Comment mieux « vendre » le dossier pharmaceutique à ses patients

Transcription

Comment mieux « vendre » le dossier pharmaceutique à ses patients
Comment mieux « vendre » le dossier
pharmaceutique à ses patients
02/11/2010 | Profession
Le dossier pharmaceutique remporte un vif succès : 10 millions de Français se l'ont vu proposé par leur
pharmacien et l'ont accepté. Pour vaincre les ultimes réticences et éloigner le spectre du « fichage », plusieurs
techniques peuvent être employées.
Le dossier pharmaceutique, en apportant une sécurisation supplémentaire, est un atout pour
fidéliser la clientèle. Outil professionnel de sécurisation de la dispensation, le dossier
pharmaceutique (DP) est très largement apprécié par les pharmaciens d'of-ficine (90 % y sont
favorables). Nos confrères jugent en effet qu'il favorise une sécurité accrue des médicaments (97
% des répondants), qu'il sensibilise le public à la nature des médicaments (93 %). Par ailleurs,
pour 92 % des pharmaciens, le DP valorise la profession. Et 86 % d'entre eux y voient « un
progrès important. »
Un service rendu au patient
Responsable du comité de pilotage territorial pour le déploiement du DP (et président du Conseil
régional de l'Ordre de Champagne-Ardenne), Bernard Flirden s'attache à vaincre les dernières
résistances. Il rappelle que le pharmacien a reçu un « kit de démarrage » expliquant la marche à
suivre pour entrer dans le projet. On y indique par exemple, commente-t-il, « les mots à éviter,
comme celui de redondance. On montre que cela va très vite, deux minutes en moyenne. On
convainc le client, surtout si on le connaît. » L'argument de la gratuité « porte généralement. Mais
il faut aussi montrer au patient que c'est un service qu'on lui rend, qu'on veut lui éviter des
problèmes d'interactions médicamenteuses ». En complément, l'équipe officinale remet au
patient une brochure explicative éditée par l'Ordre national des pharmaciens. Autre service :
depuis cet été, les patients peuvent être informés des alertes de la DGS, relayés par l'Ordre aux
officinaux équipés du DP. L'Ordre envisage également de relayer les alertes AFSSAPS (rappels
de lots, ruptures de stocks, arrêts de commercialisation...).
Bernard Flirden précise un autre élément impor tant, pour répondre aux craintes de fichage
parfois exprimées : « On ne parle pas de fichier, il s'agit d'une relation personnelle, on rappelle au
patient qu'on a besoin de lui - de sa carte Vitale - pour lire les données du DP, sinon elles sont
inaccessibles. Le DP n'appartient ni au médecin ni au pharmacien. C'est le patient qui décide de
l'ouvrir, de le fermer. Il a toute liberté d'y mettre les médicaments qu'il veut. On prévient l'autre
pharmacien que le DP n'est éventuellement pas complet. » L'interrogatoire peut, le cas échéant,
aider à préciser les choses : « Je me rappelle le cas d'un patient sous fluidifiant (Previscan) qui
demandait de l'Aspégic... D'après son DP, il avait aussi pris de la calciparine ! J'ai donc contacté
le chirurgien, qui a confirmé. Mais comme pharmacien, j'ai joué mon rôle de vigilance. » La
profession, estime Ber-nard Flirden, « ne doit pas être frileuse par rapport aux contreindications
détectées. En décelant une contre-indication, le pharmacien joue son rôle de professionnel de
santé. Il contacte le prescripteur pour élucider la question ». Pour le responsable du comité de
pilotage, « le DP va de pair avec le respect du patient. L'alerte en cas de contre-indication est la
seule chose qui compte ».
Plébiscité par le grand public
Le grand public a compris les enjeux du dossier pharmaceutique et y adhère largement. C'est
ce qui ressort d'une enquête (*) réalisée voici près d'un an auprès de 1 007 Français et de 200
pharmaciens d'officine.
91 % des Français se déclaraient ainsi favorables au DP, et 90 % prêts à en ouvrir un. Côté
utilisateurs, 98 % des personnes interrogées déclaraient que cette utilisation « se passe bien »
(51 %) ou plutôt bien (47 %). 96 % se disaient satisfaits, dont 35 % très satisfaits et 61 % plutôt
satisfaits, des services rendus par le DP. * Étude Angus Reid Strategies, octobre 2009.
