Nouveaux apports de la ration ménagère dans la gestion

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Nouveaux apports de la ration ménagère dans la gestion
C o m m u n i c a t i o n
Nouveaux apports
de la ration ménagère
dans la gestion nutritionnelle
du chien et du chat
par Géraldine Blanchard
Docteur vétérinaire
PhD, agrégée de nutrition, Dipl. ECVCN
33 avenue Île-de-France, 92160 Antony - [email protected] - www.cuisine-a-crocs.com
RÉSUMÉ
Une ration ménagère est parfois demandée par certains propriétaires et reste parfois la seule
solution pour des animaux qui refusent de consommer tout aliment industriel, alors que leur
situation physiopathologique nécessite une ration adaptée. Plutôt que d’en avoir peur, il est
certainement préférable de répondre de manière professionnelle à ces propriétaires, pour le
bénéfice de l’animal et de son vétérinaire qui montre ainsi sa capacité à nourrir convenablement
les animaux qu’il soigne. Des exemples sont déclinés, lorsque le propriétaire souhaite nourrir son
animal avec une ration ménagère lors du traitement de l’obésité, dans le cas d’un chat en
insuffisance rénale chronique qui refuse un aliment diététque industriel pourtant adapté, et
enfin dans le cas d’un animal qui présente pour plusieurs maladies simultanément, obésité et
urolithiase, que seule une ration ménagère peut prendre en compte simultanément. La ration
ménagère peut être adaptée à chaque cas, grâce au choix des ingrédients et à la disponibilité de
compléments nutritionnels spécifiques et adaptés.
B u l l . S o c . V é t . P r a t . d e F r a n c e , o c t o b r e / n o v e m b r e / d é c e m b r e 2 0 0 9 , T. 9 3 , n o 4
19
ABSTRACT
A home made diet is demanded by some pet owners, but is also sometimes the only option to feed
animals refusing the consumptin of any ready-to-eat diet adapted to their condition. Finally, a
tailored home made diet may be the only option when no ready-to-eat diet is available to
correspond to a special condition, like with two diseases simultaneously.
The animal can highly benefit from a professinal nutritional answer, provided directly or
indirectly by the practitioner. Examples are presented to illustrate the diversity of the situations
encountered: when the owners want to make their dog loose weight but with a home made diet,
when the cat with chronic renal failure refuses to consume any dry or canned adapted diet but
accept an adapted home made diet, and eventually a cat suffering of two diseases
simultaneously, like obesity and urolithiasis, which can be treated at once with a specific home
made diet. Such adapted diets are possible thanks to the choice of ingredients and to the
availability of specific and adapted nutritional supplements.
hiens et chats mangent tous les jours.
Pourtant 80 % des propriétaires achètent
des aliments tout prêts, et cette proportion
est en constante augmentation. Toutes les
situations existent… De l’animal qui ne reçoit que
des aliments secs et/ou humides à celui qui n’en
reçoit jamais. Le choix de la forme de l’aliment
(sec, humide, ménager, mixte) revient toujours
finalement au propriétaire, et le vétérinaire ne doit
pas l’oublier. Selon la situation physiopathologique, le vétérinaire peut orienter la décision mais
il faudra convaincre l’animal et le propriétaire de
l’accepter. Le plus souvent, c’est vers un aliment
industriel, plus facile et moins risqué à distribuer,
que le vétérinaire se tourne. Mais ce qui nous
intéresse ici est de donner des éléments de
réponses dans les situations suivantes :
– que faire quand l’animal (ou son propriétaire)
refuse l’aliment industriel ?
– que faire quand aucun aliment industriel ne
correspond à la situation en présence ?
Pour répondre à ces questions nous allons aborder
trois thèmes :
– le régime alimentaire réel des chiens et chats
dans leur foyer ?
– une ration ménagère peut-elle être équilibrée ?
– cas cliniques pour lesquels les propriétaires, les
animaux ou la situation pathologique impose
une ration ménagère ou mixte.
