AVIS RELATIF A LA SECURITE DES INSTALLATIONS DE LUGE D

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AVIS RELATIF A LA SECURITE DES INSTALLATIONS DE LUGE D
Cité Martignac
111, rue de Grenelle
75353 PARIS 07 SP
Paris, le 15 février 2007
AVIS
RELATIF A LA SECURITE DES INSTALLATIONS DE LUGE D’ETE
LA COMMISSION DE LA SECURITE DES CONSOMMATEURS,
VU le code de la consommation, notamment ses articles L. 224-1, L. 224-4,
R. 224-4 et R. 224-7 à R. 224-12
VU la requête n° 04-062
Considérant que,
I.
LA REQUETE
Par lettre en date du 4 décembre 2002 Mme S. attirait l’attention de la
Commission sur les dangers de la pratique d’une activité ludique dénommée ″luge
d’été″ : « Inspirée d’un sport d’hiver se pratiquant sur la neige, la luge d’été se
pratique, elle, sur du béton. Ce « sport qui décoiffe » (comme indiqué sur la copie
de la brochure jointe) est très attractif pour les pré-ados toujours à la recherche de
sensations. Malheureusement, il se pratique sans obligation de port de casque, ni
ceinture de sécurité ni limitation de vitesse ni encadrement particulier. »
Mme S. se fondait sur l’accident subi par son fils alors âgé de 12 ans victime,
durant l’été 2002, d’une chute à luge qui, selon elle, « aurait pu le laisser
handicapé ». Dévalant la piste de luge sise dans le massif du Jaillet près de Megève,
sa vitesse excessive lui a fait perdre le contrôle de la luge, la chute entraînant
traumatisme crânien, fracture d’une côte « à cinq centimètres de la colonne
vertébrale », une plaie à un rein et de multiples brûlures dues au frottement du
corps sur le béton. Et la requérante d’appeler à une réglementation destinée à
______________________
Secrétariat
Tél : 01 43 19 56 68
Fax : 01 43 19 56 66
Documentation
Tél : 01 43 19 56 60
Fax : 01 43 19 57 00
…/…
Internet
http://www.securiteconso.org
« protéger nos enfants », cette pratique n’étant, selon ses propres déclarations, pas
un sport couvert par une fédération sportive.
II.
L’ENQUETE DE LA COMMISSION
Il a été procédé :
− à la saisine du Ministère chargé des sports, de quatre directions
départementales de la jeunesse et des sports (73, 74, 71, 04), de deux
directions départementales de la concurrence, de la consommation et
de la répression des fraudes (73, 74), des gestionnaires des parcs de
loisirs de Chamonix et des Combes (près du Creusot), des services
compétents des mairies de Megève, de Morzine, de Châtel, communes
dans lesquelles s’exerce ce type d’activité, de l’Institut de veille
sanitaire (InVS),
− à l’audition de M. C., directeur du parc touristique des Combes et de
M. D., directeur général de la société d’économie mixte (SEM) des
remontées mécaniques de Megève et de la SEM du massif du Jaillet,
représentant le maire de Megève, M. M.,
− à la consultation de M. G., directeur du Service technique des
remontées mécaniques et des transports guidés (STRMTG).
III.
A.
LES CARACTERISTIQUES DES INSTALLATIONS
LES DIFFERENTS SYSTEMES
Il existe deux principaux types d’équipements1 :
1.
La luge de montagne
Cette pratique est le prolongement des activités de glisse hivernale. Son site
est la piste de ski. Les pratiquants doivent emprunter un télésiège, la luge étant
accrochée à l’arrière. Une fois arrivés au sommet, un employé décroche la luge du
télésiège pour qu’ils puissent effectuer leur descente. L’installation en
fonctionnement depuis 1990 dans le massif du Jaillet près de Megève où s’est
produit l’accident dont la Commission a été saisie, est constituée de deux pistes2 à
bords relevés en fibrociment d’une longueur de 500 mètres sur un dénivelé de
100 mètres. La piste, conçue par une société autrichienne3, comporte quelques
virages où les bords de la piste sont surélevés. Les luges, monoplaces, ont
l’apparence de bobsleighs. Leur poids est de 6 kg. Elles sont constituées de matière
plastique et sont munies de 4 roues équipées de blocs-freins en caoutchouc. Pour
avancer, il faut pousser un levier situé au milieu de la luge, le “palonnier”, qui
libère les roues de leurs blocs-freins. A l’inverse, pour s’arrêter ou ralentir sa
vitesse, il faut ramener le “palonnier” vers soi. Des matelas de protection sont
installés à l’extérieur de la piste en bordure des virages pour amortir d’éventuelles
chutes. Le fonctionnement est immédiatement stoppé en présence de pluie qui rend
la piste en fibrociment impraticable, ce qui n’est pas sans poser des problèmes de
1
Il existe une dizaine d’installations en France. En Europe, les installations les plus répandues se
situent en Allemagne (une soixantaine), en Suisse et en Autriche.
