Subordonnants et subordination : frontières

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Subordonnants et subordination : frontières
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La dénition et la fonction de la conjonction dans la tradition
grammaticale latine et dans les premières grammaires françaises
Bernard Colombat
Langages / Volume 2013 / Issue 190 / June 2013, pp 13 - 31
DOI: 10.3917/lang.190.0013, Published online: 31 January 2014
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Bernard Colombat (2013). La dénition et la fonction de la conjonction dans la tradition grammaticale latine et dans les
premières grammaires françaises. Langages, 2013, pp 13-31 doi:10.3917/lang.190.0013
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“LG_190” (Col. : RevueLangages) — 2013/7/17 — 18:00 — page 13 — #13
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Bernard Colombat
Université Paris Diderot & Laboratoire ‘Histoire des théories linguistiques’ (CNRS UMR
7597)
La définition et la fonction de la conjonction dans la
tradition grammaticale latine et dans les premières
grammaires françaises
Nous voudrions dans cet article essayer de montrer que la variation des définitions de la conjonction dans la grammaire antique a donné lieu à des interprétations différentes dans le cours du développement de la grammaire latine,
puis dans les premières grammaires françaises. La tension essentielle a été en
fait de savoir si la conjonction lie des parties du discours ou des énoncés. Dans
une certaine mesure, cette opposition préfigure la division – bien plus tardive –
entre conjonction de coordination et conjonction de subordination, mais dans
une certaine mesure seulement, car tant la problématique de départ que les
textes fondateurs initiaux orientaient la réflexion dans une voie assez différente.
Il s’agira principalement de fournir des textes représentatifs selon nous de la
réflexion sur le long terme, dans leur version originale et en traduction.
1. LA GRAMMAIRE LATINE ANTIQUE
La conjonction chez les Latins a été étudiée de façon approfondie par M. Baratin
dans le long « Prologue » de son livre La naissance de la syntaxe à Rome (1989 : 15114). Nous ne ferons que résumer les grandes lignes de cette étude magistrale,
nous intéressant surtout aux divergences qui pouvaient être introduites par
l’existence originelle de deux, voire trois lignes définitoires.
On sait que, dans la tradition de la grammaire latine, deux ouvrages principalement ont conditionné la description : l’Ars de Donat (IVe siècle) et l’Ars
de Priscien (début du VIe siècle), les grammairiens ultérieurs ayant tenté d’en
faire une synthèse, ce qui était parfois difficile, soit à cause des divergences (c’est
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le cas pour la conjonction), soit même des contradictions (ce qui est le cas par
exemple pour la définition et la délimitation du pronom). Ce sont donc les deux
ouvrages que nous examinerons principalement dans la grammaire antique.
L’Ars Donati est elle-même divisée en Ars minor, traité élémentaire (sous
forme de questions/réponses) axé sur les parties du discours et les catégories
linguistiques qui les affectent, ce que les Anciens appellent les accidents des
parties du discours, et en Ars maior, traité plus important, qui reprend, sur le
mode assertif, les données de l’Ars minor, en y ajoutant d’autres éléments. Sur
la question de la conjonction, aucune différence notable n’existe entre les deux ;
nous donnons le texte de l’Ars maior :
Coniunctio est pars orationis adnectens ordinansque sententiam. Coniunctioni accidunt tria, potestas, figura, ordo.
Potestas coniunctionum in quinque species diuiditur. Sunt enim copulatiuae, disiunctiuae, expletiuae, causales, rationales. (Donat, Ars maior : 646.14-17 H.)
« La conjonction est une partie du discours qui unifie et organise la pensée. La
conjonction a trois accidents : la potentialité, la figure, l’ordre. | La potentialité des
conjonctions se subdivise en cinq espèces. Il y a en effet les copulatives, les disjonctives,
les explétives, les causales, les rationnelles. » 1
Cette définition est dominante dans les Artes, c’est-à-dire les traités grammaticaux antiques, avec de légères variantes : on trouve nectens, conectens ou copulans
au lieu de adnectens, alors que ordinans est stable (cf. Baratin, 1989 : 48). Il a été
remarqué que cette définition est proche de celle de la Tekhnê de Denys le Thrace,
mais qu’elle n’en comporte pas la fin :
Sundesmos esti lexis sundeousa dianoian meta taxeôs kai to tês hermêneias kekhênos
dêlousa.
« La conjonction est un mot qui conjoint la pensée en ordonnant, et qui révèle l’implicite de l’expression. » (Lallot, 1998 : 65)
Selon M. Baratin (1989 : 50), « dans la mesure où cette définition latine apparaît
dans l’ensemble de la tradition artigraphique depuis Palémon, on peut penser
que c’est lui qui l’a traduite du grec, vers le milieu du Ier siècle de notre ère ».
Mais il existe une autre définition, proposée par Diomède et Priscien. Diomède
propose cette première définition :
Coniunctio est pars orationis indeclinabilis copulans sermonem et coniungens uim et
ordinem partium orationis. (Grammatici Latini 1, 415.13-14)
1. Une remarque préliminaire s’impose pour la traduction de ces textes, traduction que nous avons essayé
d’unifier. Ainsi le syntagme partes orationis a été traduit systématiquement par « parties du discours », et non
par « parties de phrase » ou « constituants de l’énoncé », traductions proposées par les antiquisants et tout aussi,
voire plus légitimes, dans le contexte antique, mais qui masqueraient la continuité avec les syntagmes parties
d’oraison et parties du discours reconnus dans la plupart des grammaires françaises. De même, nous avons, pour
la même raison, gardé les calques français pour les termes désignant les catégories de conjonctions, alors que
copulativae « copulatives » aurait pu être traduit par « coordinatives » et rationales l’aurait été plus clairement
par « argumentatives » que par « rationnelles » (sur ces questions et la comparaison des terminologies, voir
l’introduction [7] à l’éd. des livres 14-16 de l’Ars Prisciani par le Groupe Ars Grammatica).
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La définition et la fonction de la conjonction dans la tradition grammaticale
« La conjonction est une partie du discours invariable qui unifie ce qu’on dit et qui
joint la valeur et l’ordre des parties du discours. »
mais enchaîne très vite sur la définition de Palémon, qui appartient au premier
groupe. La partie finale de la définition est obscure et il a été proposé de remplacer coniungens par demonstrans (voir Baratin, 1989 : 51).
