Mort subite du patient épileptique
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Mort subite du patient épileptique
Mort subite du patient épileptique Etat des lieux & approches préventives Synthèse Bibliographique en Biologie et Biotechnologie Mars 2015 Auteur : Pauline BRUGEILLE Tuteur : Dr Arnaud BIRABEN Université Rennes 1 – UFR SVE Neurologue CHU Rennes Master 2 Biologie Gestion Président de la Ligue Française Contre l’Epilepsie Remerciements Je tiens à remercier le Docteur Arnaud Biraben pour sa contribution et son aide lors de la réalisation de cette synthèse bibliographique. Note des responsables du diplôme : «Le tuteur chercheur a pour rôle de conseiller l'étudiant, l'orienter dans ses recherches bibliographiques, l'aider à comprendre les articles, en faire une synthèse de manière logique et rigoureuse. Il ne peut vérifier toutes les citations et interprétations de l'étudiant. Il ne peut donc s'engager vis-à-vis d'éventuelles erreurs ». © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 2 Mort subite du patient épileptique : état des lieux et approches préventives P. Brugeille Master Biologie-Gestion, UFR SVE Sciences de la vie et de l’environnement, Université de Rennes 1, Campus de Beaulieu, Bâtiment 13, 263 avenue Général Leclerc, 35042 Rennes cedex, France. Résumé La mort subite du patient épileptique ou SUDEP (sudden unexpected death of epileptic patient) est définie comme le décès brutal d’un patient épileptique, sans cause apparente et sans état de mal épileptique. Ce drame est encore mal connu et suscite l’intérêt des chercheurs et des médecins spécialistes des maladies neurologiques, particulièrement de l’épilepsie. Les études mettent en avant différents facteurs impliqués dans la SUDEP. Selon les auteurs, le cerveau, le système cardiovasculaire ou le système respiratoire peuvent être mis en cause. Des travaux supplémentaires doivent être envisagés afin d’améliorer les connaissances sur les facteurs de risques favorisant la SUDEP et sur les mécanismes physiopathologiques impliqués. Cela permettra ainsi de mieux appréhender cette affection tragique et de mettre en place des mesures préventives efficaces. Des pistes de prévention ont été étudiées, elles sont basées sur deux aspects, d’une part sur les mécanismes physiopathologiques comme le traitement sérotoninergique, la neurochirurgie, la chirurgie cardiaque ou le traitement antiépileptique ; et d’autre part sur la gestion de l’épilepsie et des facteurs de risque de SUDEP comme la gestion des crises et du stress, la mise en place de mesures hygiéno-diététiques et l’information du patient et de son entourage sur le risque de SUDEP. Sommaire Remerciements ................................................................................................................................................ 2 Résumé ................................................................................................................................................................ 3 Sommaire ........................................................................................................................................................... 3 Introduction ...................................................................................................................................................... 4 I. Définition de la mort subite du patient épileptique .................................................................. 5 a. Epidémiologie...................................................................................................................................... 5 b. Physiopathologie ................................................................................................................................ 9 II. Approches préventives de la SUDEP.............................................................................................16 a. Traitement sérotoninergique ......................................................................................................16 b. Prévention par la chirurgie ..........................................................................................................18 c. Traitement antiépileptique ..........................................................................................................19 d. Surveillance nocturne renforcée ................................................................................................20 e. Faut-il évoquer le risque de SUDEP avec les patients et leur famille ? .......................21 f. Autres approches préventives ....................................................................................................22 Conclusion........................................................................................................................................................24 Bibliographie ..................................................................................................................................................25 © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 3 Introduction La mort subite du patient épileptique est l’un des principaux enjeux de recherche dans le domaine de l’épileptologie (So et al., 2009). Cette affection est définie par son caractère inattendu : le décès brutal du patient sans cause apparente. Il n’existe à ce jour pas de méthode de prévention efficace car il y a une méconnaissance certaine des mécanismes physiopathologiques qui conduisent à la mort du sujet (Ryvlin et al., 2010). Ces 20 dernières années de recherche ont pourtant mis en évidence de nombreuses théories portant sur les causes de cette affection et sur les moyens de la prévenir efficacement à court terme. La principale question des chercheurs en épileptologie portant sur la SUDEP, qui reste à ce jour encore sans réponse, est la nature des évènements per/post-critiques qui conduisent au décès du patient. Les études portant sur le sujet explorent des pistes variables de mécanismes physiopathologiques. Elles