"Le Syncass-CFDT dénonce l`incohérence de la politique de santé

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"Le Syncass-CFDT dénonce l`incohérence de la politique de santé
"Le Syncass-CFDT dénonce l'incohérence de la
politique de santé"
Le Quotidien du Médecin - 29 août 2011
"Les erreurs de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) ne sont pas corrigées et le
service public reste la portion congrue de l'hôpital public", déplore le Syndicat des cadres de
direction, médecins, dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics
et privés (Syncass-CFDT), qui dénonce les "aléas de la tarification qui perturbent les
établissements", l'érosion des financements des services de soins infirmiers à domicile et le
report de la réforme de la prise en charge de la dépendance, pourtant "prioritaire", ce qui
"laisse planer le doute sur les suites qui seront données". Ainsi, rapporte Le Quotidien du
Médecin, le Syncass-CFDT juge que le gouvernement doit changer de méthode et faire
participer davantage les dirigeants des établissements de santé.
-­‐Hospimedia : "D'où vient l'encombrement des urgences ? Jean-­‐Paul Fontaine : Il y a souvent une incompréhension. Seules 10% des personnes s'y présentant ne nécessitent aucun acte. Et il s'avère la plupart du temps plus facile de les ausculter et de les traiter rapidement plutôt que de leur expliquer pourquoi on ne va pas les voir. Non, ce qui encombre les urgences, ce sont tous ces patients pour lesquels, dès leur entrée, vous savez qu'il va falloir les coucher mais sans savoir où précisément. A priori, nous plaçons le malade dans le bon lit. Sauf qu'aux urgences, certains sont poly-­‐
pathologiques, d'autant plus s'ils sont âgés, avec des problèmes de diabète associés à des soucis cardiaques, pulmonaires et infectieux. Devant cette absence de spécificité, ils peuvent se voir refuser leur admission dans un service de spécialité. Ils sont pris en charge en médecine interne ou, comme à Lariboisière, en soins aigus gériatriques. Faut-­‐
il un "bed manager" avec une vision globale de l'hospitalisation, notamment des lits disponibles ? Faut-­‐il un "bed emptier", pour sortir plus vite les patients et accroître le turn-­‐over ? Notre travail visait justement à constituer un panel de réponses possibles à cette problématique complexe. H. : Comment cette réflexion s'est-­‐elle opérée sur Lariboisière et Saint-­‐Louis ? J.-­‐P.F. : Nous voulions savoir comment améliorer l'identification des filières et la prise en charge à partir de deux sites d'urgences qui ont chacun leurs spécificités*. Cela passe par un recensement de l'existant (nombres de consultations, transferts et hospitalisations sur place, délais d'attente, etc.) mais ces données générales ne permettent pas de réfléchir à l'amélioration de la fluidité de la prise en charge. Nous avons donc mené durant 15 jours une enquête prospective sur tous les patients nécessitant une hospitalisation. Soit, chaque jour, 50 nouveaux malades à coucher venant des urgences pour le Groupe hospitalier (GH, Lariboisière 66%, Saint-­‐Louis 34%). L'urgentiste devait répondre "ce patient, dans un monde idéal, je l'oriente dans tel service", puis noter où il était finalement couché. Il interprétait ensuite l'adéquation entre son besoin exprimé et le lit obtenu : orientation optimale (fémur cassé en orthopédie), correcte médicalement (personne âgée souffrant d'insuffisance cardiaque en médecine interne et non en cardiologie), assez moyennement satisfaite voire pas du tout (pneumopathie en chirurgie stomatologique). H. : Qu'avez-­‐vous constaté ? J.-­‐P.F. : Point commun aux deux hôpitaux : nous hospitalisons en Unité d'hospitalisation de courte durée (UHCD) -­‐ ou "service porte" -­‐ des malades qui relèvent quasiment d'unités de soins continus : complication de chimiothérapie, sepsis sévères, neutropénies fébriles, poussées d'insuffisance cardiaque, personnes âgées poly-­‐
