Décembre 1942 La fin des chimères d`Hitler

Transcription

Décembre 1942 La fin des chimères d`Hitler
Décembre 1942
13 – Le Front Russe
La fin des chimères d’Hitler
1er décembre
Ukraine
Météo – Le temps s’améliore, mais la température descend brutalement, elle ne dépassera pas
-10° dans la journée et chutera jusqu’à -16° à -18° dans la nuit.
Opération Mars (contre la 1ère PanzerArmee)
Hoth est obligé d’abandonner Tchernigov, ce qu’il fait non sans procéder à des destructions
systématiques afin de retarder le plus possible les Soviétiques. Cependant, la route
Tchernigov-Gomel étant coupée, les Allemands en retraite doivent passer par des chemins de
fortune, très souvent sous le feu de l’artillerie soviétique. La Luftwaffe fait le maximum et
réalise 201 missions d’assaut dans le secteur, mais les VVS vont en faire près de quatre fois
plus ! Les Soviétiques subissent, certes, des pertes importantes (53 avions détruits par la
chasse ou la Flak), mais les Allemands perdent 25 appareils, ce qui, en proportion du nombre
de sorties, correspond à un pourcentage bien plus élevé.
La poche de Pyryatyne ne reçoit que 31 avions de transport.
Opération Uranus (contre la 2e PanzerArmee)
Les opérations aériennes sont assez intenses dans ce secteur, où la Luftwaffe effectue 507
missions, dont 147 vols de ravitaillement sur Tarachtcha plus leur escorte. Ces vols donnent
lieu à plusieurs batailles aériennes dans lesquels les Soviétiques perdent 67 chasseurs mais les
Allemands 39 appareils : 27 Ju 52 et He 111 et 12 Bf 109.
À l’ouest de Kiev, tandis que von Manstein et von Kleist mettent au point la contre-offensive
prévue, les troupes de Dovator poussent au-delà de Sarny mais sont arrêtées par des feux
antichars très intenses. Plus au sud, les troupes de Katoukov prennent dans la journée Dubno
et Kremenets. Néanmoins, Katoukov, considérant l’état de ses troupes les plus en pointe,
demande à ce que l’offensive s’arrête pendant un jour ou deux et propose, ensuite, de faire
pivoter son axe d’avance vers le Nord afin de compléter l’encerclement de Rovno.
A Khmel’nitsky, les combats de rues se poursuivent, très acharnés. Les troupes allemandes et
roumaines finissent par reculer et, au coucher du soleil, ne tiennent plus que quelques
faubourgs de la ville.
Dans la soirée, von Manstein peut confirmer à l’OKH que les 5. et 8. Panzerdivisions sont en
train d’occuper leurs positions d’attaque, à l’est de Dubrovytsa.
Opération Saturne
Les troupes soviétiques ont finalement le dessus à Orsha. La ville repasse sous contrôle
soviétique.
Sur le Boug
Cours du Boug – La 11e Armée roumaine atteint le cours du Boug de Nikolaïev jusqu’à la
mer Noire. On se congratule à Bucarest et à Berlin, mais le général von Schobert fait plutôt
grise mine. Ses troupes ont atteint leur objectif mais les pertes ont été lourdes et les hommes
n’en peuvent plus. De plus, certaines unités sont à court de munitions et les véhicules
manquent d’essence.
2 décembre
Sur le Front
Secteur centre
Talatchyn – Opération Monastère
Les Allemands, très occupés à mettre en place leur nouvelle ligne de défense à l’ouest
d’Orsha, ont la surprise de voir arriver un skieur russe qui se rend de son plein gré. Ils le
questionnent longuement (et pas très aimablement) pour savoir par où il a pu traverser leur
champ de mines fraîchement installé. Ce n’est qu’après plusieurs semaines que l’Abwehr
commencera à s’intéresser au fond de son récit.
Aleksandr Demyanov (c’est son vrai nom) appartient à une famille d’aristocrates avec un
excellent pedigree contre-révolutionnaire. Il se présente comme un monarchiste
antisoviétique, membre d’une organisation secrète qui cherche à entrer en contact avec
l’Allemagne. Selon lui, l’armée soviétique est encore forte, mais le régime est à bout :
Moscou est au bord de la famine, les émeutes et désertions se multiplient, les rafles de police
arrivent à peine à tenir le peuple sous le joug… Il faudra attendre février pour que l’Abwehr
se décide à entrer en contact avec l’organisation Prestol (Trône). Sans se douter, bien sûr, que
cette lenteur ne leur était pas préjudiciable, car Prestol est une nouvelle invention du NKVD 1.
Secteur sud
Ukraine – Un temps anticyclonique s’installe (provisoirement) et la température tombe en
moyenne à -11° mais peut descendre à -18° ou -20° dans la nuit.
Les opérations aériennes se déroulent sans encombre du point de vue de la météo. Cependant,
si la Luftwaffe réalise au total 634 missions offensives (dont 181 vols de ravitaillement se
répartissant en 153 vols vers Tarachtcha et 28 vers Pyryatyne), l’aviation soviétique en
accomplit 1 985 et continue de pilonner les forces allemandes qui se replient vers Gomel,
mais aussi à l’ouest de Kiev. Les pertes sont élevées des deux côtés, avec 65 appareils de la
Luftwaffe abattus (dont 29 transports) et 87 appareils soviétiques.
Avec un certain retard, dû à la mort de von Reichenau et à l’installation de son successeur
Paulus, la 6e Armée commence son mouvement vers le sud. Déployée entre Berezne et
Korosten, elle servira de réserve à l’opération Wintergewitter, dont les troupes fraîches venues
de l’ouest doivent être le fer de lance.
Opération Uranus (contre la 2e PanzerArmee)
La journée commence par un fait lourd de symboles. Les troupes hongroises encerclées,
épuisée et soumises à la propagande soviétique (qui joue habilement de l’antagonisme entre
Hongrois et Roumains), se rendent. Elles n’ont pratiquement pas été ravitaillées depuis huit
jours et leurs réserves de munitions et de carburant sont épuisées. Leur reddition libère des
troupes soviétiques qui vont en fin de journée se mettre en route vers Vinnitsa.
Sur le reste du front, un calme précaire s’établit. Les forces soviétiques sont épuisées après
onze jours d’offensive continuelle. Quant aux Allemands, ils préparent l’offensive qui doit les
ramener à Jitomir et offrir à la 2e PanzerArmee la possibilité de percer « tout en maintenant
ses positions les plus à l’est ». Cependant, von Wietersheim signale que le pont aérien est très
en deçà de ce qui avait été prévu : la 2e PzA reçoit moins de la moitié des 300 tonnes par jour
qui étaient considérées comme le strict minimum nécessaire pour maintenir sa capacité
combative.
Opération Mars (contre la 1ère PanzerArmee)
1
Pavel Soudoplatov, Mémoires, p. 197-207. Nigel West, Historical Dictionary of World War II Intelligence,
p. 143.
Là encore, le calme revient sur le front. Entre Orsha et Gomel, les premiers éléments des 25.
et 27. PanzerDivisions commencent à débarquer des trains et viennent renforcer les défenses
de Gomel.
3 décembre
Sur le Front
Ukraine – Léger redoux (-3,7°) avec de faibles précipitations.
Opération Wintergewitter (pour dégager la 2e PanzerArmee)
05h30 – Dans une nuit noire, l’opération Wintergewitter commence par le fracas de la
préparation d’artillerie. Des marges des marais du Pripet ainsi que de Rovno s’élancent trois
CA allemands. La 5. PzD, assistée des 336. et 385.ID, occupe les positions les plus à l’est,
pratiquement en face de Korosten. Plus à l’ouest, la 8. PzDiv et la 384. ID, appuyées par la
4e Division de la Luftwaffe (4. LD, général Rainer Stahel), attaquent en direction d’Olevsk.
De Rovno, la 60. ID et la 5e Division de la Luftwaffe (5. LD, général Hans-Bruno SchulzHeyn), attaquent vers l’axe Novograd-Volynsky.
Plus au sud, à la hauteur de Khmel’nitsky, les 262. et 295. ID allemandes, appuyées par la 20e
Division d’Infanterie Légère hongroise, passent à l’attaque. Mais ce dernier élément de
l’opération commence sur un quiproquo, peut être pas complètement involontaire. Le Corps
d’Armée Roumain (3e, 4e et 11e DI et 4e Brigade de Cavalerie motorisée, équipée de 36 chars
LT-35) n’appuie pas l’attaque germano-hongroise sous prétexte qu’il n’est pas encore en
position au sud de Khmel’nitsky.
Les troupes de Katoukov et de Dovator, épuisées après dix jours d’offensive, plient sous la
poussée allemande, mais les combats sont acharnés et von Manstein presse les commandants
des deux corps d’armée les plus au sud d’accentuer leur pression. La Luftwaffe acquiert la
supériorité aérienne au nord de Korosten et les unités de Ju 87 et de Bf 110 d’assaut
multiplient les missions. Par contre, au sud de Rovno, l’attaque piétine.
Rokossovsky quant à lui multiplie les coups de sonde sur la poche de Tarachtcha, où les
avions de transports allemands, dûment escortés, déposent 120 tonnes de ravitaillement.
4 décembre
Sur le Front
Ukraine – Le temps anticyclonique s’installe à nouveau, marqué par des températures froides
(-15° dans la nuit, -7,5° le jour) mais un temps sec.
Opération Wintergewitter (pour dégager la 2e PanzerArmee)
Avec l’amélioration du temps, les attaques aériennes se multiplient autour de Korosten, que
les éléments précurseurs de la 5. PzD atteignent à la fin de l’après-midi.
Devant le risque d’un effondrement du front, une réunion d’état-major se tient à Kiev en
présence des envoyés de la Stavka (Joukov et Antonov). Le général Kirponos demande
désespérément des renforts et, devant la gravité potentielle de la situation, il est décidé de
transférer la 5e Armée Blindée de Tchernyakovsky sur la rive droite du Dniepr. Cependant,
Tchernyakovsky insiste sur le fait que ce mouvement prendra de 3 à 5 jours avant que ses
forces ne soient en état de lancer une contre-offensive.
