MEMOIRE DE MAITRISE Conversion hystérique et

Transcription

MEMOIRE DE MAITRISE Conversion hystérique et
Hermelinde KIENBERGER
Maîtrise
en
sciences
humaines
cliniques
Année 2000-2001
MEMOIRE DE MAITRISE
Conversion hystérique et affection psychosomatique
A l'attention de Monsieur Chanson
SHC - Université Paris 7 Denis Diderot
SOMMAIRE
INTRODUCTION
4
I. NOTION DE CONVERSION HYSTERIQUE
6
A - Définitions et historique
6
1) Définition commune
6
2) Définition psychopathologique
6
3) Rappels historiques
8
B – Personnalité hystérique
9
C – Symptomatologie
11
1) Les symptômes d'expression somatique
11
2) Les symptômes d'expression psychique
15
D – Théories psychopathologiques
16
1) Les théories mécanistes
16
2) Les théories dites négatives
16
3) Les théories organo-dynamiques
17
4) Les théorie psychanalytiques
17
E – Caractères généraux des symptômes conversionnels
20
1) Rapport entre le symptôme de conversion et le sexe
20
2) Absence d'organicité
21
3) Aspect des symptômes
22
II. NOTION DE PSYCHOSOMATIQUE
A – Un concept à préciser
24
24
1) Conception moniste
25
2) Conception dualiste
26
2
B – La psychosomatique et son histoire
C – Maladie psychosomatique
26
29
1) La somatisation comme carence du fonctionnement mental
31
2) Le modèle multidimensionnelle
34
D – Profil de personnalité
III. RAPPORTS CONVERSION-PSYCHOSOMATIQUE
36
42
A – Différences et analogies
42
B – Sens et non-sens du symptôme
44
C – Lien entre projection et somatisation
47
CONCLUSION
50
BIBLIOGRAPHIE
52
3
INTRODUCTION
La motivation quant à notre choix de ce sujet de réflexion, est guidée par la
question sur la place du corps dans sa relation avec la psyché et avec le monde extérieur.
Freud envisageait les difficultés qui contrarient l'aspiration humaine au bonheur
qu'il définissait comme la satisfaction des instincts et l'évitement de la souffrance. En
dehors de la diversion dans le travail, les satisfactions substitutives de l'art et des illusions
religieuses et amoureuses, les stupéfiants enfin, il mentionnait en dernier recours la fuite
dans la maladie.
Nous sommes tous des êtres psychosomatiques, fait de psychique et de
somatique. Mais cela ne va pas dans le sens de la tendance générale, d'origine socioculturelle, à considérer l'esprit comme précédant et dominant le corps.
Or la pulsion est primaire et va entrer en relation avec le Moi qui se forme. Et selon
Freud, la pulsion est un phénomène somato-psychique. Le psychisme le plus élémentaire
répond à la demande corporelle. Le paysage corporel est en constante relation avec la
psyché. Le corps est la structure même qui permet la constitution de la psyché.
De nombreux auteurs se sont posés la question si la conversion est reservée
strictement à l'hystérie, avec sa thématique érotique et son mécanisme de déplacement,
ou bien si on peut la retrouver en passant par un autre processus au cours des maladies
psychosomatiques autres que l'hystérie.
On peut émettre l'hypothèse qu'il existerait un ensemble psychosomatique réparti
entre le psychique et le somatique. Cet ensemble s'inscrit dans la "maladie" tout autant
que dans la "santé". Dans cet ensemble psychosomatique, les deux s'opposent mais sont
complémentaires à la fois. On peut se trouver plus sur un versant psychique ou
somatique, passer de l'un à l'autre ou présenter les deux, comme par exemple relever
d'un fonctionnement hystérique et développer une maladie "psychosomatique".
Car tout être fonctionne en équilibre avec une homéostasie qui lui est propre. Il
existerait trois types d'homéostasie : une homéostasie purement somatique, une
4
homéostasie purement psychique, et une homéostasie somato-psychique régissent les
équilibres entre le fonctionnement psychique et le fonctionnement somatique.
S'il s'agit de parler d'hystérie ou de psychosomatique, il n'est point question ici
d'une étude exhaustive, d'une part du phénomène hystérique dont le débat, pourtant
vieux de près de 4000 ans, n'a jamais abouti : "La définition de l'hystérie n'a jamais pu
être donné et ne le sera jamais" (Lasègue) ; encore moins, d'autre part de celle de
l'immense champ psychosomatique qui non seulement recouvre une diversité de
phénomènes allant des désordres fonctionnels parfois inclassables à certains syndromes
bien définis d'apparence exclusivement somatiques sans relation évidente avec le
psychisme, mais aussi fait appel à une conception nouvelle et très "à la mode" de la
pratique médicale.
Le présent travail est plutôt une tentative de différencier les répères théoriques de
l'hystérie de conversion de la maladie psychosomatique, de retrouver quelques notions
générales parmi les théories combien diverses sur la place de la conversion hystérique,
des troubles fonctionnels (ou psychofonctionnels selon certains auteurs), et des affections
psychosomatiques (ou encore somatisations selon d'autres auteurs), et en dégager des
similitudes et des différences. Dans ce travail, on peut constater l'évolution progressive de
la psychosomatique, qui confirme que la conception est originaire de la théorie
psychanalytique de l'hystérie de conversion.
En nous appuyant sur les points de vue des différents auteurs qui se sont
préoccupés de la question, nous constatons que plusieurs théories se retrouvent et
s'affrontent : certaines, inspirées par l'école américaine (Alexander, Dunbar) et l'école
française (Marty, Fain, de M'Uzan), tentent de différencier systématiquement l'hystérie
conversionnelle du phénomène psychosomatique et de les considérer comme deux
entités totalement distinctes. Un autre auteur, Sami-Ali, bien que dans la même lignée,
présente une théorisation fort divergente. Et certaines théories inspirées par l'école
argentine (Angel Garma) et par Brisset et Valabrega, semblent plus nuancées et
considèrent ces deux entités morbides comme présentant certains liens.
5
I. NOTION DE CONVERSION HYSTERIQUE
A – DEFINITIONS ET HISTORIQUE
1) Définition commune
Avant d'aborder le concept de conversion tel qu'il peut nous intéresser dans notre
travail, il peut être utile de rappeler ce qu'apporte la définition commune du terme : faire
une conversion, c'est tourner autour d'un axe. Quand la conversion est de 180°, la
position terminale s'oppose directement à la position initiale.
La première idée qui s'impose devant cette définition est donc celle d'un
changement de cap et d'orientation.
Par extension, la conversion implique une notion de transmutation. La deuxième
idée est donc celle d'un réarrangement d'éléments identiques selon une structure
différente.
Un troisième domaine de la conversion peut encore nous éclairer : celui de la
religion. Se convertir, c'est changer d'opinions en adhérant aux dogmes et aux croyances
d'une réligion. Il reste que le converti ne se confond pas avec le croyant de toujours. Il
conserve une trace de sa transformation, un souvenir de ce qu'il était. Le converti
représente une vérité qui ne va pas de soi, au contraire du croyant qui, à la limite, n'a rien
à prouver puisque tout est clair pour lui.
2) Définition psychopathologique
Selon l'hypothèse freudienne, la conversion est un mécanisme s'exerçant sur une
représentation, un conflit refoulé (inconscients) et produisant un symptôme à issue
motrice ou corporelle, lequel symptôme devient alors une expression symbolique de la
représentation refoulée.
En d'autres termes, le symptôme représente une certaine énergie libidinale qui
peut se transformer, se convertir en symptôme somatique. Cette énergie libidinale est liée
à une représentation mentale ou à un objet extérieur réel. Lors de la conversion, on
assiste à une séparation de cette charge énergétique d'avec la représentation mentale.
Cette dernière est alors refoulée dans l'inconscient et l'énergie libidinale est "transférée"
6
dans le corps. S. Freud décrit cela comme "un saut du psychique dans l'innervation
somatique".
Le premier sens du mot conversion chez Freud est économique : "C'est une
énergie libidinale qui se transforme, se convertit en innervation somatique. La conversion
est corrélative au détachement de la libido d'avec la représentation, dans le processus de
refoulement ; l'énergie libidinale détachée est alors ... transposée dans le corporel".1
Mais cette interprétation économique de la conversion est inséparable chez Freud
d'une conception symbolique, à laquelle il fait recours plus tard.
En effet, dans les symptômes corporels, les représentations refoulées, quoique
déformées par les mécanismes de condensation et de déplacement, "parlent".
Pour les motifs qui font que ce sont des symptômes de conversion qui se forment
plutôt que d'autres (phobiques ou obsessionnels), Freud invoque d'abord une capacité de
conversion ; idée qu'il reprendra plus tard, dix ans après Dora, dans "Le trouble
psychogène de la vision dans la conception psychanalytique" (1910), avec l'expression de
"Complaisance somatique", la définissant comme facteur constitutionnel ou acquis qui
prédisposerait un sujet à la conversion, ou encore d'une façon plus spécifique un organe
à être utilisé pour la conversion.
Freud exprime ainsi la nécessité d'une participation organique pour que se forme
le symptôme conversionnel ; le symptôme prendrait alors naissance par association entre
un trouble somatique réel et une émotion pathogène.
Et plus tard, Freud donne à la conversion une propriété défensive de caractère
régressif contre l'angoisse. Ce mécanisme intervenant donc dans toute névrose, par
l'intermédiaire du refoulement, pour faire disparaître l'angoisse.
1
LAPLANCHE J. et PONTALIS J.-B. : "Vocabulaire de la psychanalyse", P.U.F., 1992.
7
3) Rappels historiques
L'étymologie du mot hystérie dérive du grec νστερα "hystera" signifiant matrice. En
français, l'adjectif hystérique a été introduit le premier en 1568, venu du grec par
l'intermédiaire du latin "hystéricus".
C'est avec Hippocrate que l'on rencontre les premières descriptions cliniques
indiscutables d'hystérie. Il s'attache à expliquer le pourquoi des déplacements de l'utérus
qu'il admet, et déjà il fait un lien avec la sexualité puisque le phénomène serait surtout le
fait des femmes privées de relations sexuelles.
Avec le christianisme et notamment les écrits de Saint Augustin, on assiste à une
orientation toute différente et l'hystérie échappe en partie à la médecine pour rentrer dans
le domaine religieux. Pour Saint Augustin, il existerait une relation étroite entre péché et
érotisme.
La notion de conversion est contemporaine des premières recherches de Freud
sur l'hystérie : c'est dans le cas de Frau Emmy von N.... des "Etudes sur l'hystérie"
(écrites avec BREUER en 1895) ; dans les "Psychonévroses de défense" (1894) et dans
le Cas Dora des "Cinq Psychanalyses" (1901-1905) qu'on la rencontre d'abord, d'une
manière bien définie.
Cependant, même si Freud fut le premier à découvrir cette notion, il le doit
certainement à d'autres. A entendre Freud, Charcot avait déjà découvert le phénomène
de conversion, mais sans pour autant le nommer ainsi.
Les premiers psychanalystes ont essayé sans cesse d'étendre la conception
primitive de l'hystérie de conversion, telle que nous en avons hérité de Freud, à toutes les
formes des troubles psychogènes du corps.
Groddeck, vers les années 1925-1927, se trouve parmi les premiers à tenter
d'étendre la théorie de l'hystérie aux syndromes organiques, en abordant ces maladies
avec exactement les mêmes perspectives symbolisantes que dans la conversion
hystérique. Et il va même plus loin en proposant une hardie psychogénèse générale :
selon lui, les maladies organiques qui sont une sorte de représentation symbolique des
8
prédispositions psychologiques d'un individu s'organiseraient et se développeraient de
façon analogue aux symptômes névrotiques.
Cette notion de conversion, idée neuve à la fin du XIXe siècle, a pris une très
grande extension à l'heure actuelle, notamment avec le développement des recherches
psychosomatiques.