pathologiques, etc. Théoriquement, le patient (personne ivre, traumatisme crânien avec perte de connaissance...) devrait y rester moins de 24 heures, sous surveillance avant d'être redirigé dans le secteur hospitalier ou renvoyé à son domicile. Or nous y plaçons des malades qui devraient déjà être dans un lit et qui y restent plusieurs jours dans des conditions d'hospitalisation que personne ne souhaiterait pour sa famille. H. : Quelles sont les autres enseignements ? J.-­‐P.F. : Globalement, un patient sur cinq n'est pas couché dans le bon lit. À Lariboisière, les capacités d'hospitalisation en première intention dans les services de spécialité sont plutôt bonnes. En revanche, dès lors que le patient transite par l'UHCD, c'est beaucoup plus compliqué. À Saint-­‐Louis, c'est l'inverse. Chaque jour, Saint-­‐Louis adresse au moins 4 malades à Lariboisière (environ 50% des transferts) et 2 réciproquement (10%). Le GH existe donc bel et bien, ce n'est pas une vue de l'esprit. Toutefois, 40% des transferts de Saint-­‐Louis vont hors Assistance publique-­‐hôpitaux de Paris (AP-­‐HP), 60% pour Lariboisière. Ce travail prouve également l'intérêt d'instaurer un fléchage en amont des urgences (médecins traitants, SOS médecins, pompiers, pharmaciens et centres de santé) : près de 20% des patients nécessitant une hospitalisation aux urgences de Saint-­‐
Louis relèvent de spécialités situées à Lariboisière. H. : Que va-­‐t-­‐il résulter de ce travail ? J.-­‐P.F. : Nous souhaitons établir un tableau de bord général par pôle et par service pour disposer d'une analyse fine des besoins aux urgences, de l'hospitalisation globale sur le service, de la Durée moyenne de séjour (DMS), du nombre de lits fermés à l'année, du taux d'activité non programmée... De là, médecins, paramédicaux et administratifs vont discuter d'objectifs précis service par service et évoquer les leviers possibles d'intervention : consolider une activité, éviter telles fermetures de lits, améliorer la DMS, recruter du personnel pour maintenir une activité, reconfigurer les lits d'un service sous-­‐doté, etc. H. : Qu'en est-­‐il d'un éventuel département d'aval des urgences ? J.-­‐P.F. : Effectivement, pour certains patients poly-­‐pathologiques, il faut 2-­‐3 jours pour les cerner au mieux puis les orienter en médecine interne ou spécialité. Un tel département permettrait peut-­‐être de régler en partie l'un des premiers maux majeurs des urgences : le malade dans le mauvais lit. Hors UHCD, qui doit vraiment ne pas perdurer plus de 24 heures, le patient pourrait rester une durée de séjour intermédiaire avec prise en charge polyvalente, où les spécialités interviendraient pour corriger des problèmes d'orientation difficilement décelables à l'entrée aux urgences. Ce pourrait être une entité géographique en tant que telle comme quelque chose de plus fonctionnel, avec une équipe transversale qui se rendrait de service en service." Propos recueillis par Thomas Quéguiner. * Urgences de Lariboisière : plus de 100 000 passages/an, avec toutes les spécialités nécessaires aux urgences en général, dont quatre non pourvues à Saint-­‐Louis : cardiologie, maternité, neurochirurgie et orthopédie. Urgences de Saint-­‐Louis : 35 000 passages/an en soins de proximité et spécialités non couvertes par Lariboisière : cancérologie, dermatologie, hématologie, pneumologie et urologie. L'orientation post-­‐urgences bientôt prise en compte dans un indicateur Rendu public ce 25 juillet, le baromètre de la qualité des services publics, qui fait l'objet de sa 3e édition, rapporte que 77% des patients qui se rendent aux urgences sont pris en charge en moins de 4 heures, chiffre stable par rapport aux deux premières éditions (juillet 2010 et mars 2011). "Cet indicateur est amené à évoluer", annonce le ministère du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l'État dans son dossier de presse, signalant que la DGOS a engagé des travaux avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et les représentants des médecins urgentistes afin d'élaborer pour la 4e édition du baromètre "un indicateur plus complet qui prendra en compte l'orientation du patient à l'issue de sa prise en charge aux urgences" (lire aussi notre article du 22/06/2011). T.Q. -Meilleurs soins quand l’hôpital est dirigé par un
médecin
Paris, le mercredi 3 août - En France et dans la plupart des pays occidentaux, les
établissements hospitaliers sont principalement dirigés par des non médecins. La loi Hôpital
patient santé territoire (HPST) avait même été perçue par ses plus grands opposants comme
une tentative d’éloigner plus encore les praticiens de la gouvernance hospitalière. Une idée
contre productive si l’on en croit les résultats d’une étude menée par le Dr Amanda Goodal
et publiée dans la revue Social Science and Medicine. Le passage en revue des résultats des
300 hôpitaux les plus importants des Etats-Unis et la mise en relation de ces données avec la
personnalité de leurs dirigeants ont permis de constater que la qualité des soins est 25 %
supérieure dans les établissements dirigés par un praticien. Une conclusion qui pourrait
cependant ne pas être retenue par les différentes autorités, qui se concentrent parfois
prioritairement sur les résultats économiques des établissements.
