le monstre qui dévore les bâtiments

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le monstre qui dévore les bâtiments
MARDI 20 JUILLET 2010
TRIBUNE DE GENÈVE
Immobilier
3
«Crunch
machine»,
le monstre
qui dévore
les bâtiments
DESTRUCTION
Des pelles hydrauliques spéciales
sont utilisées actuellement
sur le chantier de démolition
des numéros 1 et 3 de la rue
Abraham-Gevray, dans le quartier
des Pâquis. Bestial!
FABRICE BREITHAUPT TEXTE
LAURENT GUIRAUD PHOTOS
O
n dirait un dinosaure. Ou un
dragon. Ou plutôt un être
fantastique tout droit sorti
d’un film de science-fiction. Ou les
trois en même temps. En tout cas,
une chose est sûre, c’est une véritable
attraction. Ses repas sont suivis avec
étonnement par les passants et les
riverains du quartier des Pâquis.
C’est que le monstre a faim. Du matin
au soir, il dévore. Des bâtiments,
entier et tout cru. Pour lui, le béton et
l’acier sont des plats de choix, dont il
est friand. Depuis le 6 juillet, deux de
ces «bestiaux» ont attaqué les immeubles des numéros 1 et 3 de la rue
Abraham-Gevray (derrière le Grand
Hôtel Kempinski). Deux constructions apparemment si bonnes que,
par l’odeur alléché, un troisième
de leurs congénères les y a rejoints
le 14 juillet pour partager ce festin.
D’ici à la fin de ce mois, la meute
aura complètement déchiqueté et
mis à bas la carcasse du désormais
ancien hôtel California et du bâtiment commercial qui lui était voisin.
«En lieu et place, sera édifié un
immeuble de 35 logements, dont
25 de de standing, explique Jérôme
Mocellin, architecte au cabinet BMS,
en charge du projet. Le site est réalisé
par Lake Property Development.
Les travaux de construction doivent
débuter en octobre. Les logements
devraient être livrés dans le courant
de 2012 (ndlr: nous y reviendrons
dans une prochaine édition).»
La meute. Trois de ces pelles hydrauliques dernier cri opèrent en même
temps sur cette opération de démolition de l’ancien hôtel California
et du bâtiment commercial voisin. Le plus grand modèle actif sur
ce chantier peut tendre son bras mécanique jusqu’à 30 mètres de long.
Le béton et l’acier n’ont aucune chance.
La «bête» en train de dévorer littéralement un morceau d’immeuble.
Un semblant d’yeux, une mâchoire surpuissante et un long cou.
L’engin fait penser à un animal fantastique. A qui rien ne résiste.
Fabriqués au Japon et assemblés
en Grande-Bretagne, ces monstres
sont en fait des pelles hydrauliques,
de la marque Hitachi, modèle 670
spécialement modifié pour la démolition. Elles consistent en une cabine
sur chenilles sur laquelle est monté
un bras interchangeable doté d’une
pince à son extrémité. Trois modèles
de bras existent: le plus court peut se
tendre jusqu’à 15 mètres, le plus long
jusqu’à 42 mètres. «Plus le bras est
court, plus la pince dont on peut
l’équiper est lourde et large, donc
plus elle est puissante, explique
Laurent Pellegrino, chef du chantier
de démolition et directeur de l’antenne genevoise de l’entreprise de
travaux publics vaudoise Orllati SA,
propriétaire de ces machines. Par
contre, plus le bras est long, plus
il permet de traiter des parties élevées, éloignées ou difficiles d’accès.»
«Avec de tels bras et de telles pin-
ces, aucun bâtiment, aucun matériau
ne leur résiste: béton, acier, tout est
broyé. Elles peuvent même briser
les sommiers (structure en béton fortement armé qui reprend et répartit
des charges; ndlr)», ajoute fièrement
le spécialiste. Qui y voit un autre
avantage, non négligeable: «Avec ces
pelles spéciales, le travail est trois fois
plus rapide environ qu’avec des engins classiques.» Un avantage pour
les riverains aussi. Car qui dit travail
plus rapide, dit durée des nuisances
(bruit et poussière) moins longue.
Selon Orllati SA, l’un des monstres
actifs sur ce chantier aux Pâquis,
lourd de 105 tonnes, est le plus gros
existant à ce jour en Suisse romande.
Avant d’être utilisées à Genève,
les «bêtes» ont été lâchées sur le
chantier de destruction/rénovation
de l’Opéra de Lausanne. D’autres
bâtiments, ailleurs dans la région,
seront bientôt croqués à leur tour.

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