECTES A UN POSTE A
RISQUES
La loi Rebsamen du 17 août 2015 a institué un suivi médical dit « spécifique » pour les salariés affectés à
des postes présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, celles de leurs collègues
ou de tiers (ainsi que pour les salariés dont la situation personnelle justifie une surveillance médicale
particulière).
Néanmoins, le législateur de 2015 renvoyait vers un Décret en Conseil d’Etat (qui n’est pour l’heure pas
encore sorti …) afin de prévoir d’une part les modalités d’identification de ces salariés et, d’autre part
celles de la surveillance médicale spécifique.
(Article L. 4624-4 du Code du travail)
Selon l’avant-projet de loi, bénéficiera d’un suivi individuel renforcé de son état de santé, tout salarié
affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité, celles de ses
collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail.
Il est prévu dans l’avant-projet que ce suivi comprendrait notamment un examen médical d’aptitude
réalisé avant l’embauche et renouvelé périodiquement, effectué par le médecin du travail. Néanmoins,
des dispositions spécifiques pourront confier ce suivi renforcé pour ces salariés exposés à des risques
particuliers à un autre médecin.
(Nouvel article L. 4624-2 du Code du travail)
Autrement-dit : l’avant-projet prévoit que l’avis d’aptitude délivré à l’embauche et lors des visites
médicales périodiques ne sera plus indispensable dans certains cas (puisque d’autres membres de
l’équipe pluridisciplinaire pourront suivre les salariés). Néanmoins pour les salariés exposés à des risques
particuliers, l’« aptitude » continuera de rester incontournable à l’embauche et de manière périodique.
Il reste à savoir quels seront ces postes de travail qui présentent des risques particuliers pour la santé ou
sécurité du salarié, celles des collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail,
sachant que cette notion ne se superpose pas aux actuelles surveillances médicales renforcées.
Le texte précise en outre que cette visite médicale est effectuée par un médecin du travail sauf si un
texte spécifique (et non un décret) le confie à un autre médecin.
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Ce dispositif devrait être plus précis tant sur le plan réglementaire que sur le plan de la qualification de
ce « médecin ».
Plusieurs interrogations se posent en effet : qui sera ce médecin ? Est-ce un médecin membre de l’équipe
pluridisciplinaire et donc le collaborateur médecin ou un médecin externe au système santé-travail ?
Cela soulève d’emblée une difficulté dangereuse au niveau des textes réglementaires : qu’est-ce qu’un
texte spécifique ?
Si cette visite médicale s’inscrit dans le cadre d’un contrôle à l’embauche, cela pourrait être en outre en
contradiction avec le Code de la santé publique qui prévoit dans son article R. 4127-100 qu’ « un
médecin exerçant la médecine de contrôle ne peut être à la fois médecin de prévention […] ».
C) VERS UN ASSOUPLISSEMENT DE LA PERIODICITE DE LA SURVEILLANCE MEDICALE
Jusqu’à présent, chaque salarié, qu’il soit en surveillance médicale dite « simple » ou en surveillance
médicale dite « renforcée » (SMR) bénéficie d’examen médical périodique.
Ces examens médicaux périodiques ont pour finalité de s'assurer du maintien de l'aptitude médicale du
salarié au poste de travail occupé et de l'informer sur les conséquences médicales des expositions au
poste de travail et du suivi médical nécessaire.
Cette périodicité varie selon d’une part l’agrément du service de santé au travail et d’autre part le
« type » de surveillance médicale (simple ou SMR).
Ainsi, depuis le 1er juillet 2012 [date d’entrée en vigueur des décrets du 30 janvier 2012], il est prévu
pour :
- La surveillance médicale simple :
o Soit : Un examen médical tous les deux ans, effectué par le médecin du travail ;
o Soit : Si l’agrément le prévoit, si des entretiens infirmiers en santé au travail ainsi que
des actions pluridisciplinaires annuelles sont mis en place, la périodicité peut excéder
les 24 mois. Sous réserve, évidemment, d'assurer un suivi adéquat de la santé du
salarié.
