Les fonds d`investissement de proximité à la rescousse
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Les fonds d`investissement de proximité à la rescousse
Forum Les fonds d’investissement de proximité à la rescousse La Corse apparaît comme « une terre de mission » pour les acteurs du financement de l’entreprise comme les Fonds d’investissement de proximité ou Fip. Problèmes de culture économique, de structure capitalistique des entreprises et de méconnaissance des mécanismes d’intervention. L’île ne manque pas de capitaux mais d’outils adaptés et de « managers ». Explication de Jacques Vitali, directeur exécutif de Viveris management, un Fip corse. Qu’est ce qu’un fonds d’investissement de proximité ? Le Fip Corse est un fonds d’investissement dont les souscripteurs sont des personnes physiques qui bénéficient en contrepartie de leur investissement d’une réduction d’impôt (aujourd’hui 38 % de réduction d’impôt). Grâce aux sommes collectées, le FIP finance le développement de PME matures et dynamiques qui peuvent permettre d’offrir des perspectives de rendement attractif aux souscripteurs du fonds. De quelle manière intervenez-vous auprès des entreprises ? Notre intervention porte généralement sur le financement de projets d’entreprises, nous ne faisons pas de création d’entreprise. La réglementation nous interdit, en outre, de financer la transmission d’entreprise. Lorsque nous intervenons sur ce type d’opérations c’est avec des fonds que nous gérons sur le continent et qui ont vocation à le faire. Vous êtes un Fip spécifique à la Corse, que représente votre activité de dans l’île ? Nous avons collecté plus de 55 m d’euros auprès de particuliers dont environ 4 m d’euros en Corse. Nous avons réalisé plus de 28 m d’euros d’investissement dans 20 entreprises corses dans les secteurs du BTP, de l’hôtellerie, des services et de l’énergie. Les sociétés dans lesquelles nous sommes en participation représentent 140 m d’euros de chiffre d’affaires à ce jour et emploient plus de 370 personnes. Comment vous positionnez-vous par rapport aux autres acteurs privés et institutionnels ? Notre outil vient compléter les dispositifs publics et privés présents. La Corse est dotée d’outils exceptionnels au service de la création et du développement des entreprises. Les financements type prêts ou avances remboursables, proposés par la Cadec et Oseo viennent conforter un emprunt bancaire. Les Fip ont vocation à financer les fonds propres indispensables pour mener un projet à bien. Prenons le cas d’une entreprise d’agroalimentaire qui existe depuis de nombreuses années, l’entrepreneur souhaite développer une nouvelle gamme de produits biologiques. Il a besoin : d’une nouvelle chaîne de production, d’embaucher 3 personnes qui vont produire et 2 personnes qui vont commercialiser la nouvelle gamme, d’acheter les matières premières et le stock nécessaires à la production Sa banque va lui financer la chaîne de production, Oseo et la Cadec vont financer une partie du besoin en fonds de roulement. Nous intervenons pour investir les fonds propres qui manquent à l’entreprise pour financer son projet. La Corse est-elle une région facile pour le capital-risque ? Le marché Corse n’est pas facile mais il est en phase de maturation, à part Femu Qui, cela fait seulement 6 ans que des Investisseurs en capital sont présents alors qu’ils sont actifs sur le Continent depuis 20 ans ! Mais en matière d’investissement en capital il faut distinguer : Le capital-risque (financement de jeunes pousses) : il existe en Corse des structures qui aident à l’amorçage ou financent les premiers pas d’une entreprise, mais des fonds, comme les FCPI (Fonds Communs de Placement dans l’Innovation) n’interviennent pas en Corse alors qu’ils ont investi sur le continent entre 2008 et 2012 plus de 2 milliards d’euros dans des entreprises innovantes. Le capital transmission (financement de la cession/reprise d’une entreprise) : les FIP ont des contraintes réglementaires qui bloquent leur intervention sur ce marché et les autres fonds susceptibles d’intervenir ne se présentent pas en Corse. Entre 2008 et 2012, le marché de la transmission a représenté en France 10.5 milliards d’euros d’investissement hors financement bancaire. Le capital développement (financement des projets d’une entreprise mature) : le marché Corse est étroit, les entreprises disposent souvent de fonds propres importants et les banques soutiennent leur développement. Nous avons toutefois investi plus de 20 m d’euros en soutien au développement des entreprises depuis 2008 ! Le renforcement des fonds propres a permis aux entreprises concernées de négocier des crédits bancaires