C
Le régime alimentaire
des chiens et chats dans leur foyer
Dans une enquête que nous avons réalisée en
2002-2003 auprès des propriétaires de 615 chats
20
Figure 1 – Nombre (N) et répartition (%) des chats consommant
divers types d’aliments dans une enquête réalisée
auprès des propriétaires de 615 chats amenés pour
castration à l’ENVA
(d’après Morvan, 2003 ; Debordeaux 2003)
(moitié mâles, moitié femelles, dont 79 % âgés de
6 à 12 mois) amenés pour castration à l’École
d’Alfort, la très grande majorité de ces chats
consommait quotidiennement plusieurs types
d’aliments (cf. figure 1, Debordeaux, 2003 ;
Morvan, 2003). Ces résultats ont été confortés par
une étude plus récente (cf. tableau I) que nous
avons réalisée chez le chat (Colliard et al., 2009) et
chez le chien (Colliard et al., 2006).
Notons que dans l’enquête auprès des
propriétaires de chats (Colliard et al., 2009), seuls
7,3 % des aliments secs et 3 % des aliments
humides sont achetés chez le vétérinaire… Que la
ration soit industrielle, ménagère ou mixte, le fait
que le vétérinaire puisse conseiller plus efficacement, c’est-à-dire qualitativement mais aussi
quantitativement, plus de propriétaires le placent
en première position pour nourrir plus d’animaux
et fidéliser sa clientèle.
D’après une enquête téléphonique réalisée aux
États-Unis et en Australie (Laflamme et al., 2008 ;
Tableau I
Mode d’alimentation des chiens et chats venant en consultation
vaccinale à l’ENV d’Alfort (d’après Colliard et al., 2006 et 2009)
Aliment
complet
Aliment
mixte
Ration
ménagère
CHAT 39,8 % : aliment complet 28,3 % : petfood* +
1,3 % : ration
n = 616 seulement (1 ou plusieurs) viande ou poisson
ménagère
30,6 % : petfood* +
seule
ingrédients ménagers
régulièrement
98,7 % donnent
au moins petfood* dont
56,3 % donnent au moins
petfood* sec + humide
CHIEN 37,5 % : alinéa complet
n = 385 seulement
48,4 % : petfood* +
14,1 % : ration
ingrédients ménagers ménagère
89 % : friandises,
seule
restes de table, extras…
* petfood : aliment industriel sec ou humide.
Michel et al., 2008) auprès de 1104 propriétaires de
635 chiens et 469 chats, il ressort des proportions
assez proches pour le chien, plus industrielle pour
le chat (cf. tableau II). Il faut ajouter que sur les
54 propriétaires donnant une ration ménagère
pour plus de la moitié de la ration de leur animal,
seulement 8 ont obtenu un conseil auprès de leur
vétérinaire.
Là encore, le praticien devrait pouvoir conseiller
ces propriétaires de manière à proposer une
solution ménagère équilibrée.
que leur animal n’est pas en bonne santé, alors
que 16 % indiquent que leur animal (108/
635 chiens et 70/469 chats) souffre d’une ou
plusieurs maladies ! Parmi eux, 148 présentent une
affection justifiant ou nécessitant une alimentation
adaptée. Or seuls 28 des ces animaux reçoivent un
aliment diététique. Il semble donc qu’il y ait un
décalage entre la situation de l’animal et la
perception qu’en a son propriétaire. Le rôle du
vétérinaire n’est pas étudié dans cette étude, mais
l’explication de l’état pathologique au propriétaire
pourrait sans doute être améliorée, non seulement
pour créer une meilleure compréhension de l’état
pathologique, mais aussi améliorer le suivi médical
et nutritionnel de l’animal.
Une ration ménagère peut-elle être
équilibrée ?
Qu’est-ce qu’une ration ménagère équilibrée ?
C’est une ration basée majoritairement sur des
ingrédients natifs (des aliments non cuisinés), qui
couvre quotidiennement la totalité des besoins
nutritionnels de l’animal auquel elle est destinée.
