les reacteurs multifonctonnels une curiosite intellectuelle
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les reacteurs multifonctonnels une curiosite intellectuelle
LES REACTEURS MULTIFONCTONNELS UNE CURIOSITE INTELLECTUELLE OU UNE REALITE INDUSTRIELLE ? F. SEIDLITZ1 , J.L. HOUZELOT2 1 Centre de Recherches de Lyon, Rhodia Recherches 85 rue des Frères Perret - BP 62 69192 Saint-Fons Cedex France 2 Laboratoire des Sciences du Génie Chimique CNRS Groupe ENSIC 1 rue Grandville, BP 451, 54001 Nancy Cedex, France INTRODUCTION Le concept de multifonctionnalité : Ce sont Agar et Ruppel (1988a) qui emploient pour la première fois le terme de «réacteur multifonctionnel » dans une étude présentant les potentialités et des exemples pratiques d’application du concept de « multifonctionnalité », que l’on peut définir de la manière suivante : Dans un appareil intégré, utilisé pour réaliser une réaction, d’autres fonctions sont exécutées simultanément. Ces autres fonctions peuvent être le transfert de matière, de chaleur ou de quantité de mouvement, et même d’autres réactions indépendantes. Dire que l’appareil est intégré signifie qu’il associe les diverses fonctions dans une même enveloppe, et n’est pas simplement une association d’appareils permettant de réaliser ces fonctions unitaires. Le terme d’appareils monolithiques est parfois employé pour exprimer le fait qu’ils soient construits d’un seul tenant. Un tel appareil a donc la potentialité d’exhiber un comportement original par rapport à un procédé classique en plusieurs étapes réalisant les mêmes opérations. Bien entendu, ce principe n’est pas nouveau et de tels réacteurs existent depuis longtemps déjà. L’exemple le plus connu est sûrement la cuve agitée équipée d’une double enveloppe ou d’un serpentin permettant de réaliser simultanément la réaction et le transfert de chaleur. De même, l’industrie chimique utilise fréquemment le système formé par un réacteur agité surmonté d’une colonne à distiller afin, par exemple, de déplacer un équilibre réactionnel, tel qu’une estérification en distillant simultanément un produit de la réaction : la réaction est alors couplée au transfert de matière. Enfin, le réacteur multifonctionnel le plus utilisé est sans doute le moteur à explosion des voitures, où la réaction de combustion de l’essence dans le cylindre entraîne le déplacement du piston qui fait tourner les roues par transfert de quantité de mouvement. Cependant, la dénomination «réacteur multifonctionnel » signifie bien plus que l’action de regrouper plusieurs fonctions dans une même enveloppe. Selon Agar et Ruppel, c’est en fait également et surtout une démarche, une méthodologie que l’on peut appeler « approche multifonctionnelle ». Sa définition est alors beaucoup plus vaste et originale que celle du simple aspect technologique : L’approche multifonctionnelle correspond à la prise en compte simultanée d’une réaction et de processus de transfert de matière ou d’énergie afin d’aboutir à une technologie originale qui puisse faire apparaître des synergies nouvelles générée par ce couplage. Cette approche ainsi définie est alors réellement nouvelle et génératrice de procédés et de technologies différents. L’appareil qui en résulte est le fruit d’une étape de réflexion qui permet d’évaluer les avantages de mettre en communs des processus chimiques et physiques et la manière optimale de le faire. Afin de mieux comprendre ce concept, nous allons tout d’abord présenter un certain nombre d’exemples de réacteurs multifonctionnels et leurs applications industrielles. Puis nous aborderons plus en détail l’approche multifonctionnelle et les méthodologies qui y sont appliquées. LES REACTEURS MULTIFONCTIONNELS ET LEURS APPLICATIONS Une forte adaptation pour la production industrielle Les domaines d’applications des réacteurs multifonctionnels sont très variés. Ils sont en fait parfaitement adaptés pour les grandes priorités actuelles des industries chimiques, qui sont classées en deux grandes thématiques d’après Harmsen et Chewter (1999). Il y a d’une