Les oiseaux d`Alfred Hitchcock
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Les oiseaux d`Alfred Hitchcock
21 jo u rn a l Les oiseaux d’Alfred Hitchcock Un film interprété notamment par Rod Taylor et Tippi Hedren Une fable morale Tourné en 1963, «Les oiseaux» est sans doute le film de Hitchcock le plus connu du grand public. C ’est une œuvre qu’on prend plaisir à voir et à revoir. Il est vrai qu’elle «fonctionne» particulièrement bien, même après plusieurs visions. Avec beaucoup d ’intelligence dans la construction dramatique, de brio dans les trucages et les effets, d’habileté dans la mise en scène, le «grand maître» est parvenu à générer une atmosphère an goissante et un suspense étonnants. Le principe du suspense consiste à ouvrir sans cesse des alternatives dans l’action. Ces plages d’indétermination ne se refer ment qu’après un certain laps de temps pendant lequel le spectateur est appelé à anticiper et questionner le futur immé diat et probable de l’histoire. D ’où une succession d’instants de grande tension qui éclatent et s’apaisent par une sur prise finale, l’art du réalisateur étant précisément de faire surgir ce que le pu blic n’avait pas su ou pas osé (sinon in consciemment) imaginer. A cette liberté de participation s’ajoute ici un vaste champ de possibilités d’inter prétation. Ainsi, chaque spectateur trouve son compte dans «Les oiseaux». Au premier degré, d’aucuns pourront n’y voir qu’un simple jeu de Hitchcock qui se plaît, par des trouvailles diaboli ques, à jouer avec les sensations et les émotions du spectateur. D’autres pour ront s’amuser à déchiffrer les symboles qui prolifèrent au détour de chaque scène et élaborer des significations plus profondes. En fait, je pense que cette œuvre bril lante n’est pas qu’un simple spectacle di vertissant en forme d’exercice de style. Ce drame psychologique est aussi une fa ble morale sur les rapports de l’homme avec ses semblables, la société et le cos mos. Par excès d’égoïsme et de matéria lisme, la part fondamentale, spirituelle et sentimentale, de la vie humaine est en train de s’appauvrir et de disparaître. Les oiseaux destructeurs et meurtriers qui s’abattent avec rage et férocité sur les habitants d’une petite communauté villageoise apparaissent un peu comme des signes prémonitoires et représentent les forces étranges qui menacent l’être humain et son monde. Si pour Hitchcock la nécessité de réagir et de lutter, de se protéger et de se sacrifier, ne fait aucun doute, la meilleure arme pour le combat reste certainement la solidarité et l’a mour. A cet égard, cette aventure terri fiante est extrêmement positive pour le couple en train de naître. Plaçant tour à tour le spectateur en posi tion de victime ou d’identification avec les oiseaux, le film le trouble profondé ment, le culpabilise, suscite une angoisse à la fois physique et métaphysique. Mais il possède aussi des vertus libératoires. L’effet de catharsis, véritable purifica tion des âmes, joue à fond. Dans cette perspective, et contrairement à beau coup d’autres produits de ce genre, thril lers fantastiques ou films d’horreur, il a quelque chose de très sain. Tout l’in verse d’ailleurs d’une œuvre comme «Shining» de Kubrick qui accable et «sa lit» le regard du spectateur. C’est un exorcisme plein de pudeur et de respect, mais qui ne conforte jamais la bonne conscience. Au contraire, il nous inter roge et nous oblige à prendre position. D ’ailleurs, rien n’est vraiment fini. Mo mentanément apaisés, les oiseaux per mettent aux «héros» de fuir. Mais, atten tion, ils veillent, plus inquiétants et plus nombreux que jamais... Michel EGGER Actuellement (17 h. 45). au cinéma Apollo vYvar.j &1