Peut-on augmenter la qualité et la fertilité de la semence des
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Peut-on augmenter la qualité et la fertilité de la semence des
RECHERCHE Peut-on augmenter la qualité et la fertilité de la semence des taureaux? PAR PATRICK BLONDIN, MARTIN BEAULIEU ET MATHIEU BOILARD* AVEC LA CYTOMÉTRIE EN FLUX, L’ALLIANCE BOVITEQ CHERCHE À DÉTERMINER AVEC LE PLUS DE PRÉCISION POSSIBLE LA FERTILITÉ DE LA SEMENCE. Au cours des 25 dernières années, le nombre de fermes laitières au Canada a considérablement diminué, passant de 56 360 en 1980 à 16 970 en 2004. Durant cette même période, le nombre de vaches est passé de 1,8 million à 1,1 million, le volume de lait produit par ferme, de 1,275 hl à 4,473 hl – une augmentation de 251 % – et le nombre moyen de vaches par troupeau, de 31 à 62. En résumé, le nombre de fermes a diminué, mais les fermes restantes possèdent un plus grand nombre de vaches qui fournissent une production laitière supérieure. L’INTRODUCTION DE L’INSÉMINATION ARTIFICIELLE LES DÉFIS DES CENTRES D’INSÉMINATION ARTIFICIELLE Pour un centre d’insémination artificielle, il est impératif de connaître la fertilité de la semence d’un taureau au moment de sa congélation ou de sa décongélation afin de garantir un produit de qualité. Les centres canadiens appliquent des normes strictes de qualité pour la semence fraîche et la semence congelée. Les trois paramètres principaux actuellement utilisés pour évaluer la qualité de la semence en laboratoire sont : la motilité (l’intensité des mouvements des spermatozoïdes), la morphologie (l’incidence des spermatozoïdes anormaux) et la viabilité (taux de spermatozoïdes vivants/morts). Ces évaluations sont réalisées couramment à l’aide d’observations au microscope. Chacun des critères ne permet pas individuellement de mesurer avec précision la fertilité de la semence, mais si les trois sont évalués simultanément, Les avancées technologiques ont toujours joué un rôle important dans l’évolution de l’industrie laitière. L’insémination artificielle, introduite dans les années 1940, est probablement celle qui a eu le plus grand impact. Cette technologie a pris son plein essor en 1948 avec la congélation de la semence bovine. Son utilisation croissante a permis de suivre de plus près la fertilité des génisses produites. Les données recueillies indiquent clairement que la fertilité des troupeaux laitiers CHAMP D’APPLICATION : Reproduction. mondiaux a diminué de OBJET DE LA RECHERCHE : Augmenter la qualité et la fertilité de la semence façon notable avec les bovine. années et que la tendance à accroître la production des RETOMBÉES POTENTIELLES : Amélioration de la fertilité des troupeaux laitiers vaches semble surpasser la au Québec. capacité de créer des condiRECHERCHE SUBVENTIONNÉE PAR : L’Alliance Semex. tions optimales de reproduction. POUR EN SAVOIR DAVANTAGE : Patrick Blondin, Ph.D., directeur de la recherche et De plus, la gestion des troupeaux développement, L’Alliance Boviteq, Saint-Hyacinthe (Québec). laitiers a beaucoup évolué et en un clin d’oeil plusieurs facteurs influençant la fertilité des vaches ont été identifiés (voir encadré, p. 44). 43 RECHERCHE Facteurs influant sur les taux de conception chez la vache • • • • • • • • • • • Production laitière accrue Conditions d’hébergement Environnement Taille grandissante des troupeaux Sélection génétique Qualité de la semence Santé et condition de chair Alimentation déficiente Période de tarissement Rétention placentaire et problèmes au vêlage Activité ovarienne et utérine ils apportent une indication très valable. La littérature contient aussi un vaste éventail d’analyses pour évaluer la fertilité de la semence, mais aucune d’entre elles ne permet actuellement de prédire avec certitude la fertilité qui sera obtenue au moment de l’insémination. AU-DELÀ DE LA MICROSCOPIE Chez L’Alliance Boviteq – le centre de recherche et développement de L’Alliance Semex –, on est à développer l’utilisation de la cytométrie