part les applications susceptibles de réaliser des progrès en matières de sécurité, santé et environnement. En effet, la combinaison de plusieurs fonctions effectuées simultanément dans le même appareil peut réduire la consommation exergétique des procédés, ce qui revient à minimiser la consommation d’énergies fossiles et donc les rejets de CO2 . Par ailleurs, des réacteurs conçus pour récupérer le produit in situ au cours de la réaction permettent d’augmenter la sélectivité de l’opération, c’est-à-dire réduire la formation de produits secondaires qui peuvent poser des problèmes d’environnement. D’autre part, en raison de la mondialisation, la compétition entre les entreprises est très dure et les exigences de production deviennent très strictes. Les réacteurs multifonctionnels peuvent alors augmenter les rendements de production, en déplaçant un équilibre par séparation in situ d’un produit de la réaction. L’intégration de plusieurs fonction au sein d’un même appareil permet également de réduire l’encombrement du procédé et de gagner ainsi en frais d’installation et de maintenance. Enfin, le procédé étant souvent optimisé dès la phase de conception, les coûts de fonctionnement sont minimisés dès le démarrage de l’installation. Des réacteurs en réponse aux besoins Nous le voyons, les potentialités qu’apportent les réacteurs multifonctionnels pour l’industrie sont très attrayantes. De nombreux appareils sont déjà parvenus au stade commercial pour le prouver, et il est nécessaire d’en donner des exemples pour mieux comprendre la démarche suivie lors du développement. Présenter les réacteurs multifonctionnels n’est pourtant pas chose facile car ce concept est très général. Notre propos n’est donc pas de dresser ici une liste exhaustive de ces réacteurs, mais de donner certains exemples regroupés selon leur avantage principal en termes d’applications industrielles. Augmenter la conversion ou la sélectivité Comme nous l’avons évoqué précédemment, augmenter la conversion et/ou la sélectivité pour une réaction donnée présente de nombreux intérêts, tels que l’augmentation de productivité ou la réduction de produits secondaires ou de réactifs non convertis qui représentent un coût non négligeable pour leur traitement et leur élimination. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant de trouver dans cette catégorie la majorité des réacteurs multifonctionnels existant. Pour réaliser cette opération, la réaction est généralement couplée avec une séparation. En effet, afin d’augmenter la conversion d’une réaction équilibrée A ↔ B, ou pour augmenter la sélectivité d’une réaction suivie d’une ou plusieurs réaction consécutives, par exemple selon le schéma A → B → C, il suffit de séparer B du milieu réactionnel au fur et à mesure qu’il est produit. De très nombreux réacteurs multifonctionnels utilisent ce principe de « séparation réactive » et ils peuvent être regroupés selon le procédé de séparation utilisé : La distillation réactive : mise en œuvre depuis les années 1920, c’est l’un des procédés qui a été le plus étudié parmi les séparations réactives et il a donné lieu à de nombreuses modélisations afin de révéler ses potentialités (Kreul et al., 1999). Ses applications et ses avantages se sont révélés très fructueux pour l’industrie. Il faut dis tinguer les réacteurs non catalytiques (transestérification de l’acétate de vinyle et de l’acide stéarique, Geelen et Wijfels, 1965) ou à catalyse homogène où l’opération a lieu dans une colonne à distiller classique, et les réacteurs à lit catalytique hétérogène (fabrication de methyl-terbutyle ether MTBE, Smith et Huddleston, 1982) pour lesquels des catalyseurs spécifiques sont étudiés (Moritz et Hasse, 1999). Des méthodologies d’aide à la décision sont aujourd’hui disponibles afin d’évaluer les gains en termes de coûts et de production (Hauan et Lien, 1998 ; Kenig et al., 1999 ; Serafimov et al., 1999). Le réacteur chromatographique : ses potentialités ont été révélées par Coca et Langer (1983). Pour un équilibre A ↔ B, il est avantageux