Pour être équilibrée, une ration ménagère doit
contenir au moins 5 ingrédients (cf. figure 2) :
– une source de protéines animales : viande ou
poisson, cru ou cuit
– une source d’acides gras essentiels : huile de
colza ou soja, crue
– une source de fibres : légumes cuits
Place des aliments diététiques
et considération sur la maladie
Dans l’enquête de Freeman et al. (2008), Il ressort
que seuls 1 % des propriétaires interrogés affirment
Tableau II
Mode d’alimentation des chiens et chats
par enquête téléphonique auprès des propriétaires
dans 3 états américains et un état australien
(d’après Laflamme et al., 2008 ; Michel et al., 2008)
CHIEN
CHAT
(n = 621) (n = 449)
petfood > 75 % de l’ingéré
86,8 %
95,5 %
Aliments autres que petfood dans l’alimentation
quotidienne (représentant plus de 25 % de l’ingéré)
30,6 %
(17,4 %)
13,1 %
(6,2 %)
petfood < 50 % de l’ingéré
10 %
2,7 %
Os ou viande crue :
- partie intégrante des repas
- friandise
16,2
7,4
9,6
0,9
Figure 2 – Pourcentage des besoins nutritionnels en différents
nutriments couverts par une ration ménagère sans
apport de CMV (en gris) et avec apport de CMV (Vit’i5
Canine Ca:P = 3ND) [Exemple pour un chien adulte
sédentaire, ration apportant 325 kcal EM, avec un
ratio protido-calorique de 70 g Prot./Mcal EM, et des
apports d’énergie à hauteur de 37 % par les lipides,
29 % par les protéines et 34 % par les glucides]
21
– une source d’énergie glucidique complémentaire : riz ou pâtes ou pommes de terre, cuits
– un complément minéral et vitaminé (CMV)
apportant calcium (± phosphore selon l’âge et la
pathologie), oligo-éléments et vitamines
En l’absence de chacun de ces ingrédients (ou
d’équivalents permettant d’atteindre les mêmes
objectifs), l’équilibre de la ration n’est pas couvert,
et est susceptible d’entraîner des carences et des
déséquilibres.
La plupart des publications concernant les rations
ménagères font acte des conséquences d’un
déséquilibre alimentaire (Taylor et al. 2009 ; de
Fornel-Thibaud et al. 2007 ; Remillard et al., 2008 ;
Bensignor et al. 2008 ; McMillan et al., 2003 ; Niza
et al., 2003, pour ne citer que les plus récentes). Le
plus souvent, il s’agit d’une hyperparathyroïdie
secondaire à une carence en calcium par défaut
d’apport d’un complément minéral et vitaminé.
Lorsque le régime est équilibré, on peut noter que
la situation est satisfaisante (de Fornel-Thibaud et
al., 2007 ; Blanchard et al., 2003a & 2003b).
Si une majorité de personnes choisissent une
alimentation industrielle, par facilité et/ou sécurité,
leur choix se fait majoritairement sans l’aide du
vétérinaire. Rappelons que dans notre enquête
française (Colliard et al., 2009), seuls 7,3 % des
aliments secs et 3 % des aliments humides pour
chats sont achetés chez le vétérinaire, l’immense
majorité étant achetée au supermarché !
Les propriétaires qui veulent nourrir eux-mêmes
leur animal sont fortement impliqués et sont
souvent prêts à suivre un conseil éclairé.
Dans l’enquête américano-australienne (Michel et
al., 2008) 54 propriétaires (sur 1104) préparent une
ration ménagère dédiée, mais seuls 16 suivent une
« recette », et la moitié seulement a été renseignée
par le vétérinaire.
Renseigner précisément les propriétaires qui
souhaitent une recette ménagère revient à
répondre à une demande et à effectuer un acte de
médecine préventive. C’est donc bien le rôle du
vétérinaire, garant de la santé de l’animal. C’est
aussi la garantie de suivre régulièrement l’animal et
le propriétaire – qui se procure régulièrement
l’indispensable CMV chez son vétérinaire.
Cas cliniques pour lesquels
les propriétaires, les animaux ou
la situation pathologique imposent
une ration ménagère ou mixte
Une ration ménagère peut être proposée par le
vétérinaire, directement ou via un spécialiste, dans
les situations suivantes :
– lorsque le propriétaire souhaite expressément
nourrir son animal ainsi ;
– lorsque l’animal n’accepte pas une alimentation
industrielle pourtant adaptée à sa situation, en
particulier lorsqu’elle est pathologique ;
– lorsqu’aucun aliment industriel adapté à une
situation clinique n’est disponible, alors que
cette situation justifie clairement une adaptation
nutritionnelle.