2
Une piste est réservée aux débutants, l’autre aux pratiquants confirmés ou en quête d’émotions fortes.
3
ERBSCHOLE and CO sous la marque ROLBA. Il n’existe pas de fabricants français de luge d’été.
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rentabilité de l’installation4. Ainsi le directeur de l’installation envisage-t-il de
mettre en place en 2010, dès que le coût de son installation sera amorti, un nouvel
équipement susceptible de fonctionner en toute saison et quelles que soient les
conditions climatiques5. Il s’agit d’une installation fonctionnant en circuit fermé à la
montée et à la descente dans laquelle les luges sont fixées sur un rail attaché à un
cylindre en acier. Est ainsi exclue toute possibilité d’éjection de la luge. Le coût de
ce système de conception autrichienne (une vingtaine d’installations sont en
fonctionnement en Autriche) est d’environ 750 000 €.
2.
La luge de plaine
Elle se pratique « à flanc de terril » sur des sites industriels en reconversion
comme dans le cas du parc des Combes au Creusot géré par une association loi de
1901, “Les chemins de fer du Creusot”. La luge constitue une attraction parmi
d’autres : train à vapeur, grand huit, Nautic Jet (bateaux projetés dans un bassin).
L’installation, conçue par la société allemande WIEGAND, fonctionne en circuit
fermé, ramenant les passagers au point de départ. Il s’agit d’un “télé-luge” constitué
d’un téléski permettant de tracter les luges glissant sur une gouttière qui forme un
circuit continu entre le départ et l’arrivée. Une fois arrivé au sommet, le pratiquant
dévale les 430 mètres d’une piste sous forme de goulotte en acier inoxydable
également impraticable en cas de pluie6. A l’instar des luges de montagne, les luges
de plaine sont munies de quatre roues équipées de freins. L’utilisateur dispose d’un
manche similaire au “palonnier” pour freiner sa course. Les bords de la piste sont
relevés dans les virages. La zone dans laquelle se situe l’installation a été clôturée
en raison d’intrusions illicites de particuliers sur la piste alors que l’installation était
en fonctionnement.
B.
L’ORGANISATION DE LA SECURITE
1.
L’accidentologie
a.
Au Jaillet
Un recensement annuel des accidents est effectué depuis 1997 par le gérant
de l’installation. Le nombre d’accidents depuis 1997 est le suivant :
− 1997 : 2
− 1998 : 2
− 1999 : 3
− 2000 : 3
− 2001 : 1
− 2002 : 2
− 2003 : 0
4
L’installation est ouverte du mois de juin au mois de septembre puis réouverte durant la période de la
Toussaint. Le prix d’un passage est de 3.70 euros. Le nombre de passages à la remontée mécanique
comptabilisés est de plus de 100 000 par an.
5
Lors de son audition le directeur de l’exploitation a indiqué que les pistes en fibrociment ont vocation
à disparaître du fait de la présence d’amiante.
6
Le prix d’un passage est de 2.50 euros. Le nombre annuel de passages est de 150 000.
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− 2004 : 3
− 2005 : 1
Les accidents les plus fréquents sont des éjections sur la piste ou en dehors de
la piste, entraînant fractures ou brûlures.
b.
Au Parc des Combes
Il n’existe pas de recensement des accidents. Selon le directeur de
l’installation, deux collisions graves entre deux luges se sont produites il y a
quelques années dans la zone d’arrivée.
La Compagnie d’assurances qui garantit l’exploitant en application de
l’article L. 220-1 du code des assurances instituant une obligation d’assurance pour
les exploitants de chemin de fer (funiculaire ou à crémaillère) de téléphérique et
d’autres engins de remontées mécaniques a recensé, quant à elle, cinq sinistres
(collisions entre luges) ayant donné lieu à mise en jeu de la garantie : 1 accident en
1996, 2 accidents en 2003, 2 accidents en 2004.
