Volume 2 No 3 - fev04 - Expertise vétérinaire

Transcription

Volume 2 No 3 - fev04 - Expertise vétérinaire
Expertise vétérinaire en santé
des bouvillons d’abattage
Février 2004
No 3
Geneviève Côté, dmv, M.Sc.
Coordonnatrice du projet, FPBQ
Formation dans l’Ouest canadien
Les 12, 13, 14 janvier dernier, j’ai eu
l’opportunité de visiter « Feedlot Health
Management Services ». C’est une clinique
privée de huit vétérinaires basée en
Alberta qui offre des services vétérinaires
(programmes de santé, consultation
vétérinaire et logiciel de suivi de santé de
troupeau) aux producteurs de bouvillons à
travers l’Ouest canadien et les États-Unis.
Une quarantaine de clients qui engraissent
annuellement plus d’un million de
bouvillons font affaire avec eux . Ces
consultants réalisent également beaucoup
de projets de recherche sur l’efficacité de
vaccins, de produits et de protocoles de
traitements, sur des maladies et sur
l’alimentation. Lors de ces trois journées,
ils m’ont présenté leur façon de
fonctionner, leur logiciel de santé et leurs
projets de recherche. J’ai également visité
plusieurs parcs d’engraissement.
À mon tour, je leur ai présenté notre
projet d’expertise vétérinaire. Ils ont
trouvé ce projet très intéressant et leurs
commentaires, très pertinents, basés sur
leurs vingt années d’ expérience me
permettront de le bonifier à certains
égards. J’ai été très étonnée d’apprendre
que là-bas, du moins pour les clients de
cette clinique, tous les animaux morts sont
autopsiés à la ferme. D’ailleurs, le logiciel
ne permet pas d’inscrire un animal comme
mort s’il n’y a pas de diagnostic. Pour leur
entreprise, l’autopsie des animaux morts et
les données de santé récoltées par le
logiciel
sur
une
base
individuelle
constituent des données essentielles. Ces
informations sont analysées et utilisées
pour l’évaluation des pratiques de
l’entreprise (protocole d’entrée, gestion
des malades, etc.), pour des prévisions
financières et le suivi de tous les
événements relatifs à la santé. Des
données épidémiologiques sont générées et
contribuent à orienter et faciliter la prise
de décisions basée sur des considérations
socio-économiques. En fait, ils ont mis sur
pied, à plus grande échelle, ce que nous
tentons d’implanter au Québec avec le
projet d’expertise vétérinaire.
Parc d’engraissement en Alberta
Méthode de surveillance des parquets
Tiré de : Radostits,O.M., Herd Health/Food
animal production medicine, 3e edition.
La détection rapide et le traitement
précoce des animaux malades sont deux
éléments clés dans la gestion efficace des
maladies. L’état de santé des animaux dans
les parquets à faible risque devrait être
évalué au moins une fois par jour. Les
animaux que l’on considère très à risque
devraient être évalués au moins deux fois
par jour pour les deux à trois premières
semaines suivant leur entrée en parc.
Cette façon de faire permet de détecter
les nouveaux cas aussitôt que possible,
quand ils sont le plus susceptibles à
Téléphone : (418) 836-6172 Courriel : [email protected]
Page 1
répondre aux traitements. La surveillance
doit être la première chose que l’on fait en
entrant dans l’étable, lorsque les animaux
ne sont pas stressés. Elle se fait en
marchant dans l’enclos afin de faire
déplacer les animaux, mais très lentement
et sans agression . On ne peut pas observer
un problème de pattes si un animal est
couché. La surveillance est un art qui
demande beaucoup de pratique. Une
observation attentive permettra d’être à
l’affût de changements subtils. Il ne faut
pas oublier que pour certaines conditions,
les premiers signes de maladie peuvent
être très subtils et demandent un œil
exercé.
Quels signes communs rechercher?
üAnorexie : ne vient pas à la
mangeoire, remplissage de l’abdomen anormal;
üDépression : réticent à se lever ou à
bouger, tête et oreilles basses, dos
arqué;
üBoiterie ou démarche anormale;
üMouvements saccadés ou raides;
üToux, sécrétions nasales et oculaires;
üRespiration plus rapide;
üMufle croûté;
üPelage
d’apparence
sèche
et
rugueuse;
üFumier plus mou;
üGeignement à l’expiration - animal
tendu, anxieux.
