A la découverte du Notre Père

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A la découverte du Notre Père
A la découverte du Notre Père
C
ette prière, à la place si centrale dans la vie des chrétiens, tant dans la prière privée que
dans les célébrations liturgiques, n’est pas pour autant de compréhension facile. Comme
d’autres textes clés de l’Evangile (exemple : les Béatitudes), il nous faut resituer dans le
contexte de ce temps et dans les liens avec l’Ancien Testament.
Voici quelques repères pour vous aider : comparons d’abord les deux versions de Luc et
Matthieu et recherchons les références bibliques qui peuvent nous aider ; et pour enrichir
notre propos, observons les sources juives du Notre Père. Enfin le Coran cherche aussi à
désigner Dieu : 99 noms et pas celui de Père, mais que de richesses cependant à découvrir.
 LES DEUX FORMES DU NOTRE PERE (EN LUC ET MATTHIEU)
En Luc
Père, que soit sanctifié ton Nom,
Que vienne ton Règne,
Notre pain quotidien,
Donne-nous chaque jour,
Et remets-nous nos péchés,
Car nous-mêmes aussi remettons à tout homme qui nous doit.
Et ne nous introduit pas en tentation.
En Matthieu
Notre Père qui es dans les cieux,
Que soit sanctifié ton Nom,
Que vienne ton Règne,
Que soit faite ta Volonté comme au ciel aussi sur terre.
Notre pain quotidien,
Donne-le nous aujourd’hui,
Et remets-nous nos dettes
Comme nous aussi avons remis à nos débiteurs ;
Et ne nous introduit pas en tentation mais délivre-nous du Mauvais.
Quelle est la version originale enseignée par le Seigneur aux apôtres ?
Chacun des évangélistes transmet la prière du Seigneur telle qu »elle était récitée de son
temps et dans sa communauté chrétienne : celle de Matthieu, composée en majorité de Juifs
convertis, et celle de Luc, issue du paganisme. La version de Luc semble plus ancienne. Elle
garde le longueur primitive de la prière. Le texte de Matthieu serait plus proche de l’original
quant à sa formulation de la partie commune aux deux versions. Ainsi, pour retrouver le Notre
Père originel, faudrait-il retenir les demande contenues dans le texte de Luc, mais les lire
selon la formulation de Matthieu ;
Dans quelle langue Jésus a-t-il enseigné le Notre Père ?
En hébreu (langue officielle du Temple et des synagogues) disent les uns ; en araméen (langue
usuelle du pays) disent les autres. Cette seconde hypothèse semble la mieux fondée.
Quelles sont les intentions des évangélistes ?
Resituons le contexte dans lequel apparaît le « Notre Père ». Matthieu l’insère dans le Sermon
sur la Montagne, charte de la vie du chrétien : il veut montrer l’importance de la prière dans la
vie morale. Luc expose la pédagogie de la prière entreprise par Jésus : « Seigneur, apprendsnous à prier ». Pour Luc, c’est en Jésus et en lui seul que Dieu se révèle Père.
Et si nous parcourions le « Notre Père » !!
« Notre Père », nous dit Matthieu. Dieu est un père pour Israël, à ne pas confondre avec
« notre père » Abraham. Celui-ci a vécu sur terre ; Dieu est au ciel. C’est un Dieu proche
(notre Père) et différent (au ciel) ;
« Père », dit Luc. C’est audacieux : jamais, un juif, en Israël, à cette époque de Jésus, ne s’est
adressé à Dieu personnellement avec un tel mot, qui plus est, signifie « papa « dans la version
araméenne. A la messe, le prêtre le redit : « nous osons dire… ».
Le Nom, le Règne, la Volonté : trois expressions qui nous renvoient aux Ecritures et aux
formules de prière de l’époque (voir plus loin les sources juives du Notre Père). En Jésus, le
Nom de Dieu est glorifié, en lui, le Royaume est arrivé ; il est venu faire la volonté de son
Père.
Le pain, le pardon et la tentation : c’est ce dot nous avons besoin pour que le Nom soit
sanctifié, que le Règne vienne, … Faisons confiance à ce Père bien plus qu’à n’importe quel
père humain : il sait ce dont nous avons besoin. Et c’est une constante de l’Evangile
d’affirmer que le refus du pardon à son frère est l’unique obstacle infranchissable au pardon
de Dieu. Et la tentation ? Ce Père nous provoquerait au mal ? Relisons ce verste à la lumière
de l’Evangile. Jésus commande à ses disciples de prier pour ne pas entrer en tentation.
Pourtant, lui-même a été tenté par le diable qui l’a conduit au désert. Mais face au tentateur,
chacune de ses réponses est définitive ;: la tentation n’a pas de prise sur lui. Nous demandons
dans le Notre Père qu’il en soit de même pour nous.
Mais délivre nous du mal : cette dernière demande s’applique à l’aujourd’hui mais vise la
perspective finale de la victoire de Dieu sur la mort.
 Et les sources juives du Notre Père ?
Derrière chaque invocation du Notre Père apparaissent des expressions de prières juives. Ces
formules nous invitent à découvrir et à goûter un sens nouveau de ces mots trop communs.
Notre Père qui es aux cieux
Fais-nous revenir, notre Père, à ta Torah… Pardonne-nous, notre Père…
Tu as eu pitié de nous, notre Père, notre Roi… Notre Père, Père de miséricorde, le
Miséricordieux, aie pitié de nous !
Que les prières et supplications de tout Israël soient accueillies par leur Père qui est aux cieux.
Que ton Nom soit sanctifié
Tu es Saint, et ton Nom est saint, et les saints chaque jour te loueront. Béni es-tu, Seigneur, le
Dieu saint ! Nous sanctifierons ton Nom dans le monde, comme on le sanctifie dans les
hauteurs célestes.