Au plan national, l’accidentologie consécutive à la pratique de la luge d’été
est faible. Selon l’Institut de veille sanitaire (INVS), les luges d’été ont été
impliquées dans 51 des 241 221 accidents de la vie courante enregistrés dans la
base de données EPAC entre 1999 et 20037. Les victimes des accidents de luge
d’été sont principalement des jeunes de moins de 20 ans (65 %) et essentiellement
des hommes. La plupart des accidents sont dus à des chutes (78 %) suivis des coups
et collisions (12 %). 35 % des lésions sont des contusions, 16 % des fractures, 14 %
des plaies, 12 % des brûlures, 4 % des entorses. Les membres supérieurs sont lésés
dans 41 % des cas, les membres inférieurs dans 26 %, la tête dans 24 % et le tronc
dans 8 %. La majorité des patients (57 %) a été renvoyée à domicile directement
après le passage aux urgences. Un suivi ultérieur a été nécessaire pour 29 % des
personnes. 14 % des patients ont dû être hospitalisés dont deux pour une période
supérieure à une semaine.
2.
Les consignes de sécurité
Si l’on examine certains des griefs formulés par la requérante on constate, en
premier lieu, que le port du casque n’est pas obligatoire, celui-ci étant néanmoins
mis à disposition des pratiquants en échange du dépôt d’une caution. En deuxième
lieu, il n’y a pas de limitation de vitesse car celle-ci est “commandée” par les
pratiquants à l’aide du levier de freinage. Selon les estimations des directeurs des
installations, la vitesse maximale pouvant être atteinte par une luge de montagne,
freins ″lâchés″, est de 15 km/h, celle de plaine est de 35 km/h.
7
Les accidents liés à la pratique de la luge sont répertoriés parmi les accidents de la vie courante. Leur
décompte est établi à partir des données transmises par les centres hospitaliers participant ou ayant
participé entre 1999 et 2003 au réseau de l’Enquête permanente sur les accidents de la vie courante
(EPAC) organisé par l’INVS : CHU d’Annecy, CHU de Besançon, CH de Béthune, CHU de
Bordeaux, CHU de Limoges, CHU de Reims, CH Bretagne-Atlantique de Vannes-Auray.
Le principe de ce recueil repose sur l’enregistrement, aux urgences de quelques hôpitaux volontaires,
des admissions de patients pour accident de la vie courante, avec des données concernant la personne
accidentée (âge, sexe, résidence), sa prise en charge (date et heure d’arrivée aux urgences, traitement,
hospitalisation éventuelle), les caractéristiques de l’accident (mécanisme, lieu, activité, type de lésion,
partie du corps lésée), les produits (agents, éléments) ayant causé ou étant impliqués dans l’accident.
Les résultats de cette enquête ne sont représentatifs que des accidents de la vie courante pris en charge
aux urgences de ces hôpitaux.
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Enfin, la constatation de l’absence d’encadrement particulier soulignée par la
requérante doit être nuancée : depuis 1997, « des règles et consignes d’exploitation
de la luge du Jaillet » sont affichées près de la billetterie et sur un panneau au
départ du télésiège et imprimées au dos d’une brochure remise en caisse aux
pratiquants. Le rappel de certaines règles semble pertinent : ainsi le port du casque
est-il conseillé (bien que le système de caution ne soit guère incitatif). Particularité
de l’exploitation du Jaillet, il est conseillé de ne pas pratiquer bras et jambes nues,
pour limiter les écorchures et brûlures consécutives aux glissades sur le béton. La
brochure rappelle en outre qu’il est interdit de « s’arrêter en cours de descente ou
de marcher sur la piste ». Des panneaux rappelant les consignes d’utilisation et tout
particulièrement celle, substantielle, du freinage, jalonnent la piste métallisée des
Combes.
En revanche, les règles fixées pour respecter un intervalle suffisant entre
deux luges pour éviter qu’elles ne se heurtent et les conditions d’accès des enfants
pour utiliser les équipements sont insuffisantes.
a.