Deux étapes sont à individualiser dans l'histoire de ce phénomène : La notion de
conversion est d'abord étroitement liée à la notion d'hystérie. En effet, à un moment
donné dans l'histoire de la conversion, les deux mots hystérie et conversion sont bien
souvent interchangeables pour de nombreux auteurs. Puis, elle s'en libère peu à peu en
se rattachant, entre autres, aux concepts de névrose d'organe ou de psychosomatique.
B – PERSONNALITE HYSTERIQUE
Ce type de personnalité que l'on observe surtout chez la femme, se caractérise
par les traits suivants :
•
l'égocentrisme, l'avidité affective qui s'accompagne d'une extrême intolérance
aux frustrations;
•
la tendance à la dramatisation : les uns mettent l'accent sur l'histrionisme, le
besoin de jouer un rôle, d'attirer l'attention ; les autres sur la tendance à
l'exagération, à l'exhibitionisme, au mensonge, à la simulation;
•
le manque de contrôle émotionnel ; labileté affective et inconsistance des
réactions;
•
la pauvreté et la facticité des affects;
•
l'érotisation des rapport sociaux ; attitude de coquetterie, de provocation, de
séduction ; tendance à prêter une signification sexuelle à des situations qui en
sont dépourvues;
•
la frigidité, la peur ou la répugnance de la sexualité, de l'acte sexuel plus
précisément;
•
la suggestibilité, autrefois considérée comme caractère primordial, est
maintenant remplacée par la dépendance affective et ses implications dans les
relations interpersonnelles y compris la psychothérapie.
9
Bien que la manifestation de conversion peut survenir chez une personne ne
présentant pas les traits de la personnalité hystérique, pour beaucoup d'auteurs, la
concordance ne fait guère de doute, et les symptômes de conversion s'observent surtout
chez les malades à "caractère hystérique".
Pour Lemperière, dont le travail dans ce domaine paraît des plus importants à
l'heure actuelle, les deux caractéristiques essentielles de la personnalité hystérique sont
l'histrionisme et la dépendance affective.
1) L'histrionisme : ce trait de personnalité est si important que certains auteurs ont
voulu réduire la personnalité hystérique à l'histrionisme sous le terme de personnalité
histrionique.
L'histrionisme est le trait qui frappe dès l'abord : tout es mis en oeuvre pour attirer
l'attention, plaire et séduire. C'est cette hyperexpressivité ou ce théâtralisme qui consiste
à afficher un personnage, jouer un rôle pour éviter une rencontre authentique avec autrui.
Le théâtralisme exige un corollaire, la réactivité excessive sur le plan émotionnel
qui permet à l'hystérique de montrer sans contrôle et sans retenue les affects qui la
submergent.
2) La dépendance affective : la dépendance excessive est probablement un des
traits qui témoignent le plus de l'organisation archaïque de sa personne. Cette
dépendance se traduit par le choix d'un lieu sécurisant (cellule familiale, communauté,
couvent, hôpital...) et s'accompagne d'une certaine passivité.
La personnalité hystérique traduit en effet la résolution pathologique d'une
sexualité conflictuelle où les pulsions agressives et sexuelles sont refoulées. La fixation
orale faciliterait l'échec de la résolution du conflit oedipien et expliquerait la bipolarité
clinique de cette structure (histrionisme et dépendance affective).
Cette personnalité se traduit aussi par des activités et des conduites de
remplacement, pour mieux supporter sa "frigidité" : comportement de rêverie, intense vie
imaginaire, activité masturbatoire à forte composante fantasmatique et une tendance à la
mythomanie.
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Freud disait à propos de l'hystérique : "Toute personne chez laquelle une occasion
d'excitation sexuelle provoque surtout ou exclusivement du déplaisir, je la tiens pour une
histérique, qu'elle soit ou non capable de créer des symptômes somatiques".2
C – SYMPTOMATOLOGIE
Chez l'hystérique, on peut distinguer les symptômes d'expression somatique et les
symptômes d'expression psychique. Etant donné que l'hystérie de conversion désigne "le
saut du psychique dans l'innervation somatique", nous nous étendrons dans le cadre de
ce travail plus longuement sur les symptômes d'expression somatique que sur les autres
que nous n'allons pas pourtant oublier de mentionner.
1) Les symptômes d'expression somatique
Ce qui frappe d'abord chez l'hystérique, c'est l'abondance de signes et la
multiplicité des plaintes. Et même le symptôme de base s'accompagne souvent de tout un
cortège de troubles accessoires. Par ailleurs, on peut affirmer que l'hystérie de conversion
est plus fréquente chez la femme que chez l'homme.
a) L'asthénie
L'asthénie est un des symptômes les plus fréquents et les plus habituels de
l'hystérie. Elle accompagne toujours la conversion somatique, et bien souvent la précède
ou la suit.
C'est une fatigue douloureuse permanente ou non, réduisant aussi l'activité du
malade, celui-ci se sentant brisé, plein de courbatures et les jambes trop lourdes.
L'asthénie est aussi sensible aux influences psychologiques, aux circonstances
extérieures et aux médications stimulantes.
2
FREUD, S. et BREUER J. : "Etudes sur l'hystérie", P.U.F., 1994.
11
b) Les accidents de conversion proprement dits
Les accidents de conversion se retrouvent chez la majorité des malades. Ils sont
multiples, et se présentent soit en association, soit en alternance.
Les symptômes que l'on retrouve le plus souvent sont: les crises, l'astasie-abasie,
les paralysies, les troubles visuels et l'aphonie. On peut diviser ces symptômes en les
groupes suivants :
1 – Les manifestations paroxystiques : les crises
Ces crises d'excitation s'observent chez la moitié des malades et ont une nette
tendance à se répéter. Le type historique de ces crises en est la grande attaque "à la
Charcot", telle qu'on pouvait la voir à la Salpétrière dans les années 1880-1890.
Parmi les formes mineures on peut observer assez fréquemment, les crises
d'agitation psychomotrice que certains auteurs résument sous le nom de crises de nerfs.
Elles sont les reproductions de drames, de scènes violentes et de scènes érotiques.
En outre, il y a les troubles paroxystiques atypiques comme l'accès de hoquet, de
baillements, d'éternuements, de tremblements, de pleurs incoercibles, de secousses
musculaires ou de tics.
Parmi les crises à prédominance d'inhibition on peut nommer les crises
syncopales qui sont très fréquentes de nos jours. La crise s'accompagne d'un
déséquilibre neuro-végétatif : modification du rythme cardiaque et respiratoire, baisse de
tension artérielle.
2 – Les manifestations somatiques durables
Elles sont innombrables et on peut y rencontrer toutes sortes de syndromes
neurologiques.
On peut les diviser en deux grands groupes : les troubles qui intéressent le
système nerveux de la vie de relation, et ceux qui intéressent le système neuro-végétatif.
12
a) Les troubles du système nerveux de la vie de relation
-
les paralysies : elles ne s'accompagnent d'aucun signe objectif d'atteinte
lésionnelle des voies ou centres nerveux. Les paralysies peuvent être
systématiques, localisées et généralisées.
-
les contractures : elles sont plus fréquentes chez l'homme que chez la femme.
Comme dans les paralysies, on y distingue les contractures systématiques, les
contractures localisées et les contractures généralisées.
-
l'astasie-abasie : il s'agit d'une incapacité de la station debout et de la marche;
elle est souvent précédée par des crises d'angoisse, des vertiges, un
sentiment d'insécurité.
-
les troubles sensoriels : tous les organes des sens sont atteints.
•
Les troubles visuels : la cécité en est le trouble le plus important. Mais
les exemples classiques sont le rétrécissement concentrique, circulaire,
tubulaire, fixe du champ visuel, et la diplopie monoculaire. Ils sont
volontiers transitoires chez la femme, plus massifs et chroniques chez
l'homme.
•
Les troubles auditifs : les surdités sont très fréquentes en temps de
guerre. Elles commenceraient généralement après une commotion (une
explosion). En temps de paix, ce sont des surdités post-traumatiques
ou liées directement au poste de travail (standardiste par ex.).
-
les atteintes sensitives : on les nomme aussi stigmates. Elles se présentent
sous deux formes : anesthésies et fausses hyperesthésies.
•
Les anesthésies : elles portent sur le tact, la douleur, la température;
elles peuvent aussi intéresser les sensibilités profondes comme celles
des muscles, des ligaments et des os.
•
Les points hyperesthésiques : le mérite revient à Janet d'avoir montré
qu'il s'agit de fausses hyperesthésies, liées uniquement à la vue. Il
s'agit plutôt d'une peur excessive que d'une douleur réelle. Charcot a
décrit
des
zones
"hystérogènes"
où
seraient
localisées
les
13
hyperesthésies, en particulier les points ovariens et les points sousmammaires.
•
les algies : elles sont très fréquentes (env. 70% des patients), aussi
fréquentes chez l'homme que chez la femme. Elles s'observent à tout
âge, mais plutôt chez les personnes âgées. Elles sont variables dans
leur localisation comme dans leur intensité. Les algies les plus
fréquentes sont : céphalées, douleurs abdominales, douleurs des
extrémités, rachialgies, arthralgies.
b) Les troubles du système neuro-végétatif
-
les spasmes : ils s'observent plus souvent chez l'homme que chez la femme.
On rencontre les spasmes pharyngés, les spasmes respiratoires, la rétention
d'urines, les paraspasmes faciaux etc.
-
les troubles viscéraux : ils sont également très fréquents : toux sine materia,
pseudo-appendicite, occlusion spasmodique, grossesse nerveuse. Le "gros
ventre hystérique" est un symptôme souvent méconnu.
-
les troubles trophiques : plus fréquents en temps de guerre, ils intéressent un
membre légèrement blessé. En temps normal, on note des téguments froids,
épaissis, cyanoses, oedèmes sous-cutanés.
c) Les troubles sexuels
Ils ne manquent pratiquement jamais dans l'hystérie féminine, alors que chez
l'homme ils sont moins constants et moins permanents.
Chez la femme, ils vont de l'indifférence complète (absence totale de désir sexuel
ou de préoccupations) à la frigidité et à une absence totale d'orgasme. La vie sexuelle de
ces malades étant réduite à une masturbation fortement culpabilisante avec une intense
activité fantasmatique hétérosexuelle. Les fixations homosexuelles sont "désexualisées",
restant dans le domaine du sentimental.
L'activité fantasmatique souvent très développée se construit sur des fixations
amoureuses sur des personnes inaccessibles; les fantasmes de viol sont très fréquents.
14
Nous tenons à signaler également la fréquence chez les hystériques, des troubles
des règles : dysménorrhées, irrégularité du cycle, aménorrhée longue et des pubertés
tardives.
Chez l'homme, les troubles sexuels se traduisent généralement par des
éjaculations précoces, plus que par des impuissances complètes qui peuvent parfois
apparaître après des traumatismes importants.
Troubles transitoires, ils évoluent parallèlement aux accidents de conversion.
2) Les symptômes d'expression psychique
A côté des symptômes somatiques, il existe également des symptômes
psychiques révélateurs de l'hystérie.
Comme ceci n'est pas l'objet principal de notre travail, nous allons simplement les
énumérer.
Les troubles de la mémoire et l'inhibition intellectuelle sont les plus fréquentes; les
troubles de la mémoire rencontrés sont les amnésies et les illusions qui accompagnent en
général les phénomènes purement somatiques, mais peuvent aussi exister à l'état isolé.
Freud y a beaucoup insisté et faisait remarquer que le trouble de la mémoire était
nécessaire au diagnostic de l'hystérie. L'amnésie, elle, apparaît essentiellement dans
l'évocation biographique du sujet.
Ensuite viennent les troubles de la vigilance, comme les états seconds, les états
crépusculaires, le somnambulisme, les fugues, les "attaques de sommeil" ou les états
léthargiques progressifs.