Chez Priscien, il y a plusieurs définitions :
– Il y a d’abord celles qui se trouvent dans son court ouvrage didactique, les
Partitiones duodecim uersuum Aeneidos principalium [Analyse par énumération
des parties des douze vers de l’Énéide qui débutent chaque chant] :
pars orationis conectens ordinansque sententiam
pars orationis adnectens ordinansque sententiam
pars orationis adnectens ordinansque sententias (voir Baratin, 1989 : 49)
qui sont fidèles à la tradition artigraphique, avec une mention spéciale pour
le pluriel sententias (« les pensées » et non plus « la pensée ») de la dernière
définition ;
– Il y a ensuite celles données dans son ouvrage majeur en 18 livres, l’Ars Prisciani 2 . Les parties du discours sont définies en deux endroits, au livre 2, où
elles sont caractérisées successivement en fonction de la propriété spécifique
de chacune d’entre elles, puis dans le livre qui leur est consacré, en l’occurrence le livre 16 de l’Ars pour la conjonction :
Proprium est coniunctionis diuersa nomina uel quascumque dictiones casuales uel
diuersa uerba uel aduerbia coniungere, ut et Terentius et Cicero, uel Terentius uel Cicero ;
et formosus et sapiens, uel formosus uel sapiens ; et legens et scribens, uel legens uel scribens ;
et ego et tu, uel ego uel tu ; et facio et dico, uel facio uel dico ; et bene et celeriter, uel bene uel
celeriter. (Ars Prisciani, livre 2, Grammatici Latini 2, 56.16-21)
« Le propre de la conjonction est de conjoindre différents noms, ou tous les mots à cas,
ou différents verbes ou adverbes, comme Térence et Cicéron, Térence ou Cicéron ; beau et
sage, beau ou sage ; lisant et écrivant, lisant ou écrivant ; moi et toi, moi ou toi ; je fais et je
dis, je fais ou je dis ; bien et rapidement, bien ou rapidement. »
La conjonction est définie exclusivement par son lien entre les parties du discours,
avec, de façon systématique, des exemples successivement de noms, d’adjectifs,
de participes, de pronoms, de verbes et d’adverbes associés deux par deux à et
puis à uel comme éléments coordonnants. Le côté systématique de la présentation
sera important pour la suite, car les grammairiens insisteront sur l’homogénéité
nécessaire des éléments conjoints.
La définition est plus complète, et plus complexe, dans le livre 16 :
Coniunctio est pars orationis indeclinabilis, coniunctiua aliarum partium orationis,
quibus consignificat, uim uel ordinationem demonstrans : uim, quando simul esse
res aliquas significat, ut et pius et fortis fuit Aeneas, ordinem, quando consequentiam
2. Le nom traditionnel, Institutiones grammaticae, apocryphe, a été abandonné récemment suite à des
recherches sur la genèse de l’œuvre.
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aliquarum demonstrat rerum, ut si ambulat, mouetur. Sequitur enim ambulationem
motus, non tamen etiam motum omnimodo sequitur ambulatio. Potest enim aliquis
et sedens et accumbens moueri, ambulare autem sine motu non potest.
Accidunt igitur coniunctioni figura et species, quam alii potestatem nominant, quae
est in significatione coniunctionum, praeterea ordo. (Ars Prisciani, livre 16, Grammatici
Latini 3, 93.2-10)
« La conjonction est une partie du discours invariable qui sert à joindre d’autres
parties du discours – avec lesquelles elle est co-signifiante –, en indiquant valeur ou
ordonnancement : valeur, quand la conjonction signifie que des éléments existent
conjointement, comme et pius et fortis fuit Aeneas [Énée était pieux et courageux] ; ordre,
quand elle indique une succession logique entre des éléments, comme si ambulat,
mouetur [s’il marche, il se déplace] : du fait qu’on marche, il s’ensuit en effet qu’on se
déplace, tandis que du fait qu’on se déplace il ne s’ensuit pas nécessairement qu’on
marche (on peut se déplacer tout en restant assis ou couché, tandis qu’il est impossible
de marcher sans qu’il y ait déplacement).
Les accidents de la conjonction sont la figure et l’espèce, encore appelée potentialité,
et qui réside dans la signification des conjonctions, et puis aussi la place. »
Là aussi, il a été montré que cette définition remonte en fait à Héliodore, scholiaste commentateur de la Tekhnè de Denys le Thrace :
Sundesmos esti meros logou akliton, sundetikon tôn tou logou merôn, hois kai
sussêmainei, ê taxin ê dunamin paristôn. (Grammatici Graeci 1 (III), 102.15-18)
dont elle est la traduction littérale. Comme l’a montré M. Baratin (1989 : 45-46),
les deux termes taxis et dunamis font référence soit à un ordre (taxis) des éléments
(il y a des énoncés antéposés et des énoncés postposés, comme lorsqu’on utilise
la conjonction epei « puisque ») soit à une valeur (dunamis) qui correspond à une
modalité assertive, mais non à une hiérarchisation (par exemple lorsqu’on utilise
kai « et »). L’originalité de l’analyse de Priscien (Baratin, 1989 : 52-53) est que,
dans l’exemple donné, la conjonction ne relie plus des énoncés susceptibles de
modalisation assertive (par exemple, « je marche et je me déplace » opposable
à « je me déplace puisque je marche »), mais « simplement [...] une jonction
de termes quelconques qui ne constituaient pas par eux-mêmes des énoncés »,
en l’occurrence deux adjectifs associés : et pius et fortis Aeneas. M. Baratin en
conclut :
Ce contresens, car il n’y a là rien de délibéré, remplaçait le couple hétérogène de la
hiérarchisation et de la modalisation par un autre couple, antithétique mais homogène,
où l’on voit les prémisses d’une opposition destinée à un brillant avenir, celle de la
coordination (concomitance des éléments joints) et de la subordination (hiérarchie de
ces éléments). Obscure et coupable naissance ! (Baratin, 1989 : 53)
L’opposition entre coordination et subordination ne se produira que bien plus
tard (puisqu’elle date du XIXe siècle), mais il est intéressant d’étudier dans la
suite de la tradition l’évolution de la définition de la conjonction et, notamment,
le sort de cette opposition entre uis et ordinatio. En même temps, il ne faut oublier
ni la définition artigraphique standard, représentée par le texte de Donat, ni la
définition donnée au livre 2 de l’Ars Prisciani, qui se contente d’indiquer comme
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La définition et la fonction de la conjonction dans la tradition grammaticale
rôle pour la conjonction l’association d’occurrences d’entités homogènes dans
une analyse qui n’est pas de type propositionnel.
