paru dans La Tribune du 27/11/2006
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paru dans La Tribune du 27/11/2006
La Tribune du 27 novembre 2006 LE DEBAT DU JOUR Les énergies renouvelables ont-elles leur place en Bourse ? Énergie et environnement sont désormais des thèmes porteurs en Bourse. L'introduction, mercredi, d'EDF Énergies Nouvelles, l'un des principaux exploitants de la filière éolienne en France, pourrait créer un appel d'air pour d'autres acteurs à la recherche de capitaux. Seulement, les énergies renouvelables ont-elles leur place en Bourse ? OUI: "L'industrie éolienne dispose de solides fondamentaux" Patrick Escalier, investment manager, Ixis environnement & infrastructures Une activité peut être mise en Bourse dès lors qu'elle offre des perspectives de croissance intéressante, une bonne visibilité sur ses cash-flows, garante d'un rendement récurrent. Le cas de l'industrie éolienne répond à ces critères. Cette filière dispose de solides fondamentaux s'appuyant notamment sur les engagements pris par la France, et plus largement l'Europe, en faveur des énergies propres et de la réduction des gaz à effet de serre. D'autre part, cette industrie bénéficie du soutien des gouvernements dans leur recherche de diversification énergétique dans un environnement de pétrole et de gaz durablement cher. L'atteinte des objectifs fixés par la Commission européenne et repris par la France requiert une croissance du marché de plus de 6 000 mégawatts (MW) à l'horizon 2010. En outre, le modèle économique éolien offre une très bonne prévisibilité sur ses revenus grâce à l'obligation d'achat de l'électricité par EDF, fixée par la loi à des tarifs prédéfinis sur quinze ans. Les charges peuvent être également budgétées avec une bonne précision. Elles correspondent principalement aux frais de maintenance payés au constructeur, forfaitisées dans des contrats de long terme. Au final, la variable la plus délicate à appréhender, c'est le vent. Toutefois, les experts sont capables de l'évaluer avec une relative bonne prédictibilité. Enfin, la taille et la puissance des éoliennes ne cessent d'augmenter, améliorant régulièrement la rentabilité des projets. Cette industrie est donc promise à un très bel avenir. NON: "Gare aux désillusions inhérentes à un micro marché !" Xavier Patrolin, président d’Albatros capital L'éolien est incontestablement à la mode. Et c'est bien là le principal danger. Tout le monde veut investir dans un secteur énergétique jugé porteur d'avenir, à forte croissance, et acceptable pour l'environnement. D'autant que les États créent des mécanismes de subvention très incitatifs.Dès lors, on se prend à rêver d'un modèle économique porté par des subventions éternelles, à la rentabilité garantie et aux risques réduits aux seuls aléas du dieu Éole. Le scénario idéal pour un investisseur : du rendement sans risque. Or, si les énergies renouvelables sont favorisées pour répondre à des besoins de production énergétique sans émission de CO2, on doit légitimement s'interroger sur la capacité de l'éolien d'y répondre. On risque, en effet, d'entraîner les investisseurs sur un micro marché, sur lequel le taux de rentabilité interne de la plupart des investissements réels ne dépassent guère les 10 %, même dans un cadre largement subventionné. Si, demain, les pouvoirs publics estiment qu'une autre source d'énergie renouvelable est plus compétitive et à la disponibilité plus constante, que se passera-t-il ? La Bourse est-elle prête à prendre ce risque, qui me semble aujourd'hui très minoré ? La Bourse est certes un lieu de prise de risques, mais dans le secteur naissant des énergies renouvelables, d'autres sources de financement, comme la dette bancaire ou le capital-investissement, me semblent plus appropriées. Surtout pour des industries à coûts fixes, qui peuvent générer rapidement des cash-flows tant que les prix resteront garantis. Gare aux désillusions en Bourse ! Un envol laborieux mais inéluctable Parmi toutes les énergies renouvelables - biomasse, solaire -, l'éolien a le vent en poupe. En prenant exemple sur Allemagne, la France, et son principal relais, le groupe EDF, a décidé de mettre le paquet pour développer cette ressource énergétique, d'autant que l'Europe s'est fixé comme objectif - irréalisable selon beaucoup - d'atteindre 20 % d'électricité d'origine renouvelable d'ici à 2010. Les projets se multiplient donc - les effets d'annonce aussi - et chacun semble jouer la surenchère dans ses ambitions. La Compagnie du Vent vient ainsi d'annoncer un investissement de 1,4 milliard d'euros dans un projet de parc éolien au large des côtes de Picardie. De fait, dans l'Hexagone, tout reste à faire. La production éolienne est encore très marginale (1 500 mégawatts en 2006) par rapport aux besoins (500 000 mégawatts). Certes, les capacités doublent chaque année mais les projets mettent toujours entre trois et quatre ans à se réaliser. Il ne faut pas moins de 27 permis ou autorisations pour installer une éolienne... sans compter l'hostilité croissante des riverains. La Bourse est-elle alors capable d'avoir une telle patience ? Les rares acteurs cotés ont longtemps vu leurs cours végéter avant de prendre récemment leur envol. Car le mouvement est lancé, en Europe comme aux États-Unis, et personne n'anticipe désormais un retour en arrière. Eric Benhamou