M.P.
La relation patient-hôpital ne se résume pas à une
histoire
de pognon
Daniel Désir, directeur général médical du CHU Brugmann (Belgique)
"La pratique médicale à l'hôpital ne se résume pas à une relation médecinpatient"
Interview 26.08.11 - 16:56 - HOSPIMEDIA |
Deuxième volet de nos entretiens au long cours, réalisés en partenariat avec le Forum européen des
managers de santé, sur le management des équipes médicales dans les établissements de santé.
Médecin, Daniel Désir a également eu l'occasion de diriger plusieurs établissements de santé. Il nous
fait part ici des enseignements tirés de ses expériences.
Hospimedia : "Vous être médecin et votre parcours vous a conduit à occuper des fonctions de
direction dans différents établissements. Pouvez-vous nous parler de cette expérience et de ce
qui vous a amené sur ce type de poste ?
Daniel Désir : L'une des caractéristiques de l'hôpital général, public ou universitaire, en Belgique, est
la fonction, instituée par la loi, de médecin-chef. Ce qui existe dans les centres anti-cancéreux en
France et dans les hôpitaux militaires mais qui n'existe pas comme tel dans les hôpitaux généraux.
J'étais un chef de service adjoint de diabétologie à l'hôpital académique en 1990 et a surgi un conflit
important entre le corps médical et le gestionnaire, dans l'hôpital public de Mons, le CHU Ambroise
Paré. Le maire de la ville et le président de l'université cherchaient un "casque bleu", capable à la fois
de parler de finances et de gestion, tout en discutant avec les médecins. Parce que j'avais été membre
de structures de type Commission médicale d'établissement (CME) ou conseil d'administration
d'université, j'ai été nommé directeur général à l'hôpital de Mons, ce qui, pour mes collègues de
Valenciennes à l'époque, était quelque chose d'absolument surréaliste, puisque moi, médecin, sorti
d'aucune école de gestion ou de directeur d'hôpital, me suis retrouvé à la tête d'un hôpital public sans
même être fonctionnaire,mais en tant que chargé de mission, sous la houlette de l'hôpital académique
bruxellois, qui était mon corps d'origine. Cette mission d'un an en a duré huit.
H. : Et ensuite ?
D.D. : Je suis retourné à l'hôpital Erasme, établissement académique, où je faisais partie de l'équipe
de direction. Et la deuxième aventure s'est reproduite il y a sept ans, dans des circonstances à peu
près semblables, cette fois-ci avec le maire de Bruxelles, qui avait aussi besoin d'un directeur général.
J'ai donc été nommé à ce poste à l'hôpital Brugmann. Je me suis efforcé de repeupler cet hôpital qui
manquait de talents médicaux, en investissant beaucoup dans les hommes et dans les techniques et en
permettant un déficit relatif. Ce déficit s'aggravant, j'ai dû envisager un plan de réduction du
personnel. Plan refusé par la ville de Bruxelles et les dirigeants de l'Assistance publique, puisque
nous étions à l'époque à la veille des élections municipales. Et on ne touche pas à l'emploi avant des
élections municipales. Il y eu conflit. J'ai accepté de faire un pas de côté. Je suis donc depuis 2007
directeur général médical.