(Article R. 4624-16 du Code du travail)
-
La surveillance médicale renforcée :
o Soit : un examen médical annuel effectué par le médecin du travail ;
o Soit : une périodicité plus longue si les conditions susmentionnées sont remplies
(agrément, entretiens infirmiers-santé-travail…) avec en plus un examen de nature
médicale (Cf. Circulaire DGT n° 13 du 9 novembre 2012).
(Article R. 4624-19 du Code du travail)
L’avant-projet de loi suggère finalement de supprimer ces visites médicales biennales et prévoit que les
modalités et la périodicité du suivi médical en santé au travail de chaque salarié prennent en compte ses
conditions de travail, son état de santé et son âge, ainsi que les risques professionnels auxquels il est
exposé.
(Nouvel article L. 4624-1 - Alinéa 3ème du Code du travail)
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Autrement-dit : avec la suppression de la périodicité biennale, une porte est ouverte quant à un
espacement plus important dans le suivi médical en santé au travail des salariés.
Néanmoins plusieurs questions sous-jacentes se posent : Qui va définir ces « modalités » et ladite
périodicité de ce suivi médical ? Quelles seront les expositions professionnelles à prendre en
considération ?
Un nouvel article (article L. 4624-5 qui deviendrait L. 4624-10 du Code du travail) devrait notamment
prévoir que les modalités du suivi individuel ainsi que les modalités d’identification des salariés et du
suivi individuel renforcé dont ils bénéficient seraient précisées en décrets pris en Conseil d'Etat.
(Nouvel article L. 4624-10 du Code du travail)
***
 LA REAFFIRMATION DES PRECONISATIONS INDIVIDUELLES
Jusqu’à présent, en cas d’avis d’aptitude avec « réserves », le médecin du travail propose des mesures
individuelles telles que « mutations ou transformations de postes », justifiées par des considérations
relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des
travailleurs. Il peut proposer à l'employeur l'appui de l'équipe pluridisciplinaire du service de santé au
travail ou celui d'un organisme compétent en matière de maintien dans l'emploi.
(Article L. 4624-1 – Alinéa 1er du Code du travail)
Tout en confortant le rôle du médecin du travail dans la prescription de mesures individuelles
médicalement justifiées, l’avant-projet de loi « réorganise », en quelque sorte, ces préconisations. En
effet, le médecin du travail ne pourra à l’avenir proposer des recommandations individuelles qu’après
avoir échangé avec le salarié et l’employeur (au regard du principe du contradictoire mais dans la limite
évidemment du secret professionnel, même si cette précision n’est pas expressément marquée, cela va
de soi).
Ces mesures individuelles pourront être :
- Au niveau du poste de travail qui pourra être aménagé, adapté ou transformé ;
OU
- Au niveau des horaires de travail qui pourront être aménagés.
(Nouvel article L. 4624-3 du Code du travail)
Autrement-dit : la mutation ne peut plus, a fortiori, être considérée comme une mesure individuelle
aménageant le poste ou les conditions de travail. En pratique, cela se comprend aisément dans la
mesure où toute mutation entraîne une modification essentielle du contrat de travail.
Comme aujourd’hui (l’actuel article L. 4624-1 – Alinéa 2ème du Code du travail), l’employeur prend en
compte les avis d’aptitude (également les avis d’inaptitude) ainsi que les propositions, conclusions
écrites et indications formulées par le médecin du travail.
(Nouvel article L. 4624-6 du Code du travail)
Pour ce faire, le médecin du travail « peut » proposer à l’employeur l’appui de l’équipe pluridisciplinaire
du service de santé au travail ou celui d'un organisme compétent en matière de maintien dans l'emploi
pour mettre en œuvre ces propositions, conclusions écrites et indications. Cette précision rappelée par
l’avant-projet de la loi avait été inscrite dans le droit par la Loi Rebsamen du 17 août 2015.