Il est utile de faire trois remarques supplémentaires, à propos de ce passage
du livre 16 de l’Ars Prisciani :
– il est remarquable que uis et ordinatio/ordo ne sont pas présentés comme des
accidents de la conjonction, à la différence de la figure (simple ou composée),
de l’espèce ou potentialité et de l’ordre (au sens de « place ») ; ce sont les
éléments terminaux de la définition qui, si elle est tronquée, reste conforme à
celle donnée au livre 2 ;
– à la fin de ce livre 16, précisément, ordo a un sens différent, puisqu’il désigne,
banalement, et comme chez Donat, la « place » même de la conjonction,
qui peut se mettre soit en position antécédente, soit en postposition, soit
indifféremment avant ou après les autres mots de l’énoncé ;
– alors que Donat et la plupart des autres artigraphes latins ne distinguent que
cinq types de conjonctions (cf. supra), Priscien propose, au début du livre 16,
une liste beaucoup plus longue (17 conjonctions, dont 15 effectivement traitées dans la suite du développement) et qui pose des problèmes complexes,
du fait des chevauchements et des sous-catégories (pour une tentative de
reconstruction, voir Baratin, 1989 : 109-113). Retenons simplement ici que la
suite de la tradition sera confrontée à une liste courte, bien établie, et à une
liste longue, beaucoup plus floue, mais commençant par les copulatives [coordinatives] et les continuatives [implicatives], dont les prototypes et et si ont
servi de modèles pour définir le fonctionnement de la conjonction dans le
texte initial du livre 16.
2. LA GRAMMAIRE MÉDIÉVALE
Examinons une série de définitions médiévales, avec en premier lieu celle d’Isidore de Séville.
Coniunctio dicta, quod sensus sententiasque coniungat. Haec enim per se nihil valet,
sed in copulatione sermonum quasi quoddam exhibet glutinum. Aut enim nomina
sociat, ut Augustinus et Hieronymus : aut verba, ut scribit et legit. Vna autem vis
omnium, sive copulent, sive disiungant. (Isidore de Séville, Etymologiae, livre 1, 12.1)
« La conjonction a été ainsi appelée parce qu’elle conjoint les sens et les pensées. Par
elle-même en effet elle n’a aucune valeur, mais dans l’assemblage du discours elle
manifeste pour ainsi dire une sorte de colle. En effet, elle associe ou des noms, comme
Augustin et Jérôme, ou des verbes, comme il écrit et il lit. Toutes ont une seule valeur :
ou bien elles coordonnent, ou bien elles disjoignent. »
Le texte, composé autour de 620/626, ne subit pas encore l’influence de Priscien,
et le terme uis est utilisé dans un sens différent, qui correspond plutôt à la potestas
de Donat. Deux valeurs essentielles sont retenues, conjonction et disjonction, ce
qui n’empêche pas Isidore d’énumérer ensuite les différentes catégories définies
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à la fois sur le critère sémantique et sur celui de la place. Il est précisé, en outre,
que les éléments joints sont des noms ou des verbes.
Aux VIIIe -IXe siècle, la grammaire carolingienne a intégré la tradition priscianienne, qu’elle privilégie même, comme le montre ce passage de l’ouvrage
dialogué (entre Saxo et Franco) d’Alcuin, le grammairien de Charlemagne :
S AXO. Coniunctio est pars orationis indeclinabilis, coniunctiua et significatiua [Ms.
consignificatiua], aliarum partium uim et ordinationem demonstrans. | F R. Quomodo
uim et ordinationem demonstrans ? – S AXO. Vim, quando aliquas res simul significat, ut, et pius et fortis fuit Aeneas. Ordinationem, quando consequentiam aliquarum demonstrat rerum : ut si ambulat, mouetur ; sequitur enim ambulationem motus.
(Alcuin, Grammatica, PL, 100 : 895)
« S AXO. La conjonction est une partie du discours indéclinable, conjonctive et significative [Ms. consignificative], montrant la valeur et l’ordonnancement des autres
parties. F R. Montrant comment la valeur et l’ordonnancement ? – S AXO. La valeur
quand elle signifie que des éléments existent conjointement, comme Énée était pieux et
courageux. L’ordonnancement, quand elle indique une succession logique entre des
éléments, comme S’il marche, il se déplace : du fait qu’on marche, il s’ensuit en effet
qu’on se déplace. »
C’est le texte du livre 16 de l’Ars Prisciani qui est repris avec de petits changements : la création du terme (con-)significatiua, au lieu de la relative initiale
(quibus consignificat), et le rattachement de aliarum partium à la suite, c’est-à-dire
à uim et ordinationem. Faisant une petite concession à Donat, Alcuin rappelle que,
selon ce dernier, il y a cinq espèces de conjonctions, et même s’il y en a plus
selon Priscien, ces cinq sont les principales qui chapeautent les autres : « Sed hae
quinque principales sunt, aliasque in se continentes species. »
Au XIIe siècle, la Summa super Priscianum (ca 1140) de Pierre Hélie constitue
le commentaire autorisé de l’Ars Prisciani, et elle sera donc constamment citée
tout au long du Moyen Âge :
Causa [...] inventionis coniunctionum est hec, uidelicet, ut haberemus qualiter vel
duo causalia cum eodem verbo iungere possemus ut Et Socrates et Plato disputant [...],
vel duo verba cum uno casuali ut Plato legit et disputat, vel duo aduerbia cum eodem
verbo ut Et bene et docte legit. [...].
Quod autem auctor apponit, uim et ordinationem, non est, ut opinor, de corpore descriptionis sed quedam diuisio coniunctionis. Vim enim intellegit auctor copulationem
quando, scilicet, coniungit duas substantias cum uno accidente vel econverso diversa
accidentia cum diuersis substantiis, et, ut absolutius dicam, vim vocat potestatem
omnium coniunctionum nisi continuativarum vel subcontinativarum.
Ordinem vero vocat consequentiam, quando, scilicet, coniunctio demonstrat aliquarum rerum consecutionem, id est, quod una res naturali necessitate consequitur aliam.
Qui ordo in solis continuativis et subcontinativis consideratur. Hic autem ordo vult
certus esse nec exigit conversionem, ut Si ambulat, mouetur. Neque enim conuertitur. Quod si pares terminos ponas, consequentia quidem erit necessaria sed ordo
improprius. (Summa super Priscianum, 1993 : 810.5-8 et 811.20-32 R.)
« La cause de l’invention des conjonctions est la suivante : c’est que nous ayons les
moyens de pouvoir joindre soit deux casuels avec un seul et même verbe, comme
Socrate et Platon discutent, soit deux verbes avec un seul casuel, comme Platon lit et
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La définition et la fonction de la conjonction dans la tradition grammaticale
discute, soit deux adverbes avec un seul et même verbe, comme il lit bien et savamment
[...].
