HISTOIRE D`UNE MARE Sur le plan cadastral de 1808, on

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HISTOIRE D`UNE MARE Sur le plan cadastral de 1808, on
HISTOIRE D’UNE MARE
Sur le plan cadastral de 1808, on peut voir qu’il existait deux mares dans le village, à l’entrée
nord et à l’entrée sud. Ces mares sont probablement des vestiges d’un fossé d’eau au pied
des remparts qui protégeaient le village côté ouest. Au sujet des remparts lire dans « anecdotes » la
page Blaise de Monluc.
La mare située au nord fut comblée sur décision du conseil municipal en 1957 pour devenir
un parking qui a été dénommé en 2012, Place du Brulhois.
Voici la décision du 4 août 1957, transcrite dans le registre des conseils municipaux : « M.le
Président expose que l’entreprise Pérès chargée de la restauration de l’église propose de
combler gratuitement le fossé Nord du village avec les terres enlevées autour de l’Eglise. Il
invite le Conseil à donner son avis sur cette proposition.
Après délibération le Conseil, considérant que ce fossé vaseux et nauséabond n’a pas d’utilité
pratique, qu’il est plutôt une cause d’insalubrité, accepte la proposition de l’entreprise Pérès
et décide de lui demander d’abattre le talus situé contre l’ancien mur d’enceinte. »
***
Par contre, la mare, à l’entrée sud du bourg, était autrefois le centre de vie du village : un
« parc d’attraction », un « centre de loisirs » d’une époque révolue.
Jeannot T. qui est né à Moirax et a vécu à Francoeur, m’a raconté son enfance et ses jeux
autour de la mare. « On ne l’a jamais vu à sec, ce grand trou qui récupère les eaux de pluie
des toits des maisons voisines ! A l’époque où le village n’était pas desservi en eau courante,
c’était une réserve d’eau aux multiples usages.
Les vaches venaient s’y abreuver. Je les revois, en rang d’oignon, dans l’eau jusqu’au poitrail,
à l’endroit où l’on a placé récemment une grille – sécurité oblige !
En 1957, pas de bouche d’incendie dans le village. La mare constituait une provision d’eau
bien utile aux pompiers. Je me souviens d’un fameux incendie déclenché par la foudre. Elle
avait tué une vache et mis le feu à la grange de Troutet. » Dans la tête de Jeannot, défilent
des images de camion de pompiers qui provoquaient l’admiration du petit garçon.
« Ma mère me racontait que, après 1936 et pendant la guerre civile espagnole, les femmes
réfugiées venaient laver leur linge à la mare. Elles savonnaient sur le rebord du mur,
rinçaient dans l’eau puis étendaient le linge sur l’herbe pour le faire sécher. » Procédé de
blanchiment du linge très écologique !
Jeannot évoque surtout ses jeux d’enfant : les concours de pêche, les plongeons, les tours en
« barque»…
« Les jours de fête locale, un concours de pêche était organisé. Mais c’est tous les jours
qu’une bande de gosses attrapait des poissons, à la main, dans les herbiers du bord. On les
faisait cuire pour le repas du soir, ou bien on les donnait aux poules gourmandes.
Un jour, Magalie pêchait des grenouilles, elle retira si vivement sa ligne équipée d’un chiffon
rouge que la grenouille alla choir dans une des rares voitures qui passaient par là. Je vous
laisse imaginer la suite.
Bien sûr la mare était aussi une piscine idéale et personne ne s’inquiétait de la salubrité de
l’eau. Les enfants y pataugeaient à grand renfort de cris et d’éclaboussements et je n’étais
pas le dernier. Le plus hardi, petit de taille et futur jockey, plongeait de la margelle du mur
et en retirait la gloire de son exploit. »
Mais le souvenir le plus cher à Jeannot, ce sont les tours de barque sur la mare aux canards.
«Une drôle de barque : une maie équipée de fagots de bois en guise de stabilisateurs.
Traditionnellement, la maie servait à pétrir et à stocker le pain. Dans notre région, elle était
aussi utilisée pour ébouillanter le cochon.
Un jour, je m’étais embarqué dans une grosse caisse avec Bernard B. pour une aventure
autour du monde… de la mare... et la barque chavira. Et les marins d’eau douce durent s’en
tirer à la nage.
Durant l’hiver polaire de 1956, la mare devint patinoire, pour le plaisir de tous et sans frais
pour la commune. On y faisait même du vélo. Mais gare aux maladroits, Clovis L. s’y est
fracturé le nez… on s’en souvient encore… » Jeannot T. a voulu redonner un peu de vie à la
mare de son enfance. En souvenir de la maie, il a construit de ses mains un magnifique
voilier… pour héberger les canards. Ce voilier s’appelle «Le Moiracais » mais j’aurais aimé
l’appeler « Les copains d’alors. »
Propos recueillis par Mariette Semelin
Non ce n'était pas le radeau
De la méduse ce bateau
Qu'on se le dise au fond des ports
Dise au fond des ports
Il naviguait en père peinard
Sur la grande mare des canards
Et s'appelait "Les copains d'abord"
(Georges Brassens)