Quand le propriétaire souhaite nourrir
son animal avec une ration ménagère
Les propriétaires qui souhaitent donner une
alimentation ménagère à leur animal devraient être
renseignés sur la manière d’équilibrer une ration
en même temps que leur attention est portée sur
les risques associés au non-suivi de ces
recommandations. D’après notre expérience, les
propriétaires qui souhaitent préparer une ration
ménagère pour leur chien ou leur chat suivent les
recommandations pour peu qu’elles soient
précises et écrites. Certains se lassent et passent à
une alimentation industrielle, d’autres poursuivent.
Quelle que soit leur motivation, il n’y a pas
vraiment de raison de leur imposer de changer si
la ration fournie est équilibrée.
Cas n° 1 - Traitement de l’obésité
Figure 3 – Chienne Labrador stérilisée âgée de 7 ans pesant
50 kg, avec une hypothyroïdie traitée et équilibrée,
boiterie majeure du postérieur, ayant déjà été opérée
d’une rupture de ligament croisé antérieur à droite, et
en attente de chirurgie pour le gauche.
22
Le cas n° 1 (cf. figure 3) est un exemple de souhait
du propriétaire de nourrir son chien avec une
ration ménagère, même s’il s’agissait de le faire
maigrir.
La prescription d’une ration adaptée, pour faire
maigrir cette chienne sans l’affamer, a permis
d’atteindre le poids optimal de 32 kg en 8 mois,
tout en couvrant ses besoins nutritionnels.
Tableau III
Ration ménagère équilibrée et adaptée pour ce chien obèse
d’un poids optimal de 32 kg, apportant 811 kcal EM/jour
Par jour, distribué en 3 repas (matin, midi ou au retour à la maison, soir)
Le besoin énergétique d‘entretien (BEE) de cette
chienne est celui d’une chienne de 32 kg (BEE =
130 x P0,75 kcal EM, P le poids en kg) diminué de
20 % en raison du facteur racial, et de 20 % en
raison de la stérilisation : BEE (32 kg) x 0,8 x 0,8 =
1018 kcal EM.
- 350 g de blanc de poulet ou dinde
Pour la faire maigrir, on diminue l’apport calorique
de 20 % par rapport à son besoin d’entretien
(1018 x 0,8 = 814 kcal EM, cf. tableau III).
Bilan nutritionnel :
RPC 123 g/Mcal EM ;
2,18 g P/Mcal EM ;
Ca/P=1,54 ;
2,18 g Na/Mcal EM ;
2,24 g K/Mcal EM.
Quelques mois plus tard, les propriétaires ont
souhaité passer à un aliment industriel. Nous
avons proposé 2 possibilités, selon l’appétit de la
chienne :
Par jour, toujours en 3 repas :
– 320 grammes (pesées) d’un aliment vétérinaire
pour contrôle du poids, pour chien adulte, ayant
une densité énergétique de 3,2 kcal EM/g et ratio
protido-calorique de 95 g protéines/Mcal EM
OU
– 290 grammes de ce même aliment
– 300 grammes de courges (cuites avec un peu
d’eau en 2 minutes au micro-ondes)
– 1 pot de 125 g de yaourt 0 % MG nature.
- 1 cuillère à café d’huile de colza crue
- 700 g de légumes cuits (2/3 har. verts en boîte, 1/3 courgettes)
- 150 g de riz cuit (50 g sec)
- 2 doses (16 g) de Vit’i5 Canine Ca:P = 3ND
Énergie par :
- lipides : 11 % ;
- protéines : 54 % ;
- glucides : 35 %.
Fibre totale 7,1 % MS soit 18,4 g/Mcal EM
** Vit'i5 Canine Ca:P = 3ND est un CMV en poudre, avec 15 % Ca, un ratio
Ca/P = 3, oligo-éléments et vitamines
RPC : ratio protido-calorique ; Mcal : mégacalories d’énergie métabolisable (EM)
Il y a des situations pour lesquelles la ration ménagère est une option à proposer : quand l’animal
refuse le ou les aliments industriels diététiques qui
lui est adapté, et quand aucun aliment industriel
n’est disponible alors que la situation physiopathologique exige une adaptation.