ÉRIC LEDOUX, titulaire de la Pharmacie des Cigognes à Vitry-en-Artois (62)
« Soigner son image au travers du dossier pharmaceutique »
« L'utilisation du dossier pharmaceutique est simple. L'ordinateur se charge du rapprochement
entre ce que nous délivrons et ce qui l'a été dans une autre officine. Les interactions s'affichent
en moins de 10 secondes. Je ne demande pas à disposer des 4 derniers mois de l'historique du
client. Le consulter prendrait trop de temps. En revanche, si c'est pour éviter un problème au
patient, là je veux bien passer 10 minutes sur l'ordinateur pour le lire. Les médecins sont
compétents et les graves contre-indications pas si fréquentes que cela. Je suis convaincu que le
dossier pharmaceutique, en apportant une sécurisation supplémentaire, est un atout pour
fidéliser la clientèle. » Propos recueillis par G. A.
AHMED BENABID, titulaire aux Epesses (85)
« Au comptoir, je mets en avant la lutte contre les contreindications »
« Je suis installé depuis une vingtaine d'années, mon officine est une pharmacie de proximité, je
" vends " très facilement le dossier pharmaceutique à mes clients. Avec mon équipe, nous y
entrons tout ce que le patient achète en matière de médicament. Sauf s'il n'a pas sa carte Vitale
avec lui à ce momentlà. J'ai personnellement cru au projet d'emblée, et l'ai mis en oeuvre. Au
comptoir, j'explique l'intérêt pour la santé et la sécurité, je mets en avant la lutte contre les contreindications. J'insiste sur la corrélation entre médicaments prescrits, médicaments conseillés et
médicaments achetés en automédication. Et je précise bien que c'est un réseau national, que les
données sont accessibles par d'autres pharmaciens. Je n'ai pas besoin de la brochure de l'Ordre,
mieux vaut expliquer de vive voix, on est mieux compris. Mais je la donne néanmoins en
accompagnement. Je propose le DP à l'occasion de la délivrance d'une ordonnance puisque là
on est assuré que le patient a sa carte Vitale. Mais aussi en d'autres circonstances. Enfin, je n'ai
pas de problème pour entrer également l'OTC. » Propos recueillis par A. N.
MARYSE GARÉNAUX, titulaire à Plumeliau (56)
« Le DP rassure le patient et sécurise le pharmacien »
« En Bretagne, nous avons un taux de dossier pharmaceutique excellent. Tout est fondé sur la
confiance que le public a dans le pharmacien et ses collaborateurs. Cela mérite qu'on prenne du
temps, dans la mesure où c'est un moyen de sécuriser les traitements : quand il va dans une
autre pharmacie, le DP permet à l'autre pharmacien de délivrer l'ordonnance d'une façon éclairée
et d'éviter tout chevauchement. De plus, la France est le seul pays où on met aussi les
médicaments hors ordonnance. Nous insistons sur les personnes âgées et les personnes qui
viennent chercher des médicaments pour un patient. Le DP est un bel outil, très pratique - mais il
faut vouloir s'y impliquer. Alors, on a peu de refus, puisque les données n'apparaissent que
temporairement et qu'on a besoin de la carte Vitale pour les lire. Le DP rassure le patient et
sécurise aussi le pharmacien. » Propos recueillis par A. N.
Le patient n'est pas assez informé - S'agissant de l'OTC, il relève que le pat ient n'est pas
toujours conscient que tout médicament peut être dangereux. L'OTC « prend davantage de place
dans le DP, mais c'est dans la foulée de la délivrance d'une ordonnance. C'est une démarche
nouvelle pour le pharmacien ». Et d'évoquer l'exemple d'une « ordonnance, suivie d'une
demande de dispensation d'un ibuprofène. Le DP signale un problème de prostate ! Il y a donc
contre-indication. Cet exemple montre l'intérêt du DP. Le pharmacien fait vraiment son métier, et
confirme que la dispensation n'est pas une simple distribution ! ». Les arguments en faveur de
l'ouverture de dossiers pharmaceutiques ne manquent donc pas. Mais le succès est-il au
rendezvous ? Pour Bernard Flirden, « le patient n'est pas encore assez informé, il faudrait une
campagne de communication sur le DP. Quant au pharmacien, certains sont très convaincus,
d'autres (c'est pourtant une obligation !) trouvent que cela prend du temps... C'est vrai, mais c'est
une nouvelle approche, un nouveau contact avec le patient, nous sommes des professionnels de
santé ! » Les chiffres sont du reste encourageants. En octobre, plus de 17 000 pharmacies
s'impliquaient dans le projet (74 % du total) et 10 millions de DP avaient été ouverts. Et demain ?
