distribution quelles cartes pour un jeu à 25
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Perspec136.qxp 62 29/03/06 12:04 Page 54 Perspectives DISTRIBUTION QUELLES CARTES POUR UN JEU À 25 ? La distribution du médicament pourrait dans un proche avenir constituer un enjeu de nature européenne. Les leaders de la répartition ont anticipé le mouvement en consolidant leur position sur toutes les cases de cet échiquier. —————— e secteur de la distribution est entré depuis quelques années dans une zone de turbulence. La volonté des divers gouvernements de l'Union Européenne de diminuer le coût de la distribution des spécialités remboursables semble désormais une tendance bien établie. Ainsi en Allemagne, les taux de marges des grossistes ont chuté de 5,3 % entre 2003 et 2004. La baisse est de 1 % en Espagne entre 2004 et 2005. Les officines n'échappent pas au mouvement : entre 2000 et 2004, la baisse des taux de marges est de un point en France, de 3 points en Allemagne, de 3,3 points en Espagne. Dans un contexte général de libéralisation progressive du circuit officinal, les grossistes répartiteurs poursuivent de leur côté des politiques actives de rationalisation de leurs organisations logistiques et cherchent de nouveaux relais de croissance, en élargissant la gamme de prestations qu'ils proposent aux laboratoires (nouveaux services à valeur ajoutée). « S'il est encore aujourd'hui abusif de parler d'un « secteur européen » de la distribution pharmaceutique, note une récente étude d'Eurostaf sur « les modèles d'organisation de la distribution pharmaceutique en Eu- L P H A R M A C E U T I Q U E S _ AV R I L 2 0 0 6 rope à l'horizon 2010 » (nov. 2005), il apparaît néanmoins que l'ensemble des acteurs qui composent la chaîne de distribution en Europe sont actuellement confrontés à certaines évolutions qui viennent déstabiliser les organisations nationales traditionnelles et préfigurent une reconfiguration à moyen-long terme des systèmes de distribution du médicament ». des fusions et des acquisitions au cours de ces dix dernières années marquent la consolidation de ce secteur à l'origine fortement atomisé, caractérisé par la présence d'un nombre élevé de sociétés pour la plupart d'entre elles d'envergure nationale ou régionale », commente à cet égard Eurostaf. Une consolidation qui est pour ainsi dire achevée tant en France qu'au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, où les leaders de la disTrois groupes leaders de la répartitribution captent de 60 à 90 % du tion en Europe, à savoir d'un côté les marché, tandis que l'Europe du Sud allemands Celesio (20,5 milliards dispose encore d'un secteur atomisé. d’euros de CA en 2005) et Phoenix Seule l'Allemagne se situe dans une Pharma-Handel (16,4 milliards d’eusituation intermédiaire, avec un marros), et de l'autre, le britannique Alché plus convoité, où le leader, Phoeliance Unichem (13,26 milliards d’eunix PharmaHandel détient 28 % de ros, avant fusion avec part de marché, deBoots), qui pèsent à eux vant Celesio (18 %), trois 60 % du marché en Anzag (17 %) et SanaL’Allemagne Europe, ont activement corp (12 %). Dans ce dans une participé à la consolidacon-texte d'une consituation tion du secteur. Ils ont currence accrue et reintermédiaire également contribué, par lancée par la restrucdes stratégies actives de turation opérée dans croissance externe et les rangs mêmes de la d'intégration en amont (vers le prebranche pharmaceutique, les opérawholesaling), comme en aval (par le teurs de la distribution ont progressirachat de pharmacies), à accélérer la vement rationalisé leur outil. La ferconvergence entre les métiers de démeture et le regroupement de sites positaire, de répartiteur et de pharont accompagné la mise en place de macien d'officine. « La multiplication nouveaux modes et outils de gestion Perspec136.qxp 29/03/06 12:04 Page 55 63 des stocks, des commandes et des livraisons. L'objectif poursuivi a été de réaliser des gains de productivité au plan des process logistiques, d'accroître le CA et la marge par officine cliente. Et au-delà de capter les marges des dépositaires en entrant dans leur pré carré (rachats par Celesio de Healthcare Logistics au RoyaumeUni, de Seur Pharma en Espagne, de