traitent de l’incidence du système nerveux, du système cardiovasculaire ou encore du système respiratoire dans le déclenchement de la SUDEP. Les chercheurs examinent également les différentes pistes de préventions qui peuvent être efficaces et s’adapter au plus grand nombre de patients à risques (Tomson et al., 2008). Les méthodes de préventions les plus mentionnées dans les études sont le traitement antiépileptique ou sérotoninergique, la chirurgie ou encore la surveillance nocturne assistée. Cette synthèse bibliographique est un état des lieux des connaissances actuelles sur la mort subite du patient épileptique. Elle vise à mettre en évidence les différentes approches préventives présentées dans la littérature scientifique. Pour cela, ce rapport est scindé en deux principaux volets. Dans un premier temps, une définition exhaustive de la SUDEP sera déterminée afin de comprendre les causes de ce phénomène. Les différentes perspectives de prévention de la SUDEP seront ensuite expliquées dans un second temps, afin de connaître les moyens efficaces pour lutter contre cette affection tragique. © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 4 I. Définition de la mort subite du patient épileptique a. Epidémiologie i. Définition Rappels sur l’épilepsie : Epilepsie, du grec epilambaneim, signifie « attaquer par surprise ». Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 2012), l’épilepsie est une affection neurologique chronique qui se caractérise par des « crises récurrentes se manifestant par de brefs épisodes de tremblement involontaires touchant une partie du corps (crises partielles) ou l’ensemble du corps (crises généralisées). » Ces crises peuvent s‘accompagner d’une perte de conscience. Elles résultent de décharges électriques chaotiques et excessives d’un ou de plusieurs groupes de cellules nerveuses cérébrales. Les crises peuvent varier en intensité, allant des petites secousses musculaires aux convulsions sévères et prolongées, on parle alors de crises tonico-cloniques. Cette pathologie se définit par l’une des manifestations suivantes (ILAE1, 2014) : au moins deux crises spontanées (non provoquées ou réflexes) espacées de plus de 24 heures une crise spontanée et une probabilité de survenue de crises ultérieures au cours des 10 années suivantes similaire au risque de récurrence (au moins 60%) observé après deux crises non provoquées un diagnostic d’un syndrome épileptique Elle touche environ 50 millions de personnes, toutes populations confondues. On estime que l’épilepsie évolutive touche entre 4 et 10 personnes sur 1000. Le nombre de nouveaux cas dans les pays développés est de 40 à 70 pour 100 000 habitants ; on recense par ailleurs 80% des cas d’épilepsie dans les pays en développement. La fréquence de la maladie est deux fois supérieure dans les pays en voie de développement que dans les pays développés, du fait du risque élevé de souffrir de pathologies ayant des conséquences sur l’encéphale et induisant des lésions cérébrales définitives. 1 International League Against Epilepsy © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 5 L’épilepsie touche 500 000 personnes en France dont la moitié de moins de 20 ans. Le taux de mortalité d’un patient épileptique est 2 à 3 fois supérieur à la population générale (Ryvlin et al., 2010). L’épilepsie se caractérise par la manifestation clinique de crises. Celles-ci sont variables et dépendent de la zone épileptogènique. Il existe communément trois catégories d’épilepsies : Les épilepsies idiopathiques dont on ne connait pas la cause, elles sont souvent liées à une prédisposition génétique et sont les formes les plus courantes (6 personnes sur 10) Les épilepsies secondaires ou symptomatiques, liée à une lésion cérébrale (malformation congénitale, tumeur cérébrale, accident tel un traumatisme crânien, un arrêt vasculaire cérébral (AVC) privant le cerveau d’oxygène, certains syndromes génétiques ou encore une infection touchant le cerveau comme la méningite…) Les épilepsies cryptogéniques dont la cause reste inconnue car non mise en évidence par les moyens de diagnostics actuels Le traitement peut être médicamenteux à l’aide d’un traitement antiépileptique. Il permet de traiter 70% des enfants et adultes diagnostiqués. Lorsque l’épilepsie en cause est pharmaco-résistante, un traitement par chirurgie est envisageable et consiste en la stimulation des zones épileptogèniques responsables du déclenchement des crises. Il est impossible de prévenir les épilepsies idiopathiques. En revanche il est possible de prendre les mesures nécessaires pour éviter les causes connues d’épilepsies symptomatiques (OMS, 2012). L’espérance de vie des patients épileptiques est globalement inférieure de 10 à 20% à celle de la population générale. L’étiologie des épilepsies reste inexpliquée dans plus de 50% des cas. Les conséquences sociales de cette maladie sont lourdes pour les patients (échecs scolaires, discriminations et stigmatisation), la qualité de vie en est affectée et elle est souvent cause de dépression. © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 6 Définition de la SUDEP : Auparavant appelée mort inexpliquée du patient épileptique, cette affection s’appelle aujourd’hui la mort subite du patient épileptique. Ce changement de dénomination traduit les progrès effectués en recherche pour comprendre la physiopathologie de cette affection. Néanmoins de nombreuses questions persistent (Ryvlin et al., 2009). La mort subite du patient épileptique aussi appelée SUDEP (sudden unexpected death in epilepsy) est caractérisée par le décès brutal d’un patient épileptique. On parle de SUDEP lorsque le décès : - survient sans pathologie causale, - sans état de mal épileptique, - sans qu’il soit la conséquence d’une cause accidentelle ou d’un suicide. La SUDEP est avérée lorsque l’autopsie ne révèle aucun signe de toxicité ou de lésions pouvant expliquer la cause du décès (Ryvlin et al, 2010). La majorité des SUDEP apparait suite à une crise d’épilepsie mais