(Nouvel article L. 4624-5 – Alinéa 2ème du Code du travail)
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***
 LA REFORME DE LA PROCEDURE D’INAPTITUDE MEDICALE :
UN AVIS QUI NE PEUT ETRE RENDU QU’EN DERNIER RECOURS
Le constat de l’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail est, à l’heure actuelle, règlementé
par le Code du travail.
En effet, conformément à l’article R. 4624-31 dudit Code, le médecin du travail déclare l’inaptitude
médicale du salarié à son poste de travail soit :
-
En deux visites médicales espacées d’un délai minimum de deux semaines ;
En une seule visite médicale en cas de :
o Danger immédiat pour la santé ou la sécurité du salarié, ou celles des tiers ;
o Visite de pré-reprise qui a lieu dans un délai de 30 jours au plus avant la visite de
reprise.
Dans tous les cas, une étude du poste de travail et des conditions de travail dans l’entreprise est requise
(Cf. Circulaire DGT n° 13 du 9 novembre 2012).
L’avant-projet de loi réforme cette procédure (qui devient une procédure légale et non plus
réglementaire) en facilitant la constatation de l’inaptitude médicale en une seule visite médicale.
Autrement-dit : l’exigence de principe pour constater l’inaptitude en deux visites médicales serait
abrogée.
En effet, selon l’avant-projet, si elle reste exclusivement constatée par le médecin du travail, l’inaptitude
médicale du salarié à son poste de travail ne peut être rendue qu’en dernier recours après :
-
Une étude de poste réalisée soit par le médecin du travail lui-même soit par un membre de
l’équipe pluridisciplinaire en santé au travail ;
-
Un échange tripartite entre médecin du travail – salarié – employeur sur :
o D’une part, « l’impossibilité » in fine de proposer une mesure individuelle (à savoir :
aménagement, adaptation ou transformation de poste de travail…)
Et,
o D’autre part, la « nécessité » d’un changement de poste justifié par l’état de santé du
salarié qui s’avère être la seule solution.
Si ces constats sont réunis, alors le médecin du travail pourrait déclarer « inapte » le salarié à occuper
son poste de travail. L’avis d’inaptitude serait encore accompagné des conclusions écrites et des
indications du médecin du travail relatives au reclassement du salarié inapte.
(Nouvel article L. 4624-4 du Code du travail)
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 UNE MEILLEURE HARMONISATION DES DISPOSITIONS EN
CAS D’INAPTITUDE D’ORIGINE PROFESSIONNELLE OU NON
Conformément à l’article L. 1226-2 du Code du travail [Pour une inaptitude consécutive à une maladie ou
un accident non professionnel] ou à l’article L. 1226-10 dudit Code [Pour une inaptitude consécutive à
une maladie professionnelle ou un accident du travail], il pèse sur l'employeur une obligation de
rechercher et de proposer des offres de reclassement au profit du salarié déclaré inapte à son poste de
travail par le médecin du travail. Il s’agit de l’obligation communément dénommée « obligation de
reclassement ».
Toutefois, eu égard la rédaction même du Code du travail, ce reclassement n’était, à l’origine, envisagé
que pour les inaptitudes prononcées à « l’issue des périodes de suspension du contrat de travail »
consécutives à une maladie ou un accident non professionnel (article L. 1226-2 précité) ou consécutives
à une maladie professionnelle ou un accident du travail (article L. 1226-10 précité).
Autrement-dit : une inaptitude prononcée à l’issue d’une visite médicale de reprise.
Sous l’effet de la Jurisprudence (Cass. soc., n° 99-43.936 du 12 mars 2002), l’inaptitude médicale
pouvant être prononcée à l’issue de n’importe quelle visite médicale réglementaire (embauche,
périodique …), cette obligation dite de reclassement devait être mise en œuvre qu’il y ait suspension du
contrat de travail ou non.