Sanalog en Allemagne; reprise d'Alloga par Alliance Unichem), ainsi que celles de la distribution officinale, en se portant acquéreur d'officines dans les pays où ne prévaut pas le principe de l'indivisibilité de la propriété et de la gérance (RoyaumeUni, Belgique, Norvège, Pays-Bas, Irlande, République tchèque et Italie). Pour enfoncer un peu plus le clou dans leur mouvement de déploiement vers l'aval de la distribution (officines), les leaders européens de la branche se sont aussi engagés dans l'animation de groupements de pharmaciens : Alphega par Alliance Santé (Alliance Unichem), Pharmactiv par OCP (Celesio), Programme Commitment en Allemagne (Celesio). Le tout en se délestant au besoin d'activités considérées comme non stratégiques (vente d'Orkyn par OCP, cession à Cegedim de l'activité bases de données par Alliance Santé). Croissance soutenue. Au total, les leaders de la répartition pharmaceutique en Europe, qui réalisent en 2004 quelque 50,34 milliards d’euros de CA consolidé sur 11 sociétés, ont connu depuis 2000 une croissance relativement soutenue, de 7,2 % par an. Un dynamisme qu'Eurostaf attribue à l'expansion de certains groupes dans leur pays, via l'ouverture continue de plates-formes (Cofares en Espagne), à la croissance de leur activité « export » (Cerp Bretagne Nord), à une politique de diversification vers les activités de services (OCP, Cerp Rouen, Cerp Lorraine) et l'activité « retail » (Galenica) ou encore à des opérations de croissance externe (Cerp Lorraine en Belgique). Ainsi, « les groupes les plus modestes ont été les plus dynamiques », souligne l'étude. Reste cependant que, hormis deux sociétés diversifiées comme Galenica (Suisse, 1,9 milliards d'euros en 2004) et OPG (Pays-Bas, 2 milliards d'euros), le niveau de marge nette du secteur demeure médiocre puisqu'il s'établit à 1,4 % en 2004, en progression inférieure à 0,1 point depuis 2000 ! Ce qui n'empêche pas les entreprises de la répartition d'atteindre des niveaux de rentabilité financière acceptable, à un peu plus de 13 %, avec en haut du panier Celesio, Galenica et OPG et dans son milieu Anzag, les Cerp ou encore Al- AV R I L 2 0 0 6 _ P H A R M A C E U T I Q U E S Perspec136.qxp 29/03/06 12:04 Page 56 PHARMACEUTIQUES _ MOIS 200? Perspec136.qxp 29/03/06 12:04 Page 57 DISTRIBUTION p e r s p e c t i v e s 65 SCÉNARII POUR L'AVENIR A horizon 2012, Eurostaf prévoit une la réduction du nombre des unités de production et des sites de stockage intermédiaires des laboratoires de la branche, ainsi que une externalisation des fonctions et métiers non stratégiques, au premier rang desquels la logistique de distribution. La distribution serait ainsi placée sous la double emprise de la croissance des activités de prewholesaling et de la concurrence frontale entre dépositaires spécialisés (opérateurs historiques du prewholesaling) et répartiteurs full liners opérant une intégration logistique amont (Celesio, AllianceUnichem, Phoenix, Cerp, OPG, Galenica…). Le tout accompagné d'un accroissement du degré d'attractivité du pre-wholesaling, avec arrivée de nouveaux entrants dépositaires logisticiens généralistes. Les pouvoirs publics maintiendront leur volonté de réguler le coût total de la distribution, dans un contexte d'augmentation des prix des spécialités récentes et innovantes. L'encadrement des marges par différentes voies conduira à la poursuite des programmes de rationalisation des organisations logistiques et à la diversification des opérateurs vers des activités génératrices de plus fortes marges. La libéralisation progressive du circuit officinal par les pouvoirs publics et l'abaissement des barrières à l'entrée du circuit offrira de nouvelles opportunités pour les répartiteurs full liners d'étendre progressivement en Europe leur réseau de distribution de détail. La consolidation de l'assise européenne des groupes leaders entraînera une concentration croissante du secteur de la répartition autour des trois principaux opérateurs, avec intensité concurrentielle frontale et croissante entre ces groupes. liance Unichem, qui dispose du plus naturellement des leaders précités de la répartition à acquérir une dimension européenne, suivis par d'autres opérateurs (tels les coopératives