n’en est pas la conséquence directe (Langan, 2000). ii. Incidence et facteurs de risques Le taux d’incidence annuel de SUDEP est estimé à 1 pour 1000 soit 500 cas sur les 500 000 patients atteints d’épilepsie en France. Il existe une grande variation du risque de SUDEP au sein de la population épileptique allant de 0,09 pour 1000 personnes-années dans certaines études à 9,3 pour 1000 personnes-années pour les candidats à la chirurgie de l’épilepsie. (Tomson et al., 2008). Les patients qui subissent une SUDEP ont en moyenne entre 20 et 40 ans (Ryvlin et al., 2010). L’essentiel des patients à risque de SUDEP sont atteints d’une épilepsie partielle pharmaco-résistante (EPPR) et présentent des crises épileptiques nocturnes, susceptibles de se généraliser. La variation de risque de SUDEP dépend fortement du type et de la sévérité de l’épilepsie (entre 0,9 et 2,3/1000 patients-année), le risque atteint entre 6,3 et 9,3/1000 patents-année pour les épilepsies pharmaco-résistantes (Hart, 2012). Les facteurs de risque de SUDEP sont multiples. Le risque de SUDEP augmente par la présence et la fréquence de crises généralisées tonico-cloniques, l’âge précoce d’apparition de l’épilepsie, l’absence de traitement antiépileptique, la mauvaise observance du traitement ou au contraire une polythérapie non contrôlée (Téllez-Zenteno et al., 2005). © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 7 Tomson et al., 2008 mettent en cause deux médicaments impliqués dans le risque de SUDEP dans les épilepsies généralisées idiopathiques : la lamotrigine et la carbamazépine. Il n’est cependant pas possible de conclure à ce jour sur la responsabilité effective de ces molécules. Scorza et al., 2014 mettent en évidence deux facteurs de risques susceptibles de favoriser la survenue de SUDEP : la consommation d’alcool et le tabagisme. D’une part, certaines études ont montré que des crises d’épilepsies pouvaient se déclencher sous les effets de l’alcool. Les personnes atteintes d’épilepsie qui consomment de l’alcool de façon modérée ou chronique augmentent le risque de déclencher des crises car l’alcool favorise la survenue de facteurs induisant l’épilepsie comme les traumatismes crâniens ou une ischémie cérébrale. De plus, la consommation abusive et régulière d’alcool favorise l’hypertension artérielle. Or, l’hypertension artérielle est un facteur de risque cardiovasculaire et donc de SUDEP. Etant donné que le dysfonctionnement du système cardiovasculaire entre en cause dans la physiopathologie de la SUDEP, les conséquences cardiovasculaires connues de l’alcoolisme chronique telles que l’insuffisance cardiaque ou la fibrillation auriculaire sont également des facteurs de risque de SUDEP. Il existe donc un lien possible entre la survenue de SUDEP et la consommation d’alcool. Il est nécessaire d’effectuer des études expérimentales et cliniques afin de vérifier cette hypothèse. D’autre part, le tabagisme peut contribuer à l’apparition ou à l’aggravation de troubles cardiaques chez les patients épileptiques. En effet, le tabagisme est le facteur de risque cardiovasculaire le plus important dans le monde, toutes populations confondues. L’exposition aux composants de la fumée de tabac (fumeur occasionnel, fumeur chronique ou tabagisme passif) a d’importantes conséquences sur les organes respiratoires. Le tabagisme est un facteur de risque de diverses pathologies respiratoires comme la BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive), la pneumonie, le cancer du poumon, du larynx et de la langue et d’autres cancers comme l’œsophage, l’estomac ou le rein. Dans ce contexte où le tabagisme induit des troubles au niveau cardiaque et respiratoire, le risque de SUDEP est augmenté car les systèmes cardiovasculaires et respiratoires entre en jeu dans la physiopathologie de la SUDEP. Il n’existe pas encore d’études mettant en évidence de façon significative le lien entre le tabagisme ou la nicotine et le risque de SUDEP ; cela pourrait donc constituer une piste de recherche pertinente visant à maîtriser les facteurs de risques de SUDEP. © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 8 Le risque de SUDEP est relatif selon le type d’épilepsie rencontré. L’épilepsie myoclonique sévère du nourrisson, aussi appelée syndrome de Dravet fait partie des risques relatifs susceptibles de favoriser la survenue de SUDEP. Ce syndrome se caractérise par un développement psychomoteur normal avant l’épilepsie. Les premières crises convulsives apparaissent lors de la première année, elles sont fébriles et prolongées. Elles peuvent ensuite évoluer vers un état de mal convulsif pouvant entraîner une mort subite. En pédiatrie, le risque de SUDEP est le plus élevé chez le nourrisson avec Syndome de Dravet et chez l’adolescent ayant une épilepsie généralisée idiopathique. La SUDEP survient principalement aux âges extrêmes de l’enfance. Toutefois, l’incidence des SUDEP est environ dix fois moins élevée chez l’enfant que chez l’adulte (Chiron, 2007). b. Physiopathologie La SUDEP se caractérise le plus souvent par un patient dormant seul (73% des décès ont lieu durant la nuit, (RSME2, 2014)), ayant subi une crise tonico-clonique et par l’absence de témoin lors du décès du sujet. Le patient présente des signes indirects de crises convulsives comme la morsure latérale de la langue et la surexpression de la protéine HSP70 dans les neurones de l’Hippocampe (Tomson et al., 2008 ; Ryvlin et al., 2010) La physiopathologie vise à comprendre les causes et mécanismes déclenchant la SUDEP. Elle est nécessaire pour comprendre quel est le phénomène initiateur, dans quel organe il est situé et quelles en sont les conséquences. Il existe de nombreuses théories dans la littérature, les principaux mécanismes physiopathologiques per et post-critiques mis en jeu seront expliqués dans cette partie (figure 1). 