Et si l’auteur [Priscien] ajoute valeur et ordonnancement, il ne s’agit pas, à mon avis,
du corps de la définition, mais d’une division des conjonctions. L’auteur en effet
comprend la valeur au sens de coordination, quand, par ex., il joint deux substances
avec un accident, ou, à l’inverse, différents accidents avec différentes substances,
et, pour parler de façon plus catégorique, il appelle valeur la potentialité de toutes
les conjonctions hormis les continuatives [implicatives] et les subcontinatives [paraimplicatives].
Et il appelle l’ordre la succession logique, quand, par exemple, la conjonction manifeste
un enchaînement des éléments, c’est-à-dire le fait qu’un élément découle d’un autre
par une nécessité naturelle. Cet ordre est pris en compte par les seules continuatives et
les subcontinuatives. Il est imposé que cet ordre soit fixe et il ne supporte la conversion,
par ex. S’il marche, il se déplace. Il n’y a pas en effet de conversion. Et si tu utilises
des éléments équivalents, il y aura nécessairement enchainement, mais l’ordre sera
impropre. »
Pierre Hélie considère que le couple constitué par les deux concepts de valeur et
d’ordonnancement ne fait pas partie du « corps de la définition » mais constitue
une première division. Il en tire une opposition :
– entre les conjonctions relevant de la uis qui relient par exemple deux substances avec un accident ou, à l’inverse, deux accidents avec une substance
(l’analyse étant rendue possible par la division, alors toute nouvelle, du nom
en substantif et adjectif [Rosier 1992]),
– et les conjonctions relevant de l’ordo et indiquant des opérations logiques, à
savoir les continuatives (dont si est le prototype) et les subcontinuatives (chez
Priscien : quoniam, quia).
La division en valeur et ordre passe dans la grammaire didactique et notamment dans les ouvrages versifiés, comme le montre par exemple le très populaire
Graecismus d’Évrard de Béthune (ca 1200) :
A iungo iungis coniunctio dicitur esse,
Nam iungit partes nomina uerba simul.
Res simul esse notans coniunctio uim notat, ordo
Significatur ab hac, cum notat ipsa sequi.
Sortes 3 et Plato currunt, uis adesto, mouetur,
Si currit 4 dicas, ordo notatur ibi. (Graecismus, chap. 22, vers 1-6)
« La conjonction reçoit sa dénomination du verbe joindre, | car elle joint ensemble des
parties <du discours>, des noms, des verbes. | Quand elle marque que des éléments
existent conjointement, elle marque la valeur, et c’est l’ordre | qui est exprimé par elle
quand elle marque que ces éléments s’ensuivent : Socrate et Platon courent, qu’il y ait
là la valeur, mais si on change et qu’on dise : S’il court, c’est l’ordre qu’on note ici. »
3. Sic pour Socrates, crétique (longue – brève – longue) qui n’entre pas dans l’hexamètre dactylique.
4. Dans l’édition de Wrobel (Breslau, G. Koebner, 1887 : 201), si est en romain, donc en dehors de l’exemple.
Selon nous, il faut l’intégrer.
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Le dernier texte médiéval que nous donnerons est une grammaire modiste : la
Grammatica speculatiua de Thomas d’Erfurt (ca 1300-1310) :
Coniunctio. Modus significandi essentialis coniunctionis generalissimus est modus
significandi per modum coniungentis duo extrema ; et sumitur iste modus significandi a proprietate coniunguentis et unientis in rebus extra. Coniunctio ergo est pars
orationis, per modum coniungentis duo extrema significans.
Coniunctionis modi subalterni. Sub modo essentiali generalissimo coniunctionis, ad
modos subalternos, per divisionem descendamus. Diuiditur autem iste modus coniungentis duo extrema in modum coniungentis duo extrema per uim, et in modum
coniungentis duo extrema per ordinem. Et hos duos modos Donatus appellat potestates [...].
Coniunctio per uim (copulatiua et disiunctiua). Modus significandi per modum coniungentis duo extrema per uim est modus significandi, uniendi duo extrema, quae inter
se dependentia non habent, ut duo substantiva, vel duo adjectiva, vel duas orationes,
inter se ordinem non habentes [...].
Coniunctio per ordinem (causalis, rationalis et expletiua). Item modus significandi per
modum coniungentis duo extrema secundum ordinem est modus unientis duo
extrema per ordinem inclinata. (Grammatica Speculativa, 1972 : [257]-[259])
Nous ne traduirons pas ce texte, dont nous n’avons donné que l’ossature, mais
le commenterons pas à pas. Le mode de signifier essentiel le plus général
de la conjonction est de joindre deux polarités. Ses deux modes de signifier
subalternes consistent précisément à conjoindre par valeur ou par ordre, ce que
Donat appelle des potestates (potentialités), mais dont il a le tort de faire des
accidents – notons au passage la tentative, maladroite, de conciliation entre les
deux sources originelles – puisque la potentialité dans la conjonction consiste
dans un mode spécifique de conjonction. La coniunctio per uim concerne des
polarités qui n’ont pas de dépendances entre elles, comme deux substantifs,
deux adjectifs, ou même deux phrases. Elle se subdivise en deux selon que
le mode conjoint deux polarités en prenant en compte un troisième élément
(modus significandi per modum coniugentis duo extrema inter se, et respectu alicuius
tertii), ce qui donne lieu aux copulatives, ou qu’il conjoint deux polarités en les
différenciant sur la base d’un troisième élément (modus significandi per modum
coniugentis duo extrema inter se, distinguendo ea respectu tertii), ce qui donne lieu aux
disjonctives. Quant à la coniunctio per ordinem, elle prend en compte la relation
de dépendance d’un élément par rapport à l’autre, que cet élément soit la cause
de l’autre, et on a affaire aux causales, ou qu’il en soit le résultat, et on a affaire
aux rationales, les expletivae n’étant qu’un ornement des deux polarités conjointes.
Une même conjonction peut appartenir à deux catégories : ergo est une causale
dans Socrates currit, ergo mouetur, où elle indique la cause de la conséquence ; c’est
une rationnelle [argumentative] dans terra interponitur inter solem et lunam ; ergo
luna eclipsatur, où elle indique la conséquence elle-même (Grammatica Speculativa,
1972 : [259]-[260]).
Le plus remarquable est que la réorganisation se fait autour des cinq catégories de Donat, mais à partir des deux concepts de Priscien, avec les copulatives et
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La définition et la fonction de la conjonction dans la tradition grammaticale
disjonctives attribuées à la valeur – dont n’est pas exclue la phrase –, les causales
et rationnelles à l’ordre.
