Téléchargez l`analyse - Orchestre Philharmonique de Strasbourg

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Orchestre dans la ville
Samedi 12 décembre 2015 20h
Strasbourg, Église Saint-Paul
Michael Collins clarinette et direction
Gioacchino Rossini (1792-1868)
La Cenerentola, ouverture
Introduction, thème et variations pour clarinette et orchestre en ut mineur
1–2–3–4–5
Carl Maria von Weber (1786-1826)
Concertino pour clarinette op.26
Adagio ma non troppo
Tema con Variazioni
Allegro
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Sérénade en ré majeur n° 9 en ré majeur « Posthorn » K. 320
Adagio maestoso. Allegro con spirito (1)
Menuetto. Allegretto (2)
Concertante. Andante grazioso (3)
Rondo. Allegro ma non troppo (4)
Andantino (5)
Menuetto. Trio I & II (6)
Finale. Presto (7)
8’
9’
9’
40’
Humour et gravité s’opposent-ils ou bien se complètent-ils ? Chez Rossini,
assurément, les pires défauts humains suggèrent l’éclat de rire et, chez Weber, la
délicate méditation provoque des digressions inattendues. Quant à Mozart, le voici
confondant solennité et divertissement. Incorrigibles musiciens !
Gioacchino Rossini (1792-1868)
La Cenerentola, ouverture
Rossini est « un enfant du spectacle ». Emmené au gré des nombreuses tournées
de ses parents, tous deux musiciens renommés, il profite d'une exceptionnelle
atmosphère musicale. Très tôt, il joue de plusieurs instruments et compose dès l'âge
de douze ans. Il devient successivement (et parfois simultanément) chanteur,
répétiteur dans divers théâtres, claveciniste, violoniste, altiste, violoncelliste,
corniste… Rossini s’intéresse à tous les répertoires avec une insatiable soif
d'expérimentation. Tous les instruments sont prétextes à des associations de
couleurs et de timbres nouveaux.
Sa carrière de compositeur débute réellement en 1810. Sur scène, les triomphes
succèdent aux triomphes : L'Échelle de soie (1812), Il Signor Bruschino, puis
Tancrède (1813), L’Italienne à Alger et le Turc en Italie (1814). À Naples, il dirige un
théâtre, une troupe et un orchestre que l'on met à sa disposition en échange de la
composition annuelle d'un opéra. De nouveaux chefs-d’œuvre voient le jour : Otello
en 1816 et la création du Barbier de Séville à Rome (il est donné sous le titre
d'Almaviva ou la Précaution inutile d’après le livret de Beaumarchais), puis Cendrillon
(La Cenerentola) et la Pie voleuse (1817).
Par la suite, il s’installe à Vienne, devenant l’un des compositeurs phares de l'opéra
romantique et enfin, à Paris, où il prend la direction du Théâtre italien.
La Cenerentola est un « dramma giocoso » en deux actes dont le livret de Jacopo
Ferretti s’inspire du conte Cendrillon de Charles Perrault. Quelques modifications ont
été apportées comme celle, charmante, de remplacer la pantoufle par un bracelet : il
était indigne qu’une cantatrice – dans le cas du rôle-titre, une contralto coloratura exhibe ses pieds sur scène !
Dès les premiers accords d’orchestre, à la première phrase du basson, on reconnaît
l’écriture de Rossini. Les rythmes trépidants, les contrastes incessants suggèrent,
avant même le lever de rideau, l’humour et les situations cocasses (le « piquant » du
hautbois et de la flûte) auxquelles les spectateurs vont assister.
Introduction, thème et variations pour clarinette et orchestre en ut mineur
1–2–3–4–5
Cette œuvre date de 1809. Rossini composa la partition – un thème suivi de cinq
variations – au cours de ses années d’études. Un « exercice » d’étudiant, somme
toute, magnifiquement inspiré. Mais aussi un exercice de grande virtuosité répondant
à une attente du public qui avait été subjugué par les possibilités de l’instrument
grâce aux chefs-d’œuvre de Mozart. La clarinette se prête idéalement à une grande
variété de jeux, d’attaques, de phrasés, imitant ainsi les voix de divers personnages.
