Les gentilles énigmes de Dan Brown
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Les gentilles énigmes de Dan Brown
Le Temps Mardi 28 mai 2013 Culture&Société 25 Les gentilles énigmes de Dan Brown > Roman Le dernier roman de l’auteur du «Da Vinci Code» constitue un nouveau phénomène d’édition > Livre «Les Valets de nuit», conte critique Lisbeth Koutchoumoff > Le suspense à devinettes d’«Inferno» fonctionne, avec les limites habituelles U U MATTHIEU DE MARTIGNAC/KEYSTONE Nicolas Dufour Robert Langdon est de retour. Le personnage fétiche de Dan Brown court à nouveau dans Inferno, roman où il cherche à contrer le complot ourdi contre l’humanité par un richissime généticien – au demeurant, d’origine suisse. Inferno est le quatrième volume des aventures de ce professeur de Harvard, après notamment le Da Vinci Code, il y a juste dix ans, qui avait offert son rayonnement planétaire à Dan Brown. Cette fois encore, l’événement éditorial était programmé. Pour sa sortie, jeudi passé, en français et en une dizaine d’autres langues, JeanClaude Lattès a imprimé 600 000 exemplaires, un peu plus que les 530 000 initiaux de Cinquante Nuances de Grey. Mais la mise en place, c’est-à-dire les premières livraisons, est plus massive; d’emblée, 500 000 copies pour le suspense à symboles, contre 350 000 pour la romance sadomasochiste. En Suisse romande ce lundi, le roman surplombait déjà les ventes de Payot et de la Fnac. Olivier Parault, le directeur commercial de Payot, évoque un «roman très attendu, d’autant qu’il s’agit d’une sortie mondiale. Dan Brown ne constitue pas un rendez-vous annuel comme Amélie Nothomb ou Guillaume Musso», ce qui accroît l’impatience des fans. Payot comme la Fnac ne donnent pas de chiffres de mise en place, mais la seconde parle de «plusieurs milliers» d’exemplaires. Son responsable produit livre, Daniele Pezzino, souligne une sortie «exceptionnelle». Le livre bénéficie par exemple d’emblée de deux fois plus d’exemplaires qu’une sortie de Marc Levy. Et la Fnac s’est montrée particulièrement agressive sur le prix pendant les trois premiers jours de vente, à 26.90 francs Marie-Jeanne Urech remporte le Prix Rambert Dan Brown à Paris le jour de la sortie française d’«Inferno». Un goût du mystère surmonté de grosses couches d’érudition. PARIS, 23 MAI 2013 au lieu du tarif indiqué de 39,80 – Payot offre une remise de 20%. «Nous avons fait un effort sur notre marge», concède Daniele Pezzino. Pour mieux capter les amateurs. Ceux-ci seront-ils comblés? Sans doute. D’une certaine manière, on peut trouver Inferno plus intéressant que le Da Vinci Code – les sceptiques diront que l’on partait d’assez bas. Dan Brown a pour lui ce goût du mystère surmonté de grosses couches d’érudition, et une technique désormais rodée, qui confère un peu plus de vitesse à sa nouvelle intrigue. Inferno commence par un artifice commode, permettant à l’auteur de plonger son lecteur directement dans le vif du sujet. Robert Langdon se réveille dans un hôpital de Florence, en ayant perdu le souvenir des deux derniers jours, en particulier ce qui l’a amené, depuis Boston, dans la cité toscane. Il est vite pris pour cible, à ce qu’il paraît, par une tueuse. Avec Sienna Brooks, médecin qui s’est occupée de lui, il se retrouve fugitif, à tenter de comprendre des énigmes inspirées par La Divine Comédie, disséminées par Betrand Zobrist, généticien – helvétique, donc – obsédé par la question de la surpopulation mondiale, et qui semble avoir une idée précise pour régler le pro- Robert Langdon se retrouve fugitif, à tenter de comprendre les devinettes d’un généticien suisse blème. En suivant des vers de Dante ou des allusions à son œuvre, Langdon sillonnera les rues et auscultera les grands monuments de Florence, puis