Départ 31 août A l`heure de quitter ce métier singulier de préfet de la

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Départ 31 août A l`heure de quitter ce métier singulier de préfet de la
Départ 31 août
A l’heure de quitter ce métier singulier de préfet de la mer, à l’heure de quitter
ma condition de marin au service de l’Etat, à l’heure de mettre le sac à terre,
j’éprouve quelques sentiments que je voudrais vous faire partager.
Le premier, c’est la reconnaissance.
Reconnaissance pour vous tous qui êtes là ce matin, venus marquer votre
intérêt, votre attachement, votre soutien ou votre amitié, en ce moment vous
l’imaginez quelque peu émouvant.
Reconnaissance pour vous les élus du littoral Atlantique : nous avons établi
des liens de confiance pour traiter ensemble au mieux nos sujets communs.
Pour vous singulièrement les élus de Brest et de sa région : tant de thèmes
importants pour notre quotidien ou pour la préparation de l’avenir nous
rapprochent.
Pour vous, mes collègues préfets des départements et régions de la côte
Atlantique et tous vos services, avec qui nous avons entretenu des relations
fortes et confiantes pour assurer à l’Etat le rôle de régulateur juste et cohérent,
bienveillant mais ferme.
Pour vous les magistrats, partenaires de plus en plus proches de la préfecture
maritime, au service de la lutte contre les pollutions et les narco-trafics.
Pour vous les hommes de presse et les journalistes, aujourd’hui associés à la
plupart de nos actions, parce que le public mérite d’être informé, et que l’Etat se
doit chaque fois que possible d’expliquer son action.
Reconnaissance pour vous les chefs d’entreprises, les industriels, les
représentants du monde socio-économique et culturel, avec qui j’ai estimé
indispensable dans mon action d’établir des contacts étroits.
Merci à tous d’être là ce matin.
Le deuxième sentiment, c’est encore la reconnaissance.
Dans les moments importants d’une vie d’homme ou de femme, la famille,
comme l’amitié, joue un rôle essentiel.
Merci à vous mes bien chers amis, venus de la région brestoise et de toute la
France, m’entourer dans ce départ. Votre amitié m’honore.
La famille !
Permettez-moi d’abord une pensée plus que reconnaissante à mes parents trop
tôt partis, qui avaient tant souhaité et tant fait pour que je devienne à mon tour
un marin. Le jeune brestois descendant de Saint-Marc après la grande guerre, en
galoches et pèlerine, pour rejoindre l’école de la République, ne s’imaginait pas
que les étoiles qui flottaient au pavillon de la préfecture maritime serait un jour
celles de sa descendance. Que sa détermination trouve ici sa justification et sa
récompense.
Merci à vous mes frères et sœurs, venus ce matin de Chine, d’Iran, d’Arabie,
de France aussi, pour cette cérémonie ; vous m’apportez le souffle du monde ;
la marine m’en a largement donné le parfum.
Merci à vous mes chers enfants pour votre affectueuse présence. Que vos
enfants gardent à leur tour pour leur bonheur, et pour notre pays, le sens de la
famille.
Merci à toi, qui m’a accompagné à travers 24 affectations, 18 déménagements,
mais que j’ai laissée si souvent sur le quai. Cela vaut bien aujourd’hui une
reconnaissance publique. Merci d’avoir rendu tout cela possible. Merci de me
dire souvent que si c’était à refaire, on repartirait volontiers.
Le troisième sentiment, c’est toujours la reconnaissance.
Reconnaissance pour la marine, mon autre famille.
Je remercie chaleureusement l’amiral Oudot de Dainville d’avoir bien voulu
me faire l’amitié de présider cette cérémonie.
Je remercie le vice-amiral d’escadre Philippe Sautter, commandant de la Force
d’action navale – ce n’est pas un secret que des liens fraternels nous unissent - ,
le vice amiral Yves Boiffin, commandant les forces sous-marines, le capitaine
de vaisseau, et dés demain contre-amiral Pierre Martinez, commandant les
fusiliers marins et les commandos : les forces vives de la marine au milieu
desquelles j’ai fait toutes ma carrière sont là représentées par leur chef, c’est
pour moi un bel honneur.