Pendant ce temps, au sud de Rovno, les troupes roumaines sont enfin entrées en action, mais
elles se heurtent à une défense résolue des Soviétiques. Pliev et Loukine ont eu le temps de se
retrancher et les blindés affectés à cette partie de la contre-offensive sont décidément trop
légers face aux défenses des Soviétiques. La 4e Brigade de Cavalerie Mécanisée roumaine
perd plus de la moitié de ses engins dans la journée.
Sous l’impulsion de Novikov, les VVS offrent une meilleure résistance, mais la Luftwaffe a
toujours l’avantage sur la partie nord de la contre-offensive. Cependant, un problème épineux
se pose à l’OKW. La concentration des forces aériennes sur le soutien aux troupes implique
une diminution notable des missions d’escorte au profit des avions de transport affectés au
pont aérien en direction de la poche de Tarachtcha. Devant les protestations de von
Wietersheim, qui signale que le pont aérien est très en deçà de ce qui avait été prévu, le
commandement décide de reprendre les vols d’avions de transport non escortés.
5 décembre
Sur le Front
Ukraine – Le temps se maintient : sec, avec des pointes à -20° dans la nuit et une température
moyenne de -9,1° dans la journée.
Opération Wintergewitter (pour dégager la 2e PanzerArmee)
La baisse des températures commence à affecter certaines troupes allemandes, non tant celles
qui mènent la contre-offensive (qui ont pu être en bonne partie rééquipées lors de leur
transfert) que celles qui se battent dans la poche de Tarachtcha.
Appuyées par les 5. et 8. PanzerDivisions, la 336. ID prend Korosten en fin de matinée. Les
forces venues de Rovno s’emparent de Novograd-Volyns’ky. Von Manstein, après une
conférence qu’il tient avec von Kleist, peut affirmer à l’OKW qu’il sera bientôt en mesure de
prendre Jitomir et de percer jusqu’à la poche de Tarachtcha. Mais il réitère sa demande que
l’ordre soit donné à von Wietersheim d’effectuer une sortie pour faire sa jonction avec ses
propres forces, dont il ne surestime pas la force réelle. Dans la soirée arrive de Rastenburg
une réponse négative.
Au sud de Rovno, les forces germano-hongroises entrent dans Khmel’nitsky, mais sont
arrêtées à la sortie de la ville. Elles n’avancent que très peu en direction de Vinnitsa. Le
général Pliev décide cependant, après en avoir conféré avec Bagramyan et avec la Stavka, de
replier ses troupes sur Slavuta pour raccourcir son front.
La journée est marquée par une recrudescence des combats aériens, que ce soit au-dessus du
front, où les VVS contestent désormais la supériorité aérienne de la Luftwaffe au nord, ou
bien au-dessus de la poche de Tarachtcha, où les Allemands perdent encore 37 appareils de
transport dans une succession de combats aériens et d’attaques au sol.
6 décembre
Sur le Front
Ukraine – Même temps que la veille : sec, avec -8,2° en moyenne dans la journée.
Opération Wintergewitter (pour dégager la 2e PanzerArmee)
Manstein supervise la contre-offensive et ses forces, désormais unifiées, avancent sur la route
qui va de Korosten vers Jitomir. Elles se heurtent à une très forte résistance du 1er Corps de
Cavalerie de Dovator) et du Groupe Mobile Katoukov. En regroupant les chars disponibles,
les Soviétiques sont arrivés à constituer une masse supérieure en nombre à celle des
Allemands. L’appui de la 11e Division d’Artillerie, approvisionnée en priorité, se traduit aussi
par des tirs d’interdiction massifs et meurtriers.
Dans les engagements de cette nouvelle bataille de rencontre, la décision est souvent
incertaine, avant que la compétence des tankistes allemands ne fasse pencher la balance en
leur faveur. En fin d’après-midi, le major-général L.M. Dovator est tué au combat au milieu
des survivants de la 25e Brigade de chars, mais l’avance allemande s’arrête bien avant Jitomir
car les deux divisions blindées allemandes, tout en ayant détruit de nombreux chars adverses,
n’ont plus à elles deux que 84 chars disponibles.
Au sud, les forces germano-hongroises arrivent à passer le Bug, tandis que les forces
roumaines avancent lentement en direction de Vinnitsa. Mécontent de la performance de
Pliev, Bagramyan vient prendre la direction des opérations, mais il doit vite reconnaître que
les forces de Pliev, comme celles de Loukine, sont dans un grand état de faiblesse.
Dans le ciel clair, les VVS continuent d’affronter la Luftwaffe. Elles subissent de lourdes
pertes (pas moins de 87 avions abattus dans la journée) mais infligent en retour des pertes
insupportables aux Allemands (42 appareils détruits ou irréparables). L’OKW doit alors se
résoudre à concentrer toutes ses forces sur le front et annonce à von Wietersheim que le pont
aérien est « provisoirement suspendu ».
7 décembre
Sur le Front
Ukraine – La température se réchauffe quelque peu (-5° dans la nuit, -1,5° dans la journée),
mais la fin du temps anti-cyclonique ramène un plafond très bas, qui va handicaper l’aviation
des deux côtés. Des chutes de neige éparses ont lieu durant la journée.
Opération Wintergewitter (pour dégager la 2e PanzerArmee)
Nouvelle bataille autour d’Andriuvka. Les troupes allemandes reprennent leur avance mais les
forces soviétiques, désormais passées sous le commandement de Katoukov, leur opposent une
résistance désespérée et finissent par les arrêter à nouveau. En fin de la journée, les Allemands
n’ont plus que 37 chars et Jitomir est toujours aux mains de l’Armée Rouge.
De plus, des informations indiquant l’arrivée d’une grande unité (il s’agit de la 5e Armée
Blindée) sur la gauche des troupes allemandes engagées devant Jitomir inquiètent von
Manstein. Dans la nuit, ce dernier parvient à joindre par radio von Wietersheim pour obtenir
que ce dernier, de sa propre initiative, décide de réaliser une percée le lendemain ou le
surlendemain. Mais von Wietersheim n’ose pas passer outre aux instructions formelles
d’Hitler. Aussi, von Manstein décide une ultime tentative, en contournant Jitomir.
Mais à l’est de Rovno, le retard au redéploiement de la 6e Armée allemande, dû à des attaques
de partisans et de cavaliers réguliers infiltrés, a permis de reconstituer une ligne de défense
viable. Et plus au sud, si les forces roumaines ont enfoncé un petit coin dans la défense
soviétique à l’ouest de Vinnitsa, elles restent loin de cette ville et Bagramyan peut
communiquer à la Stavka que la situation est sous contrôle.
8 décembre
Sur le Front
Ukraine – La température reste modérée avec une moyenne de -3,2°, mais des chutes de
neige importantes marquent la journée.
Opération Wintergewitter (pour dégager la 2e PanzerArmee)
Von Manstein repart à l’offensive, mais en dépit d’efforts surhumains, les équipes de
réparation des 5. et 8. PzD n’ont pu réparer qu’une trentaine de chars, encore faut-il attendre
11h00 pour relancer l’attaque. Contournant Jitomir, où les forces soviétiques sont solidement
retranchées, les troupes allemandes avancent vers le sud-est et atteignent en fin d’après-midi
la route reliant Kiev à Jitomir.
Kirponos bat le rappel de ses troupes et donne l’ordre à la 6e Armée (Lt-général N.I.
Muzychenko) d’arrêter l’avance allemande.
Tchernyakovsky communique à ce moment à la Stavka que le déploiement de ses forces est
maintenant achevé, mais tant Joukov qu’Antonov lui intiment l’ordre de ne pas bouger tant
qu’il n’aura pas reçu 50 T-34 supplémentaires en provenance de Kiev. Ces chars commencent
à arriver dans la nuit du 8 au 9 et sont affectés en priorité au Groupe Mobile Rybalko. La
Stavka autorise cependant Tchernyakovsky à placer la 429e Brigade Anti-char entre Kiev et
les forces allemandes.
Pendant ce temps, Rokossovsky lance une série d’attaques sur la poche de Tarachtcha qui,
quoique repoussées à chaque fois, épuisent un peu plus les défenseurs et les obligent à
déplacer leurs forces vers le sud. Face à ces attaques incessantes, il est douteux que von
Wietersheim ait pu, même s’il l’avait osé, constituer une masse de rupture suffisante pour
tenter une sortie avec quelque chance de succès.
9 décembre
Sur le Front
Ukraine – La température remonte subitement et redevient légèrement positive (1,9°), mais
neige et pluie tombent abondamment, empêchant toute activité de l’aviation.
Opération Wintergewitter (pour dégager la 2e PanzerArmee)
L’attaque de von Manstein, soumise sur ses flancs à de multiples contre-attaques, a bien du
mal à percer au delà de la route Kiev-Jitomir. Vers 14h00, von Manstein tente une dernière
fois de joindre von Wietersheim par radio. Il lui précise qu’il se trouve dans une situation des
plus précaires et l’enjoint de se décider. Mais von Wietersheim qui sait que Hitler a donné
l’ordre formel de ne pas abandonner Tarachtcha, se refuse à agir tant que cet ordre n’a pas été
révoqué. Une demande en ce sens a d’ailleurs été rejetée la nuit précédente par Jodl !
Von Manstein ne veut pas prendre le risque d’inciter davantage un de ses camarades à
désobéir au Führer. La conversation par radio oscille entre le comique et le tragique, mais von
Manstein, à la fin, ne cache pas à son interlocuteur qu’il a atteint le point le plus avancé de
son offensive et que, selon toute vraisemblance, il devra se retirer le lendemain ou le
surlendemain. Von Wietersheim reste muet. De toute façon, ses capacités offensives sont
limitées par le manque de carburant, car le pont aérien est suspendu depuis trois jours et
Rokossovky maintient sa pression sur les flancs de la poche.
Chez les Soviétiques, Bagramyan se prépare à passer lui aussi à la contre-offensive.
Préparation de l’opération Molot (Marteau)
La 2e Armée de Choc (Udarnye) du général K.S. Moskalenko commence à se rassembler dans
la zone opérationnelle du général Tcherevitchenko, au nord d’Odessa. Dans cette ville
affluent les hommes et le matériel des 29e et 59e Corps d’infanterie (trois divisions chacun,
plus les unités de soutien) et de deux brigades indépendantes anti-chars.
10 décembre
Sur le Front
Ukraine – Le temps redevient sec et froid (-15° la nuit, -9,3° le jour), mais une épaisse
couverture nuageuse pèse sur la région.
