Intervention Fanny COHEN-HERLEM _13.09.2006

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Intervention Fanny COHEN-HERLEM _13.09.2006
Intervention du Docteur F. Cohen Herlem
1er Petit Déjeuner de l’AFA – 13 Septembre 2006
Thème : « Besoins et attentes des enfants/ Désirs et attentes des adoptants
Qu’est ce qui va faciliter ou rendre plus difficile le nouage des liens ? »
Un enfant n’a pas vraiment d’attente, je me demande même s’il n’a pas envie que
perdure l’environnement dans lequel il vit. Peut être va-t-il attendre quelque chose des
personnes qui s’occupent de lui (puéricultrices, etc). Pour attendre quelque chose de
quelqu’un, il faut qu’il y ait déjà un début de relation. Je pense que l’attente commence à
naître quand l’enfant connaît un petit peu ses parents adoptifs. Au début, attente et
besoins à satisfaire se confondent. Difficulté pour les parents adoptifs comme pour tout
parent d’être ou trop comblants, le plus souvent par sentiments de culpabilité et de ne
pas permettre que la moindre frustration ne s’installe, ou trop frustrants par non
perception des besoins de l’enfant.
Les besoins d’un enfant ayant vécu en institution peuvent être déclinés sur les registres
que nous connaissons. Le plus difficile pour les parents, c’est de trouver une réponse
adéquate et cette adéquation dépendra de la capacité du parent à s’identifier aux besoins
d’un enfant qui a été coupé de son environnement primaire. Pour aider ces parents-là, il
faut les aider à retrouver en eux des moments de tristesse ou de séparation qu’ils ont eu
à vivre dans leur enfance.
Les enfants savent rarement ce qui les attend, ou des choses forcément parcellaires.
Qu’est ce qu’un père, qu’une mère s’ils ont « toujours » vécu en institution ?
Leurs besoins sont ceux de tous les enfants : sécurité donnée par les adultes, fiabilité de
ces derniers, stabilité, amour. Sécurité, fiabilité consolident le sentiment de continuité
psychique et les assises narcissiques.
Les adoptants, même informés et éventuellement « préparés », sont la plupart du temps
surpris par ce qui arrive, l’enfant tel qu’il est, ses réactions, …. C’est là que se manifeste
la différence entre l’enfant réel qu’ils ont face à eux et celui qu’ils auront rêvé.
Exemple clinique : des parents reçus à l’Arbre Vert pour leur petite fille de dix huit
mois originaire du X, ayant vécu dans une institution. Pour survivre, cette enfant a du
développer une hyper activité ou quelque chose qui aurait pu ressembler à des défenses
maniaques. Arrivée dans sa famille adoptive, la petite fille ne connaît pas un mot de
français. Elle refuse de se coucher et de dormir, hurle des nuits entières quand les parent
épuisés essaient de prendre du repos. Dans la journée, elle met le souk dans
l’appartement petit et bien rangé. La mère se repose complètement sur le père. Quand
ce père vient en rendez-vous, il me fait part de ses pulsions de violence à l’égard de
cette enfant qu’il a peur de blesser physiquement tellement elle le met hors de lui…
Il se demande s’il ne va pas la rendre à l’ASE, l’adoption plénière n’étant pas encore
prononcée.
Reçu pendant près d’un an avec sa fille, la relation se « normalise ». les parents
peuvent dire qu’ils attendaient une petite fille sur mesure et n’avaient jamais
imaginé qu’ils auraient à faire à ce petit tourbillon, qui est venue bouleverser leur petite
vie de couple, mais plus ils connaissent cette enfant, plus ils l’aiment.
La petite fille est une enfant d’une grande précocité intellectuelle, elle a appris le français
rapidement, elle sait se servir du langage et a mis de côté son hyperactivité, Elle est
capable de jouer avec le consultant pendant toute une partie de la consultation sous le
regard attendri de son père….
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Signes les plus évidents des difficultés de l’enfant et qui retentissent sur la relation
parents/enfant:
Les troubles du sommeil, les difficultés alimentaires, les difficultés de relation, les
difficultés d’adaptation réciproque.
Les adoptants sont en attente d’un enfant qui va les aimer, très vite si ce n’est dans
l’immédiat, ou en attente d’amour, ils pensent que l’amour va suffire à créer des liens
solides et durables….Sont souvent anxieux devant la moindre difficulté, s’ils ne remettent
pas d’emblée en cause leur capacité à être parents, ils peuvent également remettre en
cause la capacité de cet enfant là à s’adapter à eux.
