Les saisonniers toujours en attente

Transcription

Les saisonniers toujours en attente
EMPLOI
Loi travail
Les saisonniers toujours en attente
Les saisonniers sont un des piliers de l’économie montagnarde. La loi de 1985 proposait
d’ailleurs un cadre pour organiser, valoriser et
pérenniser ce type d’emploi, mais force est de
constater qu’après trente ans leur statut
demeure encore très précaire. L’apport du projet
de loi sur la réforme du code du travail reste
maigre sur ce sujet.
La question des saisonniers mobilise les
MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE
élus. Annie Genevard, députée du Doubs
et Bernadette Laclais, députée de la Savoie,
ont formulé des propositions concrètes
dans leur rapport pour un
«Le projet de loi acte II de la loi Montagne,
ne modifie pas allant de la création d’un
contrat spécifique à
fondamentalement l’éventuelle généralisation
le droit existant.» de la clause de reconduction pour les saisonniers.
Marie-Noëlle Battistel, secrétaire générale
de l’ANEM et députée de l’Isère, Bernadette
Laclais et Joël Giraud, député des HautesAlpes, ont participé pendant un an à un
groupe de travail sur le travail saisonnier.
Mais ce terreau favorable n’a pas été suffisamment utilisé par la ministre Myriam El
Khomri dans le projet de loi, qui ne modifie
pas fondamentalement le droit existant.
Les trois députés avaient pourtant été reçus
par la ministre la veille de la présentation
du projet de loi au Conseil des ministres,
ce qui pouvait laisser supposer son attachement à cette question.
Annie Genevard et Bernadette Laclais préconisaient dans leur rapport la création
d’un contrat saisonnier spécifique, différent
du contrat à durée déterminée (CDD); une
manière de reconnaître la singularité de ce
mode d’organisation du travail et d’accorder des droits spécifiques aux saisonniers.
Cette demande n’a pas été retenue dans le
projet de loi. Le contrat saisonnier reste un
CDD mais, élément nouveau, le projet de
loi apporte une définition légale à la notion
d’emploi saisonnier. Il s’agit d’un emploi
où « les tâches sont appelées à se répéter
chaque année selon une périodicité à peu
près fixe, en fonction du rythme des sai-
La réembauche des saisonniers d’une année sur l’autre est la clé de leur professionnalisation.
sons ou des modes de vie collectifs ou des
emplois ». L’introduction d’une définition
sécurisera les employeurs et les salariés qui
aujourd’hui éprouvent des difficultés à
définir le cadre juridique du contrat. Il ne
faut pas oublier que ce sont les PME qui
ont le plus recours aux saisonniers et ces dernières ne « Simple incitation
disposent pas toujours des en faveur de
moyens humains et du temps
suffisants pour réaliser des la clause
recherches juridiques pous- de reconduction
sées.
que les saisonniers
La clause de reconduction
des contrats est également un souhaiteraient
enjeu important abordé dans obligatoire. »
le projet de loi. Actuellement,
cette clause est facultative, mais l’augmentation des exigences des clients implique
une professionnalisation de plus en plus
poussée, qui n’est pas compatible avec un
renouvellement annuel des personnels. Par
ailleurs, l’absence de certitude sur la réembauche l’année suivante est un facteur de
précarité des saisonniers, voire d’absence
d’investissement de leur part. Dans leur
rapport, les deux députées recommandaient d’ailleurs d’introduire une clause de
reconduction après deux ou trois saisons,
les partenaires sociaux ayant la possibilité
de négocier des modalités plus intéressantes pour les salariés dans certaines
branches. Le projet de loi ne va pas jusquelà. Il incite seulement les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs à engager des
négociations. Le gouvernement interviendra, par voie d’ordonnance, si aucun
accord n’aboutit mais on ignore les
mesures qui seront prises.
La question des groupements d’entreprises
est abordée à l’article 40, mais ce dernier
ne propose pas de solutions pour lever les
obstacles de fond (fiscaux, réglementaires…) qui limitent le développement de
cette forme d’organisation.
Le projet de loi reste silencieux sur la question de la formation des pluriactifs et du
chômage partiel pour les régies. Le sujet
des saisonniers est donc loin d’être épuisé
et ne manquera pas d’animer les discussions lors du débat parlementaire sur l’acte
II de la loi Montagne annoncé par le Premier ministre d’ici la fin de l’année. Ce sera
également l’occasion d’aborder la question
du logement des saisonniers, qui est au
cœur de la problématique, car sans logement il est difficile d’obtenir un travail.
PLM 271 mai 2016
13

Documents pareils