Opération Wintergewitter (pour dégager la 2e PanzerArmee)
07h00 – L’offensive de Tchernyakovsky se déclenche contre les forces de von Manstein.
Des combats très violents ont lieu sur la route qui va de Kiev à Jitomir ainsi qu’en direction
de Radomyshl. Von Manstein est obligé d’utiliser ses chars en appui-feu. Des affrontements
indécis se prolongent une bonne partie de la journée. Le général allemand comprend bien,
cependant, qu’il ne pourra se maintenir sur sa position avancée et qu’il va devoir se replier
derrière la route Kiev-Jitomir.
La Luftwaffe, épuisée par les combats des dernières semaines, jette toutes ses forces dans la
bataille mais se heurte à des masses d’avions des VVS. Les pertes se montent à 31 avions de
combat allemands et 64 soviétiques. Devant les appels à l’aide de von Wietersheim, l’OKW
exige pourtant la reprise des convois non escortés en direction de Tarachtcha, mais 28 Ju 52 et
7 He 111 de transport sont abattus.
Du côté de Tarachtcha, Rokossovsky ne laisse guère de répit à von Wietersheim. Ses attaques
reprennent à partir du sud de la poche, cette fois avec plus de succès. Bohuslav doit être
abandonné par les forces encerclées, qui arrivent cependant à empêcher les forces soviétiques
d’avancer davantage.
Mer Noire
Des U-boots pour aider les Roumains
Galati, Roumanie – Un bien étrange convoi pénètre dans le chantier naval, en provenance du
Danube amont. Il s’agit du premier sous-marin allemand affecté à la Mer Noire.
À partir de début août, l’U-24 a été partiellement démonté à Kiel pour réduire sa masse à 140
tonnes et diminuer au maximum son encombrement. Il a ensuite été couché sur le flanc et
équipé de flotteurs. Après avoir été remorqué, via le canal de Kiel et l’Elbe, jusqu'à DresdenÜbigau, le sous-marin a été chargé sur deux remorques Culemeyer 2. À Ingolstadt, il a été
remis à l'eau sur le Danube, toujours couché sur le flanc, de façon à pouvoir passer sous les
arches du pont médiéval de Regensburg (Ratisbonne). À Linz, l’U-24 a été redressé,
partiellement rééquipé et arrimé entre deux barges pour continuer à descendre le fleuve
toujours capricieux jusqu’à Galati et son chantier naval.
Le sous-marin va y passer un mois pour être à nouveau opérationnel avant de rejoindre sa
base de Constantza. Cinq autres sous-marins doivent suivre, les U-9, U-19, U-18, U-20 et U23, pour former la 30. Unterseebootsflottille (Kptlt Rosenbaum 3) Mais seul l’U-9 arrivera
avant que la présence de glace, le débit du courant et le niveau du fleuve n’interdisent le
transfert des sous-marins sur le Danube jusqu’au printemps.
Mis au courant de la réussite de l’opération, l’amiral Dönitz autorise une nouvelle commande
de 18 sous-marins de Type-IIE destinés à la Mer Noire.
11 décembre
Sur le Front
Ukraine – Le temps est inchangé par rapport à la veille : sec mais couvert, avec des
températures tombant dans la nuit jusqu’à -18° et n’atteignant que -9,9° dans la journée.
Opération Wintergewitter (pour dégager la 2e PanzerArmee)
Tchernyakovsky redouble d’efforts et lance Rybalko au nord de l’attaque de la veille, sur
Malyn. Rapidement, cette attaque prend l’allure d’une percée. À partir de 12h00, elle se
conjugue avec une attaque de la part des forces de Katoukov sur un front que von Manstein a
bien dû dégarnir. La menace est claire pour les forces allemandes, qui risquent d’être
encerclées dans le saillant qu’elles contrôlent. Après en avoir conféré avec von Kleist, von
2
3
Au lieu d’une seule pour les S-Boots et les R-Boots qui ont effectué ce trajet avant lui.
Ce dernier s'est distingué aux commandes de l’U-73 en coulant le porte-avions Eagle le 3 mars précédent.
Manstein commence à décrocher en fin de journée tout en cherchant à contenir Rybalko, qui a
pris Malyn à 15h30. Les 5. et 8. PanzerDivisions jouent les pompiers, mais il ne leur reste que
moins de 50 chars à elles deux. Des groupes de trois ou quatre canons automoteurs harcèlent
les forces soviétiques, évitant que la retraite qui s’amorce ne tourne à la déroute.
La Lutwaffe tente de mener à bien deux missions, le ravitaillement de la poche et l’appui-feu
sur la ligne de front, mais elle se voit rapidement dépassée par sa tâche. Elle perd dans la
journée 21 avions de combat contre 34 pour les Soviétiques, plus 13 transports (9 Ju 52, 4
He 111 et un Ju 86) dans ses tentatives pour ravitailler Tarachtcha.
Au sud, partant du sud-est de Vinnitsa, Loukine lance à son tour une contre-offensive, qui
prend rapidement de l’ampleur contre les troupes roumaines.
12 décembre
Sur le Front
Ukraine – La température remonte un peu (moyenne dans la journée de -5,5°). Le temps sec
va permettre aux aviations de prendre part aux opérations, malgré un plafond bas.
Opération Wintergewitter (pour dégager la 2e PanzerArmee)
Sous les coups redoublés de Katoukov et Tchernyakovsky, von Manstein décide de retirer ses
troupes et de revenir, par étape, sur Korosten. La Luftwaffe va couvrir comme elle le peut ce
repli, mais fait face à des VVS très actives et très mordantes. De fait, les Allemands perdent
17 avions de combat et 12 transports dans la journée, contre 34 appareils pour les Soviétiques.
Ce retrait est un coup dur pour les hommes de von Wietersheim, qui doivent se défendre par
ailleurs contre les attaques menées par Rokossovsky sur le sud et l’est de la poche.
Plus au sud, Pliev marque des points contre le groupement germano-hongrois. Dans la soirée,
ses forces ont atteint le cours supérieur du Bug, devant Khmel’nytsyi. Quant à Loukine, sa
contre-attaque refoule progressivement les troupes roumaines vers leurs positions de départ.
Devant l’amélioration de la situation, Joukov est rappelé dans la soirée par la Stavka. Il va
rencontrer Staline dans la nuit.
Opération Mars (contre la 1ère PanzerArmee)
La bataille pour Gomel se poursuit. Les Soviétiques ne font que des avancées peu
significatives, mais immobilisent toutes les forces Allemandes disponibles.
13 décembre
Sur le Front
Ukraine – Même temps que la veille : température moyenne de -5,2° le jour, temps sec et
bouché, mais qui n’empêche pas les avions de voler.
Opération Mars (contre la 1ère PanzerArmee)
La bataille de Gomel fait rage, obligeant la Luftwaffe à diviser ses (maigres) forces.
Opération Wintergewitter (pour dégager la 2e PanzerArmee)
Von Manstein arrive à extirper ses forces du piège qui menaçait de se refermer sur elles. Mais
les pertes sont très lourdes. Les deux Panzerdivisions ont perdu environ 75 % de leur
équipement.
Profitant du gel, les troupes de Pliev passent le Bug et commencent à encercler
Khmel’nytskyi. Plus au sud, les troupes de Loukine continuent d’avancer et récupèrent une
bonne partie du territoire perdu au début de Wintergewitter.
Opération Uranus (contre la 2e PanzerArmee)
Wintergewitter ayant échoué, Uranus peut se poursuivre. Le ravitaillement de la poche de
Tarachtcha est à nouveau suspendu en raison des combats de Gomel, en dépit des
protestations de von Wietersheim.
Préparation de l’opération Molot (Marteau)
Joukov arrive dans l’après-midi à Odessa et commence immédiatement à établir avec les
officiers des deux fronts concernés (Ukraine du Sud et Odessa) le plan détaillé de l’opération
Molot. Celui-ci reprend, de manière très allégée, le plan qu’il a déjà utilisé lors du Kriegspiel
de janvier 1941. En fait, il s’agit de l’opération projetée dès le mois d’octobre en même temps
que Mars, Saturne et Uranus, sous le nom de Jupiter, nom abandonné depuis.
A Rastenburg, Hitler va lui faciliter, bien involontairement, la tâche. Il consent en effet à ce
que des forces allemandes soient prélevées sur le sud du front, face à Odessa, en comptant sur
l’armée roumaine pour les remplacer. Quatre divisions d’infanterie sont désignées pour aller
renforcer les forces allemandes autour de Korosten et Rovno : 170. ID (Sander), 72. ID
(Mattenklott), 76. ID (De Angelis) et 239. ID (Neuling). Dans la nuit, le QG roumain, à
Bucarest, est informé de la décision allemande et sommé de compenser les retraits.
14 décembre
Sur le Front
Ukraine – La température se radoucit de manière notable, atteignant -0,6°, alors que le temps
sec se maintient, mais toujours avec une forte couverture nuageuse.
Opération Uranus (contre la 2e PanzerArmee)
Les forces de Tchernyakovsky tentent d’avancer vers Korosten, mais, durement éprouvées par
la bataille continuelle de ces derniers jours, elles ne progressent que très lentement. Par
contre, sur l’aile gauche des Soviétiques, Katoukov arrive à s’emparer de NovogradVolyn’sky, où il rosse les débris de la 60. ID. Seule l’intervention des restes de la 17e Armée,
qui tient Rovno, appuyés par des groupes de chasseurs de chars (PanzerJäeger) est en mesure
de restaurer un semblant de continuité du front allemand.
Dans les états-majors
Rastenburg – Hitler reçoit dans l’après-midi un message personnel d’Antonescu, le Premier
ministre roumain, qui s’oppose à ce que l’on dégarnisse le flanc sud, arguant que le
renseignement roumain a des indications précises sur des concentrations de forces
soviétiques. Ce message est lu avec beaucoup de scepticisme à l’OKH, où l’on estime que les
forces soviétiques sont épuisées par les combats répétés autour de Kiev. Toutefois, plus par
manque de transports que pour contenter les Roumains, Hitler accepte de laisser dans le
secteur de la 11e Armée ce qui reste du XLII. ArmeeKorps.
En réalité, le renseignement allemand continue de gravement sous-estimer les capacités de
génération de forces de l’Union Soviétique.