H. : Pourriez-vous nous décrire votre rôle aujourd'hui ?
D.D. : Cette fonction n'existe pas dans les textes de loi mais est présente dans le statut des hôpitaux
publics. C'est-à-dire que, dans les textes de loi, il y a un rôle donné au médecin-chef. Ce dernier, dans
le cas d'une structure comme celle-ci, c'est mon adjoint qui a, en gros, une fonction liée à toutes les
caractéristiques internes de l'hôpital : continuité des soins, politique du sang, hygiène hospitalière. De
mon côté, je suis chargé de la représentation au niveau du conseil d'administration, dans les structures
dirigeantes et, plus particulièrement, de la stratégie et de la représentation externe. Je siège donc à ce
titre au sein du comité de direction local, ainsi qu'au sein du comité de direction du réseau hospitalier,
qui regroupe tous les hôpitaux publics.
H. : Ces fonctions transversales vous laissent-elles du temps pour la pratique médicale ?
D.D. : C'est possible dans mon cas puisque je suis diabétologue. Cela aurait été impossible si j'avais
été chirurgien cardiaque, par exemple. Je suis resté consultant dans le service où j'ai fait mes armes
dans les années 80 et dont j'étais à l'époque le responsable. Cela me permet de continuer ma pratique
médicale dans un endroit où je ne suis pas juge et partie. Le dispositif en diabétologie m'arrange
puisqu'il implique des relations de longue durée avec des patients chroniques. Pour d'autres
collègues, qui ont la même fonction que moi, et qui ont conservé leurs missions hospitalières
princeps, la situation est plus tendue. Je pense notamment au directeur général médical d'un autre
CHU général, qui est chef de service des maladies infectieuses. Je suis par ailleurs responsable d'un
programme pour le master en gestion hospitalière à l'université.
H. : On entend parfois, dans le corps médical, que la mission du médecin, c'est le soin, et qu'il
n'a donc pas à se soucier de ce que ça coûte, de la gestion d'un établissement. Pensez-vous que
la culture du soin est compatible avec celle du management ?
D.D. : Le terme "management" s'applique à des dimensions qui ne sont pas exclusivement
économiques. Il joue ainsi un rôle fondamental dans la gestion des ressources humaines, dans la
mobilisation des équipes, dans l'incarnation du leadership, qui sont des choses qui ne sont, en tout cas
en Belgique, absolument pas enseignées dans les facultés de médecine, ni sur le plan théorique, ni sur
le plan comportemental. Il faut donc essayer d'avoir un regard non restrictif sur le management.
D'autre part, il y a probablement de la sagesse à dire, et je l'ai expérimenté moi-même, que le
médecin ne doit pas nécessairement être au gouvernail pour les enjeux financiers. Ceci étant dit, il n'y
a aucune raison justifiant le choix de l'autisme ou de la stupidité. Si l'on veut être en position de
négociation avec l'autre, il faut évidemment connaître ses armes et ses outils. Il n'y a rien de plus
réducteur que l'attitude des médecins du 20e siècle disant : "Je fais le bon docteur et puis advienne
que pourra !". C'est complètement irréaliste, non performant et d'ailleurs, empiriquement parlant, ça
ne marche pas.
H. : Et donc, au niveau de votre établissement, comment surmontez-vous les problématiques
d'organisation, de management ?
D.D. : C'est un défi permanent parce qu'il faut intégrer à cette problématique la question des statuts.
Notre CHU se déploie sur plusieurs sites et propose plusieurs modèles. Les médecins qui travaillent
sur ce site, Horta, ont un profil hospitalo-universitaire conventionnel. Outre leur mission de soins, ils
sont professeurs à la faculté de médecine, ont un parcours scientifique robuste, en tout cas pour les
meilleurs d'entre eux, font de la recherche, ont des programmes d'enseignement pour les médecins
post-gradués et s'occupent donc d'internes, de médecins en formation. Ils sont payés globalement,
forfaitairement, pour l'ensemble de ces missions. Mais ils sont également chargés de "faire faire",
c'est-à-dire de diriger des équipes. Dans quasiment aucun cas, la relation, dans un hôpital comme
celui-ci, ne se résume à une relation médecin-patient. Elle existe aussi, mais ce qu'on cherche à
accomplir, c'est toujours la mobilisation d'équipes, petites, grandes, des orchestres de chambre, des
orchestres symphoniques. En aucun cas, il ne s'agit d'une pratique individuelle. Il faut ajouter à cela
les problèmes de représentation.