3. LA PREMIÈRE GRAMMAIRE LATINE HUMANISTE
Dans la première grammaire humaniste, qui prend la forme d’ouvrages didactiques courts, on retrouve soit la définition donatienne de la conjonction fondée
sur l’unification et l’organisation de la pensée, soit celle héritée du livre 2 de
Priscien, fondée sur la liaison des parties du discours. Mais ces ouvrages abandonnent l’opposition priscianienne entre uis et ordo :
Quid est Coniunctio ? Est Pars orationis indeclinabilis adnectens ordinansque sententiam. (Perotti, 1475 : f. [35]r ; 18 espèces, très proches de celles de Priscien)
Coniunctio est pars orationis indeclinabilis coniunctiua aliarum partium orationis [...].
Potestas est uis quae coniungit : approbat, affirmat, continuat & similia peragit. (Sulpitius, ca 1485 : f. a[vi]r )
Coniunctio est pars orationis indeclinabilis connectens ordinansque sententiam.
(Nebrija, 1510 : f. 39v ; 13 catégories)
Et quae pars est ? coniunctio ? Quare ? qui coniungit caeteras partes orationis. (Alde
Manuce, 1508 : f. i vir ; 18 espèces)
Coniunctio quid est ? Pars oratiônis annectens ordinansque sententiam. (Despautère,
1585 [ca 1506] : 61 ; p. 19 : 5 espèces, celles de Donat)
En revanche, certains grammairiens précisent que la conjonction relie des éléments homogènes, ce que laissait supposer la formulation de Priscien au livre 2, et
ce qui donne lieu à des règles syntaxiques, ainsi dans ces vers de J. Despautère :
Consimileis optant [sic] casus conuiunctio, quarens
Consimileisque modos, si non regimen varietur. (Despautère, 1527, f. xiijr )
« La conjonction désire des cas identiques, souhaitant | également des modes identiques, à moins qu’il n’y ait variation du régime. »
Le commentaire explique en quoi consiste cette variation du régime :
Quot modis per coniunctionem diuersi casus connectuntur ? Tribus modis. Primo.
Quando post adiectiuum sequitur cum adiectiuo dictio partis aut proprietatis, ut rex
fortissimus & magnae prudentiae [...]. Secundo inter pronomen possessiuum & alium
casum, ut penna mea & Petri. Tertio, ubi dictio in eodem sensu regit diuersos casus ut
interest mea & Petri. (Despautère, « De coniunctis in diuerso casu », 1527, f. xiijr-v )
« En combien de manières des cas différents sont-ils associés par la conjonction ? En
trois manières. Premièrement, quand après un adjectif on trouve un mot de la partie
ou de la propriété avec un adjectif, comme rex fortissimus & magnae prudentiae [un
roi très courageux et d’une grande sagesse] [...]. Deuxièmement, entre un pronom
possessif et un autre cas, comme penna mea & Petri [ma plume et <celle de> Pierre].
Troisièmement, quand un mot régit avec le même sens des cas différents, comme
interest mea [abl. du possessif] & Petri [génitif ; il m’importe et il importe à Pierre]. »
Ces contraintes sur les éléments liés par la conjonction, avec des exceptions
dûment répertoriées et justifiées, sont en fait un héritage de la grammaire scolaire
médiévale, sur la base du texte du livre 2 de l’Ars Prisciani. Ainsi trouve-t-on
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Subordonnants et subordination : frontières, chevauchements et cas limites
dans l’ouvrage en vers d’Alexandre de Villedieu, le Doctrinale (ca 1200), qui est
de loin l’ouvrage le plus diffusé au Moyen Âge, les vers suivants :
Iungere non poterit coniunctio mobile fixo ;
iungit diuersa coniunctio significata. (Doctrinale, vers 1531-1532)
« La conjonction ne pourra pas joindre le mobile [l’adjectif] au fixe [au substantif] :
elle joint <en effet> des signifiés différents. »
Ces vers à fonction mnémotechnique, mais un peu obscurs pour un moderne,
s’éclairent à la lumière du commentaire de Ludovicus de Guaschis (fl. 14001450) :
Quasi dicat quod inter adiectiuum et substantiuum non potest cadere copula diuersitatis : quia coniunctio copulatiua iungit diuersa significata, id est dictiones pertinentes
ad diuersa, sed adiectiua et substantiua pertinent ad idem, unde incongrue diceretur :
Petrus et albus currit. (Doctrinale cum commento, 1519)
« C’est comme s’il disait qu’entre l’adjectif et le substantif ne peut s’interposer une
copule [coordination] marquant la diversité : parce que la conjonction copulative
conjoint des signifiés différents, c’est-à-dire des mots se rapportant à des éléments
différents, mais adjectifs et substantifs se rapportent au même référent, ce qui fait
qu’il serait incorrect de dire : *Pierre et blanc court. »
4. LA DEUXIÈME GRAMMAIRE LATINE HUMANISTE : LA
CONJONCTION LIE DES PHRASES
La première grammaire humaniste n’installait ses règles qu’au niveau morphosyntaxique. Les ouvrages de la seconde génération cherchent à formuler des
principes plus généraux, et on trouve dans le De emendata structura Latini sermonis de T. Linacre (1524), un ouvrage axé sur la syntaxe, l’idée que la conjonction
se définit non pas au niveau du mot mais à celui du morceau de phrase, ce que
l’on peut appeler le syntagme (clausula) :
Coniunctio est pars orationis, quae clausulas in sermone apte coniungit. Aliter.
Coniunctio est pars orationis, quae clausularum inter se connexum declarans, plurimum ad orationis claritatem confert. Aliter. Quae tantum habitudinem clausularum
inter se in sermone definit. (De emendata, 1524 : f. 32v )
« La conjonction est une partie du discours qui conjoint de façon adéquate les syntagmes dans le langage. Autrement : la conjonction est la partie du discours qui,
marquant la connexion réciproque des syntagmes, contribue le plus à la clarté du discours. Autrement : c’est la partie du discours qui délimite seulement le comportement
réciproque des syntagmes dans le langage. »
Dans le De causis de J.-C. Scaliger, toujours très critique à l’égard de ses prédécesseurs et qui n’hésite pas à jouer sur le sens de coniungere (« les parties du discours
se conjoignent bien toutes seules ! »), la conjonction ne relie pas simplement des
parties du discours, ni des syntagmes comme chez T. Linacre, mais des énoncés
(orationes) :
Coniunctionis autem notionem ueteres paulo inconsultius prodidere : neque enim,
quod aiunt, partes alias coniungit : ipsae enim partes per se inter se coniunguntur :
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La définition et la fonction de la conjonction dans la tradition grammaticale
Verbum nanque Nomini iungitur affinitate numeri, & personae. Sed Coniunctio est,
quae coniungit orationes plures, siue actu, siue potestate : nam, Caesar pugnat, Caesar
scribit, duae sunt orationes separatae, quae Coniunctione in unum coalescent : actu
igitur duae sunt : at Caesar & pugnat, & scribit, potestate duae sunt : quoniam Caesar
bis est repetendus. (Scaliger, 1540 : 323)
« Quant à la notion de conjonction, les anciens l’ont transmise un peu trop inconsidérément. Et de fait, elle ne “conjoint” pas, comme ils disent, “les autres parties <du
discours>” : ce sont en fait les parties du discours comme telles, qui, par elles-mêmes,
se conjoignent entre elles : ainsi par exemple le verbe se joint au nom en s’alliant à
lui en nombre et en personne. La conjonction consiste bien plutôt à conjoindre des
énoncés qui sont plusieurs soit en acte, soit en puissance : ainsi, César combat, César
écrit, sont deux énoncés séparés, qui, grâce à une conjonction, fusionneront en un seul.