Le respect d’un intervalle entre deux luges
Le respect d’un intervalle suffisant entre deux luges pour éviter les collisions
relève de la responsabilité du pratiquant. La brochure précise : « Il est impératif
pour des raisons de sécurité qu’un intervalle suffisant sépare deux luges ; et ceci
afin d’éviter toute collision. Le client engage sa responsabilité à ne pas respecter
cette consigne. » Au parc des Combes deux pratiquants ont dû être hospitalisés à la
suite d’une collision à l’arrivée. Il doit être précisé que le risque de collision est
surtout important à l’arrivée.
Aucun dispositif automatisé (feux de signalisation8, tourniquets) n’incite le
pratiquant à respecter cette consigne. Les gestionnaires ont privilégié des solutions
curatives plus que préventives :
Au Jaillet, le respect de l’intervalle entre deux luges sur les deux pistes est
surveillé par un opérateur. A l’arrivée, ont été installés un ralentisseur et des
boudins amortisseurs pour freiner les vitesses excessives. Au parc des Combes, un
opérateur s’assure que l’espacement nécessaire entre deux luges, fixé à 30 mètres
minimum, est bien respecté. Depuis 2005, avec l’aide financière de la municipalité
du Creusot, un système de frein automatique a été mis en place par le constructeur
de la piste pour un coût de 40 000 €. Il s’agit d’une cellule photo-électrique qui
détecte la vitesse de la luge à l’arrivée, et qui met en marche automatiquement un
frein plus ou moins puissant selon la vitesse de l’engin. Un tapis de mousse et un
filet de protection ont également été ajoutés.
En outre, des modifications ont été apportées aux luges à la suite des deux
graves accidents évoqués plus haut. Les sièges sont ainsi équipés d’un dosseret qui
permet d’éviter que les luges ne percutent le dos des utilisateurs.
b.
L’accès des enfants aux luges
L’accès des enfants dont la taille est inférieure à 1,25 m est interdit sauf s’ils
sont accompagnés, sur la même luge, d’un adulte ou d’un adolescent autorisé par
les parents. Pour se conformer aux règles d’accès des enfants aux télésièges qui
8
Dans des installations au principe de fonctionnement similaire telles que les toboggans aquatiques,
des feux de signalisation sont placés en haut de chaque toboggan pour réguler la descente des usagers.
Les feux de signalisation (vert/rouge) sont programmés pour éviter les collisions.
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préviennent le risque de “sous marinage”9, le critère d’accès retenu est donc la
taille. En effet, un enfant d’une taille inférieure à 1,25 m non accompagné peut
glisser sous la barre d’appui du télésiège et chuter dans le vide. La taille de 1,25 m
correspond à la corpulence moyenne d’un enfant de 8 ans. Or, contrairement à
l’usage du télésiège où l’enfant est passif10 le pilotage de la luge nécessite certaines
compétences : la force et la coordination nécessaires pour diminuer ou augmenter la
vitesse de l’engin, de bonnes perceptions visuelles pour respecter une distance
suffisante avec la luge qui précède, la capacité de raisonner et de prendre les bonnes
décisions, notamment quand un obstacle imprévu se profile sur la piste. Un enfant
de 8 ans dispose-t-il de toutes ces compétences quand on sait que le fils de la
requérante avait 12 ans et que sa mère reconnaît « qu’il s’est révélé un bien mauvais
conducteur » ? Il est permis d’en douter. A titre de comparaison, un arrêté du
18 janvier 1984 relatif à la réglementation des fêtes foraines pris conjointement par
le préfet de police de Paris et le maire de Paris, s’agissant d’attractions similaires à
celles des luges d’été comme les « chemins de fer aérien, montagnes russes,
toboggans, balançoires, scooters » interdit l’accès à ces jeux aux enfants de moins
de 13 ans non accompagnés11.
IV.
LA REGLEMENTATION APPLICABLE
En dehors de l’obligation générale de sécurité énoncée à l’article L. 221-1 du
code de la consommation, les luges d’été ne sont pas soumises à une réglementation
ou à une norme spécifique. Néanmoins, des textes de portée générale s’appliquent
sous le contrôle des administrations concernées, textes qui ne sont pas identiques
selon qu’il s’agit d’une luge de montagne ou d’une luge de plaine et selon qu’il
s’agit de la montée ou de la descente.
A.
LES LUGES DE MONTAGNE
1.