Outre les alertes sanitaires, c'est un suivi personnalisé du patient que permettra le DP (suivi des
vaccins, suivi de l'observance...), dans la droite ligne de la loi HPST.
Qualité, sécurité, pérennité
« Le DP doit permettre à tous les pharmaciens de France d'accéder à l'ensemble des
médicaments prescrits aux patients pour éviter une incompatibilité entre deux traitements
médicamenteux, une surconsommation, le chevauchement thérapeutique, etc. », rappelle
Christine Caminade, responsable de l'organisme de formation Christine Caminade Conseil. Il
améliore également la qualité de la dispensation et la pérennité de la pharmacie au niveau de
son rôle social dans le maillon de la délivrance du médicament. « C'est sur cet aspect QSP
(qualité, sécurité, pérennité) que les équipes officinales ont du mal à comprendre que même
quand une personne vient sans ordonnance, elles doivent lui demander sa carte Vitale. » Sans
oublier que le DP présente un intérêt pour les autres prescripteurs. En effet, un patient peut venir
à la pharmacie demander l'édition de son DP pour le communiquer à l'anesthésiste en cas
d'opération. Ce dernier sera informé des traitements en cours et pourra en tenir compte au
niveau de son protocole, etc. C'est une sécurité supplémentaire.
Les 10 incontournables du DP
1. Se former
En partenariat avec le Conseil de l'Ordre, l'UNOFormation a bâti une formation prise en charge
par l'OPCA-PL (salarié) et le FIF-PL (titulaire). Ce module de formation d'une demi-journée donne
la possibilité de créer un DP. Il traite de la communication, permet de pallier les objections, aide à
parler du sujet et rassurer les clients qui craignent d'être fliqués ou de perdre du temps.
2. Motiver les équipes
Expliquer les intérêts du DP aux équipes est vital pour qu'elles s'investissent. Le DP est parfois
perçu comme une contrainte et son ouverture n'est pas automatique.
3. Relancer la motivation
Il suffit de deux ou trois objections au comptoir pour que les équipes soient démotivées. Il faut
donc réexpliquer les objectifs, montrer les renseignements obtenus pour certains clients et leurs
intérêts afin de remotiver l'équipe.
4. Inverser la donne
Quand un client vient acheter un produit quel qu'il soit, il faut lui remettre le dépliant présentant le
DP, lui proposer de le lire chez lui et de revenir en parler ensuite à la pharmacie. La donne est
ainsi inversée car c'est lui qui vient demander l'activation de son DP.
5. Utiliser les bons termes
On ne crée pas un DP, on l'active et ensuite on l'alimente.
6. Alimenter le DP
Tous les médicaments, y compris ceux en libre accès et en vente visuelle derrière le comptoir,
doivent figurer sur le DP. Sans oublier ceux stockés dans le back-office et qui font partie de la
médication conseil.
7. Une source de renseignements vitale
Les renseignements recueillis sur les patients titulaires d'un DP vont aider les pharmacies de
France à effectuer un travail de sécurité, permettre d'améliorer la qualité des services, la
sécurisation de la délivrance, le conseil associé (4 derniers mois de prescription : 3 mois de
délivrance plus 1 mois de sécurité), etc.
8. Un feedback (retour sur informations) indispensable
Il faut apprendre à utiliser ce qui se passe au niveau du DP : traitement prescrit par le médecin et
effets secondaires (troubles digestifs ou autres). Soit on tranquillise le client, soit on lui apporte
une réponse par rapport à ces effets. C'est pour cette raison que les hôpitaux aimeraient pouvoir
récupérer les informations figurant sur le DP. Ainsi, à la sortie de l'hôpital, le pharmacien de ville
pourra savoir ce qui a été donné comme traitement au patient.
9. Un « plus » indéniable
Le médicament n'est pas un bien de consommation banale. « Le code Data Matrix va bientôt
arriver pour communiquer le numéro de lot, la date de péremption, etc. Et en cas de retrait d'un
médicament, avec le DP, il sera possible de savoir où il a été délivré et qui l'a acheté. Comme
l'information passe par Internet ; l'alerte arrivera instantanément sur tous les postes informatiques
des officines de France », souligne Christine Caminade (Christine Caminade Conseil).
10. Requérir le consentement du patient
Le consentement du patient pour l'ouverture du DP est une obligation visée au Code de la Santé
publique. Ne pas le faire correspondrait à une atteinte au droit du patient et à sa liberté. Chaque
patient peut accepter ou refuser d'alimenter le DP. Il peut même demander sa suppression.
Gaëlle Alban