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D – THEORIES PSYCHOPATHOLOGIQUES
Pour expliquer le passage du psychique au somatique, plusieurs théories ont été
développées. Nous allons d'abord présenter brièvement les théories les plus anciennes et
puis aborder la théorie psychanalytique sur laquelle reposent les conceptions actuelles de
la clinique hystérique.
1) Les théories mécanistes
La plupart de ces théories qui ne s'adressent qu'aux signes, sont déjà très
anciennes. L'un des représentants les plus célèbres a été Charcot, dont la conception a
beaucoup marqué le monde de la médecine.
Charcot attribuait une grande importance au traumatisme dans la manifestation
hystérique, de nature physique ou émotionnelle. Mais il nuançait dans ce sens que ce
n'était pas le traumatisme tout seul (dans son action physique) que déclenchait un
syndrome physique, mais plutôt son retentissement sur les émotions et les idées du sujet
qui les subit.
Charcot reconnaissait finalement à l'hystérie une cause psychique, mais il postulait
néanmoins l'existence d'un substratum physiologique appelé "lésion dynamique
fonctionnelle" ; cette lésion nécessitait pour se produire un terrain constitutionnel
dégénératif transmis par hérédité.
2) Les théories dites négatives
Elles sont dites ainsi, parce qu'elles aboutissent toutes à une négation des
troubles hystériques. Elles nous disent ce que l'hystérie n'est pas, mais pas ce qu'elle est.
A l'origine de ces théories se trouve Babinski. Elève de Charcot, c'était un fervent
défenseur d'une pathologie organique de l'hystérie. Après la mort de son maître, sa
conception de l'hystérie devient radicalement différente. Pour lui, le critère de l'hystérie,
c'est la reproduction par la suggestion de troubles d'allure neurologique, et donc
l'expulsion de l'hystérie du domaine de la neurologie organique.
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3) Les théories organo-dynamiques
Le mérite revient en fait à Janet d'avoir essayé de saisir les phénomènes
hystériques dans une perspective appelée "dynamique" qui, pour si psychologique qu'elle
soit, ne s'en réfère pas moins à un trouble organique dont l'origine semble être
constitutionnelle.
En effet, Janet reprend plus ou moins la théorie de Bricquet selon laquelle
l'hystérie est une maladie par faiblesse, par épuisement cérébral, caractérisée surtout par
un affaiblissement de la faculté de la synthèse psychologique (un rétrécissement du
champ de la conscience) responsable de la limitation de la perception chez le malade, et
d'une tendance à la division permanente et complète de la personnalité.
Janet reconnaît aussi le rôle important du trauma dans la génèse des symptômes
conversionnels. En outre, il paraît avoir aussi découvert une problématique sexuelle, à
travers les symptômes hystériques, mais il ne lui accorde aucune importance particulière,
et il proteste d'ailleurs contre le "pan-sexualisme" des psychanalystes.
C'est Henri Ey qui fait le point au milieu de la grande querelle des organicistes et
des psychistes, en considérant l'hystérie organique dans sa condition (biologique,
héréditaire, constitutionnelle, neurophysiologique), et psychique dans son mécanisme et
sa symptomatologie.
Pour construire sa théorie, Henri Ey reprend plus ou moins les idées de Janet,
mais en s'efforçant d'y inclure des notions psychanalytiques telles que l'importance des
pulsions inconscientes et le symbolisme plus ou moins direct des signes. Il définit
l'hystérie comme une forme de fixation régressive de l'activité psychique ; cette régression
entraîne alors une libération des pulsions issues de l'inconscient constituant ce monde
des images auxquelles se soumet l'hystérique.
4) La théorie psychanalytique
A la base se trouve la conception historique de Freud, bien qu'il y ait d'autres
conceptions plus contemporaines mais qui sont des héritières de cette conception
freudienne. C'est en effet la théorie analytique de l'hystérie qui a eu le mérite de renverser
l'ancienne conception volontariste qui réduisait l'hystérie à la simulation.
17
Dans les premiers écrits de Freud apparaît la notion du traumatisme pathogène
(psychique ou physique) et son importance dans la naissance du symptôme
conversionnel hystérique. Dans les "Etudes sur l'hystérie", Freud précise que le
traumatisme ne peut agir isolément, mais que son rôle est fonction des capacités de
réaction du sujet, de la possibilité d'une décharge ou d'une intégration consciente. Le
traumatisme prend donc sa signification par rapport à une histoire et à une situation.
Freud précisera plus tard que le traumatisme pathogène n'agit pas à la façon d'un
agent provocateur qui déclencherait le symptôme, mais c'est le souvenir – avec sa pleine
valeur émotionnelle – de ce traumatisme qui jouera un rôle déterminant. Le "symptôme
hystérique ne peut être issu uniquement d'une expérience réelle, mais à chaque fois le
souvenir d'expériences antérieures, réveillé par association, concourt à la causation du
symptôme"3 . Selon Freud, "c'est de réminiscences que souffre l'hystérique". Pour se
faire, ces expériences antérieures traumatiques doivent être présentes à l'état de
souvenirs inconscients ; c'est seulement aussi longtemps et dans la mesure où elles sont
inconscientes qu'elles peuvent produire et entretenir des symptômes hystériques.
Ainsi Freud et Breuer insistent d'une façon décisive sur la relation entre un
symptôme corporel actuel et un évènement ancien demeuré inconscient et pouvant être
accessible par hypnose, mais également sur l'élément dynamique constitué par la charge
affective.
Alors que le facteur sexuel avait déjà été ébauché dans les "Etudes sur l'hystérie",
notamment par Breuer qui entrevoyait le rôle de la répression de la sexualité dans la
génèse des troubles, Freud, l'approfondissant dans "L'étiologie de l'hystérie" (1896),
reconnaît dans l'irritation sexuelle précoce la condition étiologique spécifique de l'hystérie.
Il met en cause dans la génèse de l'hystérie, un incident sexuel vécu passivement dans la
petite enfance, à l'époque d'avant la puberté c.à.d. entre deux et huit ans.
Il se réfère alors à ses conceptions antérieures pour confirmer que ce n'est pas cet
incident sexuel lui-même qui a une action traumatique, mais plutôt sa reviviscence sous
forme de souvenir. En effet, c'est le souvenir, la représentation de l'expérience sexuelle
passive, inconciliable avec le développement moral et intellectuel de l'enfant qui provoque
le refoulement des affects hors de la conscience.
3
FREUD, S. : "L'étiologie de l'hystérie", in "Névrose, psychose et perversion", P.U.F., 1995.
18
Les symptômes hystériques se forment, en effet, par suite du refoulement d'une
idée intolérable, et en tant que mesure de défense, la représentation refoulée demeure
sous forme d'un tracé mnémonique faible et l'affect concommittant sert alors à une
innervation somatique.
C'est en étudiant ce mécanisme de défense que Freud découvre les motifs des
symptômes hystériques. C'est ainsi que dans le "Cas Dora" (1905) il parle des profits
secondaires qui consistent en une application utilitaire de la maladie.
Mais dans la suite, Freud mentionne l'existence du bénéfice primaire existant
avant les bénéfices secondaires, et dont le but est de résoudre un conflit par la formation
d'un symptôme qui est le mode détourné de réalisation d'un désir d'origine sexuelle. Ce
désir, par refoulement, subit un déplacement sur une zone somatique érogène, chargée
de sens symbolique. Les symptômes hystériques représentent alors un compromis entre
ce désir et le moi. L'attaque hystérique est le représentant flagrant de ce désir érotique ;
et comme le rêve, elle est soumise à la condensation et aux identifications multiples.
C'est également dans le "Cas Dora" que Freud aborde une nouvelle notion,
nécessaire à la formation du symptôme hystérique : la complaisance somatique. Selon lui,
il n'y a pas à choisir entre une origine psychique ou somatique de l'hystérie : "Un
symptôme hystérique nécessite un apport des deux côtés ; il ne peut se produire sans
une certaine complaisance somatique qui est fournie par un processus normal ou
pathologique dans, ou relatif à, un organe du corps"4.
Pour Freud, il existerait une condition constitutionnelle spéciale qui prédisposerait
les organes à exagérer leur rôle erogène et qui provoquerait ainsi le refoulement de la
pulsion.
Comme nous venions de voir, Freud mit en cause dans la génèse de l'hystérie, un
incident sexuel de la petite enfance, mais par la suite il dut renoncer à la réalité objective
de ce traumatisme et le considérer comme un fantasme élaboré en fonction des désirs
incestueux du complexe d'Oedipe.
Sous la notion de conversion, nous appréhendons un enracinement dans le corps.
Or, aucune formation psychique n'est plus apte à révéler cet enracinement corporel que le
fantasme – le fantasme avec ses deux visages conscient et inconscient.
4
FREUD, S. : "Fragment d'une analyse d'hystérie", in "Cinq psychanalyses", P.U.F., 1995.
19
Freud en est alors venu à accorder une importance de plus en plus grande au
fantasme, notamment au fantasme inconscient chez les hystériques. Le symptôme
hystérique réalise donc par son compromis corporel, ce désir apparemment impossible
qu'est le fantasme.
Dans le même ordre et dans le même temps, le complexe d'Oedipe est considéré
par Freud comme le noyau de formation de l'hystérie. C'est dans la non-résolution de ce
noeud oedipien et dans son refoulement plus ou moins massif que réside précisément le
conflit central des hystériques.
E – CARACTERES GENERAUX DES SYMPTOMES CONVERSIONNELS
1) Rapport entre le symptôme de conversion et le sexe
Certes l'hystérie semble moins fréquente chez l'homme que chez la femme.
Cependant, certains caractères communs peuvent être relevés chez les deux sexes :
notamment l'âge des malades au moment de l'examen initial, qui se situe généralement
dans la tranche de 21 à 30 ans dans les deux sexes, et le motif de l'examen qui, dans les
deux cas, est un ou plusieurs accidents de conversion.
Outre ces deux caractères, on retrouve une répartition des symptômes de
conversion différente chez la femme et chez l'homme. En effet, la femme par exemple a
tendance à faire plus de crises de nerfs, d'astasie-abasie et de troubles sensoriels, alors
que l'homme présente plus de symptômes moteurs (paralysie, contractures).
Selon la plupart des auteurs, les manifestations de conversion sont plus souvent
monosymptomatiques chez l'homme que chez la femme.
En dehors des symptômes deux-mêmes, ce sont surtout les conditions
d'apparition et de pérennisation des accidents de conversion qui sont différentes d'un
sexe à l'autre : chez la femme, on retrouve avant tout des conflits d'ordre affectif et
sexuel. Chez l'homme, les circonstances socio-professionnelles sont très importantes,
mais aussi les circonstances de guerre, et les responsabilités de famille ; la maladie étant
prise souvent comme une compensation ou un refuge.
20
1) Absence d'organicité
La topographie des symptômes conversionnels prouve leur nature anorganique,
même au cours d'un examen neurologique.
Cette topographie ne répond jamais à une systématisation anatomique, mais elle
répond plutôt à l'idée que le sujet se fait de l'organisation de son corps.
Aussi Freud dira en 1888 : "Les troubles hystériques ne présentent en aucune
façon une image des conditions anatomiques du système nerveux".
Dans l'hystérie, ce sont donc les fonctions supérieures ou symboliques qui, d'une
façon habituelle, permettent à un individu de s'adapter aux circonstances particulières du
moment, qui sont atteintes. C'est la signification symbolique de la fonction qui est alors
perturbée. Ce qui nous permet de qualifier ces symptômes de troubles purement
fonctionnels.
Mais il arrive parfois que les symptômes se cristallisent autour d'un "point d'appel
organique" : une lésion traumatique ancienne parfois minime appellera à cet endroit une
paralysie ; sur un astigmatisme se grefferont des troubles visuels.