CERP qui s'installent en Belgique ou en Espagne). Le CA à l'international À la recherche de relais de croissdu groupe allemand Phoenix s'établit sance. Déstabilisés sur leur cœur de ainsi à près de 70 % en 2004, celui de métier, les grossistes répartiteurs Celesio approche les 80 %, Alliance sont ainsi depuis une décennie à la Unichem réalisant par ailleurs 66 % recherche de relais de croissance en de son CA international en Europe amont comme en aval du Sud et 34 % en de leur spécialisation. « Europe du Nord. Confrontés à un encaConscients que les mardrement de plus en plus chés se prennent aussi Un processus strict de leur rémunéraen se plaçant au plus continu de tion et une érosion de près des fabricants, les rationalisation leurs marges sur le méfull liners ont engagé ces tier de répartition, les dernières années des répartiteurs full liners opérations d'intégration se sont engagés depuis amont, en fabricant des une quinzaine d'années dans un gammes de produits, OTC (Galenica processus continu de rationalisation avec Potter'sLTD ou Phoenix avec de leur organisation logistique », anaMagnafarma), génériques (Alliance lyse Eurostaf. En France, ces derniers Unichem et sa gamme Almus) ou enprocèdent au plus grand nombre de core en marque propre (OGP avec réductions de leurs plateformes (40 Medeco Group). Mais dans cette stradont 15 pour la seule OCP depuis tégie « amont », l'activité de déposi1994). L'automatisation de la prépataires a constitué une des voies priviration des commandes accompagne légiées par les grands de la répartition. la mise en place d'une gestion cenCette intégration logistique a été tralisée des stocks et la baisse du faite par la mise en place de parterythme de livraison aux officines (ranariats avec des groupements de menée à deux en France). Le passage pharmaciens, mais aussi par la créaà une Europe élargie à 25 entraînera tion de structures dédiées (Alloga gros « trésor de guerre »1 de l'ensemble des acteurs de la distribution, estimé à près de 500 millions d'euros en 2004. avec Alliance Unichem, AVS Health avec Celesio, Phoenix ou encore les Cerp). Cette diversification, note l'étude précitée, permet de capter les marges des dépositaires et donc de compenser en partie l'érosion de la profitabilité de l'activité de répartition. Elle permet aussi de « récupérer » les flux de ventes directes qui échappent aux grossistes et de proposer sur cette base de nouvelles prestations aux laboratoires pharmaceutiques ». Pas d’envergure européenne. Car si aucun dépositaire ne dispose au plan logistique d'une envergure européenne, les grands de la répartition sont à ce jour les seuls opérateurs à disposer de bases logistiques dans la quasi totalité des pays européens. Ce qui leur confère un avantage concurrentiel certain. Quant au redéploiement des grossistes répartiteurs vers l'univers des officines, activité qui représente pour Celesio ou Alliance Unichem près de 15 % de leur activité totale et plus de 40 % de leur marge brute, il constitue un levier puissant de leur consolidation en Europe. Outre que cette intégration aval permet d'abaisser les coûts d'approvisionnement des points de vente des répartiteurs, elle positionne également ces derniers sur les mutations de l'exercice officinal dans les différents pays européens : telles celle engagée au Royaume-Uni avec Lloydspharmacy (enseigne de Celesio), leader dans la planification et la réalisation des healthcenters (concept rassemblant sur un même lieu des cabinets médicaux et une pharmacie d'officine), les nouvelles chaînes de pharmacie en Italie ou Belgique, la dérégulation des officines en Norvège. « Le double mouvement d'intégration logistique amont et aval traduit la volonté de ces répartiteurs de contrôler l'ensemble de la chaîne de distribution », conclut Eurostaf. Il aura aussi pour conséquence de renforcer leur pouvoir de négociation avec les laboratoires pharmaceutiques. A terme, un clone du modèle de la grande distribution pourrait s'imposer dans la branche. ■ Jean-Jacques Cristofari (1) (1) Trésor de guerre = liquidités + fonds propres – endettement (soit les disponibilités + le potentiel d’endettement jusqu'à 100 % des fonds propres). AV R I L 2 0 0 6 _ P H A R M A C E U T I Q U E S