A la montée
En application de l’article 50 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au
développement et à la protection de la montagne, les services de transport terrestres
de personnes organisés par les collectivités territoriales ou leurs groupements tels
que les remontées mécaniques, sont soumis au contrôle technique et de sécurité de
l’Etat au même titre que les moyens de transport visés par la loi n° 2002-3 du
3 janvier 2002 relative à la sécurité des infrastructures et des systèmes de transport.
Le Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés
(STRMTG)12, service à compétence nationale, créé par un arrêté du 31 juillet 2001
et rattaché à la Direction des transports terrestres du ministère de l’équipement, des
transports, de l’aménagement du territoire, du tourisme et de la mer est chargé de la
mise en œuvre du contrôle des installations dont font partie les télésièges (catégorie
9
Contrairement à l’affirmation figurant dans la brochure remise à l’utilisateur selon laquelle c’est la
structure de la luge qui l’implique.
10
Une taille de 1,25 m est requise dans certaines attractions foraines mais l’enfant est passif durant son
transport.
11
Article 101. Cet arrêté a été adressé par les préfets aux maires des autres communes de France qui
ont parfois souhaité l’appliquer à leur commune.
12
Le STRMTG assure une triple mission :
- élaborer la réglementation et participer à la normalisation des remontées mécaniques
- délivrer les agréments sur le matériel
- animer le réseau des 7 bureaux interdépartementaux des remontées mécaniques (BIRM) et des
bureaux départementaux des remontées mécaniques (BDRM) de Savoie et de Haute-Savoie et lui
apporter son expertise afin de veiller à ce que leurs remontées mécaniques soient conformes à la
réglementation.
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des “téléportés”13 fonctionnant l’hiver pour acheminer les skieurs et l’été pour
acheminer les piétons et pratiquants de luge et de VTT avec leurs équipements).
Chaque année, avant le début de la saison d'hiver, les exploitants14 doivent
réaliser des essais permettant de vérifier que les remontées mécaniques sont aptes à
fonctionner (notamment réglage des freins et des dispositifs de sécurité…).
Pour les téléportés, l'exploitant se fait en général assister par des bureaux
techniques de contrôle (notamment NORISKO, APAVE15, HALEC). Les
BIRM/BDRM participent à ces visites de contrôle.
Les téléportés sont en outre soumis aux “grandes visites” après 15 ans,
25 ans, 30 ans d’exploitation. Durant ces visites, les équipements participant à la
sécurité de l'installation sont démontés, contrôlés et/ou remplacés. Les contrôles
effectués peuvent être visuels, par ultra-sons ou par magnétoscopie. En ce qui
concerne la pratique de la luge d’été, le crochet servant à transporter la luge sur le
télésiège est contrôlé chaque année pour vérifier qu’il ne présente pas de danger
intrinsèque pour l’usager.
Chaque année, un rapport d'accidents d’usagers des remontées mécaniques
est établi par le STRMTG sur la base des déclarations faites par les exploitants des
remontées mécaniques aux BIRM/BDRM. Contrairement au souhait émis par la
CSC dans ses avis de 199916, 200417 et 200618, ce rapport n’est toujours pas rendu
public alors même que les statistiques d’accidents de ski de piste sont publiées
chaque année par le Système national d’observation de la sécurité en montagne
(SNOSM), placé sous l’égide du ministère des sports, du ministère de l’intérieur, de
la sécurité intérieure et des libertés locales et du ministère de la défense.
Le rapport d’accidents de remontées mécaniques est diffusé aux membres de
la Commission dite des téléphériques placée auprès du ministre chargé des
transports (composée des représentants des exploitants, des maires de stations de
montagne, des moniteurs de ski, du personnel des remontées mécaniques, des
consommateurs et des administrations de l'Etat) qui a pour mission d’analyser les
accidents et, le cas échéant, de proposer des inspections des installations à risque.
Ne sont pris en compte dans les statistiques que les accidents graves. Ne sont
qualifiés de graves au sens des responsables des remontées mécaniques que les
accidents entraînant une fracture, la section d'un membre ou des blessures ayant
donné lieu à une hospitalisation (de plus de 6 jours).
2.
a.
A la descente
La responsabilité du maire et des exploitants de luge
Dès lors que la pratique de la luge d’été s’exerce sur un terrain communal, en
l’occurrence la piste de ski, le maire doit, en vertu de son pouvoir de police, assurer
13
Expression utilisée pour désigner les télésièges, télécabines et téléphériques.