Concrètement, du 25 octobre au 15 décembre 1942, les usines soviétiques ont livré à la
RKKA environ 3 000 chars : 485 KV-1 (dont 185 KV-85 et 250 KV-1D), 750 T-50 et…
1 800 T-34, plus 1 200 canons automoteurs (200 SU-122, 400 SU-57, 450 SU-45 et 150 SU76). De plus, 1 200 chars moins performants (700 T-26 et 500 BT-5/BT-7) ont été extraits des
stocks importants accumulés à la fin des années 1930.
15 décembre
Sur le Front
Ukraine – Temps sec, -2,7°.
Opération Uranus (contre la 2e PanzerArmee)
Le front se stabilise devant Korosten, où von Manstein a réussi à regrouper ses forces.
Les forces de Pliev libèrent Khmel’nytskyi et s’établissent en avant de la ville, repoussant un
peu plus les forces allemandes et hongroises. Là aussi, le front se stabilise plus où moins sur
les positions d’avant le début de Wintergewitter.
La Luftwaffe tente de maintenir un rythme d’opérations compatible avec l’appui-feu que les
troupes allemandes réclament sans cesse, mais ses moyens sont très réduits. Les VVS sont
toujours très présentes et harcèlent sans cesse tant les troupes allemandes au sol que la
Luftwaffe, tandis que le ratio victoires/pertes s’établit à seulement 1,5/1 pour l’aviation
allemande. Ce médiocre ratio (il est d’habitude au moins de 2 à 3 pour 1) est dû aux pertes
que subissent les transports qui vont ravitailler Tarashcha, à la demande pressante de von
Wietersheim, mais sans vraiment permettre aux forces encerclées d’être opérationnelles. Dans
la poche, la décision est prise de réduire encore les rations alimentaires.
Opération Molot (contre les forces roumaines)
La concentration des forces soviétiques autour d’Odessa s’achève. Les Roumains
commencent à redouter une offensive soviétique par le nord, à partir de Khmel’nytskyi, mais
une attaque par l’est leur semble de moins en moins probable. Par une maskirovka très
élaborée, les Soviétiques sont même en train d’arriver à leur faire croire qu’ils retirent des
forces du secteur d’Odessa pour les transférer vers Kiev.
16 décembre
Sur le Front
Ukraine – Temps sec, mais avec 10/10 de couverture nuageuse. 0°C.
Opération Uranus (contre la 2e PanzerArmee)
Katoukov et Tchernyakovsky tentent de percer sur Korosten, ce qui oblige la Luftwaffe à
concentrer ses efforts autour de cette ville, délaissant le secteur nord.
Les VVS sont toujours très actives (surtout les unités d’appui-feu, qui utilisent les vieux
chasseurs I-153 et I-15bis). L’attention se concentre sur Korosten, mais aussi sur Tarashcha
où la piste principale est mise hors de service pour 24 heures.
Cependant, devant Korosten, l’intervention de l’aviation allemande permet de stabiliser la
situation.
Opération Mars (contre la 1ère PanzerArmee)
Les troupes de Vatoutine et de Boldine repartent à l’assaut de Gomel, toujours tenue par les
troupes allemandes, mais celles-ci sont privées d’appui aérien. À la fin de la journée, les
troupes de Boldine commencent à encercler la ville, mais celles de Vatoutine sont encore
arrêtées par une défense allemande désespérée.
17 décembre
Sur le Front
Ukraine – Même temps – sec, -0,7°.
Opération Uranus (contre la 2e PanzerArmee)
Les premiers éléments des forces transférées du sud de l’Ukraine commencent à arriver dans
les environs de Rovno.
La poche de Tarashcha ne reçoit que 48 tonnes de ravitaillement, ce qui est très insuffisant
pour assure la simple subsistance des troupes encerclées. La Lutfwaffe perd cependant pour
ce maigre résultat 8 He 111, 6 Ju 52 et 2 Ju 86.
Opération Mars (contre la 1ère PanzerArmee)
A Gomel, les troupes allemandes se replient pour éviter d’être encerclées. Cette décision est
couverte par von Kluge (4e Armée). Le font se stabilise dans la soirée quelques kilomètres à
l’ouest de la ville, où les troupes de Vatoutine et de Boldine font leur jonction.
Plus au nord, Golubev (50e Armée) et Eremenko (43e armée) repartent à l’assaut d’Orsha
après une préparation d’artillerie intense, mais leurs hommes n’avancent que de 1 500 m dans
la journée.
Opération Molot (contre les forces roumaines)
La 2e Armée de Choc (Udarnye) du général K.S. Moskalenko achève de se déployer sur ses
positions de départ au nord d’Odessa.
18 décembre
Sur le Front
Ukraine – Temps très couvert et chutes de neige importantes ; -1,2°. Les efforts de l’aviation
sont largement étouffés, d’un côté comme de l’autre, par ces conditions météo exécrables.
Opération Mars (contre la 1ère PanzerArmee)
Golubev et Eremenko relancent leur attaque sur Orsha. Les pertes sont très lourdes dans le
secteur nord de l’attaque, où sont engagées les 279e, 290e et 293e divisions d’infanterie (50e
Armée). Mais du côté sud, Eremenko, grâce à l’appui de la 215e Brigade de chars (lourds) et
de la 296e Brigade de chars, arrive à positionner les 274e et 291e DI aux portes de la ville.
Le général Materna, commandant du XXe ArmeeKorps, demande alors l’autorisation
d’évacuer Orsha pour éviter, prévient-il, « une répétition de la catastrophe de Vitebsk ». Cette
demande est d’abord refusée par von Kluge, mais celui-ci la transmet dans la soirée au QG de
Rastenburg. Il insiste alors pour que les renforts en train d’arriver à Rovno lui soient en partie
affectés, ce qui est refusé par l’OKH.
19 décembre
Sur le Front
Ukraine – Petites chutes de neige, +0,5°. En dépit du redoux, la situation météorologique
reste mauvaise, limitant le nombre de sorties de la Luftwaffe, plus que celui des VVS.
Opération Uranus (contre la 2e PanzerArmee)
La piste de Tarashcha est mise à nouveau hors service par deux bombardements des VVS.
Von Wietersheim avertit alors Rastenburg qu’il faut reprendre d’urgence les vols de
ravitaillement si l’on veut éviter un effondrement total des forces encerclées.
Opération Mars (contre la 1ère PanzerArmee)
La situation se dégrade à Orsha, où les troupes d’Eremenko ont avancé vers l’ouest dans la
nuit et menacent de couper la route Orsha-Minsk. Materna réitère sa demande, mais se heurte
à un « ordre du Führer » de tenir sur place « coûte que coûte » en transformant Orsha en
« place fortifiée ». Dans l’après-midi, les forces de Golubev reprennent l’offensive et
avancent au nord d’Orsha jusqu’à 5 km à l’ouest de la ville. Devant l’aggravation de la
situation et compte tenu de ce que la Luftwaffe ne peut assurer qu’un soutien épisodique,
Materna et von Kluge informent von Weichs de leur décision de se retirer d’Orsha dans la
nuit.
20 décembre
Sur le Front
Ukraine – Temps sec, -0,7°.
Le général von Schobert, chef de la 11e Armée, est à Bucarest pour conférer avec le maréchal
Antonescu : même si son armée fait administrativement partie de la Wehrmacht, la grande
majorité de ses unités sont roumaines. Von Schobert s’efforce de rassurer Antonescu : d’après
les renseignements très sûrs de l’OKH, il n’y aura pas d’offensive, ou seulement à petite
échelle.
Opération Mars (contre la 1ère PanzerArmee)
Le temps connaît une petite amélioration, qui permet à la Luftwaffe de concentrer ses forces
en soutien au XXe Armeekorps que Materna va tenter d’extraire d’Orsha. Cependant, les
Allemands sont incapables d’obtenir une supériorité aérienne globale sur le champ de bataille,
tant du fait de son infériorité numérique que de l’activité constante des VVS.
Pourtant, en fin d’après-midi, l’essentiel des forces du XXe ArmeeKorps a évacué Orsha et
s’est replié à l’ouest de la ville. Les combats dans la ville opposent les restes de la 112e ID aux
forces soviétiques.
En fin de journée, quand Hitler apprend l’évacuation d’Orsha, en contravention directe avec
son ordre formel, il entre dans une colère effroyable, qui aboutit au limogeage de von Kluge
et de son supérieur von Weichs (mesures déguisée en « rappels pour raisons de santé ») et à
l’arrestation du général Materna pour « abandon de poste ».
21 décembre
Sur le Front
Ukraine – Un temps sec et anticyclonique s’établit durablement de Kiev à la Mer Noire, avec
des températures faiblement négatives.
Opération Molot (contre les forces roumaines)
L’opération Molot (Marteau) (voir Appendice 1) vise les forces germano-roumaines qui
composent la 11e Armée, commandée par von Schobert. Ces forces comprennent deux corps
sous commandement roumain et trois sous commandement allemand ; l’aviation, hors
quelques appareils de liaison, est entièrement roumaine. Du nord au sud : 3e Armée roumaine,
XI. Armeekorps, XXX. Armeekorps, VIe Corps d’Armée roumain. Le XLII. Armeekorps est
en réserve entre la 3e Armée et le XI. AK.
La 11e Armée a été récemment affaiblie par le prélèvement de quatre divisions d’infanterie
allemande pour renforcer les défenses à Rovno et Korosten. Les divisions roumaines qui
doivent les remplacer ne sont pas encore en ligne. Seules deux des grandes unités allemandes
sont complètes, les 46. et la 198. ID.
………
Le commandement soviétique, informé par les hommes de l’Orchestre Rouge, « l’Ancien »
(Harro Schulze-Boysen) et « le Corse » (David Harnnack) du déploiement de la 11e Armée,
cible la jonction entre la 3e Armée Roumaine et le XI.AK, ainsi que le VIe Corps roumain,
devant Odessa.
Le plan de G.K. Joukov reprend, adapté aux conditions, celui qu’il avait joué en janvier 1941
au Kremlin. Il s’agit de percer les lignes roumaines, de refouler les armées adverses jusqu’au
Prut, puis – en contournant les montagnes – d’avancer vers Bucarest. Un débarquement sur la
rive de la Mer Noire doit permettre d’encercler les forces roumaines se repliant le long de la
côte. L’ensemble de cette manœuvre n’est pas sans rappeler celles de l’armée tsariste, en 1877
(contre les Turcs) et en 1916 (contre les Puissances Centrales) – Joukov avait d’ailleurs servi
lors de l’offensive de 1916.