Que soit magnifié et sanctifié son grand Nom dans le monde qu ‘il a créé selon sa volonté.
Que ton Règne vienne
Qu’il établisse son règne de votre vivant, et de vos jours et du vivant de toute la maison
d’Israël, bientôt et dans un temps proche.
De ton Lieu, notre Roi, resplends et règne sur nous, car nous attendons que tu règnes à Sion.
Rétablisse nos juges… et règne sur sous, Toi seul Seigneur, avec amour et miséricorde…
Béni es-tu, Seigneur, Roi, qui aime la justice et le droit.
Que ta Volonté soit faite sur la terre comme au ciel
Telle puisse être ta volonté, Seigneur… de guider nos pas en ta Torah et de nous attacher à tes
commandements.
Notre pain quotidien, donne-le nous aujourd’hui.
Tu nourris les vivants par amour, tu ressuscites les morts par grande miséricorde, tu soutiens
ceux qui tombent, tu guéris les malades et délivres les captifs. Qui est comme toi ,Maître des
puissances ?
Bénis pour nous, Seigneur notre Dieu, cette année et toutes ses récoltes, pour le bien.
Rassasie-nous de ta bonté.
Et remets-nous nos dettes comme nous avons remis à nos débiteurs
Pardonne-nous, notre Père, car nous avons péché ; fais-nous grâce, notre Roi, car nous avons
failli, car tu es celui qui fais grâce et pardonne. Béni es-tu, Seigneur, qui fais grâce et
multiplie le pardon.
Pardonne-nous nos péchés comme nous les pardonnons à tous ceux qui nous ont fait souffrir.
Ne nous fais pas entrer en tentation
Ne nous livre pas au pouvoir du péché, de la transgression, de la faute, de la tentation, ni de la
honte. Ne laisse pas dominer en nous le penchant du mal.
Délivre-nous du mal
Vois notre misère et mène notre combat. Délivre-nous sans tarder à cause de ton Nom, car tu
es le Libérateur puissant. Béni es-tu, Seigneur, Libérateur d’Israël.
 Et les beaux noms divins de l’Islam ?
Ils sont au nombre de 99 : le musulman les récite en égrenant son chapelet.. La recherche du
centième nom de Dieu a alimenté bien des légendes.
Pour un musulman, il serait blasphématoire d’appeler Dieu « Père ». Dieu n’est ni Père d’un
Fils, ni Père des hommes : nous prétendre les « enfants de Dieu » serait contradictoire avec
l’absolu de Dieu. Il n’empêche que bien des noms donnés à Dieu évoquent ceux que nous
trouvons dans l’Ecriture et conviennent à Dieu comme Père.
Laissons-nous donc bercer et interroger par ces noms…
Très bon, Miséricordieux, Le roi, Le saint, Dieu de paix, Auteur de toute sécurité, Protecteur
vigilant, Doué d’une puissance rare, Qui contraint à lui obéir, Superbe, Le créateur, Qui
façonne, qui pardonne abondamment, Qui impose sa domination, Le donateur, Dispensateur
de tout bien, Qui ouvre la voie, Omniscient, Qui retient, Qui répand ses bienfaits, Qui abaisse,
Qui élève, Qui donne la puissance, Qui humilie, Qui entend, Clairvoyant, L’arbitre, Dieu de
justice, Qui comprend avec finesse, Bien informé, Le longanime, Immense, Qui pardonne et
est clément, Qui reconnaît les bienfaits, Le très-haut, Grand, Qui protège attentivement, Qui
nourrit, Qui suffit à tout, Le majestueux, Généreux et noble, Qui surveille tout, Qui exauce et
répond, Dont la connaissance et la puissance sont sans limites, Sage, Dieu de tendresse,
Glorieux, Qui ressuscite les morts, Le témoin, Dieu de vérité, A qui tout est confié, Le fort,
L’inébranlable, Lié aux siens qu’il aime et qu’il aide, Digne de toute louange, Qui connaît et
mesure tout, A l’origine de tout, Qui rétablit dans son état, Maître de la vie, Maître de la mort,
Le vivant , le subsistant, Qui a tout, Rayonnant de gloire, L’un, L’absolu, Le puissant,
Omnipotent, Qui fait avancer, Qui fait reculer, Le premier, Le dernier, Manifeste, Caché, Lié
aux siens qu’il patronne, Exalté, D’une bienfaisance délicate, Qui ramène à lui le pécheur,
Dieu des vengeances, Indulgent, Compatissant, Maître du royaume, Dieu de majesté et
d’honneur, Equitable, Qui rassemblera pour le jugement, Indépendant de tout, Qui donne la
richesse, Qui comble de ses dons, Qui refuse, Qui nuit Qui est utile, Dieu de lumière, Qui
guide, Incomparable, Qui demeure, Qui hérite, La droiture même, Infiniment patient.
Quelques pistes pour travailler le « Notre Père » en équipe.
Nous prions avec le « Notre Père » au sein de nos classes : en quelles circonstances ?
comment ?
Faisons-nous appel à des gestes pour accompagner la prière ?
Et le « Notre Père » dans notre vie personnelle ?
« Nous osons dire » : qu’y a-t-il d’audacieux à prier le « Notre Père » ?
La prière exprime la foi. Mais elle exprime aussi l’espérance et la charité : qu ‘en est-il pour le
Notre Père » ?
Dans ce numéro de « Sklerijenn », vous trouvez des prières inspirées du « Notre Père » ; vous
en connaissez d’autres. Et si, avec vos élèves, peut-être vos collègues, vous vous risquiez à
écrire une prière au Père.
Yvon GAREL