Dans ce sens et d'une manière plus précise, S. Bonfils et M'Uzan ont défini le
trouble fonctionnel qu'ils nomment d'ailleurs "psychofonctionnels", par quatre critères
essentiels :
-
une atteinte somatique longtemps réversible;
-
un lien entre un trouble psychologique et une manifestation somatique;
-
ce trouble évolue selon une double inconstance : inconstance de la réponse
somatique par une explication psychique, et inconstance du siège de la
réponse somatique, celle-ci pouvant passer d'un organe à l'autre;
-
un trouble fonctionnel peut être une réponse à des perturbations psychiques
de nature fort différente (une tension émotionnelle simple, émergence de
pulsions agressives, un état dépressif, etc.)
21
2) Aspect des symptômes
Schématiquement les symptômes de conversion sont multiples. Tous les auteurs
sont frappés par le cortège de troubles que présente le malade hystérique.
Ils sont aussi labiles et fantasques : ils apparaissent brusquement et disparaissent
de même. Ceci nous rappelle le rôle de la suggestion particulière remarqué par Babinski.
En effet, les symptômes sont variables non seulement en fonction du moment ou
des circonstances, mais également en fonction de la personnalité de l'examinateur. Ils
peuvent être ainsi suscités ou abolis par la suggestion (celle-ci venant de l'entourage ou
du médecin).
Ils sont aussi mobiles, c.à.d. que pendant la durée de la maladie, des symptômes
peuvent succéder à d'autres. D'après des observations, des malades guéris peuvent
rechuter quelques années plus tard, avec un changement de registre symptomatique.
Qualifiés de troubles fonctionnels, ils sont surtout des troubles fonctionnels bien
particuliers de par le contexte psychologique dans lequel ils surviennent : le problème clé
se trouve au niveau des difficultés ou de l'impossibilité de résolution du complexe
d'Oedipe, et d'où émerge en permanence la question sexuelle.
Ils apparaissent le plus souvent comme le résultat d'un certain type de structure
psychique mettant en jeu face à des représentations mentales inacceptables (à contenu
sexuel plus particulièrement) des mécanismes de défense (le refoulement, l'identification,
le déplacement, etc.) susceptibles de favoriser une expression somatique symbolique.
Mais il est aussi important de souligner que les symptômes conversionnels, s'ils
servent à spécifier l'hystérie de conversion, peuvent également se révéler dans des
structures psychopathologiques autres que l''hystérie, ou chez n'importe quel sujet
"normal". Tous les symptômes de conversion ne s'insèrent donc pas dans une structure
hystérique et ne sont pas l'expression de désirs oedipiens.
Freud reconnaissait déjà l'existence de phénomènes de conversion hors de
l'hystérie.
22
Dans le choix inconscient du symptôme intervient parfois l'identification à un
parent ou bien à un état personnel antérieur : certaines algies reproduisent des douleurs
éprouvées lors de maladies infantiles et réactualisent les conflits de cette époque.
Le choix du symptôme doit donc être compris en fonction de son aptitude à
exprimer symboliquement un conflit psychique inconscient. Le symptôme somatique est
une solution de compromis empêchant l'accès à la conscience du conflit refoulé tout en
permettant une réalisation substitutive et déguisée du désir interdit.
23
II. NOTION DE PSYCHOSOMATIQUE
A – UN CONCEPT A PRECISER
Le concept de psychosomatique, dans son acception courante, désigne des
symptômes ou des affections corporelles que l'on attribue habituellement à des difficultés
morales, des souffrances psychiques d'origine affective ou conflictuelle.
La psychosomatique repose sur un postulat qu'il existe une relation entre le corps
et l'esprit. Il est courant aujourd'hui d'affirmer que toute pensée psychosomatique
présuppose l'hypothèse d'une unité corps-psyché.
La pensée psychosomatique s'interroge sur les interactions entre la sphère
psychique et la sphère somatique. Cette approche est inséparable d'un traitement des
troubles somatiques par une thérapeutique psychologique qui peut être soit exclusive
comme souvent dans le traitement des pathologies fonctionnelles, soit accompagnée d'un
traitement médical adapté.
L'être humain est un animal plus complexe qu'on ne le croit, et il est, par sa nature,
en quelque sorte un être psychosomatique qui n'est pas enfermé dans un système clos,
mais est inséré dans un environnement social qui l'influence. Selon certains auteurs, la
psychosomatique est une approche englobant la totalité des processus de transactions
entre les systèmes somatique, psychique, social et culturel.
Les phénomènes psychosomatiques conjuguent donc des facteurs médicaux de
toute sorte, une personnalité psychologique et un contexte social. Ces trois facteurs
d'importance relative d'un individu à l'autre, ou d'un moment à l'autre, pèsent selon leur
poids dans tout déclenchement de la pathologie somatique. L'approche psychosomatique
tente ainsi prendre en considération l'individu dans son ensemble, aussi bien sous son
aspect somatique que psychique.
24
1) Conception moniste
Les différentes théories psychosomatiques se réfèrent à une conception moniste
ou dualiste. Selon la conception moniste, il existe une seule substance ou un seul principe
irréductible qui régit les processus somatiques et mentaux. Elle se subdivise en trois
grands courants.
Les deux grands courants classiques sont l'idéalisme – représenté en philosophie
par Berkeley ou Hegel – qui défend la thèse que l'âme constitue la seule réalité, et le
matérialisme – proposé par Hobbes ou le darwinien Haeckel – pour lequel il n'existe
qu'une seule réalité, matérielle. La conception moniste de Groddeck postulant l'existence
d'un ça, s'inscrit dans un troisième courant.
2) Conception dualiste
La conception dualiste admet l'existence de deux substances ou de deux
principes, somatique et psychique. Cette conception postule, soit que les deux réalités
sont dans un rapport d'extériorité l'une par rapport à l'autre, soit qu'elles sont dans une
constante relation, s'influençant réciproquement ; la psychosomatique ne peut
qu'admettre cette dernière option. Pour Freud, la seule possibilité de toute
psychosomatique est d'admettre le dualisme : "De quelque façon que la philosophie s'en
tire pour jeter un pont entre le corporel et le psychique, aux yeux de notre expérience,
l'abîme entre les deux subsiste et nos efforts pratiques sont forcés de reconnaître le fait."5
Donc tout véritable pensée psychosomatique repose sur une démarche ou sur une
méthodologie dualiste. Celle-ci n'est d'ailleurs pas en contradiction avec l'idée que l'être
humain est un principe unique qui se manifeste sous deux aspects.
5
FREUD, S. : "La question de l'analyse profane", Gallimard, 1985.
25
B – LA PSYCHOSOMATIQUE ET SON HISTOIRE
L'étymologie du mot psychosomatique dérive du grec psukhé <esprit> et soma
<corps>.
Le terme de "psychosomatique" a été utilisé (bien qu'employé avec trait d'union)
pour la première fois en 1818 par Heinroth, professeur à l'université de Leipzig,
représentant du courant médical du romantisme allemand qui voit dans les passions de
l'âme l'une des causes essentielles de la folie, anticipant ainsi bien des idées
développées par Freud et ses premiers disciples.
L'introduction du mot psychosomatique dans la pensée psychanalytique est
généralement attribuée à Felix Deutsch (1884-1964) qui l'utilise dès 1922 dans un article
publié à Vienne et intitulé : "Das Anwendungsgebiet der Psychotherapie in der inneren
Medezin". Lors de la conférence de Federn du 8 janvier 1913 consacrée à la présentation
d'un cas d'asthme, Freud a déclaré que la clinique psychosomatique ne se limite pas à
l'hystérie. C'est en effet en s'émancipant du modèle de l'hystérie que la pensée
psychosomatique a pu se constituer en discipline autonome.
Pour Felix Deutsch, il existerait une symptomatologie organique d'origine
psychogène qui n'appartiendrait pas à l'hystérie et qui proviendrait d'un inconscient
refoulé. Dans ce sens, il réduit le mécanisme de tout désordre psychosomatique à la
conversion.
Deutsch
va
d'emblée
participer
au
courant
qu'on
pourrait
définir
de
"psychosomatique végétative", qui s'intéresse aux effets du système sympathique, aux
phénomènes endocriniens, aux processus de sécrétion interne de l'adrénaline, etc., en
résumé à tous les effets organiques produits par l'anxiété.
L'interdépendance étroite qui lierait selon lui les processus organiques et les
processus psychiques, s'explique par l'existence d'une énergie commune : la libido. Celleci est présente au niveau des cellules. Deutsch se réfère à des expériences qui seraient
susceptibles selon lui d'évaluer, au travers des modifications surtout hormonales, la
quantité de libido dans l'organisme. Il déclare en 1933 : "La tâche qui attend les
psychosomaticiens, consistera à déterminer les corrélations existantes entre les
structures biologiques et les structures mentales spécifiques".
26
Un peu avant lui, c'est Groddeck (1866-1934) qui innove dans le domaine de la
psychosomatique. Il considère que toutes les maladies somatiques sont l'expression d'un
conflit psychique, prolongeant donc dans le domaine organique la théorie freudienne de
l'hystérie. Mais à la différence de Freud qui postule une conception dualiste des rapports
du corps et de la psyché, Groddeck développe une conception véritablement moniste. Ce
monisme, pierre angulaire de l'édifice groddeckien, s'applique aux pulsions, à la
symbolisation et même à la sexualité, et est enfin et surtout un monisme corps-psyché.
La pensée psychosomatique groddeckienne est inséparable de son concept de
"ça", qui est pour lui une unité corps-psyché originaire, située au moment où le
spermatozoïde et l'ovule s'unissent. Le ça de Groddeck est tout-puissant et préside la
destinée de l'individu. Cette omnipotence du ça traduit encore le mysticisme groddeckien.
Parmi les psychanalystes qui se sont intéressés aux relations entre la psyché et le
soma, Wilhelm Reich (1897-1957) apparaît comme celui qui a conduit la réflexion et la
pratique psychosomatique dans ses plus extrêmes retranchements.
Ses idées traduisent une vision moniste des rapports corps-psyché dans la
mesure où le fonctionnement de chaque sphère est soumis aux lois biologiques. Selon lui,
l'énergie biologique qui s'exprime par la fonction de l'orgasme assure l'unité psychophysique. Un environnement ou des facteurs sociaux perturbants conduisent à un
dérèglement.
C'est aux Etats-Unis que la psychosomatique a connu un essor considérable avec,
entre autres, Helen Dunbar (1902-1959) et Franz Alexander (1891-1964). Pour Dunbar,
l'organisme est à considérer comme un tout au sein duquel se transforme l'énergie, et il
ne peut être véritablement apprécié que dans son environnement. Après une étude
consacrée à l'incidence des émotions sur les changements physiologiques et une
gigantesque recherche sur les profils de personnalité, elle est convaincue que l'émotion
joue non seulement un rôle essentiel dans les guérisons, mais qu'elle constitue l'élément
fondamental de la personnalité.
Dunbar préconise la psychothérapie comme prévention et traitement de la maladie
somatique, surtout pour les maladies chroniques, dont la composante psychique, les
facteurs émotionnels, lui paraissent essentiels.
27
Franz Alexander, avec son école de Chicago, joue un rôle capital dans l'histoire de
la pensée psychosomatique. En raison de son approche méthodique et quasi
expérimentale, certains le considèrent comme le fondateur de cette discipline. Les études
effectuées
par
lui
portent
sur
les
dysfonctionnements
dans
des
troubles
psychosomatiques, essentiellement les troubles intestinaux, l'asthme et le cycle menstruel
des femmes.
Son concept de névrose d'organe ou névrose végétative va connaître un succès
international, dominant pendant plusieurs années la pensée psychosomatique. Selon ce
concept, la névrose peut être définie comme une réponse physiologique à un état
émotionnel conflictuel ou que l'individu ne peut gérer. Alexander rompt ainsi avec les
pensées psychosomatiques alors dominantes, comme celles de Groddeck ou de Deutsch.
Il définit des "constellations psychodynamiques" caractéristiques de certaines
affections somatiques. Elles interviennent de manière importante dans leur déterminisme
lorsque d'autres facteurs sont réunis. Ces conceptions ne rencontrent plus guère
aujourd'hui l'écho qu'elles avaient à leur époque et sont pour ainsi dire abandonnées par
les psychosomaticiens actuels.