Prenant acte de cette jurisprudence, l’avant-projet de loi décide de réécrire les dispositions ayant trait à
l’obligation patronale de rechercher et de proposer des solutions de reclassement au salarié déclaré
inapte.
Ainsi il faudra lire les dispositions suivantes :
-
Article L. 1226-2 – alinéa 1er : « Lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non
professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail [en application du nouvel article
L. 4624-4 susmentionné] à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui
propose un autre emploi approprié à ses capacités ».
o Et non plus : « Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail
consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré
inapte […] ».
-
Article L. 1226-10 – alinéa 1er : « Lorsque le salarié victime d’un accident du travail ou d’une
maladie professionnelle (AT/MP) est déclaré inapte par le médecin du travail en application du
nouvel article L. 4624-4 susmentionné] à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment,
l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ».
o Et non plus : « Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail
consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est
déclaré inapte […] ».
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En outre, pour éviter toute difficulté de compréhension au sein d’un avis d’inaptitude consécutive ou
non à un AT/MP, l’avant-projet de loi propose quelques « aménagements » de vocabulaire, comme par
exemple :
-
Ne plus mentionner au sein d’un même avis les mots « inapte » et « apte » :
o Par conséquent : le médecin du travail qui conclut à l’inaptitude médicale du salarié à
occuper son poste de travail devra en outre indiquer dans ses conclusions écrites les
« capacités » (et non plus les aptitudes) du salarié à exercer l'une des tâches
existantes dans l'entreprise.
o Les propositions de reclassement de l’employeur devront prendre en compte ces
capacités « restantes ».
(Nouveaux articles L. 1226-2 et L. 1126-10 – Alinéas 2ème du Code du travail)
-
Dans le cadre du reclassement, ne plus employer le terme « emploi » mais « poste » :
o Par conséquent : dans sa recherche de reclassement, l’employeur propose un poste
(et non plus un emploi) aussi comparable que possible à celui précédemment occupé,
au besoin par la mise en œuvre de mesures d’aménagement, d’adaptation ou de
transformation de postes existants.
o N.B. : il n’est plus ici évoqué la possibilité de mettre en œuvre une mutation.
(Nouveaux articles L. 1226-2 et L. 1126-10 – Alinéas 3ème du Code du travail)
A l’instar des inaptitudes d’origine professionnelle, l’avant-projet de loi entend étendre aux salariés
déclarés inaptes consécutivement à un accident ou une maladie non professionnel-(le) :
-
D’une part, l’obligation pour l’employeur de consulter, pour avis, les délégués du personnel
sur les propositions de reclassement
Et,
-
D’autre part, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, la formulation par le médecin du
travail d’indications sur la capacité (et non plus l’aptitude) du salarié à bénéficier d’une
formation destinée à lui proposer un poste adapté.
Jusqu’à présent, en cas d'impossibilité de proposer un autre poste (et non plus emploi) au salarié déclaré
inapte à la suite d’un AT/MP, l’employeur lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au
reclassement.
(Article L. 1226-12 – Alinéa 1er du Code du travail)
L’avant-projet de loi étend cette obligation pour l’employeur de justifier par écrit l’impossibilité de
reclassement aux salariés déclarés inaptes victimes d’une maladie ou d’un accident non
professionnel(le).
Cependant l’avant-projet de loi ne précise toujours pas à qui est destiné cet écrit …
(Nouvel article L. 1226-2-1 – Alinéa 1er du Code du travail)
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 L’ASSOUPLISSEMENT DU LICENCIEMENT POUR
IMPOSSIBILITE DE RECLASSEMENT A LA SUITE DE L’INAPTITUDE
La Loi Rebsamen du 17 août 2015 était venue rajouter un troisième motif permettant à l’employeur de
motiver le licenciement d’un salarié déclaré inapte, notamment lorsque l'avis du médecin du travail
mentionne expressément que « tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable
à sa santé ». L’avant-projet de loi vient ajouter que le médecin du travail peut également mentionner
expressément que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise ».