2 Réseau Sentinelle Mortalité Epilepsie © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 9 i. CES : central eletrical shutdown Certains auteurs suggèrent que la cause première du phénomène de SUDEP est l’arrêt irréversible cérébral électrique brusque pendant une crise. Elle apparaitrait donc en tout premier lieu, avant les complications cardiovasculaire ou respiratoires mis en évidence par d’autres chercheurs. L’arrêt cérébral électrique ou CES pour « central eletrical shutdown » est défini comme une cessation post-critique primitive de l’activité cérébrale et précédant l’arrêt cardiaque (Bird et al., 1997 ; McLean et al., 2007). Le CES est un phénomène qui peut donc expliquer le caractère hétérogène des causes de SUDEP qui sont à première vue d’origine cardiaque ou respiratoire. L’hypothèse du CES se caractérise par la propagation de décharges critiques aux structures cérébrales contrôlant le rythme cardiaque ou la respiration. Un arrêt respiratoire entraîne une bradycardie puis une asystolie, mais l’inverse est aussi vrai, les systèmes cardio-respiratoires étant étroitement liés (Ryvlin et al., 2009). © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 10 ii. Troubles du rythme et de la conduction La complication cardiaque classiquement rencontrée dans la population générale est la cardiopathie ischémique, c’est-à-dire l’insuffisance d’oxygénation du muscle cardiaque par le rétrécissement des coronaires. C’est donc une coronaropathie qui témoigne de l’altération chronique des coronaires. Les principaux facteurs de risques de cette pathologie sont le tabagisme, la sédentarité, l’obésité, le diabète, l’hypertension artérielle, les facteurs génétiques et l’âge. Les patients épileptiques ayant des antécédents cardiaques ou présentant les facteurs de risques énoncés présentent un risque élevé de cardiopathie ischémique. En effet, ce trouble cardiovasculaire est favorisé chez les patients épileptiques car il y a un besoin en énergie important et brutal lors des crises. Les signes de troubles du rythme et de la conduction chez les patients épileptiques peuvent être observés en électrocardiogramme (ECG) ou lors d’autopsies sur patients décédés, ils sont les suivants : - Sous-décalage du segment ST illustrant une souffrance myocardique ischémique percritique, - Allongement per-critique du segment QT : Tu et al, 2010 montrent que la variation de la structure des canaux ioniques impliqués dans la régulation du segment QT peut être impliqué dans la prédisposition des patients à déclencher une SUDEP, - Asystolie ictale caractérisée par une pause sinusale de plus ou moins 3 secondes lors d’une crise d’épilepsie (Tomson et al., 2008), - Fibrose sous-endocardique, plus précisément des stigmates d’ischémie myocardique répétées. Ces troubles du rythme et de la conduction sont induits par la propagation de décharges critiques aux structures centrales contrôlant le rythme cardiaque. Les études montrent que la majorité des épilepsies qui entraînent des troubles cardiaques sont d’origine temporale. En revanche des études expérimentales, portant sur l’implication du cortex insulaire dans le déterminisme des asystolies ictales, ont été menées sur les modèles animaux et notamment sur le rat. Celles-ci montrent qu’il y a production d’arythmies myocardiques d’origine épileptique dès lors que des décharges sont provoquées dans les structures hypothalamiques et du tronc cérébral. Par ailleurs, la microstimulation phasique de l’insula postérieure chez le rat entraîne une asystolie et le décès de l’animal. © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 11 De plus, la stimulation des structures amygdaliennes et hippocampiques sont également susceptibles de provoquer des troubles cardiaques chez le singe et le rat, suite à une décharge épileptique (Ryvlin et al., 2009). Ces données plaident toutes pour l’implication du cortex insulaire dans la genèse des troubles cardiaques. Stimulation électrique Noyau du tractus solitaire Afférences/Efférences Cortex + insulaire Voies empruntant un relais au sein de l’aire hypothalamique latérale. Modification de la Nerf pression artérielle et du vague rythme cardiaque Figure 1 : Rôle du cortex insulaire dans les troubles de la conduction et du rythme cardiaque La figure 2 traduit l’implication du cortex insulaire dans les troubles cardiaques. Une stimulation électrique active le cortex insulaire qui entraîne les modifications de la pression artérielle et du rythme cardiaque. Il existe une connexion étroite ente l’insula et le noyau du tractus solitaire, or, ce dernier est le relais des afférences et efférences du nerf vague qui joue un rôle dans le maintien de nombreuses fonctions vitales comme la fréquence cardiaque. Le cortex insulaire a pour fonction de réguler les fonctions cardio-vasculaires chez l’Homme et l’animal. Il n’y a à ce jour pas d’étude sur l’Homme qui valide cette hypothèse du cortex insulaire (Ryvlin et al., 2009). © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 12 L’étude de Labate et al., 2013, suggère qu’il existe une possible mutation du gène PRRT2 qui peut favoriser la suspicion de troubles cardiaques responsables de SUDEP. La mutation du gène PRRT2 (proline-rich transmembrane protein 2) est déjà connu pour provoquer des convulsions infantiles ou une dyskinésie paroxystique kinésigénique, c’est-àdire des mouvements involontaires à durée variable déclenchés par un mouvement et d’autres stimuli comme le stress ou encore l’alcool. Cette hypothèse mérite encore d’être approfondie au cours de prochaines études. Cette piste génétique pourrait permettre de mieux cerner les épisodes de troubles cardiaques dans l’épilepsie et donc dans la SUDEP. iii. Détresse respiratoire per-post critique Une détresse respiratoire aigüe a été observée par Tomson et al., 2008, dans les minutes précédant le décès des patients épileptiques. La détresse respiratoire aigüe semble avoir un rôle déterminant dans la survenue de SUDEP. Les auteurs de cette étude mettent également en évidence la survenue de mécanismes de suffocation post-critiques. Ceux-ci surviennent principalement la nuit, le patient est seul, alité, le visage dans l’oreiller et présentant une congestion pulmonaire. Tupal & Faingold. 