Vol. 10 No 2, 1999 - groupetraduction.ca

Transcription

Vol. 10 No 2, 1999 - groupetraduction.ca
PMAC
ACIM
Groupe traduction
Association canadienne
de l’industrie du médicament
Translation Group
Pharmaceutical Manufacturers
Association of Canada
PHARMATERM
P M AC
Bulletin terminologique
de l’industrie pharmaceutique
Volume 10, n° 2, 1999
Comment les termes dysfunction , impairment,
insufficiency et failure s’expriment-ils en français?
Les termes anglais failure et insufficiency possèdent un équivalent français :
insuffisance1, tout particulièrement lorsqu’il s’agit de l’iinsuffisance rénale
(renal failure2; kidney failure3), de l’iinsuffisance hépatique (hepatic failure4,
hepatic insufficiency5) et de l’iinsuffisance cardiaque (heart failure6). Dans les
lignes qui suivent, il sera principalement fait mention des termes se rapportant à
l’altération des fonctions hépatiques et rénales, lesquelles jouent un rôle important
dans le devenir des médicaments dans l’organisme.
L’insuffisance se réfère bien sûr à un état pathologique, comme l’atteste la
définition de ce terme dans le Dictionnaire français de biologie et de médecine7 :
« État déficitaire d’un organe ou d’une glande qui n’est plus capable de remplir
normalement ses fonctions. » Les termes anglais correspondants, insufficiency et
failure, sont-ils de parfaits synonymes? La définition de ces termes dans les
dictionnaires médicaux les plus courants ne permet pas de répondre à la question.
Ainsi, dans le Dorland’s, on peut lire ce qui suit à l’entrée insufficiency : « the
condition of being insufficient or inadequate to the performance of the alloted
duty8 », alors que le terme failure se définit comme suit : « inability to perform9 ».
Fait intéressant, c’est une note apparaissant en petit caractère dans un dictionnaire
français renommé qui nous aide à comprendre comment distinguer les deux termes.
En effet, si insufficiency et failure sont attestés comme équivalents anglais du
terme insuffisance dans le Flammarion10, les auteurs précisent que le terme failure
se réfère à des défaillances organiques graves. De fait, selon le manuel de formation
de l’APMR11, le terme renal failure correspond à une diminution plus marquée de
la clairance de la créatinine endogène, une mesure couramment utilisée pour évaluer le taux de filtration glomérulaire et partant, la fonction rénale. Ainsi, si la
mesure normale de la clairance de la créatinine est supérieure à 80 mL/min, elle
est réduite à 25 ou à 40 mL/min dans les cas de renal insufficiency et est
inférieure à 25 mL/min dans les cas de renal failure. Certains auteurs12 font mention, dans notre langue, d’insuffisance rénale chronique débutante ou modérée
(clairance de la créatinine de 80 à 40 mL/min) et d’insuffisance rénale évoluée
(clairance de la créatinine < 30 mL/min). Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une insuf fisance, ce terme étant employé comme équivalent de failure et de insufficiency.
Par rapport au terme dysfonctionnement ou à son synonyme dysfonction13
(dysfunction), qui désigne « toute perturbation dans le fonctionnement d’un
organe14 », le terme insuffisance se rapproche davantage de la notion de maladie,
comme en témoignent les énoncés suivants :
1.
2.
« L’influence de […] la vitesse d’évolution de la maladie rénale (insuffisance
rénale aiguë ou chronique) sur le devenir des médicaments ne sera pas étudiée
ici15. »
« L’influence potentielle de l’insuffisance rénale sur l’excrétion des médicaments
et la relative fréquence de cette affection suffisent à justifier les nombreuses
études visant à préciser le comportement pharmacocinétique des médicaments en
présence de cet état pathologique16. »
Également, l’iinsuffisance hépatique peut être considérée comme une forme
grave ou avancée, ou tout au moins une forme clinique apparente de dysfonctionnement. À l’entrée de ce terme dans le Garnier-Delamare, on peut lire la
définition que voici17 :
« Défaillance du fonctionnement des hépatocytes. Elle se traduit par des signes
cliniques et biologiques […] et s’observe essentiellement dans les hépatites, les cirrhoses
et les cancers du foie. »
Par ailleurs, les auteurs anglophones semblent distinguer nettement les termes
failure et insufficiency du terme impairment, ou de ses dérivés (impaired renal
function, p. ex.), qui désigne également une perturbation ou une anomalie dans le
fonctionnement d’un organe sans se référer spécifiquement à une maladie ou à
une entité clinique distincte. Ainsi, selon les auteurs F. Keller et D. Czock, on doit
soupçonner un dysfonctionnement rénal chez toutes les personnes âgées de plus
de 65 ans : « Impaired renal function must be assumed in all people older than
65 years of age18. »
L’idée que toute personne âgée de plus de 65 ans présente une « insuffisance
rénale » en tant que maladie laisse planer un doute. Dans ces cas, il s’agirait plutôt
d’une altération graduelle des fonctions rénales qui n’est pas nécessairement
accompagnée de symptômes, mais qui peut entraver l’élimination des médicaments. Comment décrit-on cette réalité en français? L’énoncé suivant nous lance
sur une bonne piste :
« La présence d’une insuffisance rénale provoque des altérations importantes dans la
pharmacocinétique de plusieurs médicaments19 . »
De fait, le terme insuffisance a été proposé comme équivalent français de
impairment, notamment pour traduire des expressions telles que impairment of
liver function (iinsuffisance hépatique20) et impaired renal function (iinsuffisance
rénale21), sans égard au degré d’altération des fonctions rénales ou hépatiques.