………
Kostovk/Ternopol, 08h00 – Après une préparation d’artillerie de plus de deux heures, les
troupes de deux Fronts soviétiques se jettent à l’attaque.
Le cœur de l’attaque lancée par les forces du Front d’Ukraine du Sud se situe à une centaine
de km au sud de Pervomaysk. Le premier échelon est composé de la 25e DI Vassili Tchapaev
(14e Corps), des 272e, 274e et 276e DI (17e Corps de la 2e Armée de Choc), de la 267e DI (10e
Corps Mixte) et des chars de la 196e Brigade Blindée et des 864e et 866e bataillons blindés
indépendants. Ces forces frappent à la jonction de la 3e Armée Roumaine et du XI.AK (von
Kortzfleisch).
09h45 – Le général von Schobert revient de Bucarest. Peu avant Kishinev (Chisinau), son
Fieseler Storch est accroché par la chasse soviétique et se pose en catastrophe dans un champ
enneigé… et miné par les Roumains. Le malchanceux général est tué. Son chef d’état-major,
le général Schultz, perdra plusieurs heures à le faire rechercher, la communication passant mal
entre les Allemands et leurs partenaires.
15h30 – Les premières lignes de défense ont été enlevées, mais le Col. Gén. Ya.T.
Tcherevichenko note une forte résistance de la 1ère Division Blindée roumaine. La décision est
alors prise d’engager le second échelon : 1er Corps Blindé, 268e Division d’Infanterie et 19e
Division de Cavalerie (10e Corps Mixte), ainsi que la 454e Brigade Anti-Chars.
15h30 – Les restes de la 1ère DB roumaine se replient en deçà de la ligne de chemin de fer
Ternopol-Odessa avec moins de 25 chars opérationnels.
16h30 – L’OKH est enfin avisé de la mort de von Schobert. Aussitôt désigné, son successeur,
le général Hans-Jürgen von Arnim, arrivera dans la nuit à son nouveau QG.
19h00 – La ligne de chemin de fer est atteinte par les Soviétiques en trois endroits.
………
Littoral de la Mer Noire, 08h00 – Les troupes du Front d’Odessa attaquent de l’enceinte
extérieure de la ville vers le sud-ouest. L’armée côtière attaque avec le 59e Corps, appuyé par
la 201e Brigade de Chars lourds et des éléments du 9e Corps blindé. Le VIe Corps roumain
(Maj.Gén. Corneliu Dragalina) tente de résister, mais la 18e DI éclate sous les coups de
boutoir des Soviétiques. Le général Dragalina appelle à l’aide le XXX.AK et von Salmuth
décide d’envoyer la 198. ID pour contre-attaquer.
20h00 – Devant la tournure favorable prise par l’offensive devant Odessa, Joukov, l’amiral
Oktyabrsky et le commandant du Front d’Odessa, le général Chistiakov, décident de passer le
lendemain à la phase 2 : attaque du second échelon, constitué du Corps de Cavalerie d’Odessa
du Maj.Gén. P.A. Belov (2e et 40e Divisions de Cavalerie, 388e DI), et débarquement des 5e,
8e et 79e Brigades de Fusiliers Marins (BMS) sur les arrières roumains.
21h30 – Les troupes de marine commencent à embarquer.
………
Les opérations aériennes sont très intenses, avec 1 500 sorties enregistrées pour les VVS, qui
saturent complètement les FFAR. Les troupes roumaines sont soumises à des bombardements
dans toute la profondeur de leur dispositif de défense et l’intervention des avions d’assaut
dissuade von Salmuth d’engager immédiatement la 198. ID ; elle n’entrera en action que le
lendemain.
Les Soviétiques ont perdu 34 appareils, contre 49 avions des FFAR (dont 18 au sol). Par
ailleurs, la violence des attaques aériennes et le niveau d’activité des VVS interdisent au
commandement des défenseurs, allemands ou roumains, de se faire rapidement une idée
précise de la situation.
22 décembre
Sur le Front
Ukraine – Opération Molot (contre les forces roumaines)
Bien couvert par les VVS, qui effectuent 1400 sorties dans la journée, le second échelon de
l’aile nord de l’attaque avance rapidement vers l’ouest. Les restes de la 1ère DB roumaine, un
peu renforcés par les Marder-2 et les R-35 du XI.AK, battent en retraite vers Tiraspol sous la
pression constante des forces soviétiques. Tiraspol et Kishinev (Chisinau) sont bombardés à
plusieurs reprises par les VVS et la panique s’empare des échelons arrière roumains, qui
commencent à s’enfuir. En début de soirée, les troupes soviétiques commencent à s’infiltrer
dans Tiraspol, où des combats auront lieu toute la nuit.
Un peu plus au nord, près de Grigoriopol, un détachement de reconnaissance du 164e
Bataillon séparé, commandé par le capitaine Rumyantsev, franchit le Dniestr à la faveur de la
nuit et découvre, cachées dans les roseaux, vingt-cinq barques oubliées par les Roumains. La
267e Division d’Infanterie traverse alors le fleuve en un temps record.
Une contre-attaque menée par la 1ère Brigade de Montagne et les 6e et 8e Brigades de
Cavalerie autour de Kotovsk, le long de la voie ferrée Ternopol-Odessa, est brisée par
l’artillerie soviétique et la 454e Brigade Antichar. Puis les trois brigades roumaines sont
rejetées vers le nord par des éléments du 48e Corps Mixte (176e DI et 9e Division de
Cavalerie).
Sur l’aile sud, la contre-attaque de la 198. ID, après des gains locaux, est elle aussi arrêtée par
les forces soviétiques.
………
La situation devient critique pour le commandement germano-roumain. Von Salmuth fait
savoir à son nouveau supérieur, von Arnim, que le XXX. AK, dont la 8e DI roumaine s’est
portée sur Tiraspol, est en passe d’être encerclé. Les troupes roumaines manquent trop
d’armes antichars pour être en mesure d’arrêter l’offensive qui risque de tourner rapidement à
la catastrophe et même de menacer les frontières roumaines.
Vers 17h45, von Arnim parvient à joindre Rastenburg, où son message éclate comme un coup
de tonnerre au moment où l’état-major se préoccupe surtout d’assurer la prise de contrôle de
l’Italie. Après une conférence houleuse, Hitler ordonne au XLII. AK (pratiquement réduit à la
46. ID et à la 4e Brigade de Montagne roumaine) de marcher vers le sud et de barrer la route
de Kishinev « à n’importe quel prix ». Dans la foulée, il décide d’envoyer d’urgence une
force composée de la 22. PzDiv (qui vient d’être rééquipée en Panzer III, IV et V 4), de la
23. PzDiv et des 227. et 268. ID (la 22. Panzer et la 227. ID sur Iasi, la 23. Panzer et la 268.
ID sur Rovno), en dépit de l’opposition de l’OKH, qui considère ces divisions comme encore
insuffisamment entraînées pour être engagées. Appelant von Manstein dans la nuit, Hitler lui
ordonne de partir « toutes affaires cessantes » pour Iasi afin de prendre la tête de « ce puissant
groupement » et de stabiliser le front « coûte que coûte ». La 11e Armée se trouve incluse
4
Déjà formée lors de Barbarossa, elle n’avait pas été engagée, heureusement pour elle : la plupart des ses chars
étaient des Pz 38(t) ou des Pz II.
dans un nouveau « Heerengruppe Dnister » (Groupe d’Armées du Dniestr).
Un peu plus tard, décision est prise d’envoyer également sur Iasi les 10. et 267. ID, plus
proches, qui se reconstituent après les combats contre l’opération Mars. Cette décision
horrifie Halder, car ces deux divisions sont loin d’avoir recouvré leurs forces.
Pendant ce temps, à Odessa, l’amiral Oktyabrsky ordonne, comme prévu avant même le début
de l’offensive, l’engagement immédiat des trois brigades de fusiliers marins pour un
débarquement qui doit leur permettre d’encercler une partie des forces roumaines en faisant la
jonction avec les troupes du second échelon de l’Armée Côtière. Les navires quittent Odessa à
21h00 et rejoignent vers 23h30 la force de couverture, qui vient de Sébastopol.
………
Force de couverture
Cuirassé Parijskaja Kommouna, croiseur moderne Molotov, croiseur ancien Krasnyi Krym,
destroyer “conducteur de flottille” Tashkent, destroyers Bditelnyi, Bodryi, Smyshlonnyi,
Soobrazitelnyi, Sposobnyi.
………
Force de débarquement (* indique un navire transportant des troupes)
Croiseur moderne Voroshilov, croiseurs anciens Krasnyi Kavkaz et Komintern, destroyers
Bezuprechnyi, Svobodnyi, destroyers anciens Dzerjinski, Jeleznjakov, Nezamojnik*,
Shaumjan*, escorteurs Leopard, Tigr, canonnière Krasnyi Adjaristan, dragueurs d’escadre
Ivan Borisov*, Sergei Shuvalov* et Semion Roshal*, dragueurs T-403, T-404, T-405, T-406,
T-407, T-408, T-409, T-410.
Les huit transports Abkhazya, Armenia, Belostock, Bol’shevik, Dnepr, Kalinine, Zan et Jores
emportent le reste des troupes et l’équipement, sous la conduite du croiseur auxiliaire
Mikoyan.
Les 1ère et 4e divisions de vedettes assurent l’éclairage. La 3e division de vedettes ainsi que les
2e et 3e divisions de chasseurs de sous-marins assurent l’escorte ASM rapprochée.
Les hydravions du 116e ORAP éclairent la flotte tandis que les avions des 8e et 32e IAP
(chasse) et de la 63e BAB (bombardement) sont chargés de sa protection aérienne.
23 décembre
Dans les états-majors
Varsovie, 06h40 – Un radiogramme apprend au général Model qu’il doit quitter au plus tôt
Varsovie pour prendre le commandement des forces allemandes stationnées entre Rovno et
Korosten, en Ukraine.