Quand l’animal refuse un aliment industriel
pourtant adapté
L’exemple du chat en insuffisance rénale
chronique (IRC) est certainement l’exemple
indirectement le plus documenté d’affection dans
lequel un aliment diététique industriel pourtant
adapté est refusé (Barber et al. 1999 ; Elliott et al.
2000 ; Ross et al. 2006 ; Platinga et al., 2005). En
effet, ces études récentes sont des études cliniques
dans lesquelles tous les chats pour lesquels une
affection rénale est diagnostiquée se voient
proposer un aliment diététique pour soutenir la
fonction rénale.
Un groupe est représenté par les chats qui
consomment un aliment pour IRC, et dans toutes
les études, ce groupe survit plus longtemps,
Figure 4 – Environ 8 mois après la 1re photo (cf. figure 3), la
même chienne pèse 32 kg. Elle est opérée de son
ligament croisé tout en conservant la même ration
pendant les 8 semaines de repos forcé. Elle conserve
son poids de 32 kg. La ration a alors été modifiée
pour couvrir le besoin énergétique d’entretien de cette
chienne : 1018 kcal EM, en augmentant la part de riz
(90 g sec au lieu de 30 g) et d’huile (1 cuillère à soupe
au lieu d’une cuillère à café).
23
présente moins d’épisodes urémique ; bref, le rôle
bénéfique d’un aliment diététique spécifique est
démontré.
Mais, il est intéressant d’examiner le groupe
témoin : il est constitué par les chats ayant refusé
de consommer ces aliments et qui ont reçu soit un
aliment pour chat adulte de qualité moyenne
disponible au supermarché (Elliott et al. 2000 ;
Ross et al. 2006) soit aucune recommandation
nutritionnelle particulière (Barber et al. 1999 ;
Platinga et al., 2005). Les chats des groupes
témoins représentent dans toutes ces études une
proportion assez élevée (46 à 65 % des chats selon
les études). Si un chat refuse un aliment diététique
industriel, proposer une ration ménagère adaptée,
et équivalente en composition, en particulier
lorsque les propriétaires le demandent, peut être
une alternative mieux acceptée (Cas n° 2).
Cas n° 2
Un chat mâle de 4 ans castré pèse 4,5 kg (poids
optimal) et souffre d’IRC modérée depuis 6 mois.
Son alimentation est habituellement constituée de
boîtes de supermarché, de poisson ou de
crevettes…
Des aliments diététiques pour IRC sont prescrits
(plusieurs marques ont été proposées), mais ce
chat refuse de les consommer. Le propriétaire
ajoute d’abord du poisson, puis finalement
retourne à l’alimentation habituelle.
À la demande du propriétaire, des rations
ménagères adaptées sont proposées, tenant
compte de l’affection (volume minimal, protéines
en quantité contrôlée, réduction du phosphore et
ratio Ca/P élevé, apport d’acides gras polyinsaturés
oméga 3) et tenant compte des aliments appréciés
par ce chat (cf. tableau IV).
Tableau IV
Ration ménagère équilibrée et adaptée pour ce chat en IRC
d’un poids optimal de 4,5 kg
(besoin énergétique d’entretien 225 kcal EM)
Par jour, distribué en 4 repas au moins : deux recettes possibles
• 75 g de saumon (frais ou congelé)
• 40 g de viande hachée de bœuf
15 % MG
• 1 cuillère à café d'huile de Colza crue • 40 g de queues de crevettes cuites
(décortiquées, pas en conserve)
• 10 g de Lentilles très cuites
• 2 cuillères à café (8 g) d'huile de colza
crue (+ 2 gélules huile de poisson riche
en oméga 3)
• 5 g sec de riz blanc, à cuire longtemps • 1 cuillère à café de son de blé
• 6 g Vit'i5 Little CaND (10 % Ca)
• 5 g sec de riz blanc, à cuire longtemps
• 5 g Vit'i5 Little CaND (10 % Ca)
• Bilan nutritionnel :
RPC 77 g/Mcal EM
0,99 g P/Mcal EM
Ca/P = 2,7
0,16 g Na/Mcal EM
1,4 g K/Mcal EM
• Bilan nutritionnel :
RPC 74 g/Mcal EM
0,92 g P/Mcal EM
Ca/P = 2,6
0,4 g Na/Mcal EM
1,18 g K/Mcal EM
Énergie par :
- lipides 58 % ;
- protéines 31 %;
- glucides 13 %
Énergie par :
- lipides 60 % ;
- protéines 30 % ;
- glucides 10 %
** Vit'i5 Little CaND est un CMV en poudre, avec 10 % de Ca, pas de phosphore
ajouté, oligo-éléments et vitamines
RPC : ratio protido-calorique ; Mcal : mégacalories d’énergie métabolisable (EM)
taire et trouble organique chronique (insuffisance
rénale ou cardiaque), syndrome urologique
(Blanchard et al., 2003a) ou insuffisance
pancréatique exocrine (Blanchard et al., 2003b) ou
encore traitement de l’obésité en présence d’une
autre affection, comme une insuffisance cardiaque,
ou encore un syndrome urologique (cas n° 3).