2006, ont réalisé une étude sur un modèle animal utilisé dans l’épileptologie, la souris DBA/2, atteinte de crises audiogènes. Ils montrent que l’apnée a un rôle dans l’origine du décès. Ce modèle expérimental met en avant un facteur développemental lié dans la survenue du décès de l’animal. En effet, l’âge précis des souris DBA/2 a une incidence sur le taux de décès. Ryvlin et al., 2010, met en évidence deux types d’apnées qui sont en lien avec la détresse respiratoire aigüe : - L’apnée centrale caractérisée par l’atteinte des centres de contrôle corticaux et souscorticaux de la respiration, due à la décharge épileptique engendrée par la crise, ou la libération excessive d’opiacées endogènes visant à interrompre la décharge épileptique. - L’apnée obstructive liée à un encombrement de la trachée ou à un spasme tonique critique du larynx, ou à l’obstruction des voies respiratoires avec un oreiller par exemple. © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 13 Bateman et al., 2008, montrent la fréquence et la nature des apnées per ou postcritiques chez des patients ayant eu un dispositif de monitoring vidéo-EEG3. Il s’avère qu’une apnée survient lors d’une crise sur trois et peut engendrer une désaturation en oxygène pouvant atteindre 50%. Schuele et al., 2011, mettent également en évidence le fait qu’une hypoventilation per-ictale, causée par une apnée centrale chez un patient présentant une épilepsie temporale, peut induire la SUDEP. De plus, les apnées per/post-critiques semblent avoir le même effet que l’asystolie ictale, elles interviennent lors de la bilatéralisation de la décharge critique (Seyal et al., 2010). L’ensemble de ces données semblent donc concorder vers le fait que les apnées per/postcritiques soient à l’origine d’une partie importante de SUDEP. Cependant, il reste à déterminer si la sévérité de l’apnée est déterminante et peut constituer un facteur de risque supplémentaire de SUDEP (Ryvlin et al., 2010). iv. Troubles respiratoires et dysfonctionnement sérotoninergique Les neurones impliqués dans la régulation de la ventilation sont des neurones sérotoninergiques, situés dans le noyau raphé caudal au niveau du bulbe rachidien. Il existe donc un lien étroit entre la respiration et un neurotransmetteur : la sérotonine. La sérotonine a des effets différents en fonction de son récepteur. Les récepteurs R –HT2 et R 5-HT3 activés favorisent les apnées alors que les récepteurs R 5-HT1A, R 5-HT4 et R 5-HT7 déclenchent le phénomène de ventilation. L’utilisation adaptées d’un inhibiteur de recapture de la sérotonine (IRS) favorise la stimulation de la ventilation et donc la réduction des apnées dont les apnées per/post-critiques comme montré sur les souris DBA/1 et DBA/2 (Laters et al., 2010 ; Faingold et al., 2011). Ryvlin et al., 2010, mettent en évidence des recherches effectuées sur la LTF (Respiraztory long-term facilitation). C’est le mécanisme qui traduit la plasticité des groupes neuronaux impliqués dans la respiration. Elle fait référence au rôle majeur du système sérotoninergique dans la plasticité du système respiratoire et traduit les apnées et hypoxies répétitives. La LTF pourrait permettre le maintien d’une fréquence respiratoire élevée suite à une période apnéique. Le LTF varie en fonction du sexe et s’atténue avec l’âge chez le rat. 3 EEG : Electro-encéphalogramme © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 14 La LTF s’explique par la libération de sérotonine par les neurones du raphé, en réponse à une période d’hypoxie. Cette libération de sérotonine atteint les motoneurones du nerf hypoglosse et du nerf phrénique ainsi qu’au niveau des neurones pré-moteurs et propriobulbaires situés dans le groupe respiratoire ventral, impliqués dans la commande de la respiration. L’administration d’une antagoniste des récepteurs à la sérotonine comme le méthysergide inhibe le phénomène de LTF. La LTF n’a pas encore été étudiée dans le cadre de l’épilepsie, mais il serait intéressant d’entreprendre des recherches sur des sujets présentant une épilepsie pharmaco-résistante ayant des apnées critiques répétées, caractéristiques présentes dans le phénomène de LTF. De plus, Ryvlin et al., 2010, font référence à la susceptibilité génétique du système sérotoninergique. Ainsi cette prédisposition génétique pourrait favoriser la survenue de troubles respiratoires ainsi que la diminution des mécanismes de plasticité neuronale qui ont un rôle supposé pour diminuer l’impact des hypoxies répétées. v. Facteurs psychologiques Le stress est un facteur de risque supplémentaire à prendre en considération pour les patients épileptiques sujets à des troubles cardiaques. En effet, un évènement stressant favorise le déclenchement d’ischémie transitoire ou un syndrome coronarien aigu. Le stress a une action sur le système nerveux autonome et le système nerveux central. Il peut donc favoriser une ischémie du myocarde, une fibrillation ventriculaire ou encore une thrombose. L’association entre l’épilepsie et un état de dépression ou d’anxiété indique que l’état émotionnel du patient peut être considéré comme un facteur de risque de SUDEP. L’interaction entre les facteurs émotionnels et les décharges épileptiformes induisant potentiellement une arythmie est une poursuite d’étude à envisager (Lathers et al., 2010). © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 15 II. Approches préventives de la SUDEP Les chercheurs étudient différentes approches préventives afin de limiter la survenue de SUDEP. Cette partie est donc consacrée à l’explication des principales approches préventives décrites dans la littérature scientifique (figure 3). SUDEP Traitement sérotoninergique Prévention par la chirurgie Traitement antiépileptique Surveillance nocturne renforcée Faut-il évoquer le risque de SUDEP au patient ? Autres approches préventives Figure 2 : Approches préventives de la SUDEP a. Traitement sérotoninergique Lathers et al., 