Toutefois le législateur de 2015 avait réservé cette mention aux seuls avis d’inaptitude d’origine
professionnelle (c’est-à-dire consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle).
Reprenant les préconisations du rapport ISSINDOU, l’avant-projet de loi étend ce nouveau motif de
licenciement à l’inaptitude non professionnelle (nouvel article L. 1226-2-1 – Alinéa 2ème du Code du
travail) et à l’inaptitude professionnelle d’un salarié en CDD (article L. 1226-20 – Alinéa 2ème modifié
dudit Code).
La même question demeure : avec ces nouvelles formulations expressément mentionnées par le médecin
du travail dans l’avis d’inaptitude, l’employeur est-il pour autant dispensé de toute recherche de solution
de reclassement ?
Il est en effet de jurisprudence constante que l’employeur doit, malgré tout, faire des efforts de
reclassement en recherchant des solutions adaptées.
De plus, tant pour une inaptitude consécutive à une maladie ou accident non professionnel(le) (nouvel
article L. 1226-2-1 – Alinéa 3ème du Code du travail) que pour une inaptitude d’origine professionnelle
(article L. 1226-12 – Alinéa 3ème modifié dudit Code), l’avant-projet de loi précise que l’obligation « dite »
de reclassement serait « réputée » satisfaite lorsque l’employeur a proposé un poste prenant en
compte les propositions, conclusions écrites et indications du médecin du travail. Ceci dans les
conditions qui garantissent le respect de l’article L. 1226-2 susmentionné : à savoir l’obligation patronale
de rechercher et de proposer des solutions de reclassement qui doivent être, conformément à la
jurisprudence de ces dernières années, en adéquations avec les préconisations médicales.
Il s’agit ici finalement de transposer dans le droit ces principes édictés au fil des années par la
Jurisprudence (Par exemple : Cass. soc., n° 14-12.701 du 19 novembre 2015 ; Cass. soc., n° 14-18.595 du
20 octobre 2015 ; Cass. soc., n° 14-10.163 et n° 13-27.875 du 24 juin 2015 ; …).
Autrement-dit : l’avant-projet de loi semble « homogénéiser » les motifs de rupture du contrat de travail
d’un salarié déclaré inapte, que son inaptitude soit ou non d’origine professionnelle, que le contrat soit
un CDD ou un CDI :
-
Soit, l’employeur justifie [et par écrit dans tous les cas] de son impossibilité de proposer un
poste de reclassement ;
-
Soit, le salarié inapte refuse le poste de reclassement ;
Soit, le médecin du travail mentionne dans son avis d’inaptitude que :
o « Le maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé »,
Ou que,
o « L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise ».
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 LA « NOUVELLE » CONTESTATION DES AVIS MEDICAUX
Conformément à l’article L. 4624-1 du Code du travail, en cas de recommandations individuelles émises
par le médecin du travail, l’employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas
de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite (alinéa 2ème). En cas de
difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du
travail. Il en informe l'autre partie. L'inspecteur du travail prend sa décision après avis du médecin
inspecteur du travail (alinéa 3ème).
La jurisprudence réaffirme régulièrement ces principes (Par exemples : Cass. soc., n°13-21.515 du 16
septembre 2015 ; Cass. soc., n° 13-12.277 du 17 décembre 2014 …).
Depuis le 1er juillet 2012 (Décret n°2012-135 du 30 janvier 2012, commenté sur Kalipso), la procédure de
contestation est strictement définie par l'article R.4624-35 du Code du travail (modifié récemment par le
décret n°2014-798 du 11 juillet 2014, commenté sur Kalipso).