Cas n° 3
Quand une situation exige une adaptation
nutritionnelle mais qu’aucun aliment n’est
disponible
Dans certains cas, la situation physiopathologique
de l’animal exige une adaptation de la ration, mais
aucune solution industrielle simple (un seul
aliment) n’est possible ou acceptée. Une ration
ménagère ou mixte établie par un nutritionniste
peut être proposée, qui tienne compte de
l’ensemble du tableau clinique et des préférences
de l’animal. Les exemples les plus classiques sont
les doubles affections : suspicion d’allergie alimen-
24
Un chat mâle de 5 ans castré pèse 6,6 kg (poids
optimal 5 kg) et souffre d’un syndrome urologique
depuis 2 ans, et d’obésité survenue depuis. Avant
l’apparition de ses troubles urinaires, ce chat était
en surpoids de 10 % (5,5 kg) et recevait une alimentation mixte (sec + humide) de supermarché.
Depuis deux ans, il reçoit une alimentation
diététique mixte (sec + humide) et son poids a
augmenté, passant de 5,5 à 6,5 kg. Les
propriétaires en ont pris conscience et sur les
conseils du vétérinaire, ont limité la part sèche et
favorisé la part humide de la ration, mais en
ajoutant du poisson, de la viande, des légumes…
Il n’est plus possible de savoir précisément ce
qu’ingère ce chat dans une journée.
À la dernière visite de contrôle, le chat pèse 6,6 kg,
et le culot urinaire montre des cristaux de struvite
en grande quantité. Une ration permettant de faire
maigrir le chat tout en maîtrisant les cristaux est
demandée (cf. tableau V). Une transition très
progressive est prescrite.
Le contrôle du pH urinaire est nécessaire pour
procéder à un ajustement si le pH dépasse 6,5 :
pour diminuer le pH urinaire, on prescrit un
apport d’acide phosphorique dilué (1 goutte
d’acide phosphorique 10 % par kg par jour, à
diluer à nouveau dans l’eau avant de le mélanger
à la ration quotidienne, le tout étant distribué en
plusieurs repas).
Après 6 semaines de cette alimentation, le poids de
ce chat est descendu à 5,8 kg, ce qui représente
une perte de poids de 2 % par semaine. Le culot
urinaire est net. Le régime est poursuivi jusqu’à
5 kg.
Ce poids est atteint 7 semaines plus tard, et la
ration est modifiée pour stabiliser le poids
(cf. tableau VI). Une alternative mixte simple
(industrielle humide + courgettes) est proposée à
la demande des propriétaires pour les périodes de
déplacements.
L’alternative suivante est proposée, apportant
250 kcal d’EM :
– 250 grammes d’aliment humide diététique
(0,9 kcal EM/g) destiné à la gestion de troubles
urinaires
– 100 grammes de courgettes cuites, le tout
distribué en 4 repas par jour.
Le poids de ce chat s’est stabilisé, son syndrome
urinaire est actuellement maîtrisé.
Conclusion
Lorsqu’on formule une ration ménagère, de
nombreuses options sont possibles, concernant les
ingrédients, en réponse à la fois à la situation
physiopathologique mais également aux habitudes
de l’animal. Les ingrédients potentiellement
disponibles sont innombrables et il est possible de
s’adapter à l’immense majorité des situations de
manière individualisée.