2010, ont réalisé une expérience sur modèle animal afin de démontrer les effets d’un traitement sérotoninergique sur le contrôle des troubles respiratoires. L’expérimentation a été effectuée sur des souris DBA/2. Elles présentent des crises audiogènes provoquant des arrêts respiratoires prolongés et donc susceptibles d’entraîner le décès de l’animal. © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 16 Les résultats de cette expérience montrent qu’une injection unique d’antagoniste sélectif des récepteurs sérotoninergiques, la fluoxétine (15 à 25 mg/kg), provoque une diminution très significative des arrêts respiratoires post-critiques, et de façon dose dépendante. En revanche, l’injection d’un antagoniste non sélectif des récepteurs sérotoninergiques, ici la cyproneptadine, aggrave le nombre d’arrêts respiratoires (Tupal & Faingold, 2006). Faingold et al., 2011, mettent en évidence les mêmes effets de la fluoxétine, cette foisci sur des souris DBA/1 présentant également des crises audiogènes. La fluoxétine est ici significativement efficace pour réduire les arrêts respiratoires à une dose de 45-70 mg/kg. Faingold et al., 2013, montrent l’effet d’un autre antagoniste sélectif des récepteurs sérotoninergiques sur les souris DBA/1, il s’agit de la sertraline. Elle a un effet significatif sur la diminution des arrêts respiratoires, elle peut donc également être pertinente pour la prévention contre la SUDEP. Des études ont également été réalisées chez l’Homme. Ryvlin et al., 2010, montrent la comparaison de la fréquence et de la sévérité des désaturations en oxygène per/postcritiques chez des patients recevant ou non un inhibiteur de la recapture de la sérotonine (IRS). Les résultats affirment que les patients ayant reçu un IRS présentent moins de troubles respiratoires que les patients témoins. Des études sur l’effet de la fluoxétine sont en cours de réalisation comme celle du Professeur Ryvlin qui vise à tester l’effet de la fluoxétine sur la fréquence et la sévérité des apnées centrales survenant lors des crises d’épilepsie, chez des patients souffrant d'épilepsie partielle pharmaco-résistante (traitement sur 12 semaines). Les sujets sont « des patients souffrant d’une épilepsie partielle pharmacorésistante, candidats à un traitement chirurgical, et devant bénéficier à ce titre d’un monitoring vidéo-EEG de longue durée (1 à 2 semaines) pour enregistrer et caractériser leurs crises d’épilepsie » (LCFE4, 2011). Les chercheurs souhaitent tester le traitement sur 170 patients, seuls 6 cas ont été effectués au cours de l’année 2011. 4 Ligue Française Contre l’Epilepsie © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 17 b. Prévention par la chirurgie i. Neurochirurgie La SUDEP fait principalement suite à une épilepsie partielle, résistante aux traitements médicamenteux. Dans cette logique, la neurochirurgie peut être utilisé en traitement préventif et ainsi permettre le contrôle optimal des crises d’épilepsie. D’après Ryvlin et al., 2010, l’acte chirurgical semble être la mesure de prévention de SUDEP la plus efficace et ce d’autant plus quand le recours à la chirurgie est précoce et systématique. Le système de soins connaît malheureusement une carence de l’offre de soins. Ainsi seulement 10% des patients candidats à la chirurgie de l’épilepsie peuvent en bénéficier. De plus, les délais de prise en charge sont longs et sont estimés à 20 ans entre le diagnostic de l’épilepsie et la chirurgie. Le ratio standardisé de mortalité (RSM) de la chirurgie du lobe temporal n’est pas supérieur à celui de la population générale (environ égal à 1). Par ailleurs, le RSM engendré par la chirurgie est équivalent à la mortalité observée dans l’épilepsie partielle pharmaco-résistante (RSM > 5). Ryvlin et al., 2008, mettent en évidence deux types d’épilepsies temporales : - L’épilepsie temporale interne : l’épilepsie est strictement localisée dans le lobe temporal, une lobectomie temporale peut alors être envisagée pour la guérison de l’épilepsie - L’épilepsie dépassant le lobe temporal : l’épilepsie ne se limite pas au lobe temporal, le réseau épileptogène est plus vase et peut impliquer d’autres structures neuronales comme le cortex insulaire ou les régions fronto-operculaires. Dans ce cas, une lobectomie ne soigne pas intégralement l’épilepsie, les temporaux plus sont donc à l’origine de la majorité des échecs de chirurgie du lobe temporal. Cette hypothèse suggère donc que l’acte chirurgical est utile pour les cas de temporaux purs uniquement. En revanche il s’avère que les temporaux purs ont un risque modéré de SUDEP car le cortex insulaire n’est pas impliqué dans le réseau épileptogène, le risque de généralisation de la crise est donc minime. Les temporaux plus, ayant un réseau épileptogène étendu, sont plus exposés à la SUDEP liés à l’implication du cortex insulaire (détresse respiratoire liée à une généralisation secondaire de la crise ou à un trouble du rythme cardiaque ictal). Ces patients continueront à souffrir de crises car la résection du réseau épileptogène sera incomplète. © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 18 Ainsi, la chirurgie du lobe temporal dans les deux profils évoqués n’a que peu d’influence sur le risque de SUDEP. Des études supplémentaires sont donc nécessaires afin de connaître plus précisément l’impact de la neurochirurgie sur la surmortalité des épilepsies pharmacorésistantes. ii. Chirurgie cardiaque Selon Tomson et al., 2008, 15% des patients ayant une épilepsie pharmaco-résistante peuvent développer une asystolie ictale. Une asystolie ictale peut provoquer une apnée centrale ou un risque de chute traumatique, et donc un risque supposé de SUDEP. Les auteurs proposent donc la pose d’un pacemaker. Cette intervention chirurgicale est un principe de précaution car il est impossible à ce jour d’affirmer qu’une asystolie ictale peut conduire au décès de façon effective. En revanche, selon Ryvlin et al., 2010, une asystolie ictale relève d’un mécanisme central qui reproduit