d’utiliser un adsorbant catalytique qui retienne le réactif A et pas ou peu le produit B : A est alors converti en B qui est immédiatement éliminé dans le courant de fluide inerte traversant le réacteur. De même pour une réaction A ↔ B + C, il est possible d’utiliser les différences d’affinité de chaque espèce envers l’adsorbant afin de maintenir les espèces B et C séparées pour éviter la réaction retour et fournir des produits de très grande pureté (Sardin et al., 1993). Le comportement non stationnaire de ce procédé a été adapté ensuite au fonctionnement continu, soit grâce au principe d’une inversion de flux périodique (élimination d’oxydes d’azote des gaz de combustion, Agar et Ruppel, 1988b), soit par l’utilisation d’un lit mobile de solide à contre-courant de la phase fluide (hydrogénation du 1,3,5-triméthyle benzène, Fish et al., 1986). Mais les pertes d’efficacité dues à l’hydrodynamique ont conduit à la conception du lit mobile simulé (couplage oxydant du méthane, Tonkovich et Carr, 1994), qui donnent lieu actuellement à de nombreuses études (Fricke et al., 1999). Le réacteur à membrane : les propriétés des membranes sont utilisées pour retirer un produit du milieu réactionnel (estérification catalysée de l’éthanol et de l’acide acétique, Waldburger et al., 1994) ou y injecter lentement un réactif afin de contrôler la réaction (Westerterp, 1992). Les membranes sont inorganiques ou organiques. Elles peuvent être denses, auquel cas elles présentent une faible perméabilité mais une grande sélectivité, c’est-à-dire que seules certains types déterminés de molécules la franchissent. Si elles sont poreuses, c’est le contraire (Shramm et Seidel-Morgenstern, 1999). Des microstructures sont également développées, en encapsulant un catalyseur non sélectif dans une membrane pour la production de méthylamine par exemple (Foley et al., 1994). Mais ces technologies, encore au stade de développement, sont coûteuses et donc réservées aux produits à forte valeur ajoutée, où de faibles concentrations de réactifs sont utilisées (Agar, 1999). Réaction et extraction liquide-liquide : ce procédé est bien connu en chimie organique pour la catalyse par transfert de phase, par exemple pour déplacer l’équilibre de formation d’un alcool à partir d’un chlorure d’alcane à l’aide d’une amine tertiaire soluble dans les deux phases (Starks et Liotta, 1978). Le principe a été généralisé afin d’extraire un produit de la phase ou s’effectue la réaction. Les colonnes d’extraction multiétagées à co- ou contre-courant sont généralement utilisées (estérification de l’acide acétique par le butanol en phase aqueuse avec extraction de l’acétate de butyle produit par le butanol, Al-Saadi et Jeffreys, 1981). Par ailleurs, des modèles ont été développés pour permettre de juger de la pertinence de réaliser une telle opération (Minotti et al., 1998 ; Samant et Ng, 1998). Le cyclone réacteur : ce réacteur présente un grand intérêt pour les réactions gazsolide non catalytiques rapides telles que les pyrolyses (pyrolyse éclair de la sciure de bois, Lédé et al., 1987). Le cyclone permet de séparer et d’éliminer très rapidement les gaz produits afin de ne pas donner de produits secondaires indésirables ou d’augmenter la conversion du solide (Li, 1988). La cristallisation réactive : ce procédé consiste à mettre en œuvre une réaction couplée simultanément à la récupération d’un produit par cristallisation. Il est particulièrement bien adapté pour la production d’un produit issu d’une réaction équilibrée ou du produit intermédiaire d’un processus réactionnel consécutif. Un exemple d’application, conduit sur la production du paracétamol à partir du paraaminophénol dans un appareil monolithique ( houzelot, 1999, seidlitz, 2001 ), en est une illustration intéressante. Le couplage d’une réaction et d’une séparation permet de repousser les limites imposées par la thermodynamique dans les procédés classiques. En effet, les procédés qui mettent en œuvre ce couplage sont capables d’atteindre des compositions en réactifs et produits qui