Le service des remontées mécaniques est organisé par les communes sur le territoire desquelles elles
sont situées ou par leur groupement. Dans de très rares cas, le service est organisé par le département
(art. 46 modif. L. 85-30 du 9 janvier 1985 dite « Loi Montagne »).
L’exécution est assurée soit en régie directe, soit en régie par une personne publique sous forme de
service public industriel et commercial, soit par une entreprise ayant passé à cet effet une convention à
durée déterminée avec l’autorité organisatrice (art. 47 de la « Loi Montagne »). En ce qui concerne la
responsabilité du fait des remontées mécaniques, l’exploitant est tenu à une obligation contractuelle de
sécurité envers les usagers. S’agissant des téléportés, l’exploitant est tenu à une obligation de sécuritérésultat lors du transport en ligne et à une obligation de sécurité-moyens lors des opérations
d’embarquement et de débarquement.
15
APAVE : association des propriétaires d’appareils à vapeur et électriques
16
Avis relatif à la sécurité des pistes de ski du 2 décembre 1999.
17
Avis relatif à la sécurité du service des remontées mécaniques du 14 janvier 2004.
18
Avis relatif à la prévention des accidents de ski du 12 octobre 2006.
Commission de la Sécurité des Consommateurs
14
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la sécurité des pratiquants de luge d’été au même titre que celle des usagers du
domaine skiable19. Même si l’exploitation de l’installation de luge d’été est confiée
à une société d’économie mixte, son pouvoir général de police ne peut faire l’objet
d’une délégation. En cas d’accident dû à la pratique de la luge, le maire peut être
mis en cause tant sur le plan de sa responsabilité civile que de sa responsabilité
pénale.
Au plan civil, la jurisprudence analyse l’obligation contractuelle de sécurité
des exploitants de luge d’été comme une obligation de résultat. Par jugement du
18 mai 1998, le tribunal de grande instance d’Annecy a précisé dans ses attendus :
“(...) que la piste se présente comme un toboggan sur lequel sont lancées des
luges dont les conducteurs ont la seule faculté d’actionner un levier pour le
freinage (...)
(...) que la demande (...) aux fins de voir reconnaître la responsabilité de la
société en application de l’obligation de résultat qui lui incombe est fondée sur une
marge réduite d’initiative et de liberté du client qui l’oblige à s’en remettre pour sa
sécurité à la société exploitante ; qu’il s’agit bien dans ce cas d’une obligation de
résultat et non d’une obligation de moyens.”
La Cour de cassation, 1ère chambre civile, dans un arrêt du 17 mars 1993 a
également estimé que l’exploitant d’une piste de luge d’été est tenu à une obligation
de résultat en ce qui concerne la sécurité de ses clients car ceux-ci ne peuvent
décider de la trajectoire de l’engin.
b.
Le respect de l’obligation générale de sécurité
A la suite de plusieurs plaintes, la DDCCRF du département de la Savoie a
été amenée à intervenir dans ce secteur d’activité dès 1996. Plusieurs enquêtes
menées par cette direction en collaboration avec la direction départementale de la
jeunesse et des sports20, ont contribué à un net renforcement des mesures de
sécurité.
En cas d’accident ou de danger grave et immédiat, l’exploitation de la luge
pourrait être suspendue par la DGCCRF (articles L. 221-5 et L. 221-6 du Code de la
consommation); des mises en garde peuvent également être adressées aux
professionnels (article L. 221-7) pour en demander la mise en conformité.
Ainsi, à l’issue d’un contrôle de l’installation du Jaillet en 1996
l’administration avait-elle recommandé :
− la mise à disposition de casques,
− la prise en compte des doléances de la clientèle (un “cahier d’or” est
mis à leur disposition),
− l’élimination d’une souche.
Ces recommandations ont été suivies immédiatement d’effet de sorte qu’un
nouveau contrôle opéré en 1997 a pris acte de la mise en conformité.
19
Les pouvoirs du maire sont fondés sur l’article L. 2212-1 du code général des collectivités
territoriales qui lui confère un pouvoir de police général.