Ce qui facilite cette adaptation réciproque et le nouage progressif des liens
parents enfants :
Se souvenir que les liens, ça évolue, que rien n’est acquis une fois pour toutes (tout est
souvent remis en question à chaque étape du développement de l’enfant), que c’est
progressif et parfois régressif selon les aléas de la vie. Et que, dans les histoires
d’adoption avec le traumatisme du à l’abandon premier suivi parfois d’autres, toutes les
séparations seront ou pourront être sujettes à réminiscence de ce traumatisme premier,
y compris, l’endormissement autant que la mise à la crèche ou à l’école, les vacances…
ou la venue d’un autre enfant. Le simple fait d’être dans une autre pièce que l’enfant !
Pour se développer harmonieusement, un enfant a donc besoin d’un environnement
affectif et matériel stable fiable, sécure.
Dans cet environnement, il va découvrir peu à peu celui ou celle qui prend soin de lui et
qui s’adapte à ses besoins. Il s’agit d’un accordage réciproque, qui peut prendre du
temps :
- Temps pour que la mère, le plus souvent, comprenne les besoins de l’enfant,
même quand il ne parle pas,
- Temps pour que l’enfant puisse réaliser que le besoin, même s’il n’est pas assouvi
dans la seconde qui suit, le sera juste après….
Les enfants ont souvent été carencés que ce soit sur le plan affectif ou de la stimulation.
Ils peuvent donc présenter des retards de développement, affectif, intellectuel,
psychomoteur.
Si les parents ne le savent pas, ils vont demander à l’enfant des performances d’un
enfant de son âge qu’il peut être incapable de fournir et ils seront déçus, anxieux,
agacés. Par exemple, un enfant de 4 ans qui demande à être porté, un autre qui a encore
besoin qu’on lui donne à manger, un autre qui ne sait pas s’habiller à 5 ans, …
Les enfants ne donnent pas forcément leur confiance dans l’immédiat. Ils ont besoin
également de temps. Ils ont parfois besoin d’observer, d’évaluer… Certains se jettent
dans les bras de leurs parents, mais on ne sait pas vraiment ce que cela signifie pour
eux, et la relation de toutes les façons sera à construire au delà de ce premier contact,
qui donne à espérer mais qui ne promet rien.
Certains enfants n’ont pas l’habitude d’être embrassés, câlinés, chahutés. Ils n’ont jamais
vu d’homme, ils se méfient des femmes, soit du fait des nounous qu’ils avaient, soit par
« souvenir » de l’abandon par leur mère…..
Ce qui peut aider les futurs parents et les parents
- C’est d’être au clair avec leur projet, leur désir d’être parent de cette façon là
particulière
- A garder une capacité de tolérance et d’écoute
- De savoir faire appel s’ils n’y arrivent pas
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De n’être pas figés dans des positions de principe
Ce qui peut les aider, c’est de savoir ce qu’est un bébé, un enfant, quels sont leurs
besoins de base.
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C’est d’être préparé à l’accueil d’un enfant, de culture étrangère, ayant une
histoire qui lui appartient et qu’ils connaissent un peu, mais qui leur échappe. Que
cet enfant qui est le leur aura toujours en lui quelque chose qui leur échappera.
Cet enfant a baigné dans une culture différente de la leur : que vont-ils en faire ?
Quels moyens se donnent-ils pour la connaître, comprendre dans quoi leur enfant
a baigné dans les premiers moments de sa vie, quelle langue l’a bercé ?
C’est aussi, d’apprendre un minimum de mots de cette langue, pour pouvoir lui
parler et le comprendre dans leurs premiers moments de vie commune. Il ne
s’agit pas, pour les parents de faire « comme si » l’enfant était toujours dans son
pays de naissance, mais de se donner les moyens de l’aider dans ce délicat
passage.
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Cet enfant a des parents de naissance : quelle place souhaitent-ils leur donner,
leur laisser…
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C’est de connaître l’histoire de leur enfant.
Que savent-ils, qu’auraient-ils envie de dire, est-ce important d’en savoir
beaucoup et pourquoi ? Quand vont-ils lui en parler ?
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C’est d’être préparé à être surpris si l’on peut dire, à se remettre en question
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Savoir que l’abandon laisse une cicatrice, indélébile mais plus ou moins jolie, plus
ou moins sensible.
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Se préparer, c’est avoir réfléchi à tout cela, même si c’est pour tout « oublier »
ensuite. Cela reviendra au moment voulu.
Toute cette réflexion permet de se faire une idée de l’enfant qui arrive, des précautions à
prendre avec lui, sans empêcher la spontanéïté.
Savoir cela c’est pouvoir comprendre l’enfant qui n’arrive pas à dormir, le pot de colle qui
ne vous lâche pas, l’enfant qui a du mal à apprendre, à aller en crèche, qui est agressif
avec les autres…
C’est pouvoir comprendre que les symptômes de souffrance de l’enfant sont peut être
due à son histoire particulière mais que les parents sont également impliqués (pas
fautifs), dans tout ce qui est relationnel.
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