Quand la personne en charge sait quels
signes rechercher, elle a besoin d’un
système pour trouver les animaux malades
(Figure 1). Les bouvillons malades ont
tendance à s’éloigner des autres; un animal
isolé mérite une attention spéciale. Il faut
donc examiner les animaux avant
d’entrer dans le parquet et repérer ceux
qui se tiennent à proximité des côtés
extérieurs du parquet. L’erreur la plus
commune
est
d’identifier
quelques
bouvillons malades sur les côtés puis de
marcher directement au centre du parquet
pour tasser les autres bouvillons (Méthode
B). Ceci provoque le mélange des animaux
malades et sains et rend plus difficile
l’identification des malades. La meilleure
méthode de déplacement à travers le
parquet est démontrée à la figure C. Cette
méthode s’applique généralement à des
gros parquets de 80 têtes et plus où les
animaux ont beaucoup d’espace (enclos
extérieurs) . Au Québec, les conditions sont
différentes mais il reste que la façon de
circuler dans l’enclos reste identique.
Notez que cette méthode permet à la
personne en charge, dès l'entrée dans le
parquet, de marquer ou de retirer
tranquillement le bouvillon malade qui se
tient sur les bords extérieurs. Après, elle
peut vérifier les autres animaux. En
utilisant la méthode C, la personne a
l’opportunité de voir tous les bouvillons de
chaque côté, et aussi de vérifier l’abreuvoir, la condition du plancher et celle de la
litière.
Figure 1 : Comment circuler dans l’enclos
Mangeoire
________ __ _ __ __
_
M
_
M
___
_
__
_
M
A. Parquet typique (M : animal malade; _:
animal sain)
Mangeoire
_ _
__
M __
_
M
__
_
€
_
_ _
__ _ _
__
__ _
__ M
B. Mauvaise approche
Téléphone : (418) 836-6172 Courriel : [email protected]
Page 2
Mangeoire
€
C. Méthode adéquate
Quoi vérifier?
1. Conditions de confort et d’hygiène :
besoin de litière? plancher brisé?;
2. État de la mangeoire et de
l'abreuvoir : qualité de la nourriture, propreté, eau disponible,
gaspillage de nourriture, etc. ;
3. Porter une attention spéciale à un
animal isolé; cependant, un animal
malade ne s’isole pas toujours. Les
maladies du système nerveux par
exemple peuvent causer une
altération de la vision, l’animal
aura tendance à rechercher la
compagnie des autres pour se
sécuriser;
4. Un animal qui n’engraisse pas ou
qui ne se nourrit pas devrait être
évalué;
5. Porter attention au pelage foncé :
la diarrhée sanguinolente et les
sécrétions au niveau des yeux sont
plus difficiles à percevoir sur ce
type de pelage;
6. Faites lever les animaux; les
boiteries et l’incoordination ne
peuvent être observées sur un
animal couché;
7. Écouter les sons : sifflements, toux,
respiration difficile, etc. ;
8. Travailler doucement et lentement : l’excitation peut faire
augmenter la température d’un
animal de 1° ou 2° F. Lorsqu'un
bouvillon qui doit être sorti refuse
d’être séparé des autres, demander
de l’aide additionnelle pour éviter
les blessures ou un stress excessif. Il
est parfois plus facile d’en faire
sortir 2-3 en même temps que de se
battre avec celui qui ne veut pas
sortir;
9. Si vous êtes incertain qu’un animal
est malade, un exercice léger peut
exacerber les signes cliniques et
confirmer ainsi vos soupçons;
10. Quand un animal est trouvé mort,
l’animal devrait être autopsié ce
qui vous donnera l’occasion de
corréler signes cliniques et lésions
pathologiques.
Les bouvillons qui démontrent les signes
cliniques
décrits
précédemment
ou
d’autres signes anormaux doivent passer
dans la cage pour une évaluation et un
traitement, s’il y a lieu. Il est important
d’observer l’enclos d’où un bouvillon
malade a été retiré afin de détecter
rapidement une éventuelle propagation de
la maladie et d'envisager un traitement de
groupe.
Malgré l’importance de la surveillance des
parquets, ce n’est pas une méthode
infaillible pour la détection des animaux
malades,
particulièrement
dans
la
première semaine qui suit leur arrivée. Il
est difficile de distinguer un animal fatigué
et émacié et venant d'être sevré dans les
jours précédents, d’un animal qui souffre
d’une maladie respiratoire. Au pic d’une
épidémie, plus de 50 % des animaux
peuvent être fébriles mais moins de 20 %
présenteront des signes de maladie.