La théorie d'Alexander a été mise en question par J.-P. Valabrega qui introduit en
1964 le concept de "conversion psychosomatique", afin de désigner un mécanisme
essentiel dans l'organisation de la maladie psychosomatique. Pour lui, les deux
terminologies "conversion psychosomatique" et "somatisation" ne sont pas très
différentes. Il se place en fait entre les deux approches qui se trouvent à l'opposé, celle
qui fait du symptôme psychosomatique l'équivalent du symptôme névrotique, et celle qui
place le symptôme psychosomatique en dehors de toute symbolique. Il tente alors de
caractériser le symptôme psychosomatique en usant des notions de symbolisme, de
transfert et de fantasmes.
C'est à Angel Garma (1904-1993) que nous devons les premiers travaux
conséquents de psychosomatiques d'inspiration kleinienne. Il a réalisé notamment de
travaux importants sur l'ulcère de l'estomac. Selon lui, les troubles digestifs, par exemple,
sont la conséquence d'une régression orale qui réactive inconsciemment les
représentations de la mère mauvaise internalisée, attaquant ainsi le tube digestif et
28
pouvant provoquer des ulcères. Pour ces pathologies psychosomatiques il existerait selon
lui un profil de personnalité prédisposant.
Selon Pierre Marty (1918-1993) et l'Ecole de Paris, il existerait une structure
psychosomatique spécifique et la maladie psychosomatique serait la conséquence d'une
carence du fonctionnement mental. D'après leurs observations, la vie fantasmatique des
malades psychosomatiques est pauvre, voire inexistante. Ces sujets seraient en quelque
sorte coupés de leur inconscient et hyperadaptés à leur entourage. Marty qualifie ce
fonctionnement mental de pensée opératoire et lie à celle-ci la notion de dépression
essentielle. La pensée opératoire trouve son équivalent dans la notion d'alexithymie,
décrite vingt ans auparavant par Sifneos.
Sami-Ali se place dans la même lignée que Marty, à savoir celle du lien entre
inhibition imaginaire et maladie somatique. Il centre le fonctionnement psychique des
malades psychosomatiques sur la fonction imaginaire dominée par le refoulement. Il
insiste aussi sur le mécanisme de la projection qui ne serait pas purement psychologique
mais qui s'accompagnerait aussi de défenses immunologiques.
C – MALADIE PSYCHOSOMATIQUE
L'expression de maladie psychosomatique sert à définir un ensemble de maladies
somatiques dont l'étiologie serait exclusivement psychique. La notion même de maladie
psychosomatique pose des problèmes épistémologiques et théoriques très importantes.
Qualifier la maladie de psychosomatique s'inscrit dans une perspective diagnostique et
insiste généralement sur la dimension affective ou émotionnelle de son étiologie.
Cependant, un grand nombre de maladies sont qualifiées de psychosomatiques en vertu
d'une situation pathogène, stressante ou traumatique associée à un terrain de
prédisposition somatique.
Dans
les
milieux
médicaux
et
psychiatriques,
on
parle
de
maladie
psychosomatique lorsque la symptomatologie ne renvoie à aucune cause objectivable du
point de vue anatomo-physiologique ou biochimique ni à aucun signe de la sémiologie
psychiatrique. On admet alors une probable participation de facteurs psychiques dans les
mécanismes pathogéniques en cause.
29
D'un auteur à l'autre, la liste des maladies psychosomatiques diffère, de sorte qu'il
est impossible d'en dégager une qui fasse l'unanimité. Mais certaines pathologies sont
souvent citées, comme l'ulcère duodénal, les désordres cardio-vasculaires, les céphalées,
les troubles intestinaux, la fatigue, etc. On rencontre également chez certains auteurs,
l'ulcère
gastrique,
l'hyperthyroïdisme,
l'hypertension
arterielle,
l'asthme,
l'arthrite
rhumatismale, le diabète, etc.
Bien que Freud n'a jamais employé le terme de maladie psychosomatique, il a
développé deux modèles théoriques de la somatisation. L'un, où l'énergie sexuelle dérive
du psychique vers le somatique ; l'autre, inverse, où l'énergie sexuelle dérive du
somatique vers le psychique.
Dans la première représentation théorique, Freud rattache la psychopathologie au
processus du refoulement et le symptôme résulte de l'échec du refoulement et correspond
au retour du refoulé.
L'autre modèle théorique de Freud est celui des névroses actuelles. Trois variétés
cliniques les caractérisent : la névrose d'angoisse, l'hypocondrie et la neurasthénie. C'est
dans son article de 1895, intitulé "Qu'il est justifié de séparer de la neurasthénie un certain
complexe symptômatique sous le nom de névrose d'angoisse" que Freud définit la
pathologie actuelle comme un trouble de la sexualité génitale adulte.
L'accès d'angoisse peut être isolé ou associé à des équivalents somatiques
d'angoisse qui peuvent concerner tous les organes du corps propre. Les symptômes
actuels sont dépourvus de toute signification symbolique primaire et l'angoisse qu'ils
expriment n'est pas d'origine psychique, mais provient d'une excitation accumulée
d'origine somatique. Cette excitation somatique est de nature sexuelle et va de pair avec
une diminution de la libido sexuelle. Etant donné que l'activité de décharge n'a pas lieu,
l'excitation sexuelle s'accumule dans la sphère somatique et se transforme directement
en angoisse. Dans la névrose d'angoisse, elle se projette sur le monde extérieur alors que
dans l'hypocondrie, elle s'infléchit narcissiquement sur le corps propre.
S. Freud, qui n'a jamais abandonné ces vues sur la spécificité des névroses
d'organes, a essayé à plusieurs reprises d'établir des liens entre l'actuel et le névrotique.
30
Pour tenter d'appréhender le mystère de la maladie psychosomatique, plusieurs
théories en sont avancées après Freud. Certaines affirment que le symptôme
psychosomatique a un sens tout comme le symptôme névrotique ; cette théorie se
rattache entre autres aux noms de Groddeck et de Fenichel, et un peu plus récemment, à
celui de Garma qui a déclaré au congrès des psychanalystes de langue romane de 1963 :
"Le psychosomatique est un névrosé".
Pour d'autres, la maladie psychosomatique est très proche de la conversion
hystérique mais qui a son origine très tôt dans la vie du sujet. L'un des représentants de
cette théorie est J.-P. Valabrega, pour qui l'hypothèse freudienne de conversion n'aurait
rien perdu de son actualité et ferait comprendre, en partie, la maladie psychosomatique.
Pour d'autres encore, le symptôme psychosomatique n'a pas de sens, puisque
l'état psychosomatique se crée très tôt dans la vie, avant l'apparition du langage. Cette
théorie est surtout défendue par l'Ecole de Paris avec Marty, Fain, de M'Uzan et David.
Pour Sami-Ali, qui postule également un lien entre inhibition imaginaire et maladie
somatique, l'imaginaire est une fonction qui se constitue par la relation précoce mère–
enfant. Le fonctionnement psychique du malade psychosomatique serait à l'opposé de
celui du névrosé ou du psychotique.
Dans les deux chapitres qui suivent, nous allons tenter de présenter les deux
dernières théories citées ci-dessus :
1) La somatisation comme carence du fonctionnement mental
Des auteurs comme P. Marty, C. David et M. de M'Uzan écartent formellement la
conversion hystérique comme modèle applicable à la somatisation. Pour eux, les
pathologies somatiques témoignent d'une souffrance du soma qui chercherait en vain le
psychisme.
Dans
ce sens,
Marty accorde une
importance première à
l'économie
psychosomatique qui regroupe les divers éléments dynamiques déterminant les
mouvements fonctionnels d'organisation, de désorganisation et de réorganisation. Ces
mouvements sont soumis à un inconscient qui n'est pas seulement celui décrit par Freud.
31
Mais plus qu'à l'inconscient, il revient au préconscient de jouer un rôle important dans
l'équilibre homéostasique. Il est, selon l'expression de Marty, la "plaque tournante de
l'économie psychosomatique", dans la mesure où il opère les liaisons entre les
représentations mentales.
Marty s'écarte des concepts de pulsion de vie et de pulsion de mort, développés
par Freud, pour leur substituer ceux d'instinct de vie et d'instinct de mort, plus adaptées à
sa perspective psychosomatique.
Son objectif est d'intégrer les somatisations dans l'économie générale du sujet,
plus particulièrement en fonction de ses capacités à réguler son homéostasie, c.à.d. de
ses possibilités à gérer ses tensions instinctuelles, libidinales ou agressives, afin de
maintenir son équilibre psychosomatique. Dans ce sens, la mentalisation définit
l'ensemble des moyens psychiques disponibles afin de réguler les tensions. Car ce sont
les activités fantasmatiques et oniriques qui permettent d'intégrer les tensions
pulsionnelles et qui protègent ainsi la santé physique individuelle. Pour Marty, la carence
fonctionnelle de ces activités va de pair avec des perturbations somatiques. Il introduit la
notion de pensée opératoire (au sens des défenses opératoires contre l'émergence
d'affects) qui met en évidence ce fonctionnement psychique.
Cette pensée opératoire est sans liaison avec des mouvements fantasmatiques.
C'est une activité quasi consciente, même si les mécanismes qui la sous-tendent sont
inconscients. Mais elle n'est pas rudimentaire, car elle peut être très féconde, mais sans
lien organique avec une activité fantasmatique de niveau appréciable. Il s'agirait donc
d'un fonctionnement intellectuel pragmatique, instrumental et dévitalisé, prisonnier du
geste et de l'action ; une pensée tournée vers le concret, le factuel et l'actuel.
La carence mentale s'observe chez de tels sujets également au niveau des
relations objectales. En effet, le vide objectal apparaît très particulier aux malades
psychosomatiques. Il y a chez eux un certain manque d'intérêt, donnant l'impression que
leur intérêt profond est absorbé par ce que Marty appelle "un objet intérieur somatique,
opaque et résistant à l'interprétation". Ils semblent coupés de leur inconscient et montrent
une impossibilité de se mettre en question et se ressentent dénués de tout problème.
La relation à l'investigateur est décrite comme "blanche" et sans engagements
affectif ou réactivation d'affects. Le transfert est difficile à installer, et s'il existe, il est alors
32
très rudimentaire, car la relation paraît neutre et plate, sans l'épaisseur de l'élaboration
fantasmatique propre aux structures névrotiques par exemple. Il y aurait peu
d'extériorisation de l'agressivité.
Mais chez le malade psychosomatique, c'est le vécu corporel qui est directement
atteint par la décharge pulsionnelle, sans passer par le détour de l'imaginaire. Il y a d'un
côté le corps malade et de l'autre, l'esprit sain.
En 1966, P. Marty introduit également la notion de dépression essentielle qu'il lie à
la pensée opératoire comme l'un des moteurs de la maladie somatique. Aussi bien lui que
de M'Uzan et Bonfils ont conclu qu'il y avait un parallélisme frappant entre l'état psychique
de leurs patients et celui des états dépressifs. "La dépression essentielle qu'accompagne
régulièrement la pensée opératoire, traduit l'abaissement du tonus des instincts de vie au
niveau des fonctions mentales. On la qualifie d'essentielle dans la mesure où
l'abaissement de ce tonus se retrouve à l'état pur, sans coloration symptomatique, sans
contre-partie économique positive."6
Dans cette dépression, on assiste à un effacement des mécanismes mentaux de
toutes sortes : mécanismes de défense, association d'idées, etc. L'angoisse n'a pas ou
n'a plus alors un rôle de signal et le réservoir pulsionnel n'émet plus, ce qui se traduit par
des relations affectives diminuées. L'une des caractéristiques essentielles est la
disparition de tout sentiment de culpabilité.