Sur le Front
Ukraine/Bessarabie – Opération Molot
Balti – Le XLII. Armeekorps de von Sponeck entreprend son mouvement vers le sud. Mais la
voie ferrée est inutilisable, les routes défoncées sont encombrées de civils et de militaires
roumains en fuite et les véhicules allemands doivent jouer à cache-cache avec les avions des
VVS qui les mitraillent sans opposition. Il faudra plus de deux jours pour faire 140 km.
………
Tiraspol-Tighina – Pendant la nuit, l’infanterie de la 2e Armée de Choc achève de nettoyer la
rive ouest du Dniestr jusqu’à Tighina (Bender) tandis que le 1er Corps Blindé, empruntant la
tête de pont ouverte par la 267e DI, franchit le fleuve. Malgré quelques contre-attaques
tardives des forces roumaines, la route de Kishinev est ouverte !
………
Strasburg (Koutchourgan) – Cette petite ville au sud-est de Tiraspol a été fondée un siècle
plus tôt par des colons allemands. Mais après sept mois de combats, il ne reste plus grand-
chose de ses coquettes maisons ornées de gravures romantiques et d’horloges de Nuremberg.
Avant l’aube, un tir intense d’artillerie balaie les défenses roumaines. Dans l’eau glacée
jusqu’à mi-corps, les hommes du 59e Corps d’Infanterie entreprennent le franchissement du
Dniestr. Au cours de la matinée, les trois divisions du Corps de Cavalerie d’Odessa (général
Belov) sont engagées comme second échelon pour accélérer l’avance des troupes et
commencer l’exploitation de la percée.
Dans la soirée, Molotov pourra annoncer à l’ambassadeur de France, avec un petit sourire :
« Notre avance est vraiment très rapide, le drapeau soviétique flotte sur Strasburg ! »
Morskii desant (débarquement naval)
Côte de la Mer Noire, 06h00 – Les dragueurs de mine soviétiques s’activent pour ouvrir le
passage au convoi à travers les champs de mine défensifs roumains et allemands pour
permettre le débarquement des fusiliers marins. Tâche humble mais essentielle et dangereuse :
le T406 Iskatelny saute sur une mine. Il est gravement endommagé (la machinerie est
atteinte), mais la voie d’eau est maîtrisée. Le dragueur pourrait survivre s’il était remorqué et
escorté jusqu’à Odessa. Mais à ce moment, l’amiral Oktyabrsky, sur le cuirassé Parijskaja
Kommouna, ne sachant pas si l’aviation de l’Axe va se montrer en force, ne veut pas se
séparer d’un seul navire supplémentaire. L’équipage du T406 est transféré sur les T403 Gruz
et T405 Vzyvatelny, puis le dragueur est sabordé. Il n’y a pas eu de pertes humaines.
08h20 – Le débarquement de la 8e Brigade de Fusiliers Marins soviétique commence, sans
grande opposition, autour de Lyman. Deux batteries côtières prennent à partie les navires qui
s’approchent de la côte, endommageant légèrement la plage avant du DD Nezamojnik
(plusieurs marins sont tués ou blessés, mais aucun des soldats transportés n’est atteint). Elles
sont rapidement réduites au silence par la puissante artillerie du cuirassé et des croiseurs
soviétiques.
Mais alors que les premiers éléments d’assaut ne sont qu’à quelques dizaines de mètres du
rivage, les embarcations sont prises pour cibles par des éléments d’une Division Côtière
roumaine, appuyés par une batterie de canons de campagne. Les tirs sèment la confusion chez
les assaillants et leur infligent des pertes sévères. Cette résistance imprévue et courageuse est
néanmoins de courte durée : le cuirassé Parijskaja Kommouna et les croiseurs, dont le tir est
guidé par des hydravions d’observation, écrasent les défenseurs sous un pilonnage de quinze
minutes. La plupart des survivants sont faits prisonniers par les fusiliers marins soviétiques.
………………………
Composition d’une brigade de fusiliers marins soviétique
3 bataillons de fusiliers marins
2 compagnies d’assaut (manœuvre des engins de débarquement et sécurisation des plages)
1 compagnie de sapeurs-mineurs
1 bataillon d’artillerie (18 x 76 mm)
1 bataillon de mortiers légers (24 x 82 mm)
1 bataillon de mortiers lourds (18 x 120 mm)
1 compagnie AA (12 x 12,7 mm AA)
1 bataillon antichar (12 x 45 mm AC + 18 fusils antichars PTRS).
1 compagnie de chars (10 x T-50)
1 compagnie de signaux.
………………………
09h00 – Les premiers éléments de la 8e Brigade se dirigent vers Tatarbunary. Les Soviétiques
tentent de progresser le plus vite possible pour profiter au maximum du désarroi de leurs
adversaires, mais les Roumains ont parsemé le secteur de mines et de barbelés. Ces obstacles
ralentissent les attaquants. Néanmoins, les mines sont relativement clairsemées – les
Roumains craignaient un débarquement, mais ont manqué de temps pour miner leurs côtes de
façon plus dense ; les champs de mine sont même parfois indiqués par des panneaux “MinesMinen” destinés aux civils. La compagnie de sapeurs-mineurs de la brigade parvient donc à
ouvrir la voie assez rapidement. Elle subit cependant des pertes notables – pour preuve, le fait
qu’une bonne partie des décorations décernées à l’issue de l’opération seront décernées à des
sapeurs… et à titre posthume.
10h30 – Les premiers T-50 de la 8e Brigade atteignent les plages. Deux d’entre eux sont
engloutis avec les chalands improvisés qui les transportent, un troisième s’enlise sans remède,
mais vers 11h20, les sept autres sont à pied d’œuvre. Emportant sur leur dos quatre ou cinq
soldats chacun, « à la cosaque », ces chars foncent vers Tatarbunary.
………
Constantza, 11h30 – Informé qu’un débarquement soviétique a eu lieu sur les arrières de
l’armée roumaine, le commandement de la marine roumaine craint de servir de bouc
émissaire si la flotte ne fait rien. Il va faire un effort maximal, malgré les risques.
Deux IAR 38 du 12e Escadron de reconnaissance ont pu évaluer les forces soviétiques, bien
que l’un d’eux ait été abattu par un MiG 3 du 8e IAP. Les forces navales de l’Axe en Mer
Noire sont bien trop faibles pour s’opposer de front à une telle escadre, mais les sous-marins
et les forces légères vont tenter d’agir dès la nuit tombée.
………
Côte de la Mer Noire, 11h50 – Les sept chars et les soldats qu’ils transportent ont rattrapé la
compagnie de sapeurs-mineurs. Tatarbunary est proche, mais le reste du chemin n’a pas
encore été déminé. Le colonel qui commande la 8e Brigade prend alors une décision hardie.
Sachant que l’effet de surprise du débarquement pourrait ne pas durer, il ordonne aux chars de
continuer, sans attendre que la route soit sûre. Les équipages de deux chars se portent
volontaires pour rouler en tête. Les soldats en descendent et les cinq chars suivants doivent
suivre précisément les traces des deux premiers pour limiter les risques.
12h20 – Le char de tête roule sur une mine et explose. Les six autres ne s’arrêtent pas,
contournant simplement l’épave. Les deux membres d’équipage du char détruit recevront
l’Ordre de la Guerre Patriotique de première classe (distinction qui mettra leurs familles à
l’abri du besoin).
12h40 – Les six premiers T-50 de la 8e Brigade atteignent Tatarbunary alors que 18 Pe 2 du
62e BAP viennent de la bombarder. Surpris, bousculés, croyant déjà à l’arrivée du gros des
troupes soviétiques, les Roumains parviennent malgré tout à organiser devant la petite ville un
semblant de résistance.
13h00 – La 8e Brigade demande un appui naval contre les défenseurs de Tatarbunary, qui est
bombardée jusque vers 13h30 par le Parijskaja Kommouna. Le moral des défenseurs, déjà
médiocre, s’en ressent et ils cèdent facilement quand la 8e Brigade passe à l’attaque, soutenue
par les premiers mortiers et canons de 76 arrivés sur place.
Pendant ce temps, la 5e Brigade achève de débarquer et la mise à terre de la 79e commence.
Cependant, l’étroitesse des plages choisies et les difficultés rencontrées pour mettre à terre le
matériel lourd sans navire spécialisé retardent les opérations. Le débarquement, qui devait
s’achever avant la tombée de la nuit, prend un peu de retard.
13h40 – La coupure de la route côtière plonge le VIe Corps roumain dans la confusion la plus
profonde. Alors que la 20e DI se bat contre les hommes du général Belov (le Corps de
Cavalerie d’Odessa), l’annonce que des troupes soviétiques opèrent sur ses arrières provoque
un début de panique. Des éléments de la 5e Brigade de Cavalerie roumaine qui se portent à la
rencontre de l’ennemi sont décimés par le tir de six T-50 prenant la route en enfilade. Le repli
précipité des cavaliers vers l’est provoque un surcroît de panique et il faut toute l’autorité du
général Dragalina pour éviter un effondrement complet. Mais le mal est fait.
14h45 – Le général Radu B!ldescu donne l’ordre aux restes de la 18e DI de décrocher vers
l’ouest en empruntant la route qui court à l’intérieur des terres, mouvement bientôt imité par
la 20e DI. Le bataillon de chars et le bataillon de reconnaissance motorisé de la 40e Division
de Cavalerie soviétique bousculent les hommes de B!ldescu, qui sont à découvert, et la 18e DI
perd rapidement toute cohésion.
16h50 – Alors que l’obscurité commence à tomber sur le champ de bataille, les éléments
avancés de la 40e Division de Cavalerie font leur jonction avec les fusiliers marins de la 8e
Brigade à Tatarbunary puis poussent vers l’ouest, n’hésitant pas à circuler tous phares
allumés. Ce mouvement provoque l’encerclement de la 5e DI roumaine ainsi que d’une partie
de la 18e DI. Cependant, les soldats soviétiques sont trop peu nombreux pour que
l’encerclement soit étanche et des groupes de plusieurs centaines de soldats roumains arrivent
à s’échapper à travers champs, après avoir abandonné leurs armes lourdes. En revanche,
jouant de malchance, le général Mazarini, qui commande la 5e DI, et son chef d’état-major,
Nicolae Cambrea, tombent aux mains des cavaliers de Belov.