L’introduction assez lente (Andante sostenuto) porte rapidement une clarinette
véloce. L’orchestre s’en tient à un rôle d’accompagnateur, même dans ses répliques
vives et enjouées. Cinq variations suivent le thème. La première (Piu mosso) regorge
de staccatos énergiques et d’un dialogue serré de l’orchestre, dans l’écriture
caractéristique de Rossini. La virtuosité ne cesse de croître dans la seconde
variation, la troisième portant le soliste à bout de souffle. La quatrième variation,
spécifiée en mode mineur, apporte une parenthèse nécessaire, exploitant le
caractère cantabile de l’instrument. La dernière, en mode majeur, s’inspire peut-être
du style mozartien. Un hommage « heureux » qui clôt avec exubérance cette
partition juvénile et si pleine d’esprit.
Carl Maria von Weber (1786-1826)
Concertino pour clarinette op.26
Adagio ma non troppo
Tema con Variazioni
Allegro
Trop souvent, hélas, l’œuvre de Weber est résumée à son chef-d’œuvre lyrique, Der
Freischütz. Certes, le théâtre fut son univers de prédilection. On oublie toutefois qu’il
fut un pianiste virtuose, un compositeur d’ouvrages symphoniques et concertants
remarquables, qui montrèrent le chemin à Mendelssohn, Schumann, Chopin et Liszt.
Il devint également un artiste aux multiples activités, adaptant ses sources de
revenus en fonction des opportunités. Il fut tour à tour pianiste concertiste,
compositeur vivant de ses éditions, directeur d’opéras (à Prague et à Dresde), mais
aussi serviteur d’un prince !
La vie du clarinettiste Heinrich Joseph Bärmann (1784-1847), dont le jeu inspira
Weber pour plusieurs de ses partitions, fut bien différente mais tout aussi
mouvementée. Il endossa l’uniforme de soldat et accessoirement celui de musicien
de l’armée prussienne. Prisonnier des troupes napoléoniennes à la bataille d’Iéna
(14 octobre 1806), il s’enfuit et fut engagé en tant que soliste à l’Orchestre royal de
Munich. À Mannheim, il rencontra Weber avec lequel il se lia d’amitié. Le
compositeur fut subjugué par la qualité de son jeu, la richesse des sonorités de son
instrument spécialement conçu à son intention (il était muni de dix clés) par le
fabricant Griesling & Schott. Dénommé le “Rubini de la clarinette”, en référence au
virtuose du cornet, Nicolo Rubini (1584-1625), Bärmann reçut de Weber une
première partition en 1811 : le Concertino pour clarinette op.26. Le soliste et le
compositeur organisèrent une tournée de récitals en Europe afin de promouvoir
l’instrument et le Concertino. Ce fut un grand succès et lorsque le clarinettiste se
produisit avec l’Orchestre de la Cour de Munich, le roi Maximilien de Bavière
commanda aussitôt deux autres concertos à Weber.
Il fallait l’oser : ouvrir un concerto dans une tonalité en mineur ! L’Adagio ma non
troppo introductif du Concertino laisse la place au chant de la clarinette. L’instrument
soliste s’impose. Il calme progressivement ses ardeurs, laissant filer le chant et
l’annonce par les cors d’un nouveau développement.
Celui-ci prend forme dans le second mouvement, Tema con Variazioni, un Andante
dans la tonalité de mi bémol majeur. Le thème d’une belle tranquillité se charge au fil
des variations d’une écriture de plus en plus complexe. Toute la technique de
l’instrument est conviée, les contrastes devenant de plus en plus abrupts. Un seul
répit avec la dernière variation, Lento !
Le finale, Allegro, joue lui aussi du thème précédent développé dans le second
mouvement. La tension ne cesse de croître jusqu’à son apogée, un cri de désespoir
redoublé marquant cet épisode. Weber imagine alors que l’orchestre « calme les
esprits ». Le cantabile s’impose nouveau, porté par les cors. Puis, c’est la coda et la
conclusion, pleine de bravoure qui met en scène la dextérité et le panache du jeu du
soliste.