Contrairement à la dépression mélancolique, cette forme de dépression ne dérive
pas d'une identification à l'objet perdu et ne trouve pas son origine dans l'acharnement du
surmoi contre le moi se substituant à l'objet. Ce qui est en cause dans cette dépression,
c'est qu'il n'existe plus d'écart entre le moi et le surmoi ; que le moi est le surmoi et qu'il en
tire son sentiment d'être. Plus de détresse, plus d'affliction dorénavant, mais une absence
de vie onirique par le refoulement des rêves.
Selon J. Bégoin, la maladie serait toujours liée à une dépression ; elle est une
sorte de somatisation des affects dépressifs qui sont ressentis à un certain niveau comme
intolérables et que le sujet n'a pas le moyen de les élaborer et de les supporter. Au fond,
6
MARTY P., de M'UZAN, DAVID C. : "L'investigation psychosomatique", P.U.F., 1963
33
on peut trouver chez tout le monde un certain noyau de dépression primaire qui peut être
révélée lors d'une maladie.
L'origine de la dépression essentielle serait liée à des phénomènes précoces, à
des ratés des pare-excitations de la fonction maternelle. L'entretien de la maladie
somatique dépend théoriquement de la durée de la dépression essentielle qui en est à
l'origine et qui persiste.
Les caractéristiques économiques dégagées par Marty le conduisent à postuler
une nouvelle nosographie à l'intérieur de laquelle il distingue trois catégories de
névroses : la névrose mentale, la névrose de caractère et la névrose de comportement.
A partir de la classification axée sur l'économie psychosomatique, Marty a élaboré
quatre modes d'organisation :
-
les apparentes inorganisations,
-
les désorganisations progressives,
-
les régressions globales,
-
les régressions partielles.
Cette conception est avant tout une théorie du déficit. Le malade psychosomatique
est considéré comme globalement déficitaire. Mais déficitaire bien sûr par rapport à la
mentalité normale, à la névrose et à la psychose.
2) Le modèle multidimensionelle
Pour Sami-Ali, un modèle de la somatisation ne saurait être que "multidimensionnel". Il se présente sous la forme dialectique de couples de concepts qui, par
leur opposition, dessinent les dimensions fondamentales des phénomènes de
somatisation ; ainsi entre autres :
-
corps réel et corps imaginaire
-
sens primaire et sens secondaire du symptôme organique
-
imaginaire (assimilé à la projection) et banal (absence de projection)
-
refoulement réussi et refoulement manqué
-
impasse dépassée (psychose) et impasse indépassable (maladie somatique)
34
Sami-Ali a élaboré une théorie métapsychologique du corps dans sa double
référence réelle et imaginaire qui aboutit à une conception de la pathologie générale. Pour
lui, l'imaginaire est donc un concept simultanément psychologique et biologique. Il est
représenté par le rêve et les équivalents du rêve tels que le fantasme, la rêverie diurne, le
délire, l'hallucination, l'illusion, la croyance, le jeu, le transfert, le comportement magique,
etc. Mais le rêve est un processus biologique rythmique ponctué par l'alternance du
sommeil paradoxal et du sommeil lent. Si le rêve peut être tenu pour l'accomplissement
du désir, ce n'est pourtant pas le désir qui met le rêve en mouvement.
"L'imaginaire n'est pas réductible à la représentation par images parce qu'il est la
subjectivité même. C'est pourquoi l'imaginaire est synonyme de projection, par quoi il faut
entendre un mode de pensée caractéristique du rêve et transformant le sujet en objets
aussi bien qu'en l'espace et le temps des objets : l'absolument subjectif devenu
l'absolument objectif."7 Ainsi se définit, médiatisé par la relation précoce mère-enfant,
l'imaginaire en tant que fonction se déployant dans une relation.
Lorsque la fonction de l'imaginaire subit un refoulement, il en résulte non
seulement l'oubli systématique des rêves mais aussi la perte d'intérêt à leur égard. Mais
contrairement à la psychopathologie freudienne, le refoulement est ici un refoulement
réussi, sans retour du refoulé. Les traits de caractère remplacent les symptômes, la
subjectivité est remplacée par des règles adaptatives. S'il apparaît alors une pathologie,
elle ne peut être qu'organique, atteignant le corps dans sa réalité. C'est pourquoi la
somatisation relève du littéral et le sens est un sens secondaire qui s'ajoute au symptôme
après coup, mais n'en détermine pas l'étiologie.
Néanmoins, la somatisation ne se ramène pas au seul fonctionnement, elle a
toujours lieu dans une situation d'impasse. Celle-ci se caractérise par l'existence d'un
conflit insoluble parce qu'il implique la contradiction ; dans ce sens, il reste distinct du
conflit névrotique. L'impasse est cette impossibilité à trouver une issue et elle prédispose
à la somatisation. Par conséquent, le fonctionnement adaptatif, banal, n'est pas en soi
pathogène alors qu'il peut le devenir, précipitant une somatisation du corps réel,
organique.
7
SAMI-ALI : "Le corps, l'espace et le temps", Ed. Dunod, 1998.
35
L'affection somatique est donc le fruit conjoint d'un refoulement réussi de la
fonction de l'imaginaire et d'une situation d'impasse. Le sujet qui doit affronter une
situation qui met en échec son fonctionnement caractériel, c.à.d. un fonctionnement qui
exclut tout recours à l'imaginaire, se trouve confronté à une situation de risque maximal
dans laquelle c'est le corps réel qui est en péril, quelle que soit la fonction sur laquelle
porte l'atteinte somatique.
A côté de ces formes majeures de la pathologie, il existe une 3ème forme dans
laquelle le refoulement manqué alterne avec le refoulement réussi de l'imaginaire. De
cette dernière forme dépend un nouveau regard qui devrait éclairer l'intrication du
somatique et du culturel.
Ce modèle psychosomatique tend à montrer que la somatisation du corps réel ne
peut être, soit une variante de la névrose actuelle marquée par l'insuffisance de
l'élaboration psychique, soit une variante de l'hystérie de conversion où le syndrome
organique est assimilé à un contenu symbolique refoulé faisant retour après échec du
refoulement, soit enfin, à l'instar de la théorie lacanienne de la psychose, la manifestation
dans le corps du non symbolisable.
Il importe cependant de faire remarquer que toute maladie n'est pas forcément une
somatisation, et que la question doit se poser de savoir quels liens possibles existent
réellement entre une pathologie donnée et la vie du sujet. La problématique du corps ne
peut donc pas être dissociée de celle de l'espace et du temps.
D – PROFIL DE PERSONNALITE
Certains auteurs ont tenté de décrire un profil psychologique spécifiques comme
sous-bassement de telle ou telle affection psychosomatique.
Il revient surtout à l'américaine Flanders Dunbar d'avoir développé de manière
approfondie et avec une méthodologie précise, l'étude des corrélations entre traits de
personnalité et tableaux cliniques correspondants. La personnalité devient alors première
et le symptôme n'est alors compris que comme ce qui vient témoigner de cette
personnalité. L'individu est ainsi considéré comme un organisme qui doit maintenir un
équilibre avec son environnement.
36
Le but d'une telle étude est d'abord diagnostic et ensuite de dégager des
indications thérapeutiques les plus appropriées à la pathologie concernée.
L'essentiel de la collecte des données conduisant à l'établissement d'un profil de
personnalité est obtenu par un ou plusieurs entretiens entre le médecin et le patient. Ces
entretiens sont directifs et plus ou moins marqués selon la personnalité des malades. Le
recours à d'autres méthodes est également nécessaire pour dégager le profil de
personnalité.
Pour Dunbar, l'ulcéreux gastrique par exemple; était consciemment indépendant et
hyperactif, et inconsciemment dépendant et passif ; le rhumatisant chronique n'avait pas
résolu ses problèmes sexuels infantiles et se sentait inconsciemment très coupable ; le
coronarien ayant une personnalité forte, essayait constamment de maintenir un grand
contrôle de lui-même.
Cette notion de profil spécifique fut pourtant peu à peu abandonné par Dunbar
elle-même.
Mais un grand nombre d'auteurs en reprirent certains aspects en les étayant
beaucoup plus et allant même jusqu'à décrire une psychodynamique spécifique, comme
Alexander, pour qui cette notion de spécificité joue un rôle très important.
C'est ainsi qu'il définit en un certain nombre de points essentiels les fondements
d'une psychodynamique de l'asthme :
-
la séparation de la mère est le problème émotionnel central;
-
la crise d'asthme a la valeur d'un cri refoulé vers la mère;
-
les mères des asthmatiques sont souvent de type "rejettant";
-
l'asthme apparaît souvent dans la première enfance;
-
les pulsions sexuelles paraissent être significatives dans le déclenchement des
attaques;
-
le père de l'asthmatique est souvent inexistant et incapable d'assumer une
fonction virile.
Bonfils,
Hachette
et
Danne
de
l'équipe
clinique
et
de
recherches
gastroentérologiques de l'hôpital Bichat, ont continué à travailler sur les profils de
personnalité et ont élaboré des structures psychologiques notamment pour l'ulcère gastro-
37
duodénal, les colites inflammatoires chroniques et les colopathies fonctionnelles. Ils se
basent sur les travaux d'Alexander et de son école qui ont montré que les relations
affectives de l'ulcéreux, aussi bien avec son monde intérieur qu'avec son entourage
familial et social, sont singularisées par la prédominance d'un système adaptatif :
l'oscillation entre l'expression de tendances actives et celle de tendances passives
réceptives.
Les tendances passives s'expriment par un besoin, le plus souvent inconscient, de
prise en charge, de soutien, de dépendance. Les tendances actives s'expriment par un
besoin de responsabilité, de compétition plus ou moins agressive et par une revendication
de liberté et d'indépendance. Le mouvement d'oscillation se situe donc entre un pôle où la
dépendance est acceptée, mais devient rapidement intolérable, et un pôle où la
dépendance est refusée. Par réaction, le sujet devient hyperactif, soucieux de son
autonomie et trouve alors l'occasion de nouvelles tensions émotionnelles auxquelles il
voudra échapper en se tournant vers l'autre pôle.
Cette situation fondamentale n'est cependant nullement spécifique de l'ulcéreux ;
le recours à ce système activité-passivité comme comportement défensif ou technique
d'adaptation se rencontre également chez de nombreux malades psychosomatiques mais
c'est chez l'ulcéreux que la prédominance de ce système est la plus fréquente.
Cette situation fondamentale se présente cliniquement de façon variée selon la
prédominance de l'un ou l'autre des deux pôles ou selon le type de compromis qui a pu
s'établir. On peut schématiquement décrire 4 types cliniques principaux, en sachant qu'il
existe des formes de passage et que l'ulcère duodénal réalise indiscutablement les
tableaux les plus purs :
a) Le type I ou "Hyperactif" chez qui le pôle d'indépendance s'affirme de façon
privilégiée et les tendances hyperactives sont au premier plan.
b) Le type II ou "Equilibré" chez qui un compromis a pu s'instaurer entre les
tendances opposées.
c) Le type III ou "Instable" qui est plus rare et chez qui l'instabilité sociale domine.
d) Le type IV ou "Passif" chez qui le pôle de dépendance domine absolument.
Toujours selon Bonfils, Hachette et Danne, c'est la rectocolite hémorragique (R.C.H.) qui
est parmi les types de colites inflammatoires chroniques le plus représentatif d'une
pathologie psychosomatique. Chez ces malades, le mode de relation affecte une forme
38
particulière à laquelle s'applique le terme d'ambivalence. Bien que cette ambivalence de
la relation avec autrui n'est pas toujours manifeste, on peut observer un état de tension
présente qui traduit une attitude intellectuelle de lutte contre la méfiance fondamentale
éprouvée à l'égard de l'"autre".
Par ailleurs, on trouve chez ces patients au premier plan des sentiments
d'insuffisance, d'infériorité, une culpabilité diffuse, puis une dépendance très manifeste
vis-à-vis des apports extérieurs (entourage, famille) dans le domaine affectif, ce qui est en
contradiction avec leur méfiance envers l'autre. Chez ces patients, les mécanismes
mentaux d'aménagement de la relation sont soit inexistants soit mal structurés.