20
Les directions départementales des sports participent à ces contrôles alors même que la luge d’été
n’est pas une activité physique et sportive gérée par une fédération sportive délégataire. Elle ne
s’enseigne pas et elle n’est pas considérée comme une discipline olympique, la seule activité reconnue
étant la luge sur glace, discipline olympique gérée par la fédération française des sports de glace au
même titre que le bobsleigh et le skeleton. Il s’agit donc d’une pratique purement récréative.
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B.
LES LUGES DE PLAINE
Ces installations fonctionnent en circuit fermé avec un système de téléski à
câble bas pour remonter les luges. Dans le cas du parc des Combes, le ministère
chargé des transports considérait jusqu’en 2004 que cette installation était soumise à
la réglementation des remontées mécaniques. Chaque année, l’exploitation faisait
l’objet d’une visite annuelle de contrôle assurée par l’exploitant, en présence d’un
représentant de la direction départementale de l’équipement et conformément à un
guide d’exécution de visite annuelle des téléskis élaboré par le STRMTG. Ce
contrôle a été supprimé en 2004 sur ordre du préfet de Saône et Loire en raison d’un
changement de doctrine du ministère chargé des transports. Dans une lettre datée du
17 mai 2005 adressée à la préfecture l’administration confirmait que, s’agissant
d’un circuit fermé ramenant les passagers au point de départ, l’installation ne
constituait pas un moyen de transport : « Après examen attentif, j’ai l’honneur de
vous faire confirmer que le système à câbles, pour assurer la remontée des luges,
ne constitue pas un moyen de transport au sens de la loi n° 82-1153 du
30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs ni au sens du code du
tourisme. Aussi, il ne relève pas de l’application de la loi du 3 janvier 2002 ni de la
compétence du ministère chargé des transports. Les ministères de l’industrie et de
l’intérieur, saisis pour vérification de l’application éventuelle de réglementations
relevant de la prévention des risques civils ou de la sécurité des consommateurs, ne
m’ont pas fourni d’éléments ».
Cependant, la CSC prend acte du fait que le ministère des transports a
précisé, dans une lettre qu’il lui a adressée le 17 janvier 2007, qu’il considère
désormais que la compétence de contrôle de l’Etat « (Préfet assisté des services du
ministère des transports) n’existe que si les installations en cause participent d’un
transport public [cas des remontées mécaniques] et ne sont pas mis en œuvre dans
un cadre privé, tel un parc de loisir spécialement aménagé [cas du parc des
Combes] ». Dans ce dernier cas, selon ce ministère, le contrôle de ces installations
incombe au maire au titre de ses pouvoirs de police sur les activités de loisirs et les
établissements recevant du public.
La DGCCRF devrait être en mesure de contrôler, sur la base de l'obligation
générale de sécurité, la conformité des équipements (les luges proprement dites et
les glissières) aux exigences d'une sécurité active qu'est en droit d'attendre
l'utilisateur. A ce titre, les contrôles doivent s'exercer à partir de l'observation des
installations en situation de fonctionnement et sur vérification des documents (mode
d'emploi établi par le fabricant, suivi des entretiens périodiques..., mais aussi
mention sur place des précautions à prendre et des conseils de sécurité).
La sécurité des produits (les luges) et celle de l’ensemble des installations
(glissières et remontées mécaniques) relèvent, selon la DGCCRF21, des corps
techniques de contrôle.
Les gestionnaires des « installations » doivent être en mesure de prouver
qu’ils y ont satisfait par tout moyen (certificats de conformité à un référentiel
technique délivré par le fabricant ou un bureau de contrôle, attestations de sécurité,
carnet d’entretien etc.). Dans le cas du parc des Combes, des contrôles de
l’installation sont effectués par un bureau d’études agréé, NORISKO. Ainsi, le
câble de l’installation de luge du Parc des Combes a-t-il été changé en 2005. Mais
ces contrôles ne s’effectuent que de manière triennale alors que les contrôles opérés
par les agents du STRMTG sur les remontées mécaniques sont annuels. En outre,
les luges font quant à elles l’objet, à la seule initiative du gestionnaire, d’une
21
Lettre en date du 17 janvier 2007.
Commission de la Sécurité des Consommateurs
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maintenance et de contrôles internes et ne sont donc pas soumises à des contrôles
externes.