sont propres à cette multifonctionnalité et inaccessibles par les procédés classiques en raison des limites thermodynamiques (Nisoli et al., 1997). C’est pourquoi bon nombre d’auteurs, tels Gani et al. (1998), se concentrent sur la modélisation, la programmation et la simulation des équilibres chimiques et physiques entre phases se produisant simultanément, afin de pouvoir obtenir des diagrammes de compositions et de visualiser ainsi les potentialités du couplage. Cette approche peut être alors utilisée pour bâtir des méthodes de recherche systématiques et automatisées des procédés les mieux adaptés et les plus rentables pour une production donnée (Fraga, 1996), ce qui constitue un premier pas vers la conception de réacteurs multifonctionnels. Minimiser les dépenses énergétiques La maîtrise des dépenses énergétiques sur les procédés est un souci constant dans les ateliers de production, que ce soit pour des raisons d’environnement ou bien de budget. La prise en charge simultanée de la réaction et du problème d’échange de chaleur au sein d’un réacteur multifonctionnel s’est avérée très prometteuse et a donné naissance à de nombreuses solutions technologiques. Dans ce domaine, les réacteurs à fonctionnement périodique sont particulièrement performants. Ainsi, pour les réactions catalytiques exothermiques, le réacteur à lit adiabatique à inversion de flux périodique (RPFR) a été développé. Il s’applique en particulier à la combustion catalytique des composés organiques volatiles (Eigenberger et Nieken, 1991, Ramdani 2000 ), à la synthèse d’ammoniac ou à l’oxydation de SO2 (Westerterp, 1992). Son principe est le suivant. Si le lit catalytique est chaud, un flux non préalablement chauffé de réactifs entrant va se réchauffer au contact du catalyseur. Parallèlement le catalyseur va se refroidir mais les gaz vont pouvoir atteindre la température à laquelle la réaction démarre. Celle-ci étant exothermique, et si le lit catalytique est froid vers la sortie, ce dernier sera réchauffé par le passage des gaz. Il y a donc parallèlement une vague froide et une chaude qui se déplace selon la direction d’écoulement, respectivement à l’entrée et à la sortie du lit catalytique. Entre ces deux vagues, le catalyseur est chaud et c’est là que se déroule la réaction. En inversant périodiquement la direction d’écoulement des gaz, il est donc possible de maintenir la chaleur, et donc la réaction dans la zone centrale du lit. Ce type de réacteurs « autothermiques » permet donc de simplifier considérablement un procédé et d’éviter simultanément les coûts de chauffe des réactifs et de refroidissement du lit catalytique L’application d’un fonctionnement discontinu à un réacteur catalytique peut être également profitable aux réactions endothermiques en phase gazeuse. Agar (1999) prend l’exemple de la synthèse de l’acide cyanhydrique à partir de méthane et d’ammoniac. Un réacteur – régénérateur de chaleur, dans lequel on effectue périodiquement une phase de réaction, qui refroidit le lit catalytique, puis une phase de réchauffement du lit par combustion de gaz jusqu’à 1500°C, est plus avantageux que les procédés classiques de fabrication, en effet, le rendement est meilleur que pour le procédé Andrussow où l’air, brûlé simultanément avec la réaction, dilue les gaz ; par ailleurs, le réacteur ne nécessite pas d’être construit avec des matériaux spéciaux, comme c’est le cas pour le procédé BMA, chauffé de l’extérieur. Nous mentionnerons enfin les travaux de Friedle et Veser (1999) qui ont mis au point un réacteur avec un échangeur de chaleur à contre-courant intégré adapté aux réactions d’oxydation partielles à haute température, telles que la conversion du méthane en gaz de synthèse. Pour ces réactions exothermiques, les gaz réactifs doivent être préalablement chauffés afin d’atteindre les meilleurs rendements et sélectivités. Dans ce réacteur, les gaz chauds, produits de la réaction sont refroidis et réchauffent les gaz froids entrant, évitant ainsi l’utilisation d’échangeurs externes coûteux et encombrants. Générer