En effet, tout avis d'aptitude ou d'inaptitude peut être contesté dans un délai de deux mois par tout
moyen permettant de lui conférer une date certaine. Dépassé ce délai de deux mois, si l'employeur ou le
salarié n'a pas contesté l'avis médical devant l'autorité administrative compétente, alors l'avis
s'imposera aux parties et au juge.
L’avant-projet de loi révise en profondeur le recours permettant de contester les préconisations et avis
du médecin du travail.
Il rappelle d’abord l’obligation de l’employeur de prendre en considération les avis d’aptitude ou
d’inaptitude ainsi que les propositions, conclusions écrites et indications formulées par le médecin du
travail.
(Nouvel article L. 4624-6 du Code du travail)
En cas de refus de sa part, charge à l’employeur de faire connaître non seulement au salarié mais aussi
au médecin du travail les motifs qui s’opposent à ce qu’il soit donné suite.
Et, en dernier lieu s’il y a difficulté ou désaccord du salarié ou de l’employeur, ces derniers pourront
saisir, non plus l’inspection du travail, mais le conseil de prud’hommes statuant en la forme des référés
d’une demande de désignation d’un médecin-expert inscrit sur la liste des experts près la Cour d’appel.
Le texte précise qu’ « IL » informe l’autre partie… : mais qui est ce « IL » : le Conseil des prud’hommes ou
le médecin-expert ?
En tout état de cause, l’avis de ce médecin-expert se substituera à celui du médecin du travail.
Autrement-dit : les litiges relatifs aux avis médicaux du médecin du travail, qu’il soit des avis en termes
d’aptitude ou d’inaptitude ou de préconisations de mesures individuelles, relèveraient de la
compétence en premier ressort du Conseil des prud’hommes sauf [indique l’avant-projet de loi] en cas
d’un autre recours administratif ou contentieux [.. mais lesquels…?].
(Nouvel article L. 4624-7 du Code du travail)
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 LE TRAVAIL DE NUIT REVISITE
Le recours au travail de nuit est exceptionnel. Il prend en compte les impératifs de protection de la santé
et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité
économique ou des services d'utilité sociale.
(Article L. 3122-32 qui deviendrait L. 3122-1 du Code du travail)
L’avant-projet de loi redéfinit le travail de nuit et le travailleur de nuit :
-
Est considéré comme travail de nuit tout travail effectué au cours d’une période d’au moins 9
heures consécutives comprenant l’intervalle entre minuit et 5 heures. Au plus tôt, la période
de nuit commence à 21 heures et s’achève, au plus tard, à 7 heures (au lieu de 6 heures
actuellement) – sauf dérogations légalement et/ou collectivement prévues.
(Article L. 3122-29 qui deviendrait L. 3122-2 du Code du travail)
-
Est considéré comme travailleur de nuit le salarié qui :
o Accomplit, au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au
moins trois heures de travail de nuit quotidiennes ;
OU
o Accomplit, au cours d'une période de référence, un nombre minimal d'heures de
travail de nuit
(Nouvel article L. 3122-5 du Code du travail)
En principe, la durée quotidienne de travail accomplie par un travailleur de nuit ne peut excéder 8
heures (ou 40 heures pour la durée hebdomadaire). Mais en cas de circonstances exceptionnelles,
l’inspecteur du travail peut autoriser le dépassement de la durée quotidienne de travail (après
consultation des représentants syndicaux et du personnel). Les modalités de cette dérogation devront
être précisées par décret pris en Conseil d’Etat.
(Nouvelle article L. 3122-6 du Code du travail)
L’avant-projet de loi rappelle (comme c’est le cas actuellement) que le médecin du travail est consulté
avant toute décision importante relative à la mise en place ou à la modification de l'organisation du
travail de nuit.
Les conditions d'application de cette consultation devront néanmoins être précisées par décret en
Conseil d'Etat.