Le contact avec le médecin est fait de deux mouvements : l'un positif, marque un
intérêt pour la personne du médecin et son activité. L'autre mouvement, hostile, est fait de
refus, de réticence, voire d'agressivité. Ce mode de relation est singulièrement instable et
le passage d'un mouvement à l'autre est souvent brusque.
Si ce mode relationnel peut s'observer dans d'autres affections psychosomatiques,
il n'est jamais aussi pur, aussi schématique que dans la R.C.H.
Selon Bonfils, Hachette et Danne, il y aurait une étroite parenté entre le tableau
psychologique de la R.C.H. et celui des états dépressifs. En effet, on retrouve dans la
théorie psychanalytique classique des états dépressifs le même style de relation d'objet,
une fréquence égale de quelques traits obsessionnels, des circonstances déclenchantes
identiques, et dans l'enfance, les mêmes frustrations maternelles ou paternelles.
Ces diverses théories sur l'existence d'un profil psychologique spécifique à chaque
affection psychosomatique ne font pas l'unanimité, car beaucoup d'auteurs en s'éclairant
d'observations cliniques, contestent cette conception. On ne peut mieux faire que citer
Alexander lui-même, lorsqu'il écrit que cette théorie de la spécificité est une "controverse
encore ouverte".
Cependant, certains auteurs non seulement font foi mais aussi retrouvent
constamment chez leurs patients, une certaine personnalité psychosomatique telle que
l'ont décrite Marty, Fain, de M'Uzan et Sami-Ali, à savoir :
39
-
une personnalité particulièrement dominée par une absence d'organisation
névrotique telle que le malade se présente avec d'une part, son corps malade
et de l'autre, son esprit psychologiquement sain;
-
un manque de fantasmatisation;
-
une absence de transfert;
-
un manque de verbalisation;
-
une inertie presque totale entrecoupant l'investigation;
-
une pensée opératoire ou instrumentale.
En dépit de nombreux études et travaux effectués dans ce domaine, pour tenter
d'expliquer et justifier ce saut mystérieux du psychique au somatique, ce mécanisme tout
comme celui qui se réalise dans l'hystérie, reste encore difficile à expliquer.
Cependant, de nombreux auteurs ont noté la relation entre les facteurs psychiques
et émotionnels et l'installation de l'affection psychosomatique. C'est ainsi que Marty
affirme : "Quand il existe un lien précis entre la situation conflictuelle d'un sujet et sa
maladie, il s'agit bel et bien d'un malade psychosomatique".8
Ces conflits ne sont pas spécifiques, mais ils entraîneraient une frustration et
seraient sentis par le sujet comme une atteinte vitale. C'est cet état de tension qui
déclenche ainsi le trouble organique. Bien évidemment, ces conflits prennent une valeur
affective en raison de la personnalité propre du sujet, de son vécu.
En effet, le fait que tel malade développe une névrose pure notamment hystérique,
tel autre placé dans des conditions psychologiques similaires bascule dans la psychose,
tandis que le troisième utilise ce mode somatique particulier d'expression, est dû à une
rencontre qui s'est produite entre ses expériences conflictuelles infantiles, sa constitution,
son hérédité. Les empreintes pathologiques qui ont pu se faire dès sa naissance sur tel
point de son économie psychique, ont créé là un point faible, lieu d'appel qui est utilisé par
de futurs investissements affectifs inconscients ; ces derniers sont à leur tour susceptibles
de perturber les organes.
8
MARTY P., de M'UZAN, DAVID C. : "L'investigation psychosomatique", P.U.F., 1963.
40
Il existerait alors une régression de l'activité mentale inconsciente vers des formes
somatiques, une régression du moi à un système primitif de défenses, et une régression
de la libido objectale et de l'agressivité vers des formes physiques de l'excitation : le
malade psychosomatique étant un sujet pouvant facilement régresser à des stades
prégénitaux, donc corporels, avec investissement de toutes les zones érogènes que
représente chaque organe. Le moi réagirait et c'est son mode de défense qui le mènerait
vers la somatisation.
41
III. RAPPORTS CONVERSION-PSYCHOSOMATIQUE
A – DIFFERENCES ET ANALOGIES
Dans la littérature relative à la psychosomatique, on trouve le plus souvent une
distinction entre les troubles somatiques psychonévrotiques – à laquelle appartient
l'hystérie – et les troubles psychosomatiques regroupant les désordres dus à des
conversions non hystériques. Le premier groupe recèlerait un contenu et une signification
psychiques ; le second, au contraire, ne posséderait en lui-même aucun contenu
psychique et par conséquent ne symboliserait aucun conflit psychique.
Selon certains psychosomaticiens cependant, ces deux ensembles ne sont pas
sans liens dans la mesure où le second groupe se constituerait à partir d'une personnalité
psychonévrotique dont la caractéristique est de traduire symboliquement ses conflits.
Mais certains faits psychosomatiques sont proches des réactions hystériques et il existe
une grande similitude entre la personnalité hystérique et celle de certaines
psychosomatiques comme les grands allergiques.
La distinction entre les deux entités n'est donc pas aussi claire, car certains
auteurs
utilisent
le
terme
de
somatisation
pour
parler
des
manifestations
psychosomatiques, alors que d'autres l'utilisent également dans le cas des troubles de
conversion. Même le DSM III-R qui tente de faire la distinction entre somatisation et
conversion, n'y parvient pas puisqu'il décrit dans la clinique des somatisations, des
troubles de conversion.
Or pour le DSM III-R, les caractéristiques essentielles de la somatisation sont des
plaintes somatiques multiples et réitérées, existant depuis plusieurs années, sur
lesquelles l'attention des médecins a été attirée, et qui ne semblent relever d'aucun
désordre physique. Le trouble commence avant l'âge de trente ans et a une évolution
chronique mais fluctuante. Ces plaintes concernent invariablement les appareils ou les
types de symptômes suivants : symptômes de conversion ou pseudo-neurologiques (par
exemple paralysie, cécité), appareil gastro-intestinal (par exemple douleurs abdominales),
gynécologiques chez la femme (par exemple règles douloureuses), psychosexuels (par
exemple désintérêt sexuel), nociceptifs (par exemple douleurs dorsales), cardiorespiratoires (par exemple étourdissements, malaises).
42
Il existe néanmoins une distinction entre les conversions hystériques et les
manifestations psychosomatiques quant à la nature des symptômes, c.à.d. dans les
premières, les troubles sont purement fonctionnels, portant surtout et souvent sur la
motricité, et où on ne retrouve pas d'atteinte organique lésionnelle. Par contre, chez le
psychosomatique, les symptômes physiques sont soutenus par de vrais désordres
organiques.
Les deux entités ont un point commun pour ce qui est du déplacement des
troubles, car si on parle de mobilité dans le cas des symptômes hystériques, il en est de
même pour les troubles psychosomatiques. En effet, la clinique psychosomatique nous
apprend que les troubles se déplacent, qu'elles soient fonctionnelles ou lésionnelles. Tous
les généralistes et les spécialistes le constatent apparemment. En plus de ces
déplacements, il y a pour les troubles lésionnels des balancements spécifiques. Par
exemple l'eczéma alterne souvent avec l'asthme et l'ulcère avec l'infarctus. On cerne mal
le mécanisme intime de ces déplacements et celui des associations.
Si les troubles se déplacent et alternent entre eux, il y a aussi des balancements
entre l'apparition d'un symptôme somatique et la disparition d'un symptôme psychique ou
vice-versa. Ceci s'applique aussi bien à la conversion hystérique qu'à l'affection
psychosomatique. Il arrive par exemple que lors de la levée d'un symptôme hystérique, le
malade est très angoissé. C'est surtout d'ailleurs cette angoisse qui, parfois insupportable,
va s'opposer à la guérison ou entraîner le déplacement de la conversion dans un autre
territoire (par exemple remplacement d'une aphonie par une sciatique).
Dans le cas des affections psychosomatiques, on a noté souvent l'apparition d'un
délire après une intervention sur une rectocolite hémorragique, ou la survenue d'une
impuissance ou d'un état dépressif après la stabilisation d'un ulcère.
Sami-Ali a montré, à plusieurs reprises, les balancements qui existaient entre
certaines somatisations et la psychose, par exemple entre l'hypocondrie et la paranoïa,
l'allergie et la psychose hallucinatoire et vice versa. C'est ce qui lui a fait dire que l'allergie
était le négatif de la psychose et la psychose le positif de l'allergie.
43
B – SENS ET NON-SENS DU SYMPTOME
Depuis l'origine de la psychanalyse, la découverte du sens du symptôme a
constitué une bonne part du travail psychanalytique. La question du sens a connu des
destinées diverses et souvent singulières.
Les premières interprétations du symptôme somatique reposaient sur le schéma
de l'hystérie. Ce symptôme émanait d'un processus de conversion qui survenait à la suite
d'un refoulement. Fruit d'une symbolisation, les symptômes de conversion étaient donc
l'expression somatique d'affects. Celle-ci constituait un compromis entre le désir et
l'interdit et s'avérait traduisible.
Si le symptôme hystérique a un sens, il a un sens primitivement sexuel. C'est
depuis Freud que la qualité sexuelle du symptôme hystérique a été démontrée. Certains
vont jusqu'à assimiler la crise d'hystérie à un véritable acte d'amour avec orgasme. Ce
sens sexuel du symptôme apparaît constamment au cours de la cure analytique.
Mais par contre, chez le psychosomatique, cette érotisation des symptômes
n'existe pas : le symptôme n'a pas de valeur sexuelle primaire ; et s'il en acquiert une,
c'est souvent secondairement au cours du traitement.
Au niveau de la signification des symptômes, le symptôme hystérique est
considérait comme un langage, c.à.d. qu'il veut dire quelque chose d'emblée, où le
symptôme psychosomatique n'acquiert un sens que secondairement.
Par ailleurs, chez l'hystérique il s'agit du corps fantasmé, du corps imaginaire,
c.à.d. d'un corps entièrement chargé de sens, qui signifie autre chose que ce qui est dit ;
alors que pour le psychosomatique, il s'agit du corps réel.
Certains auteurs attribuent néanmoins un sens à tous les symptômes somatiques,
comme Groddeck, pour qui toutes les maladies somatiques sans exception traduisent un
conflit inconscient et recèlent un sens. Pour les kleiniens, autour de Garma et de Sperling,
le symptôme somatique a autant de sens qu'un symptôme névrotique ou plus,
psychotique.
44
Une autre position est occupée par Valabrega pour qui le symptôme
psychosomatique a un sens, mais pas le même que celui offert par le symptôme
névrotique. Il a un sens qui lui est propre et qui ne peut être perçu que secondairement et
indirectement : il faut aller le chercher à travers les détours donnant des allusions
passagères. Pour lui, il existe une conversion psychosomatique à laquelle il rattache une
forme de symbolisation proche, dans son mécanisme, de la symbolisation hystérique.
Avec les travaux de Dunbar et d'Alexander, le sens se détache du retour du
refoulé, les troubles psychosomatiques ne résultent pas nécessairement d'un mécanisme
de conversion et les symptômes somatiques de nature psychogène ne constituent pas
obligatoirement un langage déchiffrable.
Pour
David,
de
M'Uzan,
Fain
et
Marty
qui
définissent
le
symptôme
psychosomatique par une série de carences, la distinction paraît indubitablement
essentielle entre l'affection psychosomatique et le symptôme de conversion. Pour eux, le
symptôme psychosomatique ne véhicule aucun sens, "est bête" ; la maladie signifie par
son absence de sens déchiffrable.
Alors que le symptôme hystérique est l'expression symbolique de toute une
fantasmatisation inconsciente, le symptôme psychosomatique devient une fonction
dépouillée de toute signification inconsciente. Dans le symptôme de conversion, la
relation est directe, vu sa portée symbolique, mais dans le symptôme psychosomatique,
elle est à la fois hétérogène et indirecte.