La marine, ce n’est pas une institution désincarnée ; la marine c’est une arme,
mais c’est aussi une âme disait récemment Didier Decoin .
La marine ce sont des hommes et des femmes semblables à tous nos
compatriotes, mais qui ont choisi ou accepté de consacrer leur vie à une noble
cause : le service en mer des bâtiments de l’Etat. Le service par les armes de
notre pays, là où il l’estime utile.
Quand l’un des nôtres est touchée la famille est en deuil. Elle l’est en ce
moment avec le décès du maître principal Paré en Afghanistan la semaine
dernière, comme elle l’avait été avec celui du maître principal Lepage. Je salue
leur mémoire avec respect.
Les marins ont en commun l’esprit d’équipage, qui a forgé notre organisation
et nos traditions, qui continue de nourrir notre réflexion pour préparer l’avenir.
L’esprit d’équipage, c’est un mélange de talent individuel et collectif, de
solidarité, de sens des responsabilités, d’élan et de mesure, mais aussi
d’abnégation, d’obéissance, de discipline ; des valeurs ou des mots aujourd’hui
souvent à contre-courant. Mais le marin sait bien que c’est contre le courant
qu’on réussit sa manœuvre.
Ma reconnaissance va à tous ceux qui m’ont appris le métier, qui continuent
parfois aujourd’hui de me l’apprendre ; aux officiers-mariniers supérieurs et
aux majors, cette élite toujours largement fidèle à sa tradition d’excellence ; aux
officiers que j’ai eus comme chefs ou comme commandants ; elle va à tous ceux
que j’ai côtoyés au travers de nombreuses affectations, à ceux aussi que j’ai
commandés, à la mer ou à terre.
Elle va bien entendu à l’équipe qui m’a entouré ici pour veiller au destin de la
région maritime et préparer harmonieusement son avenir, pour diriger avec
rigueur et détermination les missions opérationnelles dans le théâtre Atlantique
au service de notre politique de défense, enfin pour animer et coordonner au
nom du premier Ministre l’action de l’Etat en mer.
mon amitié et aussi ma reconnaissance
Membres à part entière de la famille, les peintres et les écrivains de
marine savent qu’ils étaient ici chez eux. Plusieurs me font l’honneur de leur
présence ce matin. Chers maîtres, je vous exprime toute ma reconnaissance.
Nous avons tous la marine en héritage, nous avons à la faire fructifier parce
que nous pensons que c’est utile pour notre pays. J’ai tenté d’y apporter ma
contribution.
A côté de la marine nationale, j’adresse un amical et reconnaissant hommage
aux partenaires de l’action de l’Etat en mer dont la présence ici est exemplaire :
commandants et équipages des bâtiments affrétés, brigades nautiques de la
gendarmerie, équipages des vedettes et patrouilleurs de le gendarmerie
maritime, équipages des garde-côtes et aéronefs de la douane, vedettes des
Affaires maritimes, équipages des hélicoptères de l’armée de l’Air et de la
sécurité civile. Ensemble nous avons contribué à une harmonieuse régulation
des activités en mer, à sa protection contre les menaces à l’environnement ;
ensemble, avec la participation déterminante des hommes et des femmes de la
SNSM dont je salue ici les représentants, nous avons rendu en Atlantique la mer
moins cruelle.
Elle le reste encore trop : votre courageuse présence ce matin parmi nous,
Françoise Normant, entourée de vos deux filles, et la venue des marins-pêcheurs
d’Audierne et du Guilvinec nous le rappelle douloureusement : je vous accueille
avec émotion et je m’incline devant les hommes disparus en mer.