En acte, donc, on en a deux. En revanche, avec César à la fois combat et écrit, on en a
deux en puissance puisqu’il faut remonter deux fois à César. »
Pour F. Sanctius (Minerva, 1587), repris par C. Scioppius (Grammatica Philosophica,
1664 : 17 : « Quid est coniunctio ? Est uox expers numeri, qua orationes coniunguntur »), la conjonction ne relie pas « des cas semblables », comme l’ont dit à
tort J. Despautère et, avant lui, Alexandre de Villedieu, mais des sententiae ou
des orationes :
Coniunctio non iungit similes casus, ut inepte traditur, sed tantum iungit sententias.
Nam quum dicis : Emi equum centum aureis, & pluris, Syntaxis est : Ego emi equum
centum aureis, & ego emi equum pretio pluris aeris ; Petrus et Paulus disputant, idest
Petrus disputat, & Paulus disputat. (Sanctius, 1587 : f. 43v )
« La conjonction ne joint pas des cas semblables, comme on le dit inexactement ; elle
ne joint que des phrases. En effet, quand on dit emi equum centum aureis et pluris [j’ai
acheté un cheval cent pièces d’or et plus], la syntaxe est ego emi equum centum aureis et
ego emi equum pretio pluris aeris [litt. ‘j’ai acheté un cheval cent pièces d’or et j’ai acheté
un cheval à un prix de plus d’argent’]. Petrus et Paulus disputant, c’est Petrus disputat,
et Paulus disputat [Pierre discute, et Paul discute]. »
Coniunctio neque casus, neque alias partes orationis, ut imperiti docent, coniungit.
Ipsae enim partes inter se coniunguntur, ut nomen nomini, nomen uerbo, &c. Sed
coniunctio orationes inter se coniungunt. (Sanctius, 1587 : f. 148r-v )
« La conjonction ne relie ni des cas ni d’autres parties du discours comme l’enseignent
les ignorants. Les parties du discours en effet se joignent d’elles-mêmes les unes aux
autres, par ex. le nom au nom, le verbe au verbe, etc. Mais la conjonction relie des
énoncés entre eux. »
Dans les notes de son commentaire de la Minerve, J. Perizonius conteste cette
analyse extrême :
Quando duo Nomina referuntur ad Unum Verbum, aut ab uno pariter dependent,
quid opus est, ea distrahere in duas sententias et contructiones, ut duplex uideatur
actio, quae simplex et una est ? (Perizonius, 1687 : 158, note)
« Quand deux noms se rapportent à un seul verbe, ou dépendent de façon équivalente
d’un même verbe, à quoi bon les disjoindre en deux phrases et deux constructions, en
sorte qu’apparaisse double une action qui est simple et unique ? »
J. Perizonius poursuit en montrant que l’on ne peut analyser en deux phrases
Emi librum X drachmis et IV obolas « J’ai acheté un livre 10 drachmes et 4 oboles »,
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Subordonnants et subordination : frontières, chevauchements et cas limites
les deux éléments étant nécessaires pour établir le prix global dans une seule
opération d’achat et, de même, que l’on ne peut pas dissocier Saulus et Paulus
sunt idem (« Saül et Paul sont le même homme ») en Saulus est idem et Paulus est
idem, car « le premier membre n’a aucun sens », puisqu’il n’y a rien qui précède
à qui l’on puisse renvoyer le idem qu’il contient.
Toujours soucieux d’harmoniser les points de vue de ses prédécesseurs
dans une optique cumulative, G. J. Vossius associe la définition artigraphique
initiale, en préférant le pluriel (sententias au lieu de sententiam), avec l’idée que
la conjonction ne relie pas de simples voces, mais des voces complexae :
Coniunctio, quam Graeci sundesmon, nonnulli ad verbum, sed duriusculè, convinctionem nominant, est pars orationis connectens ordinansque sententias : prout a Comminiano
apud Charisium, & a Palaemone apud Diomedem non incommode definitur.
At parum recte illi qui dicunt coniungere verba : quandoquidem non simplices connectit voces, quatenus tales : sed voces complexas, quatenus constituunt pronunciata
plura vel reapse, vel potentiâ. Quomodo têi dunamei [potentiâ] duae sententiae, Catonem fuisse bonum & senatorem, & agricolam. (Vossius, 1695 : 270 ; le chapitre est intitulé :
Coniunctio quid. Proprie ea sententias, non verba connectit)
« La conjonction, que les Grecs appellent sundesmos, mais que quelques-uns nomment
<en traduisant> mot à mot, mais de façon un peu rude, conuinctio, est une partie
du discours qui unifie et organise les phrases 5 : dans la mesure où elle vient de
Comminianus chez Charisius, et de Palémon chez Diomède, elle ne porte pas mal
son nom. | Mais ils manquent par trop de précision, ceux qui disent qu’elle conjoint
des mots : de fait elle ne connecte pas de simples vocables, en tant que tels, mais des
vocables associés, dans la mesure où ils constituent des ensembles prononcés, soit en
réalité, soit en puissance. Ainsi, en puissance, il y a deux phrases dans (que) Caton était
à la fois un bon sénateur et un bon agriculteur. »
La transition vers la grammaire française nous sera fournie par la Nouvelle
Méthode latine de C. Lancelot, la première grammaire latine écrite en français, car
elle est assez représentative de l’opinion la plus répandue :
Les Conjonctions sont des Particules qui servent à joindre & unir ensemble les mots &
les periodes dans le discours. Les unes servent à unir les choses [...]. Les autres pour
separer [...]. Les autres pour conclure [...]. Les autres pour faire distinction [...]. Les
autres pour rendre raison [...]. (Lancelot, 16441 : 61-62)
5. LES PREMIÈRES GRAMMAIRES FRANÇAISES
Dans les premières grammaires françaises, ou du moins dans les premières
grammaires du latin en français, le latin restant la langue-cible, les définitions
sont laconiques : ainsi, dans le Quantes parties d’oroison sont ? (XIVe s.), est-il
simplement dit :
5. Sententia que l’on a traduit par « pensée » dans les textes antiques a un sens plus syntaxique ici comme
chez Sanctius.