supplémentaires, de l’ordre de 1md’euros de crédit pour 1md’euros de fonds propres. Le FIP aura permis une injection monétaire dans les entreprises corses de l’ordre de 40 m d’euros. Quels sont les principaux freins ou problèmes que vous rencontrez ? La Corse est un territoire compliqué et pour cette raison les managers corses, qui réussissent, sont généralement très bons. Il est difficile d’être un investisseur en capital en Corse car la culture n’est pas toujours ouverte à l’idée d’avoir un financier en tant qu’associé. Pourtant nous ne sommes pas des actionnaires pesants, nous sommes des actionnaires de passage (pour 5 ou 7 ans) nous n’avons pas vocation à rester dans l’entreprise et nous sommes d’un point de vue réglementaire contraints à nous limiter à un maximum de 35 % du capital. Nous sommes des accélérateurs de croissance, nous donnons à l’entreprise les moyens de conduire son développement, de « prendre l’ascenseur plutôt que l’escalier ». Quels types d’entreprises recherchez-vous ? Nous recherchons des PME ayant leur siège social et leur activité en Corse et nous sommes ouverts à tous secteurs d’activités. Nous nous concentrons plus particulièrement sur des projets de capital développement et donc sur des sociétés présentant déjà un certain niveau de chiffre d’affaires. Nous n’avons pas vocation à investir sur des projets dits de « capital-risque » ou des sociétés en phase d’amorçage. Nous investissons généralement des montants compris entre 500kd’euros et 1,5 m d’euros. Jacques Vitali : « Le marché corse n’est pas facile, mais il est en phase de maturation». Comment fonctionnez-vous ? Nous entretenons des relations avec les partenaires privilégiés des entreprises corses : Banques, Experts comptables, Avocats, Conseils…. Et nous sommes aussi contactés en direct par les entrepreneurs corses. Nous rencontrons le porteur de projet pour bien comprendre son métier et l’évolution qu’il souhaite pour son entreprise : ce qu’il va faire, comment il va le faire, pourquoi il pense que cela va marcher… Nous l’aidons, si besoin, à affiner son projet. Nous réalisons une « contre-étude » du dossier (analyse du marché, des capacités de l’entreprise à conduire son développement, les points forts, points faibles…), nous échangeons avec le porteur de projet sur notre analyse puis nous présentons ce travail à notre comité pour avis et validation. Mais au-delà de rechercher des projets à financer, nous rencontrons aussi les entrepreneurs pour faire connaître le FIP qui n’existe que depuis 6 ans en Corse et qu’ils aient une bonne connaissance de tous les types de financement à leur disposition. On vous reproche souvent de rechercher des rendements importants des fonds que vous placez ? C’est vrai, il y a souvent une méprise sur notre métier, pourtant dans la réalité nous recherchons des rendements inférieurs à celui des actionnaires historiques de la société où nous investissons. Notre objectif est que l’entreprise où nous investissons prenne le plus de valeur possible, et que cette prise de valeur profite majoritairement à l’actionnaire historique pas au Fip. Semaine du 17 au 23 mai 2013 - P 3 (Photo D.R) Votre vision de l’économie corse ? La Corse a un potentiel de développement très important dans les domaines comme le tourisme et l’agroalimentaire mais aussi dans des secteurs où tout reste à faire comme le green market, les nouvelles technologies de la communication… Le problème de la Corse est qu’elle est à l’écart « des routes de la finance », les moyens pour soutenir le développement de projets innovants ou de transmission sont limités. Il faut des outils financiers adaptés à la Corse, faire évoluer la réglementation des Fip Corses pour prendre en considération les spécificités de l’île et le relatif désintérêt des Investisseurs pour ce territoire : Permettre aux Fip corses d’investir dans des opérations de transmission, ce marché va se développer en raison du papy-boom. Utiliser les Fip en partie comme des FCPI (Fonds Communs de Placements dans l’Innovation) pour épauler les sociétés innovantes dans leur développement. Pour cela Il serait nécessaire de permettre aux Fip corses de disposer réglementairement, à l’instar des FCPI, d’une garantie Oséo. Mais si on veut que d’autres investisseurs se penchent sur le territoire corse, il faut montrer que la Corse est normalisée et que le rendement que peuvent attendre les Fonds d’investissement est peu ou prou le même que sur le continent. Les premiers Fip corses devraient rendus aux souscripteurs dans 2 ou 3 ans, si le rendement est dans la norme ce sera un signal fort et on pourra alors espérer une arrivée plus importante de capitaux en Corse. Paul ANTONIETTI