en flux (voir figure ci-contre) pour mieux évaluer la fertilité et la qualité de la semence. Cette technique permet de colorer chaque spermatozoïde d’une infime fraction d’un éjaculat avec différents marqueurs (jusqu’à une douzaine), chacun étant spécifique d’une fonction physiologique. Un laser excite les marqueurs qui produisent des couleurs différentes, lesquelles sont captées et interprétées par un ordinateur. L’information recueillie nous informe sur plusieurs caractéristiques de l’éjaculat et permet d’analyser plusieurs paramètres de qualité, notamment : l’intégrité du matériel génétique (ADN), l’intégrité des mitochondries (source principale d'énergie pour le sperme), l’état de capacitation (processus subi dans le tractus femelle pour acquérir le pouvoir fécondant) et l’intégrité des membranes des spermatozoïdes. La semence contient une population très hétérogène de spermatozoïdes. L’étude d’un seul des nombreux paramètres cellulaires est généralement insuffisante pour prédire la 44 SEPTEMBRE 2008 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS fertilité de la semence puisque la fécondation est multifactorielle. Lorsque plusieurs analyses de cytométrie sont réalisées en même temps, la fertilité de la semence peut être évaluée avec une précision beaucoup plus grande qu’avec les méthodes actuelles au microscope. L’Alliance Boviteq a déjà procédé de façon rétrospective à une analyse des semences de divers taureaux de fer- COMMENT AUGMENTER LA FERTILITÉ D’UN ÉJACULAT? Il est clair que les outils diagnostiques, tels qu’ils sont décrits plus haut, doivent être perfectionnés pour mieux comprendre la différence entre un éjaculat plus fertile et un qui l’est moins. Une fois identifié, l’éjaculat moins fertile pourra être soumis à une thérapie visant à augmenter sa fertilité. L’Alliance Boviteq travaille à améliorer les dilueurs de semence actuellement utilisés, car depuis l’introduction de la congélation de la semence bovine, il y a 70 ans, très peu d’améliorations y ont été apportées. Une fois qu’une paillette de semence a subi le processus de congélation-décongélation, la moitié des spermatozoïdes ne survit pas, et une grande proportion de la fraction encore en vie est endommagée. Une façon de contrer le problème est d’ajouter des éléments qui favorisent la survie des spermatozoïdes (cholestérol, lipides, protéines de plantes et sucres) ou qui protègent les spermatozoïdes survivants des stress de la congélation (antioxydants, stabilisateurs de membranes et calcium). Il est aussi possible d’identifier des protéines de différentes origines (soit du tractus reproducteur mâle ou femelle) qui sont associées à un spermatozoïde plus ou moins fertile. La cytométrie en flux permettrait de déterminer si les spermatozoïdes d’un éjaculat possèdent ou non ces protéines de fertilité. De plus, une fois ces protéines isolées, elles pourraient être ajoutées aux spermatozoïdes pour ainsi augmenter la fertilité des éjaculats en général. LES DÉFIS tilité différente. Il a été possible de corréler les bons marqueurs à la fertilité des spermatozoïdes. Le centre travaille activement à développer la cytométrie comme outil diagnostique avant que les éjaculats soient distribués dans les entreprises laitières. De cette manière, il serait possible d’assurer que la qualité et la fertilité de tous les éjaculats satisfont aux plus hautes normes de l’industrie de l’insémination artificielle. Pour les centres d’insémination artificielle, le défi à court terme sera d’intégrer certaines techniques nouvelles dans le processus du suivi de la qualité et de la fertilité de la semence. Le défi à plus long terme sera de trouver les façons de rendre tous les éjaculats conformes aux mêmes normes élevées de fertilité en sachant quels aspects physiologiques seront évalués et traités. * Patrick Blondin, directeur de la recherche et développement, Martin Beaulieu, assistant de recherche, Mathieu Boilard, responsable du laboratoire de semence, L’Alliance Boviteq, Saint-Hyacinthe