………
Dans les airs – En dépit de leur infériorité quantitative et qualitative, les FFAR ont tenté
l’impossible pour éviter ce désastre, mais les chasseurs roumains qui s’efforcent de défendre
leurs troupes sont débordés par les attaquants. Un raid de neuf JRS-79B bombarde
Tatarbunary sans grands résultats à 15h10, mais sans pertes. Mais vers 17h00, un raid de six
He 111 H3 tombe sur des chasseurs de l’Aéronavale soviétique et perd quatre de ses avions
sans pouvoir toucher l’objectif.
………
Plus au nord – Ayant compris l’inanité de leur contre-attaque, les Allemands de la 198. ID se
replient vers Tiraspol, en compagnie des 13e et 14e DI roumaines. Mais la ville est déjà en
partie investie par la 268e DI soviétique, appuyée par la 19e Division de Cavalerie, et les
unités en retraite (ou en fuite) indiquent que le 1er Corps Blindé soviétique approche de
Kishinev.
Aussi les trois divisions (ou ce qui en reste), accompagnées des rescapés de la 1ère DB
roumaine (qui n’a plus que six chars en ordre de marche), entament un mouvement de repli
vers l’ouest. Cependant, le franchissement du Dniestr se fait sous de constants
bombardements de l’aviation soviétique. A 15h55, le dernier pont sur le grand fleuve est
détruit, laissant près de 10 000 hommes en aval de Tiraspol sur la rive droite, où ils seront
faits prisonniers.
Le général Albert Buck, chef de la 198. ID, ne montre aucun empressement à passer le
fleuve : il sait ce qui attend un général qui a battu en retraite contre les ordres du Führer. C’est
ainsi qu’il se fait tuer dans la soirée, sans doute par un bombardement aérien.
………
Lyman – A la nuit tombée, deux brigades complètes ont pu débarquer, mais si la plupart des
hommes de la 79e ont aussi atteint la terre ferme, une bonne partie de leur matériel lourd est
encore en mer. C’est notamment le cas de 5 de ses T-50 (jusqu’à présent, 16 chars ont pu être
débarqués intacts, 2 ont été endommagés et 7 ont été engloutis avec leurs équipages).
………
Sur mer – La marine roumaine, contrainte à la discrétion dans la journée, va pouvoir passer à
l’action. Les Roumains disposent de deux escadrons de vedettes lance-torpilles, les NMS
Viforul, Vijelia et Viscolul (des Vosper) et les NMS Vedenia, Vântul et Vârtejul (des Gusto).
Le NMS Marasesti, dernier destroyer roumain opérationnel, a lui aussi été mobilisé – on ne
pourra pas dire que la Marine n’a pas tout tenté !
La Kriegsmarine va d’ailleurs l’assister de son mieux : les S-26, S-28, S-72 et S-102 de la
8. Schnellboots-Flottille appareillent en même temps que les vedettes roumaines.
24 décembre
Sur le Front
Pour l’honneur de la marine roumaine
Aux approches de Lyman, 00h10 – Les vedettes roumaines approchent de la zone du
débarquement. Elles longent la côte à vitesse réduite, le groupe des Vosper au plus près du
rivage, celui des Gusto un peu plus au large. Les Roumains ont l’avantage de très bien
connaître le secteur, ce qui leur évite de s’échouer, et surtout de connaître la position exacte
des champs de mine défensifs de l’Axe – les dragueurs soviétiques n’ont pu dégager qu’un
étroit chenal.
Le Marasesti, trop repérable, suit de loin, dans l’espoir de pouvoir achever un éventuel blessé
qui s’écarterait du convoi. Les vedettes allemandes, qui connaissent moins bien le secteur et
ses champs de mines, l’accompagnent.
00h30 – Les vedettes roumaines aperçoivent, sans être vues elles-mêmes, une partie de
l’escorte du convoi. Ralentissant encore, le groupe le plus au large se rapproche du rivage,
suivant à quelque distance les trois autres vedettes. Celles-ci sont déjà parvenues à distance de
lancement et n’ont toujours pas été détectées. Alors que l’escorte surveille principalement le
large et redoute surtout d’éventuels sous-marins, les vedettes se sont faufilées entre le convoi
et le rivage, mais elles n’ont pas encore trouvé les transports.
C’est à ce moment qu’un chasseur de sous-marins détecte les vedettes du premier groupe et
les charge en donnant l’alarme. Les trois vedettes lancent précipitamment sur les escorteurs
qu’elles ont repérés, faute d’avoir détecté les transports. La Viforul s’en prend directement à
l’importun, qui tire de toutes ses pièces, et l’atteint d’une torpille qui le foudroie – le petit
bâtiment coule très vite, entraînant son équipage. Une autre torpille atteint la
canonnière Krasnyi Adjaristan. Celle ci a transporté des soldats de la 5e Brigade, mais ils ont
tous débarqué dans la journée. L’Adjaristan va sombrer vers 01h30 sans pertes humaines, la
décision de l’abandonner ayant été prise rapidement.
Dès qu’elles ont lancé, les Viforul, Vijelia et Viscolul filent sans demander leur reste. En effet,
une partie de l’escorte contre-attaque. La 1ère Division de vedettes, qui couvre le flanc sud du
convoi, est la plus rapide et se jette à la poursuite des vedettes roumaines. Mais de plus
dangereux adversaires sont à portée de tir : les croiseurs Molotov et Krasnyi Krym, le
destroyer leader Tashkent et les destroyers Bditelnyi, Bodryi, Smyshlonnyi, Soobrazitelnyi et
Sposobnyi ouvrent le feu dès qu’ils ont repéré les intrus (et parfois avant). Les tirs encadrent
les vedettes roumaines et à 00h56, la Viforul explose en pleine course, touchée de plein fouet
par un obus de 180 mm. Pratiquement coupée en deux, elle sombre immédiatement. Trois
survivants sont capturés par les Soviétiques, mais le commandant parvient à nager jusqu’au
rivage. Il réussira à passer inaperçu et à rejoindre les lignes roumaines, exploit qui lui vaudra
la médaille de l’Ordre de Michel le Brave de 2e classe. Son équipage se verra aussi attribuer, à
titre collectif (et posthume pour la plupart), la médaille du même ordre, mais de 3e classe.
A ce moment, les Vedenia, Vântul et Vârtejul lancent leurs torpilles sur les navires soviétiques
qui poursuivent les deux vedettes survivantes du premier groupe. Une torpille frôle le Molotov
par bâbord, une autre frappe le Bodryi à l’avant. Celui-ci stoppe, puis fait demi-tour vers le
convoi. Profitant de la nuit, il s’éloigne vers l’est, escorté par le Sposobnyi. Il réussira à
atteindre Sébastopol sans encombres.
Les cinq vedettes roumaines restantes parviennent à esquiver les obus des navires soviétiques,
même si la Vârtejul est endommagée par des éclats, et sont bientôt hors de portée. Cependant,
les vedettes soviétiques – sept bateaux de type G-5 – prennent le relais. Une brève mais féroce
bataille s’engage, toujours à pleine vitesse, entre les vedettes des deux camps. Une G-5 est
détruite et une autre gravement endommagée, mais toutes les vedettes roumaines sont
touchées plus ou moins durement et la Vijelia stoppe, atteinte aux moteurs.
A ce moment survient le Marasesti, qui a suivi la bataille de loin et a décidé de venir prêter
main-forte à ses vedettes, le gros de l’escadre ennemie étant à bonne distance. Les vedettes
soviétiques font vite demi-tour, non sans que le Marasesti ait pu achever la G-5 endommagée.
L’équipage de la Vijelia est secouru et la vedette sabordée, quelques survivants d’une G-5
sont même capturés.
La flottille roumaine repart juste à temps – les destroyers Tashkent, Bditelnyi, Smyshlonnyi et
Soobrazitelnyi, alertés par les vedettes soviétiques, ont comblé leur retard. Les croiseurs ont
de leur côté préféré rester en retrait pour éviter toute mauvaise surprise. Un duel au canon
s’engage alors. Le destroyer roumain, en pleine nuit et à vitesse maximale, se révèle une cible
difficile à atteindre. A 01h20, après plusieurs minutes de combat, deux obus du Tashkent
touchent le Marasesti, faisant plusieurs victimes et quelques dégâts, sans obliger le Roumain à
ralentir. Le commandant du Tashkent, son navire ayant été légèrement touché, décide peu
après d’abandonner la poursuite, craignant (à juste titre) que l’ennemi ne tente de l’attirer vers
un champ de mines, et les deux destroyers soviétiques rebroussent chemin. C’est à ce moment
que les S-Boots, passées jusque là inaperçues, interviennent – le Tashkent s’échappe sans mal,
mais le Smyshlonnyi est frappé par deux torpilles. Mortellement touché, il coulera au petit
matin.
La flottille roumaine retourne panser ses plaies à Constantza. Le Marasesti sera immobilisé
pour six semaines de réparations, les vedettes plus brièvement.
Comme prévu, la marine roumaine sera blâmée pour n’avoir pas su empêcher l’opération
soviétique, mais au vu des pertes, les critiques devront bien admettre qu’il n’était pas possible
de faire mieux. La Kriegsmarine le reconnaîtra d’ailleurs, en accélérant la fourniture de pièces
pour la fabrication des trois nouvelles vedettes rapides en construction, les Vijelia II,
Viforul II et Vulcanul, achevées respectivement en février, avril et juin 1943 5. Quant aux
sous-marins Rechinul et Marsuinul, l’envoi à Galati de techniciens spécialisés allemands
laisse espérer une mise en service, respectivement, en mars et mai 1943.
Opération Molot/Marteau
Ukraine/Bessarabie, 07h00 – Les hommes du 1er Corps blindé soviétique reprennent leur
avance, la cavalerie rayonnant largement autour d’eux.
Morskii desant, suite et fin
Lyman, 10h30 – Le débarquement des trois brigades de fusiliers marins et de leur matériel
est terminé. Les deux chars endommagés ont pu être réparés pendant la nuit et se mettent en
route, mais un huitième char a été perdu.
Sa mission terminée, la flotte peut rentrer se mettre à l’abri d’attaques aériennes éventuelles.
La veille, en l’absence de menace aérienne sérieuse, l’amiral Oktyabrsky avait envisagé de
maintenir la flotte une journée de plus pour fournir un appui feu aux troupes débarquées, mais
les coups d’aiguille nocturnes des Roumains l’ont ramené à plus de prudence. Les risques ne
seraient pas négligeables si la flotte s’attardait dans ces eaux. La Flotte du Drapeau Rouge
repart donc pour Odessa.