SUR LA BASE DE CES DONNEES
Considérant que l’exploitation des luges d’été provoque chaque année un
certain nombre d’accidents ;
Considérant qu’un contrôle effectué par les autorités publiques (ou sous leur
surveillance) des installations fonctionnant en circuit fermé serait de nature à mieux
garantir la sécurité des utilisateurs ;
Considérant que, selon les réponses apportées à la Commission par les
ministères, certaines de ces installations se situeraient, en raison même des
compétences juridiques et techniques des ministères concernés, en dehors du champ
d’un contrôle préventif des services de l’Etat ;
Considérant le développement potentiel de ce type d’installations22 ;
Considérant l’absence de norme européenne fixant des exigences de sécurité
applicables tant aux installations utilisant des remontées mécaniques qu’aux
installations fonctionnant en circuit fermé ;
Considérant la nécessité de consignes renforcées et harmonisées destinées à
informer et conseiller les usagers des attractions pour que la pratique s’effectue en
toute sécurité ;
Après avoir entendu en séance la requérante, Mme S.
EMET L'AVIS SUIVANT :
La Commission recommande :
1.
Aux autorités en charge de la normalisation
•
De susciter, dans les meilleurs délais, au niveau européen, le lancement
de travaux de normalisation relatifs à la sécurité des installations de luge
d’été. Cette norme devrait définir, pour ces installations et ces matériels
de glisse, des exigences de sécurité et des méthodes d’essais portant sur
les éléments suivants :
− configuration de la piste de descente et, le cas échéant, de montée,
notamment limitation de la vitesse, prévention des risques d’éjection
dans les virages, qualité et visibilité de la signalétique… ;
− configuration de la luge, notamment sa résistance, sa stabilité et le bon
maintien de sa trajectoire, sa résistance aux impacts et l’efficacité de
ses freins, son ergonomie… ;
− information aux usagers, notamment des informations détaillées sur
les modes d’emploi et les précautions d’utilisation à observer, les
conditions d’aptitude comme le poids, la taille ou les compétences
requises pour pratiquer cette activité, l’obligation de porter un casque
et une tenue vestimentaire adaptée à cette activité...
22
En Suisse et en Autriche, la croissance est avérée.
Commission de la Sécurité des Consommateurs
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2.
Aux professionnels (concepteurs, fabricants, gestionnaires) des
installations, dans l’attente des résultats du processus normatif
•
De recourir de façon régulière à une expertise indépendante en vue
d’évaluer la sécurité des installations et d’en tirer toutes les conséquences
nécessaires.
•
D’améliorer le niveau de sécurité des installations sur les points
suivants :
− mettre en place un dispositif de régulation automatisé des départs pour
réduire les risques de collision entre deux luges au long du parcours
ou dans la zone d’arrivée ;
− sécuriser la piste et notamment les virages par tout système permettant
d’éviter ou de limiter les conséquences d’une chute ou d’une éjection
du pratiquant.
•
De renforcer les consignes de sécurité et d’améliorer l’information du
public sur les points suivants :
− remettre systématiquement aux pratiquants lors de l’acquisition des
tickets une brochure rappelant les consignes de sécurité ;
−
proscrire l’usage de la luge à plusieurs et, notamment, avec de jeunes
enfants ;
− rendre le port du casque obligatoire pour tous les pratiquants ;
− fixer en fonction de la configuration de l’installation, un âge et, le cas
échéant, une taille minimale pour la pratique de la luge d’été.
•
De tenir un registre dans lequel tous les incidents et accidents qui se
produisent lors de l’utilisation de ce type d’installation sont consignés et
d’en exploiter les enseignements pour améliorer la sécurité des
utilisateurs,
•
D’insister tout particulièrement sur les questions de sécurité lors de la
formation du personnel permanent ou saisonnier appelé à intervenir sur
les installations.
3.
Aux consommateurs
•
De respecter scrupuleusement les mises en garde et les consignes de
sécurité délivrées par les exploitants et de veiller à ce que leurs enfants
les respectent également.
•
De s’assurer que, en pratique, leur enfant dispose bien des capacités
nécessaires à cette activité.
ADOPTE AU COURS DE LA SEANCE DU 15 FEVRIER 2007
SUR LE RAPPORT DE MADAME MARIE-LOUISE AUBIN-SAULIERE
Assistée d’Odile FINKELSTEIN et de Patrick MESNARD, Conseillers
techniques de la Commission, conformément à l’article R. 224-4 du Code de la
Consommation
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