(Article L. 3122-38 qui deviendrait L. 3122-10 du Code du travail)
Concernant la surveillance médicale des travailleurs de nuit : jusqu’à présent, tout travailleur de nuit
bénéficie, avant son affectation sur un poste de nuit et à intervalles réguliers d'une durée ne pouvant
excéder six mois par la suite, d'une surveillance médicale particulière dont les conditions d'application
sont déterminées par décret en Conseil d'Etat (article L. 3122-42 du Code du travail).
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L’avant-projet de loi semble « gommer » ce suivi spécifique aux salariés travaillant de nuit (à savoir : une
visite d’embauche avant l’embauche et des visites périodiques deux fois par an) au profit d’une
surveillance médicale particulière dont les conditions seront déterminées par décret en Conseil d’Etat.
(Nouvel article L. 3122-11 du Code du travail)
Enfin, l’avant-projet reprend les dispositions légales qui existaient déjà par ailleurs quant à
l’incompatibilité de l’état de santé du travailleur de nuit et son poste de travail de nuit :
-
Le travailleur de nuit peut être transféré à titre définitif ou temporaire sur un poste de jour
correspondant à sa qualification et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment
occupé si son état de santé, constaté par le médecin du travail, l’exige.
(Article L. 3122-45 – Alinéa 1er qui deviendrait L. 3122-14 – Alinéa 1er du Code du travail)
-
En cas d’inaptitude du salarié au poste comportant le travail de nuit, l’employeur devra
rechercher et proposer des solutions de reclassement (conformément aux articles L. 1226-2 ou
L. 1226-10 susmentionnés).
A défaut de reclassement justifié par écrit ou du refus du salarié d’accepter le poste de
reclassement ainsi proposé, l'employeur pourra rompre le contrat de travail du travailleur de
nuit.
(Article L. 3122-45 – Alinéas 2ème et 3ème qui deviendrait L. 3122-14 – Alinéas 2ème et 3ème du
Code du travail)
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 CHSCT ET EXPERTISE
Conformément à l’article L. 4614-12 du Code du travail, le Comité d'hygiène, de sécurité et des
conditions de travail (CHSCT) peut faire appel à un expert agréé pour deux motifs :
-
Soit, en cas de risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie
professionnelle ou à caractère professionnel, constaté dans l'établissement ;
-
Soit, en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les
conditions de travail.
Les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur (alinéa 1er de l’article L. 4614-13 dudit Code).
L'employeur qui entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût,
l'étendue ou le délai de l'expertise, saisit le juge judiciaire (2ème alinéa du même article).
En cas d’urgence, le président du Tribunal de grande instance (TGI) statue, en la forme des référés, sur
les contestations de l'employeur relatives à la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût,
l'étendue ou le délai de l'expertise (articles R. 4614-19 et R. 4614-20 du Code du travail).
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L’interprétation jurisprudentielle constante de ces dispositions (article L. 4614-13 du Code du travail)
impose à l’employeur de prendre en charge les honoraires d’expertise du CHSCT, alors même que la
décision de recours à l’expert a été judiciairement et définitivement annulée (Cass. soc., n° 11-24.218 du
15 mai 2013).
Le 16 septembre 2015, la chambre sociale de la Cour de cassation a décidé de renvoyer devant le
Conseil constitutionnel cette question prioritaire de constitutionnalité, présentant un caractère sérieux
(Cass. soc., n°15-40.027 du 16 septembre 2015).
En effet, en l’absence de budget propre du CHSCT, les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur.
Or, ce dernier peut obtenir l’annulation de la délibération ayant décidé de recourir à l’expertise et ceci
après que l’expert désigné ait accompli sa mission. Selon la Cour de cassation, cette solution est
susceptible de priver d’effet utile le recours de l’employeur.
Le 27 novembre 2015 le Conseil de constitutionnel déclare le premier alinéa (les frais d’expertise sont à
la charge de l’employeur) et la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4614-13 du Code du
travail (l'employeur qui entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût,
l'étendue ou le délai de l'expertise, saisit le juge judiciaire) contraires à la Constitution (Cons. Const.,
QPC, n° 2015-500 du 27 novembre 2015).