de l’électricité L’électricité est aujourd’hui une énergie qui suscite beaucoup de recherches, notamment dans le développement de moteurs électriques appliqués à l’automobile et aux transports : en effet, cette source d’énergie est peu polluante, en comparaison aux moteurs à essence actuels. Encore faut-il que la méthode de génération de l’électricité soit elle-même respectueuse de l’environnement. Ce n’est pas le cas des piles et batteries classiques qui ont une durée de vie limitée et constituent ensuite une source de pollution aux métaux lourds et des coûts de retraitement non négligeables. Les piles à combustibles (fuel cells), fonctionnant sur le principe de la réaction de l’hydrogène et de l’oxygène, ou d’autres réactions simples, constituent une alternative qui, bien que connue depuis fort longtemps, profite actuellement d’un intérêt redoublé et de grandes avancées technologiques (Jacoby, 1999). Aujourd’hui, ces piles renferment un électrolyte polymère. En passant par un diffuseur de gaz, l’hydrogène réagit sur un catalyseur qui constituent l’anode et qui envoie protons et électrons formés par des voies différentes. Les protons migrent à travers une membrane, qui joue le rôle d’électrolyte, alors que les électrons circulent sur un circuit électrique extérieur, qui peut alors alimenter une installation en électricité. Les protons réagissent avec l’oxygène diffusé à la cathode pour former de l’eau. Ce produit et les réactifs non convertis sont éliminés. Les progrès concernent surtout la préparation des catalyseurs sur les électrodes, ce qui concoure à faire diminuer le prix de ces piles, qui n’ont pas à être rechargées et fournissent du courant tant qu’elles sont alimentées en réactifs. Ces piles sont donc de réels réacteurs multifonctionnels puisqu’ils combinent réaction et génération d’électricité, tout en fonctionnant comme des réacteurs continus sans devoir être régénérés. Mais les recherches orientent ces piles à combustibles vers de véritables réacteurs capables de générer simultanément de l’électricité mais aussi des produits d’intérêt. Ainsi, Tagawa et al. (1999) ont mis au point une « pile » permettant de réaliser l’oxydation sélective du méthane, source d’énergie de remplacement du pétrole, pour donner de l’éthylène, de l’éthane et du monoxyde de carbone avec une grande sélectivité. Fabrication des polymères La course aux matériaux ayant des propriétés très spécifiques pour tous les domaines d’utilisation a contribué au succès des matériaux polymères. Pour répondre aux applications, leur technicité est toujours plus importante et les procédés de fabrication doivent suivre cette évolution. Bien qu’utilisées depuis longtemps pour la fabrication des polymères, notamment pour la mise en forme, les extrudeuses connaissent aujourd’hui un regain d’intérêt spectaculaire. En effet, grâce aux progrès technologiques réalisés, ces appareils sont de plus en plus performants. C’est ainsi que le concept d’extrusion réactive est actuellement au centre de nombreux développements. En fait, les extrudeuses, appareils basés sur le transport du polymère par une ou plusieurs vis sans fin, permettent de réaliser maintenant un grand nombre d’opérations simultanément, répondant ainsi parfaitement au concept de réacteur multifonctionnel : mélange, pompage, mise en forme, dévolatilisation, et réaction. En réalité, la mise en œuvre de réactions chimiques sur les polymères se faisait traditionnellement en système dilué pour éviter le problème des fortes viscosités, caractéristique des réactions de polymérisation. Ceci entraînait l’utilisation de procédés lourds, avec des solvants qu’il fallait retraiter et éliminer. L’extrusion réactive permet donc de réduire ces coûts et l’encombrement, tout en ayant un comportement de réacteur piston, qui permet en outre de faire se succéder plusieurs opérations dans l’extrudeuse. De grands procédés de polymérisation ont bénéficié de l’extrusion réactive, comme le mentionne Kowalski (1992), tels que le greffage d’anhydride maléïque sur des polyoléfines grâce