De fait, les maigres forces de surface de l’Axe ne sont pas le seul danger qui menace le convoi
soviétique.
………
Mer Noire, 11h45 – Le NMS Delfinul, seul sous marin roumain opérationnel, aperçoit sur
bâbord arrière la force de couverture qui retourne à Sébastopol. Idéalement placé pour
attaquer les grands bâtiments soviétiques, il fait route au 285 pour diminuer la distance de
lancement. Mais si la chance l’a favorisé, elle tourne rapidement – son périscope, laissé un
peu trop longtemps en surface, le trahit aux yeux de l’observateur d’un des avions de
5
Les pièces en question provenaient… des moteurs de Spitfire abattus : c’est en effet une variante du RollsRoyce Merlin qui équipait les vedettes Gusto.
protection de la flotte. L’alerte donnée, les destroyers Bditelnyi et Soobrazitelnyi chargent
l’importun. Obligé de plonger profondément pour échapper aux grenades, le Delfinul parvient
à échapper aux attaques, mais l’initiative ne lui appartient plus.
Vers 12h30, quand il peut revenir à l’immersion périscopique, il voit avec dépit les deux
destroyers s’éloigner à plus de 30 nœuds tandis que la fumée du reste de l’escadre russe
s’estompe à l’horizon.
Opération Molot
Kishinev (Chisinau) – Le 1er Corps Blindé entre dans la ville vers 11h30, capturant une
partie de la logistique du XI. AK et en particulier de stocks de carburant et de vivres (ce corps
était mieux doté que la plupart, en raison de la présence d’une division blindée). En dépit de
contre-attaques sporadiques menées par des survivants de la 6e DI roumaine, les Soviétiques
prennent la route de Iasi et avancent encore d’une vingtaine de kilomètres.
A Iasi justement commencent à débarquer, après un transfert en train de près de vingt-quatre
heures passant par Radom, L’vov, Ivano-Frankovsk et Chernovits, les éléments des 10. et
267. ID allemandes. Ces unités n’ont été que partiellement reconstituées depuis les combats
contre l’offensive Mars, auxquels elles ont participé. Mais elles sont dotées d’automoteurs
antichars sur châssis de PzKpfw-II ou de PzKpfw-38(t), et surtout d’une DCA comprenant
des canons de 88 mm.
………
Sur la côte, le désastre se poursuit toute la journée. Tandis que des groupes de quelques
dizaines ou centaines de soldats roumains marchent vers l’ouest de manière complètement
désorganisée, la 20e DI roumaine tente désespérément de freiner l’avance des Soviétiques,
conduits par le Corps de Cavalerie d’Odessa.
Sur la route côtière, les 5e et 8e Brigades de Fusiliers Marins avancent vers l’ouest, laissant à
la 79e la tâche de nettoyer la zone de débarquement et de capturer le plus possible de fuyards.
Elles constituent un détachement mécanisé en combinant les chars T-50 de leurs compagnies
blindées organiques et les camions tracteurs d’une partie de leur artillerie, et ce groupement se
lance sur la route. Près de Bolgrad, la compagnie de fusiliers marins du lieutenant Nikolay
Tereshchenko encercle un groupe d’une centaine de soldats allemands et roumains qui
commencent à déposer les armes. Mais quelques-uns, refusant de se rendre, ouvrent le feu : le
lieutenant est tué. Les fusiliers marins ripostent jusqu’à reddition complète. En tout, ce seul
petit détachement aurait capturé 800 ennemis et 60 chevaux en deux jours 6.
Dans la soirée, les cavaliers de Belov et les marins arrivent à Bolgrad, précédés par les
bombardements des VVS. L’aviation harcèle en effet ce qui commence à ressembler à un
“chaudron”, constitué des rescapés de la 198. ID allemande, des 13e et 14e DI roumaines et de
la 1ère DB roumaine. Le dernier char de la 1ère DB (un R2, version roumaine du LT vz 35
tchèque, armé d’un pauvre canon de 37 mm) est détruit dans la matinée. Cependant, cette
retraite, quoique coûteuse, permet à de nombreux soldats de refluer vers l’ouest.
Pendant ce temps, les 2e, 6e et 7e DI roumaines, qui étaient au repos dans la région de
Bucarest, arrivent à Galati et à Izmail.
25 décembre
Sur le Front
Bessarabie – Le corps d’armée du général von Sponeck arrive après la bataille : Kishinev est
tombée, la voie de retraite des XI. et XXX. Armeekorps est coupée, et les rescapés de la 6e DI
6
Le lieutenant Tereshchenko et le capitaine Rumyantsev (voir 22 décembre) font partie des rares combattants
honorés du titre de Héros de l’Union Soviétique au terme de l’ensemble de l’opération Molot.
lui apprennent que les forces roumaines, en pleine déroute, ne sont absolument pas en état
d’appuyer une contre-attaque. Les demandes d’instructions que von Sponeck adresse à von
Arnim, puis à von Manstein qui vient de prendre possession de son commandement, ne
reçoivent que des réponses évasives : chacun sait, même si personne n’ose le dire à haute
voix, que les renforts que l’on concentre à Iasi ne seront pas prêts avant plusieurs jours.
Cependant, les Soviétiques s’activant à compléter l’encerclement de la 3e Armée roumaine, ils
laissent un court répit à von Sponeck. Celui-ci tient une conférence avec ses deux
subordonnés, l’Allemand Kurt Himer, de la 46. ID, et le Roumain Gheorghe Manoliu, de la 4e
Brigade de Montagne : tous conviennent qu’il faut se replier vers le nord, sur les hauteurs de
la Bukovine, où il sera possible d’établir une ligne de défense contre le déferlement
soviétique.
A 10h00, von Sponeck télégraphie sa décision à Iasi. Von Manstein envoie aussitôt un
contrordre : « Mettre fin immédiatement à tout mouvement de retraite ». Mais von Sponeck a
déjà fait démonter ses émetteurs et commencé son mouvement. Von Manstein n’ose pas
imaginer la réaction du Fûhrer… Dès le lendemain, il démet Sponeck de son commandement,
mais sans lui désigner de successeur, ce qui, en fait, lui laisse une autorité provisoire sur le
XLII. AK.
26 décembre
Sur le Front
Secteur nord et Mer Baltique
…
Secteur centre
…
Secteur sud et Mer Noire
27 décembre
Sur le Front
Bessarabie/Ukraine – La 3e Armée roumaine achève son retrait des plaines de Transnistrie,
prenant juste le temps de dynamiter le mausolée du dirigeant communiste Grigori Kotovsky,
héros éponyme de la ville de Kotovsk 7. Elle perd là beaucoup d’hommes, dont ceux de la 1ère
Brigade de Montagne, qui se sacrifie pour couvrir sa retraite : son général, Mihail Lascar, un
des très rares Roumains à avoir été décoré de la Croix de Fer pour ses exploits de septembre,
tombera aux mains de l’ennemi dans l’après-midi du 28.
28 décembre
Sur le Front
Secteur nord et Mer Baltique
…
Secteur centre
…
7
Grigori Kotovsky (1881-1925), chef de brigands, pilleur de banques, rallié aux Bolcheviks pendant la guerre
civile russe, co-fondateur d’une éphémère “République soviétique de Moldavie” qui allait du Prut au Bug. La
dernière bataille des Rouges de Kotovsky contre le corps expéditionnaire français est évoquée dans le roman de
Roger Vercel, Capitaine Conan.
Secteur sud et Mer Noire
29 décembre
Sur le Front
Ukraine/Bessarabie – En quatre jours de marche et de combats continuels, les GermanoRoumains du XLII. ArmeeKorps (toujours sous le commandement de fait de von Sponeck)
ont rejoint la ligne de défense constituée par la 3e Armée roumaine au nord de la Bukovine.
Le temps est sec, mais la température ne cesse de chuter, au point que les Soviétiques, eux
aussi épuisés, arrêtent la poursuite. A part ce petit morceau de Bukovine, la Roumanie est
pratiquement retombée aux frontières du “Vieux Royaume” d’avant 1914.
30 décembre
Dans les états-majors
« Nice weather, isn’t it ? » – L’amirauté britannique informe les Soviétiques de l’approche
d’une très grosse perturbation venue du nord-ouest, qui doit frapper la Biélorussie, l’Ukraine
et la Roumanie aux environs du 2 janvier. L’officier de liaison soviétique, la camarade
Evguenia Pouzirova, est déjà au courant depuis la veille grâce à ses contacts personnels : de
charmants universitaires de Cambridge attachés aux états-majors britanniques. Elle n’en laisse
rien paraître et remercie chaleureusement 8.
Sur le Front
Ukraine/Bessarabie – Après mûre réflexion, von Manstein donne enfin un successeur au
général von Sponeck, officiellement démis depuis le 25 décembre. Ce sera le général
Mattenklott, lui-même remplacé peu après par Johannes Friessner.
Quelques jours plus tard, von Manstein annoncera que la 46. ID, coupable d’avoir battu en
retraite contrairement aux ordres, est privée jusqu’à nouvel ordre de promotions, citations et
décorations. Son général, Himer, comprend ce qui lui reste à faire : il ira se faire tuer sur le
front à la première occasion.
La 4e Brigade de Montagne roumaine, qui a participé à la retraite de von Sponeck, échappe à
cette honte : elle est réintégrée dans le Corps de Montagne roumain. Comme le Reich n’en est
pas à une contradiction près, son général, Gheorghe Manoliu, sera même décoré de la Croix
de Fer.
La radio du Reich, on s’en doute, observe un silence total sur le cas Sponeck. En revanche,
une fois sa mort confirmée, elle fera un grand éloge du général Albert Buck, de la 198. ID,
« qui s’est bravement donné la mort plutôt que de tomber aux mains de l’ennemi ».
31 décembre
Sur le Front
Secteur nord et Mer Baltique
…
Secteur centre
…
8
E. Pouzirova sera décorée de la médaille militaire britannique pour sa participation aux convois du prêt-bail à
destination de l’URSS. L’affaire des “Quatre de Cambridge” deviendra un des plus gros scandales d’espionnage
de l’après-guerre. Voir Pavel Soudoplatov, Mémoires, p. 65-66.
Secteur sud et Mer Noire

Documents pareils