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La définition et la fonction de la conjonction dans la tradition grammaticale
Qu’est conjunction ? Une partie d’oroison qui conjoint les autres parties en ordre.
(Donat, f. 51r a/b)
Le De octo partibus orationis libellus édité par R. Estienne (1585 : 20-21) propose
plus fidèlement une traduction mot à mot du texte de l’Ars minor :
C ONIUNCTIO quid est ? Qu’est-ce que vne Conionction ? D. Pars oratiônis annéctens,
ordinánsque senténtiam, C’est vne partie d’oraison qui lie et met en ordre une sentence.
tandis que les Principia grammaticalia de M. Morin (ca 1498) reprennent les règles
syntaxiques concernant l’homogénéité des éléments reliés par la conjonction :
Quelz cases doit conjoindre la conjunction ? Elle doit conjoindre semblabes cases, et
doit on mettre tel case aprés elle comme devant, mais elle ne peut estre mise entre le
substantif et son adjectif. Unde versus :
Iungere consimiles debet coniunctio casus,
Iungere non poterit coniunctio mobile fixo.
ces deux vers étant les vers 1505 et 1531 du Doctrinale d’A. de Villedieu.
Si l’on se tourne vers les vraies grammaires du français, c’est-à-dire les
ouvrages qui ont pour langue-cible la langue de Rabelais, on trouve assez
constamment l’idée que la conjonction relie les parties du discours les unes
aux autres et une proposition à une autre,
– soit que le terme utilisé soit sentence, ainsi chez Palsgrave :
Conjunctions be suche as serve to joyne all the other partes of speche toguyder, one
with another, and to make one sentence to folowe upon another in a mater. (Palsgrave,
1852 [1530] : 148)
« Les conjonctions sont des mots qui servent à relier les autres parties du discours entre
elles, et à faire suivre une proposition à une autre dans la phrase. » (trad. Baddeley,
2003 : 532 6 )
– soit qu’il soit clause, chez L. Meigret et chez R. Estienne qui reprennent très
soigneusement toutes les catégories de termes associés présentées par Priscien
au livre 2, mais y ajoutent justement les propositions :
La conjonction est une partie du langage, indéclinable, sans articles, et sans aucun
gouvernement : conjoignant les autres espèces des parties : ou les clauses aux clauses
avec quelque signification. J’ai dit les mêmes espèces des parties : comme le nom
substantif au substantif, ou le pronom : comme Pie˛rr’, e˛ Alexandre, Çezar, e˛ moe˛ : ou
bien l’adjectif à l’adjectif : comme Çezar mañanim’ e˛ heureus : le pronom au pronom :
comme toe˛ e˛ moe˛, le participe au participe : comme le jalous brulant, e˛ ardant de jalouzíe :
ou bien le participe avec l’adjectif : comme un couhart [couard] e˛ laçhe, e˛t haí de˛s je˛ns de
bien : ou bien le verbe au verbe : comme il bre˛t e˛ críe. Quant aux prépositions, elles ne
peuvent être conjointes par la conjonction sans leur gouvernement : comme il a hurté
d’un livier ou d’une massúe. Elle conjoint aussi les adverbes : comme il va le˛nteme˛nt, e˛
pezamme˛nt. Finalement elle conjoint les clauses : comme il fe˛t l’home de bien, combien
6. Baddeley (ibid., note 1) remarque que sentence est pour Palsgrave une subdivision d’une unité plus
importante, qu’il appelle mater, d’où sa traduction par respectivement « proposition » et « phrase ».
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Subordonnants et subordination : frontières, chevauchements et cas limites
q’il soe˛t un grant uzurier. (Meigret in Hausmann, 1980 : 125-126 ; repris pratiquement
mot à mot par Estienne, 1557 : 82)
– soit qu’il soit oraison composée, chez P. Ramus :
Conjonxion et un mot san’ nombre, par lecel le’ parties de l’orezon compozee son’
conjointes. (Ramus, 1562 : 74-76)
D. Que est ce que conionction ? P. Conionction cest vng mot sans nombre, par lequel
les parties de loraison composee sont conioinctes. (Ramus, 1572 : 121-123)
A. Cauchie (1586 : f. 108r-v ) reprend à la fois le principe de l’homogénéité des
éléments liés, dont il donne des exemples pour le français, et l’idée que la
conjonction lie des phrases, même s’il ne donne des exemples qu’au niveau
du syntagme :
Conjunctio similes modos casusque copulans, sententiam sententiae annectit, ut
Louis est mon bon compagnon et ami [cas : nominatif] : aussi lui porte-je amitié et
honneur [cas : accusatif].
Vous lui avez promis un cheval et deux levriers [cas : accusatif].
Ie ne puis humer et souffler tout ensemble [mode : infinitif]
Elle pleure et rit. [mode : indicatif]
Martin est paisible et homme de bien. hîc ideo tantùm exprimitur uox homme, quia alias
genitiuus sequeretur. [cas : nominatif + nominatif + génitif]
Il est homme de bien et de grand savoir. [cas : génitif]
Ceci appartient à mon frere et à ton pere. [cas : datif]
Nous avons mentionné entre crochets le cas (catégorie qui est transposée du latin
au français, selon la pratique constante de l’époque) ou le mode concernés. La
remarque (en latin, car c’est la métalangue de l’ouvrage), à propos de l’exemple :
Martin est paisible et homme de bien : « ici on n’exprime le mot homme que parce
que sinon un génitif suivrait », correspond à l’idée que le français ne peut pas
dire ici *Martin est paisible et de bien, à la différence du rex fortissimus et magnae
prudentiae cité supra par J. Despautère.