Téléphone : (418) 836-6172 Courriel : [email protected]
Page 3
Données issues du projet
Voici les premières statistiques issues du
projet. Ces données couvrent la période du
13 janvier (début du projet) au 31 octobre
2003 (certains dossiers de novembre et de
décembre sont encore incomplets). Au
total, 86 bouvillons ont été soumis pour
autopsie dans le cadre du projet. Ces
bouvillons provenaient de 27 entreprises
(figure 1). Les mois de février, mai et
octobre ont connu un pic au niveau des
soumissions. Alors qu’ en février et octobre,
les soumissions sont réparties entre tous les
laboratoires, celles de mai touchent ceux
de Québec et de l’Assomption.
Nombre de bouvillons soumis dans les
laboratoires de janvier à octobre 2003
Parmi les 58 bouvillons chez lesquels des
lésions aux poumons ont été observées,
dans 47 % des cas, l’infection était
uniquement bactérienne et principalement
due
à
Mannhemia
haemolytica
(pasteurellose) ou Histophilus somnus.
Dans 36 % des cas, l’infection était mixte
(c'est-à-dire virale et bactérienne) et dans
5 % des cas, uniquement virale (VRSB virus respiratoire syncitial bovin et BVD).
Dans les infections mixtes, les virus les plus
fréquents étaient : VRS, BVD et IBR et les
bactéries :
Haemophilus
somnus,
Pasteurella et Mycoplasma.
Seulement deux bouvillons ont présenté
des lésions aux poumons et aux
articulations et dans un cas, la bactérie
responsable était mycoplasme.
20
nbre de bouvillons
associées au système nerveux, à des
septicémies et à diverses conditions
observées sporadiquement.
15
Le virus de la diarrhée virale bovine (BVD)
a été isolé chez 8 bouvillons dont 2 étaient
fortement suspectés d’être des immunotolérants.
10
5
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
mois
Le laboratoire de pathologie animale du
MAPAQ de l’Assomption a effectué 49 % des
autopsies de bouvillons ce qui fait que pour
cette période, les données sont plus
représentatives de ce qui se passe dans les
régions du nord-ouest de la province que
dans les autres.
Causes de mortalité
Parmi les causes de mortalité observées
chez les 86 bouvillons soumis, 70 % d’entre
elles sont dues à des lésions au niveau des
poumons. Le reste des mortalités sont
Haemophilus somnus
La bactérie Haemophilus somnus a fait des
ravages en 2003 et continue à faire des
victimes en 2004. Dans le cadre du projet,
elle a
été isolée (ou fortement
soupçonnée) chez 24 bouvillons. Des lésions
aux poumons, au cœur et au cerveau ont
été
observées.
L’infection
est
particulièrement sévère et contagieuse et
peut donc toucher un grand nombre
d’animaux.
Les animaux atteints peuvent mourir
subitement sans signe préalable ou
présenter de la forte fièvre, se tenir la tête
et les oreilles basses et avoir des
problèmes à respirer.
Téléphone : (418) 836-6172 Courriel : [email protected]
Page 4
La double vaccination des animaux, à
l’entrée et 3 semaines plus tard, n’est pas
un moyen de prévention infaillible mais va
très certainement aider à réduire le
nombre d’animaux atteints.
Idéalement, les animaux devraient être
vaccinés avant l’entrée en parquets
d’engraissement car dans certains cas, le
pic de l’infection s’est produit 10 jours
après l’entrée en parc, donc avant que les
producteurs aient le temps de faire le
rappel.
Données manquantes
Le formulaire qui doit accompagner les
bouvillons à l’autopsie est souvent
incomplet. Les données recueillies par le
biais de ce formulaire nous permettent de
mieux définir les maladies et de dégager
certains facteurs de risque qui peuvent y
être associés et ainsi de cibler des moyens
de prévention et de contrôle. SVP, prenez
le temps de le remplir. À la fin de ce
bulletin, vous trouverez une copie du
formulaire de soumission. Pour chaque
bouvillon soumis à l’autopsie, vous devez
remplir le formulaire et le télécopier au
450-778-8120 à l’attention de Mme
Michelle Beauregard.
Photo : Anne-Marie Christen, FPBQ
Merci beaucoup!
Téléphone : (418) 836-6172 Courriel : [email protected]
Page 5

Documents pareils