Le sexe de la guerre », Cabinet de réflexion (Théâtre
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Le sexe de la guerre », Cabinet de réflexion (Théâtre
« Le sexe de la guerre », Cabinet de réflexion (Théâtre Marni, le 13 février 2014) Ann Van Sevenant L’argumentation que j’essaie de développer est liée à une terminologie qui nous est parvenue des philosophes grecs, notamment Héraclite, qui a évoqué le combat originaire des contraires (le conflit ou la discorde originaires). La question que je me suis posée revient à ceci : est-ce qu’on peut discerner au moins deux façons de se rapporter au combat originaire des contraires ? C’est donc notre rapport au combat originaire qui est au centre de l’attention, avec un intérêt majeur pour la façon dont on peut gérer ce combat. La terminologie du combat originaire (conflit, discorde) nous est connue sous la forme d’une coexistence des contraires. Comme l’a bien remarqué Héraclite, on peut distinguer deux forces opposées dans la nature, le chaud et le froid, le sec et l’humide. Notre pensée procède à partir de concepts opposés comme la justice et l’injustice, le beau et le laid, la lumière et les ténèbres, le bien et le mal, etc. Les contraires sont en compétition comme deux pôles qui s’attirent et se repoussent, chaque pôle essayant d’éliminer le pôle contraire. Nous en faisons l’expérience sans discontinuer, notre rapport à la réalité se présentant comme un combat sans fin sous la forme d’une lutte intérieure. Le plus souvent nous assimilons un phénomène, une pensée ou un objet à l’un des deux pôles, et le contraire au pôle opposé, dans l’objectif d’identifier ou de valoriser une action. Nous en abusons tout le temps, parfois sans nous en rendre compte. Par manque de temps, pour aller vite, en vue d’une communication rapide ou facile, afin de se faire comprendre et dans l’espoir de transmettre un message ou un sens. Nous rangeons ainsi la paix dans la catégorie du bien, et la guerre dans la catégorie du mal. La thèse que j’essaie de développer revient à ceci. Tout d’abord résistons à la tentation d’identifier la guerre comme étant masculine et la paix comme étant féminine. Ensuite, résistons à l’idée que le concept des « femmes au pouvoir » implique un monde où il y aurait moins de guerres. Il se pourrait que la femme qui « donne la vie » réfléchirait à des solutions diplomatiques plutôt que militaires ou militaristes. Mais il ne faut pas oublier que si elles devaient s’intéresser (davantage) au pouvoir, qu’elles entreraient dans des rapports plus liés au pouvoir, et qu’elles seraient davantage impliquées dans les guerres nationales et supranationales. Reste la question de savoir qui s’occupera alors des guerres familiales et domestiques, des petites guerres aussi importantes, mais souvent reléguées au second plan, parce qu’elles sont qualifiées de moins intéressantes. Pourrions-nous développer l’hypothèse selon laquelle des individus qui se rendent compte de leur rapport à la lutte intérieure - qui s’y intéressent tout en établissant un bilan régulier, qui s’adonnent à un examen de soi, qui ne se désintéressent pas de l’interaction entre les éléments dits féminins ou masculins, et qui ne nient pas les effets d’une mauvaise gestion qui perdure - sont des individus qui auront un rapport plus équilibré vis-à-vis des conflits extérieurs ? Qui réagiront de façon moins directe et de façon plus intelligente ?