D’après ce qui précède, la notion d’insuffisance englobe la notion de maladie
et la dépasse. Par conséquent, une équivoque peut se rencontrer lorsque le traducteur
doit rendre en français des expressions contenant les unités lexicales impairment
ou impaired, failure et insufficiency. Bien que ces termes ne soient pas tous considérés comme des synonymes, ils ont pour équivalent français le terme insuffisance.
Ainsi, lorsqu’il est recommandé de diminuer la posologie d’un médicament en
présence d’une « insuffisance » rénale ou hépatique (renal impairment; hepatic
impairment), on demande deux choses : explicitement, de réduire la dose du
médicament; implicitement, d’évaluer la fonction rénale ou hépatique du patient
auquel on administre le médicament. S’il était fait mention de failure ou de insufficiency, on supposerait sans doute que l’état déficitaire de l’organe en question
est connu. Néanmoins, les auteurs francophones ne semblent pas faire cette
distinction, l’insuffisance rénale pouvant être une forme apparente ou inapparente
de dysfonctionnement rénal. Ainsi, les auteurs Pierre-Paul Leblanc et coll. soulignent la nécessité d’évaluer la fonction rénale pour déterminer la présence ou non
d’une insuffisance.
« L’ajustement de la posologie d’un médicament chez un patient insuffisant rénal
permet d’éviter certains effets indésirables ou toxiques. Cet ajustement doit surtout
tenir compte du degré d’altération de la fonction rénale […] La clairance de la créatinine est un paramètre biologique permettant d’évaluer la fonction rénale du patient22. »
Ce type de précautions s’avère encore plus difficile à suivre lorsqu’il s’agit
de déterminer la posologie d’un médicament selon l’existence ou non d’une
« insuffisance hépatique », comme l’expliquent les mêmes auteurs :
« Contrairement à la maladie rénale, il est difficile de prévoir les conséquences pharmacocinétiques d’une atteinte hépatique, car il n’existe pas d’indicateurs précis des
diverses fonctions hépatiques23. »
Cette double équivalence de insuffisance n’est pas condamnable en soi.
Dans les cas où l’ambiguïté semble incontournable, on pourra utiliser des expressions
telles que atteinte hépatique et atteinte rénale pour rendre hepatic impairment
et renal impairment, respectivement, et réserver le terme insuffisance comme
équivalent français de l’anglais failure ou de son synonyme insufficiency.
Geneviève Loslier
Glaxo Wellcome
L’auteure tient à remercier Maria-Jésus Senas, analyste principale en information chez Glaxo Wellcome, pour sa précieuse collaboration à la recherche
documentaire informatisée.
Références
1. Manuila, A. et coll., Dictionnaire français de médecine et de biologie, 7e édition, Paris, Masson,
1996, p. 209.
2. Dictionnaire de médecine Flammarion, 6e édition, Paris, Flammarion Médecine-Sciences, 1998,
p. 479.
3. Gladstone, W.J., Dictionnaire anglais-français des sciences médicales et paramédicales, 4e édition,
Saint-Hyacinthe et Paris, Edisem et Maloine, 1996, p. 381.
4. Id., p.381 et p.525.
5. Garnier, M. et coll., Dictionnaire des termes de médecine, 24e édition, Paris, Maloine, 1995,
p. 489.
6. Gladstone, W.J., op. cit., p. 381.
7. Manuila, A. et coll., op. cit., p. 209.
8. Dorland’s Illustrated Medical Dictionary, 27th edition, Philadelphia, Saunders, 1988, p. 842.
9. Id., p. 610.
10. Dictionnaire de médecine Flammarion, op. cit., p. 478 et 479.
11. APMR Accreditation Course, First Edition, Saint-Laurent, APMR-RAFPP, octobre 1997, module 7,
p. 7.43.
12. Bouvenot G. et coll., Pathologie médicale. coll. Abrégés, Paris, Masson, 1994, p. 389.
13. Manuila, A. et coll., op. cit., p. 127.
14. Id., p. 127.
15. LeBlanc, P.-P. et coll., Traité de biopharmacie et pharmacocinétique, 3e édition, Montréal et Paris,
Presses de l’Université de Montréal et Éditions Vigot, 1990, p. 313.
16. Labaune, J.-P., Pharmacocinétique, coll. Abrégés, Paris, Masson, 1989, p. 91.
17. Garnier, M. et coll., op. cit., p. 489.
18. Keller, F. et Czock D., International Journal of Clinical Pharmacology and Therapeutics, vol. 36,
n° 11, 1998, p. 594-598.
19. LeBlanc, P.-P., op. cit., p. 314.
20. Gladstone, W.J., op. cit., p. 525.
21. Id., p. 525.
22. Leblanc, P.-P. et coll., op. cit., p. 322.
23. Id., p. 340.
Mise en page et reproduction — Imprimerie Mackay Inc.
Dépôt légal — 1er trimestre 1990 ISSN 0847 513X
Nous remercions Christiane Martineau, term. a., pour sa collaboration à la rédaction du bulletin
Pharmaterm. Copyright© 1999 Tous droits réservés.
Le contenu de cette publication ne peut être reproduit en tout ou en partie sans le consentement
écrit du Groupe traduction. Les opinions exprimées dans cette publication n’engagent en rien
l’ACIM.
Ont collaboré à ce numéro de Pharmaterm :
Johanne Brisson, Hoffmann-La Roche Ltée
Michelle Pilon, Schering Canada inc.
Abonnements : 20 $ par année (4 numéros)
Prière de faire parvenir toute correspondance à :
Michelle Pilon, Schering Canada inc., 3535, route Transcanadienne, Pointe-Claire (Québec) H9R 1B4