Si nous nous tournons vers les grammaires du XVIIe siècle, nous voyons
qu’il n’y a pas de définition chez C. Maupas (1618), ni chez A. Oudin (1640)
qui commence sans préambule par un développement sur les continuatives
(« Des conionctions, & premierement des copulatiues », 1640 : 300). Mais il reprend
le principe de l’homogénéité des éléments, pour les temps :
Les conjonctions ioignent tousiours des temps semblables. Bien que le sens pourroit
estre tel, qu’vn present appelleroit à sa suitte toute autre sorte de temps, comme ayant
sympathie auec tous. (Oudin, 1640 : 197)
Dans les autres grammaires, on trouve les définitions suivantes :
La Conjonction est vne particule, qui sert à conjoindre & lier les parties du langage, en
leur sens. (Chiflet, 1659 : 6)
Les Conjonctions seruent à lier les mots auec les mots, ou les phrases auec les phrases.
De plus à passer de bonne grace d’vne periode à l’autre : & les particules, qui font ce
dernier office, s’appellent Transitions. (Chiflet, 1659 : 122)
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La définition et la fonction de la conjonction dans la tradition grammaticale
Les Conjonctions sont des particules, qui seruent à lier les paroles & le sens dans le
discours. (Irson, 1662 : 84)
La Conjonction est une partie indeclinable du discours, qui sert à lier les mots, les
sentences, ou phrases, et les periodes. (Vairasse d’Allais, 1681 : 412)
Une Conjonction lie les mots avec les mots, et les phrases avec les phrases. A Conjuction
ties the words with the words, and the phrases with the phrases. (Mauger, 1684 : 55)
La Conjonction est un mot indéclinable qui sert à lier ensemble les parties du discours.
(La Touche, 1730 : 202)
Référence est faite au « sens » dans les premières (la seconde de Chiflet et celle
d’Irson), ce qui constitue un lointain souvenir de la définition de Donat. Seule
celle de P. de La Touche n’est fondée, de façon très élémentaire, que sur la liaison
des parties du discours. Les autres font référence à la fois aux mots et aux phrases,
voire aux périodes.
6. CONCLUSION
Nous pouvons récapituler sommairement les données recueillies dans le tableau
suivant 7 :
Point de vue exprimé
La conjonction lie et organise la pensée
La conjonction conjoint les sens et les pensées avec
une valeur de coordination ou de disjonction
La conjonction lie des parties du discours
(homogènes)
La conjonction lie des parties du discours en indiquant valeur ou ordonnancement
Il y a des conjonctions relevant de la valeur et unifiant par ex. des substances et des accidents. Il y a
des conjonctions relevant de l’ordre indiquant des
opérations logiques
Auteurs
Donat, Priscien
(Partitiones)
Isidore
Priscien (Ars, livre 2)
Priscien (Ars, livre 16),
Alcuin
Pierre Hélie, Évrard de
Béthune (forme simplifiée), Thomas d’Erfurt
Perotti, Nebrija,
Despautère
Doctrinale, Despautère,
La conjonction lie des éléments homogènes
Principia grammmaticalia
La conjonction lie des syntagmes (clausulae)
Linacre
La conjonction lie des phrases (orationes ou senten- Scaliger, Sanctius (objectiae)
tion : Perizonius)
La conjonction lie des vocables associés (voces comVossius
plexae)
La conjonction lie et organise la pensée (cf. Donat)
7. Ce tableau a été réalisé à la demande d’un expert relecteur. Il est nécessairement schématique.
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Subordonnants et subordination : frontières, chevauchements et cas limites
La conjonction lie les parties du discours entre elles
et des propositions (sentences)
La conjonction lie les parties du discours entre elles
et des clauses
La conjonction lie les parties de l’oraison composée
La conjonction lie des éléments homogènes
La conjonction lie des mots ou des phrases
Palsgrave
Meigret, R. Estienne
Ramus
Cauchie, Oudin
Grammaire française du
XVIIe s.
L’opposition entre vis et ordo chez Priscien, héritée, sur un contre-sens, d’Héliodore, aurait pu être féconde : elle l’a été dans la grammaire médiévale, puisqu’elle a donné lieu à une tentative de classement en deux séries de conjonctions : celles qui interviennent au niveau des parties du discours ; celles qui
interviennent au niveau des propositions. Mais le retour à des définitions élémentaires dans la première grammaire humaniste a annihilé ces efforts 8 . La seconde
grammaire humaniste, en définissant la conjonction exclusivement comme lien
entre des énoncés, aurait pu changer la donne. Mais elle se heurtait à une difficulté de taille : la conjonction peut aussi relier des mots dans un syntagme, et,
comme le remarque justement J. Perizonius, il est difficile, voire impossible, de
dédoubler certaines phrases en deux énoncés.
La première grammaire française, en disant, d’une façon mollement consensuelle, que la conjonction peut lier des mots avec des mots, et des phrases avec
des phrases, ou des périodes avec des périodes, fait sortir la réflexion d’une
problématique qui aurait pu être bien plus fructueuse.
Références
9
Sources primaires (date de première édition entre [ ] ; date de composition entre < >)
ALCUIN (1863 <ca 798>), Grammatica, in Opera omnia, Patrologie latine 101, col. 854-902.
[CTLF : 1222]
ALDE MANUCE (1508 [1493]), Institutionum grammaticarum libri quattuor, Venise : Alde Manuce.
[CTLF : 1246]
ALEXANDRE DE VILLEDIEU (1893 <ca 1200>), Doctrinale, D. Reichling (éd.), Monumenta Germaniae
Paedagogica 12, Berlin : A. Hofmann. [CTLF : 1229]
8. Ce souci de simplification ne concerne pas que le traitement de la conjonction. Il s’agit d’un mouvement
général correspondant à un double refus : tout à la fois le refus de théories grammaticales jugées trop
sophistiquées, et devenues incompréhensibles pour la plupart, et celui d’une langue considérée comme
« barbare » et trop éloignée du latin classique.
9. La plupart des ouvrages anciens cités sont décrits dans les notices du Corpus de textes linguistiques fondamentaux (http://ctlf.ens-lyon.fr/default.htm) ; nous donnons le numéro de la notice entre
crochets. Les textes latins antiques sont accessibles sur le site du Corpus grammaticorum Latinorum
(http://htl2.linguist.jussieu.fr:8080/CGL/). Les textes français cités sont empruntés au Grand Corpus des
grammaires françaises, des remarques et des traités sur la langue (Paris, Classiques Garnier Numérique).
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“LG_190” (Col. : RevueLangages) — 2013/7/17 — 18:00 — page 29 — #29
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La définition et la fonction de la conjonction dans la tradition grammaticale
CAUCHIE Antoine [Caucius, Antonius] (1586 [1570]), Grammaticae gallicae libri tres, Strasbourg :
B. Iobinus. Voir C. Demaizière (2001a). [CTLF : 2210]
CHIFLET R. P. Laurent (1659), Essay d’une parfaite Grammaire de la langue françoise, Anvers :
Jacques van Meurs. [CTLF : 2306]
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