Venise, puis encore un peu plus à l’est. Après Anges et Démons, le Da Vinci Code puis Le Symbole perdu, l’écrivain retrouve son registre, ce U genre de thriller à racines ésotériques plus ou moins bien jardinées. Là, plutôt que les sociétés secrètes en tous genres – il en reste tout de même une dans le paysage –, il ajoute une dimension de sciencefiction, et une ouverture à des débats du moment, notamment les idées en faveur de la modification technologique de l’humanité. Toutefois, ici, les doctrines forment le carburant de l’histoire, pas son enjeu. La formule Dan Brown repose pour l’essentiel sur ces cavalcades des protagonistes dans leurs décors historiques, ces coursespoursuites à la Indiana Jones, où les nids de vrais serpents venimeux sont remplacés par des messages codés à décrypter. Le lecteur adulte retrouve ainsi un plaisir presque enfantin; car il y a de l’énigme façon Bibliothèque verte dans ces cocasses assemblages de complications. Les personnages de l’écrivain du New Hampshire paraissent bien lisses, ce qui lui est souvent reproché. Même lorsqu’il y a duperie – et dans Inferno, c’est le cas –, le trompeur conserve une étonnante simplicité, voire une naïveté. Car l’attention du romancier est davantage concentrée sur sa construction que sur ses créatures. Il en découle une aimable tension, un peu gentille, même s’il est stipulé que l’avenir de l’humanité est en jeu. Au reste, le lecteur peut s’étonner que Dan Brown ne fasse aucune allusion aux précédents volets des tribulations de Robert Langdon. La pratique est pourtant courante dans les romans dont les aventures s’additionnent. Mais là, nulle épaisseur du temps qui passe, pas de liens entre les devinettes résolues. Robert Langdon semble être devenu cet éternel prof à la fin de la quarantaine, «aux épais cheveux bruns». Prêt, sans doute, à affronter un cinquième secret. U Inferno. Dan Brown. Trad. de Dominique Defert et Carole Delporte. Ed. Jean-Claude Lattès, 568 pages. Marie-Jeanne Urech remporte le Prix Rambert 2013 pour Les Valets de nuit (voir LT du 18 décembre 2010), un roman onirique qui puise chez Boris Vian et Franz Kafka, pour dénoncer le drame des «subprime» aux Etats-Unis et par-là les conséquences sociales des dérives financières. Le livre est paru en 2010 aux Editions de l’Aire. Il paraît en version poche la semaine prochaine. Marie-Jeanne Urech possède la verve des conteurs et cet art difficile du récit fantasmagorique. A 37 ans, elle a signé six autres romans et recueils de nouvelles. Le Syndrome de la tête qui tombe (L’Aire, 2006) a été traduit en italien et en allemand. Le prix Bibliomedia (décerné par les bibliothécaires, les lecteurs et les délégués des départements de l’instruction publique des cantons romands) lui a été décerné deux fois pour L’Amiral des eaux usées (2009) et pour Des accessoires pour le paradis (2010). Le Prix Rambert est le plus ancien prix littéraire de Suisse romande. Il a été fondé en 1898 par la section vaudoise de la Société suisse des étudiants de Zofingue en mémoire d’un de leur membre, Eugène Rambert. Le prix est doté de 5000 francs et est remis tous les trois ans. Son palmarès comprend un nombre impressionnant de plumes prestigieuses: Charles-Ferdinand Ramuz, Gustave Roud, Philippe Jaccottet, Denis de Rougemont, Charles-Albert Cingria, Maurice Chappaz, Robert Pinget, Jean Starobinski, Anne Perrier, Jean-Marc Lovay, Nicolas Bouvier, etc. Les trois derniers récipiendaires ont été Thomas Bouvier (2004), Marielle Stamm (2007) et Pascale Kramer (2009). Panorama Littérature Prix Kafka pour Amos Oz Le Prix littéraire Franz Kafka pour l’année 2013 a été attribué par un jury international à Amos Oz, écrivain israélien auteur d’Une Histoire d’amour et de ténèbres. (AFP) U U