H. : C'est-à-dire ?
D.D. : Certains, dans vos équipes, veulent devenir par exemple président d'une société savante au
niveau belge, au niveau francophone, au niveau européen, au niveau international. D'autres se mettent
en tête de devenir président de la CME ou encore doyen. Ces activités consomment un temps
considérable, qu'il faut pouvoir inclure dans le cahier des charges,pour ne pas faire des erreurs
grossières de calcul. Vous allez notamment payer un médecin devenu doyen de la faculté mais il va
consacrer 95% de son temps à autre chose que ce pour quoi vous le payez.
H. : Vous parliez un peu plus tôt d'autres modèles. Quels sont-ils ?
D.D. : Nous avons un peu plus loin d'ici un hôpital municipal où les médecins sont, pour l'essentiel,
des vacataires qui fonctionnent dans une médecine totalement à l'acte. Ils ont donc d'autres réflexes
en matière de rentabilité, pour une médecine qui est entre la première et la deuxième ligne. C'est un
établissement qui a une desserte de quartier, qui n'a aucune vocation d'enseignement, où l'on ne fait
pas de recherche, où l'on fait de la production le mieux possible. Les gens ne fonctionnent que parce
qu'ils ont, comme dans les systèmes les plus privés qui soient, une rétribution au pourcentage de la
production journalière. J'évoquais ces différents modèles car il est intéressant de noter qu'ils sont
"animables" par la même équipe de direction. Ces modèles ont leurs propres potentiels et perversions.
En bref, il n'y a pas de système idéal.
H. : Quelle influence la prise en compte de ces différents modèles, ces différentes pratiques a-telle sur la stratégie financière et la performance économique ?
D.D. : On ne réfléchit pas en termes économiques de la même manière quand on est urologue ou
dermatologue. La nomenclature des soins de santé, les réalités tarifaires sont très, très différentes et
donc, dans tous les hôpitaux du monde, les orthopédistes et neurochirurgiens ont accès à un taux de
remboursement de leurs actes qui est sans commune mesure avec les endocrinologues, par exemple.
Les investissements nécessaires diffèrent également selon les spécialités. Les urologues rêvent tous
d'avoir un robot pour faire des prostatectomies. Ce robot coûte deux millions d'euros. Il s'agit donc
d'avoir les reins solides pour leur permettre d'exercer.
L'amortissement des investissements est intégré dans les comptes d'exploitation des services avec des
activités qui, dès lors, ne peuvent jamais être rentables mais qui sont intéressantes pour la collectivité.
La norme fixée est de toujours améliorer la rentabilité des secteurs, sans pour autant les rendre
rentables in abstracto, parce que cet objectif est inatteignable. Par exemple, assurer la rentabilité d'un
service d'urgences, c'est tout à fait illusoire. Se passer d'un service d'urgences, c'est tout à fait illusoire
aussi puisque plus de 50% des admissions passent par là. Donc, à un moment donné, il faut quand
même que le bon sens ait la priorité sur les choix économiques. Et c'est ça qui fait, je pense, la
différence entre les hôpitaux comme le nôtre, où le coût global des ressources reste un coût global
hospitalier, par rapport à beaucoup d'hôpitaux aux mentalités privées, où les comptes d'exploitation
sont constitués d'une série de petites et moyennes entreprises vaguement fédérées à l'intérieur d'un
hôpital, où chacune cherche la rentabilité, et où donc il y a toute une série de pathologies, des
situations de dérives sociales qui sont exclues, alors que nous nous devons d'accueillir tout le monde.
