Sexualité des personnes handicapées
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Sexualité des personnes handicapées
Sexualité des personnes handicapées (2006) Sexualité personnes handicapées – FPS - 2006 Ce texte a notamment servi de base à une intervention lors du colloque « Sexualité et assistance : prostitution ou service ? » ASPH, Bruxelles, 18 octobre 2006 Dominique Plasman Secrétaire Générale 02.515.04.01 [email protected] Editrice responsable : Dominique Plasman - Place St Jean, ½ - 1000 Bruxelles 2 Sexualité personnes handicapées – FPS - 2006 Derrière le handicap, des personnes La question de la sexualité des personnes vivant avec un handicap a plus d’une raison de concerner directement une association de femmes, qui organise en outre une fédération de centres de planning familial. La campagne de Cap48 cette année était entre autres axée sur le regard que l’on porte sur ces personnes. Elle voulait nous rappeler qu’une personne paraplégique c’est bien plus qu’une chaise, qu’une personne aveugle c’est bien plus qu’une canne et qu’une personne trisomique c’est bien plus que des yeux bridés. Et en effet, si nous pouvions regarder tous ces gens comme nous regardons n’importe qui, c’est-à-dire si nous voyions en eux la personne, et établissions d’emblée avec elle un rapport interpersonnel, une bonne part du problème serait déjà résolue. Car la reconnaissance de la vie sexuelle et affective des personnes handicapées, quel que soit le type de handicap dont elles souffrent, irait alors de soi, comme elle va pour n’importe qui. Et les rencontres amoureuses que ces personnes feraient seraient sans doute aussi beaucoup plus fréquentes qu’aujourd’hui. Malheureusement on en est encore loin. Chaque personne humaine a une sexualité, ce n’est pas une revendication, c’est un constat. Le handicap, qu’il soit mental ou physique, n’enlève évidemment rien à la réalité sexuée de chacun. Ce n’est que dans le regard que nous posons sur certains et certaines d’entre nous que le problème se pose. Les difficultés de la vie sexuelle et affective de certains d’entre nous ne viennent-elles pas en grande partie de l’isolement, du manque d’intégration professionnelle etc ? On peut dire que c’est en soi plus difficile de trouver l’âme sœur ou le partenaire d’un soir quand on est mal voyant ou en chaise, mais ce n’est sans doute pas à cause du handicap en soi. Pour un important pourcentage de cette catégorie étrange des « handicapés », c’est avant tout à cause du regard excluant des autres et du manque d’intégration sociale que naissent les problèmes. Une adolescente en chaise expliquait l’autre jour à la télévision que quand ses copains allaient au cinéma ils ne lui proposaient que rarement de les accompagner. Dans ces conditions il est évident que cette jeune fille aura sans doute plus de mal qu’une autre à avoir des petits amis… On est donc là devant une responsabilité collective des copains, des cinémas, des transports en commun, des enseignants et des parents. Bref, devant un problème de mentalité. Et les mentalités, ça se change, par définition ! Editrice responsable : Dominique Plasman - Place St Jean, ½ - 1000 Bruxelles 3 Sexualité personnes handicapées – FPS - 2006 Face à une personne handicapée, on préfère souvent nier la réalité de sa sexualité, faire comme si elle n’en avait pas. Il s’agit là d’une forme subtile de rejet, de mise à l’écart, une façon de se rassurer en se confirmant bien que cette personne est très différente, que vraiment elle ne nous ressemble pas, en considérant par exemple que ce sont de « grands enfants » qui ne sont pas passés par le stade de la puberté. Bref, on se protège face à la différence. Plus on croit que cette différence est radicale, moins on se sent menacé soi-même, moins on se sent concerné par notre commune humanité… Avec certains besoins et des modes de vie spécifiques Que pour les personnes atteintes de certains types de handicaps cette sexualité soit difficile à mettre en œuvre, c’est certain. Là elles rejoignent bien d’autres groupes : les prisonniers, les timides, les impuissants, les âgé-es, qu’ils soient en institution ou non, les mères de famille monoparentales coincées chez elles tous les soirs … Malgré cette commune humanité qui lie les personnes handicapées aux autres groupes humains, il y a évidemment certaines spécificités qui doivent entraîner dans l’entourage des comportements spécifiques eux aussi. Tout d’abord, certaines personnes vivent en institution, comme beaucoup de personnes âgées pour lesquelles le problème se pose également. Là il en va de la responsabilité du personnel de respecter les manifestations de cette sexualité, dans les limites généralement admises par notre morale sexuelle collective, bien entendu. Beaucoup d’améliorations pourraient être assez simples à apporter : laisser à chacun un espace intime et le respecter comme tel, ne pas censurer les relations amoureuses hétéro- ou homosexuelles qui se développent avec quelqu’un de l’intérieur ou de l’extérieur de l’institution, gérer la question des MST et discuter de la question des grossesses, autant avec les garçons qu’avec les filles, respecter des désirs ou des expressions parfois différents des nôtres et résister à l’attrait de la « normalisation », dans les limites du droit et de la déontologie, bien entendu. Dans et hors des institutions, il faut aussi généraliser auprès des jeunes handicapés l’éducation sexuelle et affective comme avec n’importe quel jeune, et même plus si besoin. Les équipes des Centres de planning familial sont habilitées à traiter ces questions, et elles ont disponibles pour intervenir en institutions. Ce qui ne nous empêche pas de réfléchir à un approfondissement de leur formation, comme nous le faisons en permanence. Chaque personne est unique, et chaque sexualité aussi. De ce fait, il y a forcément un certain malaise