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Sérénade en ré majeur n°9 « Posthorn » K.320
Adagio maestoso. Allegro con spirito (1)
Menuetto. Allegretto (2)
Concertante. Andante grazioso (3)
Rondo. Allegro ma non troppo (4)
Andantino (5)
Menuetto. Trio I & II (6)
Finale. Presto (7)
Peu d’informations nous sont parvenues quant aux circonstances de la composition de la
Sérénade Posthorn dont la durée, les proportions et l’instrumentation tiennent davantage
de la symphonie que de la sérénade. L’œuvre peut ainsi être jouée en extérieur ou bien
dans une salle et les mouvements, qui n’ont d’autre ambition que de plaire, être séparés
les uns des autres. Cette œuvre est aussi une musique fonctionnelle.
La seule certitude que l’on ait concernant la Sérénade est sa date de composition : elle
fut en effet créée à Salzbourg, le 3 août 1779.
Sept mouvements composent la partition : Adagio maestoso. Allegro con spirito (1),
Menuetto. Allegretto (2), Concertante. Andante grazioso (3), Rondo. Allegro ma non
troppo (4), Andantino (5), Menuetto. Trio I & II (6) et Finale. Presto (7).
Dès les premières mesures de l’Adagio maestoso, l’auditeur est surpris par la solennité
et la puissance de l’orchestre. La complexité de l’écriture et la puissance suggérée
explosent dans l’Allegro con spirito. L’humour du premier Menuet ferait songer à quelque
partition de Haydn. Le Concertante avec son Andante grazioso apparaît comme un
hommage aux instruments à vent et à l’esprit de la sérénade. Le Rondo aurait-il
définitivement quitté l’esprit de la symphonie ? Il s’agit, en effet, d’une pièce aimable, au
charme galant et qui dissimule sa complexité polyphonique. L’Andantino rompt
brutalement les climats. Nous voici à nouveau dans l’esprit de la symphonie, mais cette
fois-ci, avec une allure et une gravité presque beethovénienne. Comment ne pas songer
au mouvement lent de la Symphonie « Héroïque » composée un quart de siècle plus
tard ?
C’est dans le Menuetto et plus précisément dans le second Trio qu’apparaît le fameux
cor de postillon – Posthorn – qui donna le titre à la partition. Comme son nom l’indique,
l’instrument était utilisé pour annoncer l’arrivée du courrier ou d’une diligence dans les
relais de poste. Son emploi dans une œuvre aussi solennelle dérouta, on s’en doute, le
public. L’effet produit étonne encore, tant la trivialité, ici, d’un tel instrument choque.
Peut-on affirmer que dans cette provocation, Mozart pressent les essais sonores des
premiers compositeurs romantiques ? Le finale, un Presto jubilatoire pose déjà les jalons
de l’ultime Symphonie « Jupiter » du compositeur.
Discographie conseillée
Rossini
La Cenerentola
• Orchestre national de Radio France, direction Igor Markevitch (Warner Classics)
• Chicago Symphony Orchestra, direction Fritz Reiner (RCA)
Introduction, thème et variations pour clarinette et orchestre en ut mineur
• Charles Neidich (clarinette), Orpheus chamber Orchestra (Deutsche Grammophon)
Weber
Concertino pour clarinette op.26
• Walter Boeykens (clarinette), Rotterdams Philharmonisch Orkest, direction James
Conlon (Warner Classics)
• Steven Kanoff (clarinette), Münchner Rundfunkorchester, direction Tommaso
Placidi (Accord)
• Sabine Meyer (clarinette), Sächsische Staatskapelle Dresden, direction Herbert
Blomstedt (Emi Classics)
Wolfgang
Sérénade en ré majeur n° 9 en ré majeur « Posthorn » K. 320
• Sinfonieorchester des Norddeutschen Rundfunks, direction Günter Wand (RCA)
• Berliner Philharmoniker, direction Karl Böhm (Deutsche Grammophon)