H. : Diriez-vous que vos confrères médecins au sein de l'hôpital vous accordent plus facilement
leur confiance, du fait de votre profession, qu'ils ne le feraient avec un gestionnaire "pur jus" ?
D.D. : C'est plus nuancé que cela. Il est parfois très intéressant, stratégiquement, d'avoir en face de
vous quelqu'un qui ne comprend rien, parce que vous pouvez le mystifier plus facilement. Prenons
l'exemple d'un chef de service, excellent médecin mais piètre chef d'équipe. Je trouve qu'il ne tient
pas en main suffisamment une bande de caractériels qui nous posent régulièrement des problèmes. Je
dois donc résoudre les problèmes de ces caractériels à sa place, ce qui l'affaiblit dans sa position de
chef de service. Son image et son positionnement dans l'organisation en pâtissent. Il aurait eu plus de
facilité à masquer ces difficultés face à un pur administratif ou un pur gestionnaire, qui jamais n'osera
se risquer à porter des jugements ou en tout cas des appréciations comportementales.
H. : Vous estimez donc que vous avez plus de légitimité à porter ce type de jugement...
D.D. : Oui, d'autant que certains sont friands de titres mais pas nécessairement de responsabilités.
Certains problèmes vraiment difficiles sont renvoyés vers le haut sur le mode : "Je ne sais pas bien
quoi faire de ce problème, le directeur médical sera plus à même de le régler".
H. : Cela pose la question de la formation des médecins à ces problématiques de gestion et de
management.
D.D. : Elle est absolument indispensable. Il faut cependant différencier les choses. Le médecin
scolaire, le médecin du travail, le médecin d'entreprise aura probablement besoin d'autres outils. Mais
il y a un espace pour la formation à la gestion, côté économique et côté ressources humaines, des
médecins hospitaliers. Nous avons besoin aujourd'hui d'un cycle long d'apprentissage au leadership,
comme on le voit par exemple dans les bons hôpitaux américains. La Mayo Clinic, notamment, à
Rochester, Minnesota, a une tradition très, très pointue, dans le repérage des potentiels. Ils donnent
aux jeunes des responsabilités croissantes de management. D'abord, sur un petit dossier, une petite
tâche transversale. Ces jeunes sont suivis et qualifiés progressivement. Les meilleurs d'entre eux
peuvent grimper jusqu'au poste de CEO.
H. : Vous-même, vous êtes-vous formé sur le tas ou avez-vous bénéficié d'une formation
particulière ?
D.D. : J'ai suivi des formations ponctuelles, en école de commerce et à l'université. Je suis devenu, il
y a quinze ans, responsable d'un module, puis responsable de l'enseignement pour la Solvay Business
School. Cela m'a poussé à réfléchir à l'éducation des autres sur ce terrain-là, en allant me frotter à des
réalités françaises, anglaises et américaines. Tout cela n'est pas entièrement structuré. J'ai
l'impression que mon parcours est fait de rencontres et de hasards. J'ai écrit une thèse
d'endocrinologie tout à fait classique pour devenir docteur en sciences médicales. Mais bien avant
cela, le patron du laboratoire de biochimie m'avait repéré, absolument pas pour mon talent en
biochimie mais parce que j'étais un agité du conseil de la faculté, que j'avais été représentant étudiant
au conseil d'administration de l'université. Il était persuadé, à l'époque, qu'il devait recruter ses futurs
talents scientifiques dans les assemblées délibérantes où les gens avaient l'air de vouloir un peu
prendre leur sort en main. Et puis, il m'a mis au laboratoire dans des punitions effroyables pour moi,
sur de l'in-vitro. Il m'a regardé travailler pendant trois mois et puis m'a dit : "Toi mon vieux, tu dois
absolument te mettre sur le terrain de la santé publique ou de la politique de santé mais la biochimie
in-vitro, ce ne sera jamais ton truc". Il y a donc probablement des prémices à repérer chez les jeunes.