Prenant acte de la décision du Conseil constitutionnel, l’avant-projet de loi (dans son article 18) décide
de réécrire l’article litigieux : L. 4614-13 du Code du travail. Il est ainsi prévu que le juge statuerait en
premier et dernier ressort dans un délai de dix jours, suivant sa saisine. Cette saisine suspendrait
l’exécution de la décision du CHSCT.
De plus, en cas d’annulation définitive par le juge de la décision du CHSCT de recourir à une expertise,
l’expert devrait rembourser à l’employeur les sommes perçues. L’avant-projet ajoute néanmoins que le
Comité d’entreprise pourrait, à tout moment, décider de prendre en charge lesdits frais de l’expertise
du CHSCT (nouvel article L. 2325-41-1 du Code du travail).
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 LES AUTRES MESURES SOCIALES & LA CREATION D’UNE
COMMISSION DE RECODIFICATION DU CODE DU TRAVAIL
Voici une liste « pêle-mêle » et non exhaustive des principales mesures sociales introduites par l’avantprojet de loi comportant plus de 50 articles et visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles
protections pour les entreprises et les actifs :
-
La nouvelle majoration des heures supplémentaires ;
-
Les congés payés ;
Le licenciement pour motif économique avec la définition de la notion de « difficultés
économiques » ;
Le compte épargne-temps ;
La réforme de la négociation collective ;
La confirmation du compte personnel d’activité ;
La fixation d’un barème plafonné des indemnités de licenciement en fonction de l’ancienneté ;
…
L’avant-projet de loi dans son titre premier indique l’institution prochaine d’une Commission d’experts
et de praticiens des relations sociales [dont la composition et l’organisation seront fixées par arrêté]
dans la perspective d’une refondation de la partie législative du Code du travail au regard des principes
énoncés dans le Préambule dudit projet de loi.
L’objectif visé par cette recodification est de donner « une place centrale à la négociation collective » et
« d’élargir ses domaines de compétence et son champ d’action », dans le respect du domaine de la loi
reconnu par la Constitution.
Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de ladite Loi, la Commission devra remettre ses
travaux au Gouvernement. Charge à ce dernier d’indiquer au Parlement les suites qu’il entend donner à
ces travaux.
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Pour aller plus loin :
Retrouver sur Kalipso le Rapport du groupe de travail « Aptitude et médecine du travail » - ISSINDOU
Michel ; PLOTON Christian ; FANTONI - QUINTON Sophie ; BENSADON Anne-Carole ; GOSSELIN Hervé,
Mai 2015, p. 112.
Retrouver sur Kalipso le Rapport sur le « Compte personnel de prévention de la pénibilité : propositions
pour un dispositif plus simple, plus sécurisé et mieux articulé avec la prévention » - SIRUGUE Christophe
; HUOT Gérard ; DE VIRVILLE Michel, Mai 2015, p. 95.
Retrouver sur Kalipso un Dossier relatif aux « Projets de loi « Travail » & « Santé » de 2015 – Un rapide
retour en arrière pour comprendre les enjeux actuels »
Retrouver sur ISTNF, les différents débats autour du Rapport « Aptitude et médecine du travail » :
Publication de la version finale du rapport par le ministère – 26 mai 2015
Entretien réalisé avec Sophie Fantoni-Quinton : « Nous pensons que l’approche mixte,
individuelle ET collective, doit être préservée » – 26 mai 2015
Lettre ouverte de Sophie Fantoni-Quinton : « Je m’étonne des termes utilisés dans le
communiqué de presse rédigé par le CNOM » – 29 juin 2015
Editorial de Paul Frimat – 14 juillet 2015
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RETROUVER EN PDF L’ENTIERETE DE l’AVANT-PROJET DE LA LOI
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