Devant le symptôme psychosomatique, on est en présence d'une traduction qui
"ne marche pas", c.à.d. qu'elle ne fournit pas d'énoncé intelligible. Mais malgré cela,
l'affirmation selon laquelle ces symptomatologies "illisibles" ne sont pas un langage, que
"cela ne veut rien dire", que "c'est bête", peut être mise en question.
En nous référant à l'historique de la notion de conversion, nous nous rendons
compte qu'avant Freud, on ne savait pas lire, c.à.d. traduire, le symptôme hystérique de
conversion ; et bien entendu, pour cette raison, on ne pouvait pas lui attribuer une
signification. Maintenant, on sait lire ce symptôme et lui attribuer une signification.
La position des tenants de la théorie de la bêtise, du non-sens du symptôme
somatique ne paraît donc pas complètement soutenable. Car elle ne fait reprendre à
45
propos de ce symptôme ce que l'on croyait de la conversion hystérique à l'époque
prépsychanalytique, et qui manifestement est apparu depuis comme une erreur et une
ignorance.
Tout autant qu'à propos de la signification, nous pouvons dire, en nous appuyant
sur certains auteurs, que le symptôme somatique est soutenu par des fantasmes. Même
les grands défenseurs de la théorie du déficit, qui ont nié l'existence d'une activité
fantasmatique chez les patients psychosomatiques, ont pu observer chez leurs patients
une mimique du fantasme. Ces mimiques sont des indices de l'existence d'un fantasme.
Il est donc un peu hâtif de parler de carence de la fantasmatisation dans la mesure
où les fantasmes ne sont pas des organisations ou des productions psychiques
exclusivement conscientes ou préconscientes. Les fantasmes inconscientes existent
certes et ce sont peut-être même les plus agissants.
Ces fantasmes qui sont, bien entendu, d'accès difficile au départ, se découvrent
au cours du traitement des malades. Et ceci justement parce que la dotation de sens qui
peut être faite à un symptôme ou à un groupe de symptômes, ne dépend pas que du sujet
qui le ou les présente. Cette dotation de sens implique également l'observateur qui n'en
est d'ailleurs pas toujours le destinataire.
En ce qui concerne le sens du symptôme ou de la maladie, une troisième position
semble pouvoir être dégagée de la clinique. Elle ne consiste pas à s'interroger sur
l'origine du symptôme ou de la maladie, afin d'en déterminer sa possible nature
psychogène. Elle ne concerne donc pas la constitution du symptôme, mais la place que
celui-ci occupe pour le sujet dès lors que le symptôme se manifeste. Que le symptôme
soit d'origine psychique, qu'il advienne à la suite d'une fragilité ou d'une désorganisation
mentale, ou que son étiologie soit exclusivement organique ou génétique, le symptôme
somatique peut accéder au sens.
Ce sens doit être considéré comme partie intégrante du symptôme. Il n'est donc
pas celui qui émanerait d'un refoulé inconscient, et ne résulte pas non plus d'un saut de la
psyché au soma. Il découle d'une sorte d'exigence psychique d'inscrire le symptôme dans
son registre, c.à.d. à signifier. Freud disait d'ailleurs qu'il ne se passe rien dans le corps
sans que ce soit repris par l'appareil psychique, c.à.d. que même si le symptôme
psychosomatique n'a pas de sens, un sens va lui être conféré secondairement. Les
46
processus psychiques mis en oeuvre sont d'autant plus importants et complexes que le
désordre atteint profondément l'individu.
Les affects suscités par l'apparition d'un désordre somatique et la signification qu'il
trouve pour le malade proviennent à la fois de la situation actuelle liée à la maladie que de
l'histoire du sujet dans laquelle s'inscrit son organisation mentale. Sans que cette histoire
est nécessairement le soubassement de la somatisation, elle l'entretient et elle l'assiste.
Cette inscription du sens maintient ainsi une sorte de cohésion psychique entre
deux sphères de natures différentes, le soma et la psyché, entre deux vécus, le passé et
le présent, et entre deux registres, le réel où se situe la maladie somatique et la réalité
psychique.
C – LIEN ENTRE PROJECTION ET SOMATISATION
En 1917, Freud a mis en rapport le processus du rêve avec une projection. Car la
projection n'est pas en soi un processus défensif, et soutient l'ensemble du
fonctionnement psychosomatique. Le processus défensif n'est qu'une variante de la
projection. Pour Sami-Ali, l'imaginaire est synomyne de projection, et n'englobe pas moins
d'autres phénomènes qui, d'ordinaire, ne sont pas mis en rapport les uns avec les autres
et que nous avons déjà évoqué dans un chapitre précédent : le rêve, l'hallucination, le
délire, le comportement magique, le fantasme, le jeu, la croyance, l'expression affective.
Ce sont là des phénomènes médiatisés par un processus de projection.
Le phénomène de projection relève chaque fois d'un dosage différent du conscient
et de l'inconscient. Par exemple, l'enfant qui joue aux soldats, imaginairement s'investit
comme soldat mais aussi se regarde en même temps s'investir comme tel. Dans ce cas,
la rêverie constitue une variante de la projection, mais où préconscient et conscient
l'emportent sur le fonctionnement inconscient ; ce dernier prédomine cependant dans le
rêve, l'hallucination et l'affect.
Par ce groupement se dessine ainsi une dimension fondamentale, la dimension de
l'imaginaire qui s'oppose au réel de façon globale et précise à la fois. Il devient alors
possible d'appréhender l'organisation psychosomatique comme un ensemble structuré et
d'établir des relations spécifiques entre les différentes formes de somatisation.
47
Dans la conversion hystérique, il existe une corrélation positive entre projection et
somatisation. Le corps est ici en continuité avec l'inconscient et avec le processus
projectif. Dans l'hystérie de conversion, le corps est le même que dans le rêve. Il s'agit du
corps imaginaire qui n'est pas la réalité corporelle en soi mais sa transposition en
fantasmes.
Dans le rêve et l'hystérie, le corps est donc une présence imaginaire fondée sur
une anatomie particulière qui prend appui sur l'anatomie réelle mais prend également
racine dans la vie inconsciente du sujet aussi bien que dans les traditions populaires.
Dès lors, à l'instar des rêves, les symptômes hystériques sont le lieu où se
matérialise un désir inconscient s'inscrivant dans une relation à l'autre.
Déterminer le sens d'un symptôme hystérique revient à en dévoiler le sens
inconscient qu'il prend dans une relation transférentielle en même temps qu'à modifier
l'être même de la somatisation.
Tout autre est le sens qui s'ajoute après coup en un effort de rationnalisation
quand il s'agit d'atteintes lésionnelles, c.à.d. d'une somatisation du corps réel. Dans cette
dernière, on assiste à un refoulement persistant de l'imaginaire, qui interdit tout accès à la
vie onirique. Les symptômes organiques ne résultent pas de l'échec du refoulement et du
retour du refoulé, et sont donc ce qu'ils sont. Leur sens symbolique ne peut être que
secondaire. Ici, s'établit donc une corrélation négative entre projection et somatisation.
La projection intervient donc aussi dans le processus de guérison. Ce que Freud
dit du délire paranoïaque, à savoir que c'est une tentative de guérison, s'applique selon
Sami-Ali aussi à la maladie somatique lorsqu'elle s'accompagne de phénomènes
projectifs. "Conférer rétrospectivement au symptôme un sens au moyen de la projection,
en une tentative ultime de justifier l'injustifiable, peut alors marquer le passage, modifiant
en profondeur tout le fonctionnement psychosomatique, du corps réel au corps
imaginaire." 9
9
SAMI-ALI : "Penser le somatique, imaginaire et pathologie", Ed. Dunod, 1987.
48
Mais la projection n'est pas seulement un mécanisme purement psychologique et
s'accompagne d'un renforcement des défenses immunologiques ; celles-ci, inversement,
s'affaiblissent lorsque la projection diminue. Pour Sami-Ali, il existe donc une relation
d'équivalence négative entre le psychique et le somatique, et une maladie organique
apparaît en lieu et place d'une formation névrotique ou psychotique, même si celle-ci n'est
pas assimilable à celle-là.
Le destin de l'être humain en tant qu'unité psychosomatique s'articule donc autour
du processus projectif qui prend appui sur une fonction physiologique et opère au niveau
de la constitution simultanée de l'objet et du corps imaginaire. Tous les degrés
intermédiaires sont permises selon que prévaut l'une ou l'autre variante de la projection.
L'approche des troubles psychosomatiques se situe donc dans une optique
différente de celle des conversions hystériques. Dans celles-ci, l'inhibition, la déformation
ou le manque d'articulations à la réalité entravent une fonction déjà constituée, alors que
dans les somatisations, c'est la constitution d'une fonction qui fait problème. Il est donc
primordial de repérer les signes révélateurs d'un éventuel dysfonctionnement projectif
associé à l'apparition d'une somatisation.
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CONCLUSION
A l'issue de toutes ces positions conceptuelles, nous pouvons nous permettre de
conclure que la conversion hystérique et l'affection psychosomatique qui ont en commun
le corps comme moyen d'exprimer une souffrance, et qui sont très proches l'une de l'autre
dans la mesure où elles sont conçues toutes les deux comme des défenses du Moi, sont
évidemment deux états différents.
En effet, si les symptômes corporels de l'hystérie n'ont aucune réalité
physiopathologique, ni anatomique et touchent plus électivement certaines fonctions, les
affections telles que l'asthme, l'ulcère, l'hypertension artérielle, véritables maladies bien
structurées, donnent l'impression d'une réalité consistante et constituent de vrais
désordres organiques.
Et même considérés dans leur expression comme un véritable langage, dans la
mesure où ils parlent pour qui veut les comprendre, chacun de ces deux types de
symptômes utilisent un langage particulier, qui lui est propre. D'ailleurs, si la signification
de ce langage paraît parfois évidente à fleur de peau d'un côté, de l'autre, elle paraît
plutôt difficile à décoder ou ne permet pas de décodage.
Même s'ils semblent s'apparenter, dans la mesure où ils utilisent tous les deux le
corps comme lieu privilégié d'expression fantasmatique d'un conflit, et dans la mesure
aussi où ils coexistent où alternent parfois, il y a cependant une différence fondamentale
entre ces deux ordres de manifestations : pour l'hystérie, la problématique fondamentale
réside dans la question de l'oedipe mal résolue, mais pour l'affection psychosomatique,
elle se situe à un moment plus précoce de la vie.
Nous sommes donc bien d'accord pour dire que sur le plan clinique, les choses ne
sont pas toujours si simples et si nettes. Et pour beaucoup d'affections, il est difficile
d'affirmer, au vu de la seule séméiologie, que l'affection a une structure purement
fonctionnelle à type de conversion hystérique ou une structure plus organisée sur le mode
psychosomatique. En effet, les observations cliniques posent ce problème des intrications
des troubles hystériques et psychosomatiques.
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Nous pouvons dire que l'homme est un être psychosomatique dans le sens où tout
son fonctionnement somatique est intimement lié à son fonctionnement mental. Nous
pouvons également dire qu'il existe pour chaque individu une homéostasie spécifique,
réalisée la plupart du temps, d'une part entre sa vie sociale, professionnelle, sentimentale
et familiale, et d'autre part, le fonctionnement de son appareil psychique.
Cette homéostasie qui est singulière et originale pour chaque individu, fait de lui
toujours un "cas à part", différent de son congénère. C'est pourquoi la compréhension des
maladies de l'humain nécessite à notre sens une aptitude à la créativité, voire à
l'esthétique.
Bien qu'il existe encore beaucoup d'inconnus quant aux fonctionnements
psychique et somatique et que la recherche multidisciplinaire est essentielle dans ce
domaine, une chose est sûre : que ce soit dans les conversions hystériques ou dans les
affections psychosomatiques, le corps a encore ses "maux" à dire.
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