Je viens, après un long parcours, de convaincre la personne qui est mon adjointe aujourd'hui de me
rejoindre ici, parce que j'ai besoin d'avoir au moins un successeur potentiel. Certes, ce sont les
instances qui décideront par la suite mais j'ai fini, à force d'énergie, par la convaincre de venir ici. Il
est vrai que nous formons beaucoup de médecins dans le troisième cycle en gestion. Cependant, peu
rassemblent toutes les qualités requises parce que je pense fondamentalement qu'ils sont mal élevés
par une faculté de médecine très traditionnelle, qui leur raconte sans arrêt des balivernes sur la
relation duelle médecin-malade en ne les préparant absolument pas à ce qui va surgir. Bien souvent,
80% de l'énergie est dépensée dans l'animation d'équipe. Le mot qui nous sert de guide en matière de
recrutement donc, en dehors des titres purement cliniques et académiques, c'est la capacité de
leadership. Ce qui n'est pas directement lié à la culture économique. Nous cherchons des
personnalités capables d'entraîner. Être une locomotive, être un régulateur d'équipe, être quelqu'un
qui emmène les autres avec un minimum de vision et qui est capable de donner du sens au travail
collectif, ça, c'est vraiment fondamental !
H. : Avez-vous seulement le choix ? Certaines spécialités médicales sont en crise, sur le plan de
la démographie.
D.D. : C'est un problème, en Belgique comme ailleurs. Dans certaines spécialités, nous n'avons
effectivement pas le choix. Donnez-moi par exemple un gériatre. Même s'il n'a qu'un oil, une seule
jambe et qu'il ne parle qu'albanais, je le prends quand même ! Nous manquons également
d'anesthésistes, de pédopsychiatres, de radiologues, etc. Attention, nous parvenons tout de même à
recruter des personnes intelligentes, conscientes des enjeux et qui se montrent à la hauteur.
L'important, je pense, est de pouvoir éviter les nominations à vie, qui figent complètement
l'organisation."
Propos recueillis par Nicolas Crestel
Gestion en temps réel des flux
-Le CHU de Dijon optimise le transport interne des
patients
24.08.11 - 17:15 - HOSPIMEDIA |
Le transport interne des patients est une problématique à part entière dans les établissements
de santé. Le CHU de Dijon a fait le choix d'une prise en charge en temps réel pour
réguler ses flux. Une solution payante qui sera également bientôt automatisée pour plus
d'efficacité.
Pour répondre aux besoins croissants de transport de patients en interne et en vue d'anticiper
de manière efficace le regroupement sur un seul site de l'ensemble des activités médicales
(Bocage central), le Service de transport patient (STP) du CHU de Dijon s'est orienté vers une
solution de planification et de régulation des transports internes des patients en temps réel.
Jean-Yves Gerbet, responsable du service transport patient au CHU, explique à Hospimedia
avoir fait le choix d'une application unique pour communiquer avec les brancardiers et ce,
quel que soit le mode de transport.
Maître-mot : optimisation
Il s'agit d'un outil mobile simple d'utilisation, solide et possédant une sécurité optimum,
détaille-t-il. Dans la pratique, le brancardier reçoit sur son transmetteur les informations
envoyées par le régulateur (données communiquées par le professionnel de santé, conditions
de transports, heures...) et en retour le brancardier notifie sa position et s'il accepte ou non, en
justifiant, la mission. Ce système permet de ne pas avoir de rupture dans la chaîne de
transmission de l'information, souligne Jean-Yves Gerbet. Auparavant, les informations
étaient données par voie orale par téléphone ou imprimées, ce qui pouvait conduire à des
erreurs et des retards, ces aléas dans la communication entraînant alors un manque de
productivité. En informant avoir terminé sa course, le brancardier signale sa position au
régulateur qui peut alors organiser d'autres déplacements. L'objectif, rappelle Jean-Yves
Gerbet, est de faire en sorte de limiter au maximum les transports à vide et d'optimiser le plus
possible les ressources.
Gain de temps . et d'argent
Le brancardage sur le site du Bocage occupe 64% de l'activité. Un pourcentage qui témoigne
de l'importance d'instaurer une gestion efficace des transports internes et des différents flux.