aux radicaux libres (peroxydes), ou l’halogénation des gommes butyles. L’APPROCHE MULTIFONCTIONNELLE Les exemples de réacteurs multifonctionnels précédents nous ont montré le rayon d’action très vaste de la multifonctionnalité, qui peut être mise en œuvre dans des appareils classiques ou plus novateurs, mais qui repose toujours désormais sur la manière d’aborder de façon optimale un couplage entre processus chimiques et physiques et d’appliquer des stratégies d’étude et de développement spécifiques. En définitive, l’approche multifonctionnelle s’est avérée très fertile pour identifier des conditions opératoires convenables et pour accéder à d’éventuels avantages par rapport à une opération traditionnelle. Classification des réacteurs multifonctionnels Aujourd’hui, les réacteurs multifonctionnels sont de plus en plus nombreux et de plus en plus variés. Aussi est-il important de parvenir à les classer. Suivant la classification adoptée, il est possible de mettre à jour des voies de développement de réacteurs non encore explorées. De même, certains réacteurs trouvent leur place dans une classification donnée, mais pas dans une autre. Agar (1999) présente différents types de classifications ainsi que leurs avantages et inconvénients. Elles figurent dans le tableau suivant : Les grandes classifications des réacteurs multifonctionnels Critère de classification Auteurs Processus de transfert de chaleur et de matière dans le réacteur Agar et Ruppel (1988a) Opération unitaire ajoutée dans le réacteur Hoffmann et Sundmacher (1997) Phases en présence : interactions et modalités de mélange Agar (1999) Nous aborderons dans ce qui suit chacune de ces classifications en les illustrant d’exemples de réalisations de réacteurs multifonctionnels qui peuvent s’y insérer. Cette étude n’est bien évidemment pas exhaustive, étant donnée la multiplicité des développements récents de configurations innovantes de réacteurs. Néanmoins, elle permet de bien saisir l’intérêt majeur qu’apportent ces technologies pour la production chimique, et l’importance des classifications en tant que méthodologie pour la découverte et la mise au point d’appareils nouveaux. Classification selon les processus de transfert de chaleur et de matière dans le réacteur Précurseurs de l’approche multifonctionnelle, Agar et Ruppel (1988a) ont établi une classification issue de l’étude des réacteurs catalytiques. Elle repose sur l’analyse du réacteur selon le type et la direction du processus prédominant de transfert. En considérant que le transfert de chaleur, ou de matière, est diffusif ou convectif, perpendiculaire ou parallèle à la direction d’écoulement, ayant une source interne ou externe, il est possible de définir seize configurations de réacteurs, dont huit ne sont pas triviales ou physiquement irréalistes. Par ailleurs, le garnissage solide des réacteurs peut avoir la fonction de catalyseur, d’adsorbant ou de mo yen de stockage de la chaleur pouvant être régénéré. Les auteurs donnaient, pour chaque cas, un exemple de réalisation qui venait s’insérer dans la classification. Le réacteur multitubulaire pour réactions très exothermiques est un exemple bien connu (transfert de chaleur externe par un mécanisme diffusif perpendiculaire à l’écoulement du fluide). Il est possible d’y classer également le réacteur à lit adiabatique à inversion de flux périodique (RPFR) que nous avons décrit auparavant. Il est classé ici selon les critères suivants : transport interne de chaleur par mécanisme convectif parallèle à la direction de l’écoulement du fluide. Agar et Ruppel (1988b) ont réalisé l’analogie entre transfert de chaleur et de matière en partant du RPFR pour réaliser un réacteur chromatographique en utilisant le lit catalytique non plus comme tampon thermique mais comme tampon de matière grâce à ses propriétés d’adsorption sélective de composés. Ce procédé a été appliqué à la dénitrification des gaz par l’ammoniac. Le fonctionnement fondé sur quatre étapes de circulation des gaz permet de maintenir l’ammoniac dans le lit catalytique, comme