Attention toutefois, prescrire une ration ménagère
(ou mixte) nécessite absolument :
– la prise en compte des nombreux paramètres
inhérents à l’animal (race, sexe, âge, activité,
affection…)
Tableau V
Ration ménagère équilibrée et adaptée pour ce chat obèse
avec syndrome urologique, d’un poids optimal de 5 kg
(apport énergétique 200 kcal EM/jour)
Par jour, distribué en 4 repas au moins :
• 100 g de viande maigre 5 % (blanc de poulet ou dinde, steak haché bœuf
5 % MG, cœur de bœuf sans gras)
• 1/2 cuillère à café (2 g) d’huile de colza crue
• Jusqu’à 100 g de courgettes cuites
• 10 g sec de riz blanc, à cuire longtemps
• 2 g (1/2 dose) Vit'i5 Little CaND
• 1 pincée de sel (cuisson du riz)
Bilan nutritionnel :
- RPC 109 g prot./Mcal EM ;
- 1,21 P g/Mcal EM ;
- Ca/P = 1,0 ;
- 1,16 g Na/Mcal EM ;
- 2,23 g K/Mcal EM.
Énergie par :
- lipides 33 %,
- protéines 44 %,
- glucides 23 %,
Fibre totale 2,5 % MS soit 5,6 g/Mcal EM
** Vit'i5 Little CaND est un CMV en poudre, avec 10 % de Ca, pas de
phosphore ajouté, oligo-éléments et vitamines
RPC : ratio protido-calorique ; Mcal : mégacalories d’énergie métabolisable
(EM)
Tableau VI
Ration ménagère équilibrée et adaptée pour ce chat de retour à
son poids optimal de 5 kg avec syndrome urologique (couverture
de son besoin énergétique d’entretien 250 kcal EM/jour)
Par jour, distribué en 4 repas au moins :
• 110 g de viande maigre 5 % (blanc de poulet ou dinde, steak haché de
bœuf 5 % MG, cœur de bœuf sans gras)
• 1 cuillère à café (4 g) d’huile de colza crue
• Jusqu’à 150 g de courgettes cuites
• 15 g sec de riz blanc, à cuire longtemps
• 3 g (3/4 dose) Vit'i5 Little CaND
• 1 pincée de sel (cuisson du riz)
Bilan nutritionnel :
- RPC 96 g prot./Mcal EM ;
- 1,11 P g/Mcal EM ;
- Ca/P = 1,2 ;
- 1,27 g Na/Mcal EM ;
- 1,98 g K/Mcal EM.
Énergie par :
- lipides 35 %,
- protéines 39 %,
- glucides 26 %,
Fibre totale 3,0 % MS soit 6,6 g/Mcal EM
** Vit'i5 Little CaND est un CMV en poudre, avec 10 % de Ca, pas de
phosphore ajouté, oligo-éléments et vitamines
RPC : ratio protido-calorique ; Mcal : mégacalories d’énergie métabolisable
(EM)
25
– une bonne connaissance à la fois des besoins
nutritionnels de l’animal mais également de la
composition des matières premières et des
aliments de manière générale,
– un calcul précis et individualisé, et une
prescription écrite, incluant des indications sur
la préparation des rations et leur distribution.
Une ration ménagère ne dédouane pas des
mesures hygiéniques éventuellement nécessaires.
La prescription d’une ration ménagère ou mixte
doit se faire avec l’accord, voire suivant la volonté,
du propriétaire et en s’assurant de sa compréhension face à ce que représente la réalisation
chaque jour d’une ration équilibrée : pesée des
ingrédients, respect de la prescription…
Ceci étant clairement établi entre le praticien et le
propriétaire de l’animal, une ration ménagère est
une alimentation possible, pas forcément très
onéreuse (le coût est comparable à un aliment sec
vétérinaire de bonne qualité), de très bonne
qualité et d’excellente digestibilité, permettant de
nourrir, au plus près de ses besoins, chaque
animal, même dans des situations complexes…
Elle doit être considérée comme une des options
thérapeutiques possibles, sans dogmatisme, mais
toujours avec compétence.
쮿
Références bibliographiques
– Barber P.J., Rawlings J.M., Markwell P.L. & Elliott J. - Effect
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