à parler de la catégorie « personnes handicapées », qui en réalité n’en est pas une. Chaque déficience est porteuse de questions particulières, et dans certains cas de problèmes lourds. Mais Editrice responsable : Dominique Plasman - Place St Jean, ½ - 1000 Bruxelles 4 Sexualité personnes handicapées – FPS - 2006 dans d’autres cas par contre, la sexualité d’une personne handicapée n’est pas plus problématique que celle de n’importe qui – ce qui n’est déjà pas mal. En particulier deux facteurs peuvent, objectivement cette fois, alourdir les problèmes : la dépendance d’une part, et le handicap mental d’autre part. Comme je vous l’ai dit, je ne suis pas apte à mener de longs développements sur ces sujets, mais je voudrais juste relever deux questions. Pour ce qui est du handicap mental, se pose en particulier la question du consentement. En tant que mouvement de femmes, la question du consentement à l’acte sexuel est évidemment une de celles que nous sommes amenées à questionner. Vous savez que ce concept a très fortement évolué au cours des 30 dernières années, grâce à l’action des mouvements de femmes. Dans le cadre du handicap mental, sans doute devrions-nous également remettre en débat certaines de nos catégories mentales, pour intégrer d’autres formes d’amour, de désir et de consentement que celles qui nous semblent aujourd’hui « normales », toujours évidemment dans le respect de chacun. Pour ce qui est de la dépendance, il faut rappeler qu’elle est un énorme facteur de risque de violence et d’abus sexuel, surtout pour les femmes, et que lutter contre cette violence doit être un de nos combats prioritaires. Certaines associations s’occupent de la prévention des violences envers les femmes, sans doute accepteraient-elles de traiter, avec elles, de la question particulière des femmes handicapées. Assistance sexuelle Mais depuis quelques années, à l’instar d’autres pays européens, des débats nouveaux se sont créés, une question spécifique s’est posée : celle de l’assistance sexuelle. Sur ce terrain délicat on ne peut dans un premier temps avancer que grâce à des questions, car ce sujet en est très riche, et par contre les réponses sont loin d’être claires. La première question, empruntons-la à Catherine Agthe1, dans une intervention qu’elle a prononcée en mars de cette année : « à qui appartient le désir de la personne en situation de handicap ? À qui appartient-il d’organiser la réponse à ce désir ? » Cette question peut être posée d’ailleurs pour toute personne qui se trouve dans des conditions objectives rendant difficile la mise en œuvre matérielle de sa sexualité. En d’autre termes, la société doit-elle assurer la satisfaction sexuelle, voire le bonheur ? L’Etat est-il censé mettre en place pour chacun de nous autre chose que des ressources matérielles suffisantes, adaptées à nos besoins ? Cela signifie donc, dans le cas de certains handicaps et en fonction de leur nature, un encadrement professionnel bien formé, un enseignement qui intègre et non qui exclue, des 1 Conférence prononcée le 13 mars 2006 lors d’une journée d’études INSOS (Suisse) Editrice responsable : Dominique Plasman - Place St Jean, ½ - 1000 Bruxelles 5 Sexualité personnes handicapées – FPS - 2006 institutions adaptées et respectueuses des droits et de la liberté de chacun, un accès aux soins les plus performants, et bien entendu, pas de contraintes sur la sexualité de chacun, en dehors du respect des lois communes. Ce qui signifie aussi, pas de mainmise sur la vie privée en général et sur la sexualité en particulier. De tout cela la société est redevable. Mais peut-on, doit-on aller plus loin ? Comment organiser la sexualité de quelqu’un sans en même temps prendre un certain pouvoir sur celle-ci ? Ne risque-t-on pas de tomber dans une forme subtile de paternalisme, c’est-à-dire de relations inégalitaires ? Ne sommes-nous pas influencé-es par l’idéologie qui nous gouverne de plus en plus, celle d’une société uniformisée, reflétée par un certain type d’image que l’on pourrait appeler « publicitaire », image de pub où tout le monde est performant et heureux. Il ne s’agit plus du droit au bonheur, mais du devoir de correspondre au modèle-type de ceux à qui tout réussit, et tout le monde selon le même schéma. Dans ce monde, tout devrait toujours être parfait et standardisé, y compris notre sexualité… Quelle place nous reste-t-il alors pour creuser notre propre chemin ? Quelle place pour notre liberté de sujet unique, notre liberté de construire notre vie en fonction des contraintes, uniques elles aussi, que nous avons ? Autre question fondamentale que pose le service sexuel : qu’en est-il alors du désir et de la sexualité de l’assistant-e ? ne retrouve-t-on pas ici la même question que celle qui se pose dans la prostitution, c’est-à-dire : est-il légitime de mettre l’absence de désir de l’un – ou le plus souvent de l’une – au service du désir de l’autre ? Si ces services sont subsidiés d’une manière ou d’une autre, comment les deniers publics pourraient-ils ainsi privilégier le désir de l’un plus que celui de l’autre ? En filigrane de tout ceci se pose aussi, vous l’aurez compris, la question de l’égal accès à la sexualité des hommes et des femmes. Si le métier d’assistant sexuel devait se développer, trouvera-t-on beaucoup de candidats masculins ? Accordera-t-on aux frustrations sexuelles des femmes handicapées la même sollicitude qu’à celles des hommes ? En conclusion, et pour boucler la boucle avec les réflexions émises en début de texte, on posera cette dernière question : une sexualité complètement déconnectée des sentiments, est-ce tout ce que notre société est capable d’offrir aux personnes handicapées pour se donner bonne conscience ? N’est-ce pas à nouveau une façon de les mettre très loin de nous ? Editrice responsable : Dominique Plasman - Place St Jean, ½ - 1000 Bruxelles 6