la chaleur dans le RPFR : il y est en excès et permet ainsi la conversion complète des oxydes d’azote, sans rejets d’ammoniac. Cet exemple montre l’intérêt de cette classification car elle peut se révéler génératrice de nouveaux réacteurs. Néanmoins, Agar (1999) reconnaît lui-même que cette définition de la multifonctionnalité couvre une grande variété réacteurs et qu’elle est en ce sens trop généraliste et par là même peu maniable. Par ailleurs, cette classification est bien adaptée pour les réacteurs mettant en œuvre un fluide et un solide, mais elle exclue ainsi un grand nombre d’autres types de réacteurs, comme cela sera montré par la suite. Classification selon l’opération unitaire ajoutée dans le réacteur Une méthode apparemment plus simpliste pour classer les réacteurs multifonctionnels est de considérer quelle opération unitaire du Génie Chimique est couplée à la réaction. Cette classification a été effectuée en particulier par Hoffmann et Sundmacher (1997) qui considèrent deux grands types de réacteurs multifonctionnels : ceux dans lesquels l’opération unitaire est générée thermiquement, et ceux dans lesquels c’est une opération mécanique : Les différentes opérations unitaires pouvant être mise en oeuvre dans un réacteur multifonctionnel Opération thermique Opération mécanique Distillation Mélange Extraction Filtration Adsorption Extrusion Pervaporation Cristallisation Absorption Condensation Cette classification recense en quelques sortes toutes les opérations unitaires qui peuvent être associées à une réaction. Cette démarche devient intéressante, en qualité d’approche multifonctionnelle, quand elle est restreinte à l’analyse des différentes opérations que l’on peut adjoindre à un type de réactions spécifique afin de générer de nouveaux réacteurs. C’est ce qu’à effectué Agar (1999) pour les réactions de synthèse à catalyse hétérogène réalisées entre 200 et 600°C. Mais cette classification est limitée aux réacteurs bifonctionnels, et ses fondements ne sont peut être pas assez rigoureux pour identifier de nouveaux réacteurs multifonctionnels. Classification selon les phases en présence et les modalités de mélange Afin de remédier aux imperfections des deux premières classifications, Agar (1999) a suggéré de classer les réacteurs multifonctionnels sur la base des interactions entre les différentes phases en présence dans le réacteur, comme le montre la figure suivante : Interactions entre phases en présence dans un réacteur multifonctionnel - D'après Agar (1999) L’auteur entend ainsi mettre en évidence les possibilités et les limitations de différents réacteurs multifonctionnels en exposant leurs similarités et leurs différences, selon plusieurs domaines d’intérêt : l’évaluation objective du réacteur, la distribution spatiale des fonctionnalités dans le réacteur, l’utilisation de catalyseurs structurés, et les opérations discontinues. Cette classification est bien sûr limitée à certains types de réacteurs multifonctionnels, sans pouvoir les englober tous. CONCLUSION Peut on apporter une réponse au titre de cet article qui se veut quelque peu provocateur ? On peut noter dans un premier temps que ce nouveau domaine de recherches conduit à une activité très prolixe de la part des universitaires du monde entier, cependant les réalisations industrielles semblent être beaucoup plus modestes si l’on excepte le concept de distillation réactive. Ce constat peut conduire à deux explications, d’une part il s’agit pour le monde industriel de sauts technologiques importants qui imposent une certaine prudence, mais dont la mise en œuvre est imminente Krishna (2001), la seconde étant que ces réacteurs multifonctionnels sont développés principalement pour les procédés continus et que l’industrie chimique des pays développés s’est tournée depuis quelques années vers la production en discontinu. REFERENCES Agar, D.W. (1999), « Multifunctonal reactors : Old preconceptions and new dimensions », Chemical Engineering Science, 54, 1299-1305. 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