des asystolies vasovagales. Ainsi une asystolie ictale ne justifie pas la pose d’un pacemaker et n’est pas considérée comme un facteur de risque de SUDEP. c. Traitement antiépileptique Ryvlin et al., 2012, proposent une méta-analyse des essais cliniques testant l’efficacité d’un traitement antiépileptique. Les chercheurs mettent notamment en évidence le taux de SUDEP chez les patients avec un traitement antiépileptique et chez les patients avec un placebo. Les résultats montrent que la fréquence de SUDEP est significativement inférieure dans le groupe de patients avec un traitement antiépileptique contre le groupe placebo (facteur > à 7). Ce résultat annonce une perspective d’étude pour réévaluer le traitement antiépileptique, à dose efficace, pour les patients souffrant de crises pharmaco-résistantes. En revanche, Hesdorffer et al., 2011, soulignent que l’effet protecteur du risque de SUDEP du traitement antiépileptique a été montré uniquement sur des essais randomisés à court terme avec des patients sélectionnés sur le volet et très surveillés. Les effets du traitement peuvent dépendre du patient, l’observance du traitement et la surveillance du patient par le corps médical. © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 19 Les effets d’un traitement antiépileptique sur la population de patients épileptiques à grande échelle restent donc encore à étudier. D’autres chercheurs montrent que le traitement antiépileptique a un effet sur le rythme cardiaque, visible à l’électrocardiogramme, et peut potentiellement induire une arythmie. Cela signifie que l’ajout systématique de traitement antiépileptique pourrait ajouter un risque supplémentaire de troubles cardiaques et donc de SUDEP (Feldman et al., 2013 ; Dibué et al., 2014). Il n’y a donc à ce jour pas assez de preuves montrant qu’un traitement antiépileptique est dénué de risques pour tous les patients atteints d’épilepsie. Notons par ailleurs que certains médicaments antiépileptiques nécessitent la réalisation d’un électrocardiogramme avant utilisation, comme mentionné dans le Vidal. d. Surveillance nocturne renforcée Ryvlin et al., 2009, parlent du fait que la surveillance nocturne réduit le risque de SUDEP chez les patients atteints d’épilepsie pharmaco-résistante. En effet, les données cliniques suggèrent que la SUDEP survient principalement durant le sommeil, quand le patient est seul, alité, la nuit (Nobili et al., 2011). Cependant, les auteurs évoquent le risque d’aggravation des contraintes psycho-sociales qui peuvent nuire à l’indépendance des patients et à leur émancipation. Cette démarche est donc variable en fonction de la situation sociale et familiale du patient ; elle ne peut pas s’appliquer à tous les sujets. La surveillance nocturne est une méthode très critiquée dans la littérature car très difficile à mettre en place dans la réalité et très lourde de conséquences pour le quotidien des patients. Ryvlin et al., 2010, suggèrent également l’utilisation d’oreillers alvéolés pour limiter l’étouffement des sujets ainsi que la mise au point de systèmes ambulatoires pouvant alerter de la survenue potentielle d’une détresse respiratoire. Notons également qu’un apport en oxygène au moment opportun diminue le risque de survenue de SUDEP. La supplémentation en oxygène durant la nuit peut donc être une alternative à la surveillance renforcée. © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 20 e. Faut-il évoquer le risque de SUDEP avec les patients et leur famille ? Selon Waddell et al., 2013, les patients aimeraient être informés des risques que comportent l’épilepsie comme la SUDEP. Il n’y a cependant pas de données qui prouvent que la SUDEP soit un sujet abordé dans tous les cas. Miller et al., 2014 soulignent le manque de consensus sur la façon d’aborder ou non la SUDEP avec le patient. Les différents corps de métiers qui accompagnent le patient ne partagent pas le même avis. Beran et al., 2004, mettent en évidence l’augmentation de la souffrance psychologique des patients qui sont mis au courant du risque de SUDEP. Ils abordent la notion d’humanisme médical et le « droit de ne pas savoir ». Informer le patient sur la SUDEP suggère de prendre en compte l’ambivalence à l’égard de la compréhension des informations transmises. Il est cependant nécessaire de répondre avec justesse aux questions du patient et de son entourage, d’autant plus qu’internet est un moyen facile de trouver des informations sur les risques de l’épilepsie et donc sur la SUDEP. Les patients vont rechercher par eux-mêmes des informations sur internet. Ils pensent cependant que les informations fournies ne sont pas crédibles ou dignes de confiance (AES 5 , 2014). La divulgation de la SUDEP peut néanmoins nuire à la qualité de vie du patient, provoquer un stress permanent. Il faut donc les respecter et avoir une discussion ouverte avec ceux qui cherchent des informations. Chaque cas doit donc être géré individuellement. Mathern et al., 2014, font référence à la pression croissante de la communauté de l’épilepsie à encourager le corps médical à parler de la SUDEP à leurs patients. Certains médecins fournissent un guide sur la SUDEP. Il permet d’initier le sujet avec le patient, de favoriser le dialogue et de renforcer la confiance entre le médecin, le patient et la famille. Ryvlin et al., 2009, mentionnent le fait que les patients jeunes adultes atteints d’épilepsie pharmaco-résistante sont le profil de patients qui ne doit pas ignorer le risque de SUDEP, et ainsi insister sur l’importance de la bonne observance du traitement et même initier une discussion sur l’opportunité d’un traitement chirurgical. 