Grâce à la solution mise en place au CHU de Dijon, 90% des patients arrivent désormais à
l'heure au bloc opératoire ce qui limite les effets de retard dans leur gestion et permet donc
dans le même temps des gains économiques à ce niveau. L'activité a elle même été doublée
pour passer d'environ 400 à 800 brancardages par jour. Comme le rappelle Jean-Yves Gerbet,
plus aucun personnel soignant ne se charge de cette activité car elle est entièrement prise en
compte par l'équipe du STP (60 brancardiers et 3 régulateurs). De même, le système de
gestion en temps réel a permis de passer d'une facturation sous la forme d'un forfait à une
facturation en fonction de ce qui est consommé. Ainsi, chaque service paye pour l'activité de
brancardage à laquelle il a eu recours, précise Jean-Yves Gerbet. Les pénalités en sont ainsi
réduites.
Vers une régulation automatisée
Fort de ces résultats positifs, le CHU de Dijon souhaite maintenant passer à une régulation
automatisée. Le but est d'aller vers une utilisation encore plus fine des ressources sur le
terrain. Jean-Yves Gerbet précise en ce sens que la réduction du temps de marche sans patient
des brancardiers est visée ainsi qu'une meilleure réactivité. Sur certains moments de la
journée il arrive que des retards soient pris. La régulation automatisée devrait venir les
résorber et optimiser les distances parcourues entre un point A et un point B. Le système
utilisé actuellement par l'établissement devrait aussi évoluer car il arrive à saturation. L'idée,
poursuit le responsable du STP, est d'aller vers un appareil utilisant le Wi-Fi afin de
transmettre plus rapidement les informations. Dans un second temps, le CHU de Dijon entend
ouvrir sa solution vers la lecture de code-barres ou de puce RFID. Des solutions
technologiques plus précises qui permettraient d'éviter les erreurs d'identification de patients
et de lieux sur lesquels les conduire. Parallèlement, la sécurité de la prise en charge serait
alors assurée et limiterait ainsi les erreurs médicales. Jean-Yves Gerbet rappelle que le
système actuel et à venir n'est pas destiné à "fliquer" les brancardiers mais plutôt à mieux
organiser leur travail au quotidien. La traçabilité complète du transport au sein de Bocage
central améliore aussi la gestion des ressources humaines au jour le jour. Côté soignant,
aucune réticence n'est à signaler, indique le responsable du STP, car le système a amélioré les
conditions d'accès des patients sur les plateaux d'imagerie ou aux blocs opératoires. Les
prochaines évolutions devraient donc venir perfectionner le système.
-L’essor spectaculaire des cliniques privées
lequotidiendumedecin.fr 09/08/2011
(1ère parution le 16/03/2011) La France comptait 2 000 cliniques à la fin des années 1980 ;
elles sont 900 de moins en 2011. Moins nombreuses, mais plus grosses, la moitié des
cliniques appartiennent aujourd’hui à un groupe. L’actionnariat médical est en net recul,
tandis que se poursuit la concentration financière du secteur. Les cliniques se modernisent, se
restructurent. Elles croquent des parts de marché, aiguillonnent l’hôpital. La place prise en
France par le secteur hospitalier privé – le premier d’Europe par la taille – constitue
l’une des étapes les plus marquantes de ces dernières décennies.
Les cliniques ont grandi dans l’ombre de l’hôpital, freinées par la loi planificatrice de 1970
puis par l’objectif quantifié national (OQN) crée en 1991, ayant instauré une régulation prix
volume. Les cliniques se sont néanmoins imposées, elles ont réussi leur pari. Aujourd’hui,
elles peuvent remplir les mêmes missions de service public que l’hôpital (une
conséquence de la loi HPST). Demain, elles formeront des internes.
Le délégué général de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), Philippe Burnel,
mesure le chemin parcouru. « Nous sommes progressivement passés de deux systèmes
hospitaliers parallèles, le public et le privé, à un seul et même système avec la même autorité
de régulation (l’ARH puis l’ARS) et le même mode de financement, la T2A ». Aujourd’hui,
pour un même séjour, un hôpital empoche plus qu’une clinique. Les tarifs des deux secteurs
convergeront-ils un jour, comme le prévoit la loi ? C’est le nouveau combat de la FHP,
qui vise aussi l’enseignement et la recherche.
› D. CH.