5 American Epilepsy Society © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 21 f. Autres approches préventives Les autres approches préventives sont plus anecdotiques et sont de l’ordre de la gestion quotidienne de la pathologie comme la gestion optimale des crises et la mise en place de mesures hygiéno-diététiques comme l’apport en oméga 3, la pratique d’une activité sportive et la réduction du stress. i. Apport en acides gras polyinsaturés (omega 3) Ces dernières années, plusieurs publications sont parues sur l’intérêt d’une alimentation riche en oméga 3 pour limiter le risque de SUDEP (Yuen & Sander, 2004 ; DeGiorgio et al., 2008 ; Scorza et al., 2008 ; Taha et al., 2009 ; Lopes et al., 2013). Yuen & Sander, 2004, mettent notamment en évidence l’intérêt d’un apport en oméga 3 pour les patients épileptiques présentant des arythmies cardiaques. Les troubles cardiaques connus comme étant un facteur de risque de SUDEP, un apport en acides gras polyinsaturés de type oméga 3 réduit le risque d’arythmie et a un effet protecteur, le risque de décès soudain lié à un trouble cardiaque est donc diminué. Les études expérimentales et cliniques laissent donc penser qu’une supplémentation en acides gras de type oméga 3 est un bon traitement préventif contre les troubles cardiovasculaires impliqués dans la SUDEP. ii. Contrôle des crises La toute première ligne de défense contre les risques de SUDEP s’avère être la gestion des crises avec une bonne observance du traitement antiépileptique. C’est-à-dire la prise de médicaments à heures fixes, sans oublis et la bonne compréhension des indications du soignant. Les autres techniques visant au bon contrôle des crises comme la neurochirurgie font aussi partie de la bonne observance du traitement, ainsi que l’électrostimulation (Scorza et al., 2010). © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 22 iii. Réduction du stress Le diagnostic de l’épilepsie est un évènement très stressant pour le patient. Les crises d’épilepsies, et en particulier leur caractère non prédictif est la principale source de stress dans l’épilepsie. Ce stress peut envahir les patients au point qu’ils oublient leur traitement, favoriser un état de morosité, voire de dépression. Il est donc important de veiller à rassurer le patient, à l’écouter et à favoriser les interactions. Le stress est un facteur pouvant lui-même favoriser la survenue de crises. Il faut donc limiter ce stress et ainsi éviter un cercle vicieux (Scorza et a.l, 2010). iv. Activité physique et sport La pratique d’une activité physique a deux effets bénéfiques : le contrôle du poids et la stimulation du système cardio-vasculaire, et le renforcement de bien-être et d’estime de soi grâce à la libération d’endorphine. L’activité physique est associée à un pouvoir d’anticonvulsion ; elle réduit la fréquence des crises et les troubles cardiovasculaires impliqués dans les facteurs de risques de SUDEP (Arida et a.l., 2008 ; Scorza et a.l, 2010). © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 23 Conclusion Cette synthèse bibliographique est un état des lieux des connaissances actuelles sur la mort subite du patient épileptique, appelée aussi communément SUDEP pour Sudden Unexpected Death of Epileptic Patient. Ce rapport aborde les principaux mécanismes physiopathologiques mis en cause dans la littérature scientifique ainsi que les différentes approches préventives pour lutter contre ce phénomène tragique qui se traduit par le décès brutal, sans cause apparente, du patient épileptique. La SUDEP est la principale cause de décès chez les jeunes adultes atteints d’une épilepsie réfractaire. Le taux de mortalité des sujets épileptiques est 2 à 3 fois supérieur à la population générale, l’une des causes principales de décès étant la SUDEP. De nombreuses pistes sont explorées pour déterminer la cause initiale provoquant la SUDEP. L’état actuel des recherches ne donne pas de réponse définitive sur la cause de ce drame. Les études montrent cependant que la détresse respiratoire aigüe endogène ou exogène avec une crise tonico-clonique généralisée semble être le mécanisme physiopathologique le plus fréquent de SUDEP (Ryvlin et al., 2009). De nouvelles études proposent une nouvelle piste de recherche, l’arrêt irréversible cérébral brusque ou « cerebral electric shtudown ». Cette théorie suggère que le mécanisme premier, initiateur de SUDEP serait de nature cérébrale et déclencherait ensuite des troubles respiratoires tels que des apnées ou des phénomènes de suffocation, ou des troubles cardiovasculaires. Cette nouvelle découverte mérite de poursuivre les recherches cliniques et expérimentales sur cette voie, afin de mieux connaître la SUDEP et ensuite mettre en place des mesures préventives effectives pour les patients épileptiques à risque de SUDEP. Les approches de prévention proposées portent sur deux aspects, d’une part sur les mécanismes physiopathologiques comme le traitement sérotoninergique, la neurochirurgie, la chirurgie cardiaque ou le traitement antiépileptique ; et d’autre part sur la gestion de l’épilepsie et des facteurs de risque de SUDEP comme la gestion des crises et du stress ou la mise en place de mesures hygiéno-diététiques. L’information du patient et de son entourage sur le risque de SUDEP fait encore débat, les médecins évoquent « le droit de ne pas savoir ». En revanche les proches endeuillés revendiquent le droit de connaitre l’ensemble des risques que comporte l’épilepsie, pour ainsi se préparer à toutes les conditions, même les plus tragiques. © Pauline Brugeille – Master Biologie Gestion – SBBB – Janvier 2015 24 Bibliographie Support papier : Arida R. M., Scorza C. A., Schmidt B., de Albuquerque M., Cavalheiro E. A., Scorza A. S. “Physical activity in sudden unexpected death in epilepsy: much more than a simple sport”. Neuroscience Bulletin. 2008. 24(6) : 374-380 Beran R.G., Weber S., Sungaran R., Venn N. et Hung A. “Review of the Legal Obligations of the Doctor to Discuss Sudden Unexplained Death in Epilepsy (SUDEP)—a Cohort Controlled Comparative Cross-Matched Study in an Outpatient Epilepsy Clinic.”. Seizure. 2004. 13(7) : 523-528. Bateman L.M., Li C.S., Seyal M. “Ictal hypoxemia in localization-related epilepsy: analysis of incidence, severity and risk factors”. Brain. 2008. 131 : 3239-3245. 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