Permettez-moi une fraternelle pensée pour mes collègues les préfets maritimes
de la Manche et de la mer du Nord, et de la Méditerranée, qui quittent ces joursci, comme moi, leurs fonctions. Par souci de cohérence de l’action de l’Etat,
nous avons travaillé tous les trois en pleine concertation, sous l’efficace et
amicale coordination du secrétaire générale de la mer, Xavier de la Gorce ; il a
bien voulu, lui aussi, au nom du premier Ministre, venir présider cette
cérémonie, je l’en remercie chaleureusement.
J’adresse aux administrateurs de affaires maritimes et à leurs collaborateurs un
message d’amitié, d’encouragement et de soutien pour le travail difficile qu’ils
mènent quotidiennement le long du littoral Atlantique. Pour eux aujourd’hui, la
tâche est rude. Le préfet maritime agit avec eux au service de la communauté
des gens de mer, communauté d’hommes et de femmes qui ont la mer en
partage, pour leur travail, pour leurs loisirs, pour leurs passions. Les intérêts et
les attentes des uns et des autres sont souvent contradictoires. Je salue ce matin
toute cette communauté dans sa diversité, marins du commerce, marinspêcheurs, goémoniers, ostréiculteurs, industriels de la mer, organisateurs de
courses, marins de l’extrême, plaisanciers du large ou de la côte. Ensemble
souvent nous avons travaillé pour que chacun puisse profiter de la mer en
respectant la liberté de tous les autres ; ensemble nous avons tenté d’en rendre
l’usage plus harmonieux, nous avons réussi je crois à la rendre plus propre et
plus sûre.
L’ultime sentiment que je voudrais vous faire partager, c’est la confiance.
Confiance dans la marine qui taille sa route dans un curieux pays que nous
aimons, mais qui n’a pas toujours la fibre maritime. Elle la taille parfois dans
l’indifférence, parfois sous les critiques, parfois aussi sous les louanges, mais
elle la taille avec résolution, justement persuadée que c’est pour la bonne cause.
La confiance je la lis dans le regard des marins que je croise à la mer comme à
terre. Si notre pays sait leur donner une flotte à la hauteur des enjeux nationaux
et internationaux, sait renouveler cette flotte en temps utile et l’entretenir avec
détermination, alors il pourra compter sur des hommes et des femmes qui vivent
leur métier avec enthousiasme, le plus souvent avec passion. Ils sauront porter
juste et loin la légitime ambition qui anime notre nation.
Confiance dans l’institution originale du préfet maritime, héritière de notre
histoire depuis Charlemagne, mais étonnamment moderne et adaptée aux réalités
et aux évolutions d’un monde complexe, confiance attentive à l’expérience et à
la durée.
C’est avec ces sentiments de reconnaissance pour avoir tant reçu, et de
confiance parce que les marins sont prêts à beaucoup donner, c’est avec ces
sentiments que je passe la barre.
Je reçois avec chaleur et amitié le vice amiral Xavier Rolin qui me succède dans
un poste de responsabilité pour la 3ème fois. C’est notre façon d’assurer la
continuité. Je demande à tous ceux ici qui travailleront à ses côtés, sous ses
ordres, ou en relation avec lui, de lui prodiguer le même accueil et de lui
accorder le même crédit que ceux dont vous m’avez honoré.
Et maintenant….
Et maintenant, alors que la feuille de route est blanche, c’est vers les livres,
vous vous en doutez, que j’irai chercher le chemin.
Dans le denier chapitre des Mémoires d’Hadrien, l’empereur médite sur le
rapport d’Arrien, son chef d’escadre.
« L’existence m’a beaucoup donné songe-t’il. L’existence m’a beaucoup donné,
ou du moins, j’ai su en obtenir beaucoup d’elle ; en ce moment, comme au
moment de mon bonheur, et pour des raisons toutes contraires, il me paraît
qu’elle n’a plus rien à m’offrir.
Je ne suis pas sûr de n’avoir plus rien à apprendre. J’écouterai ses instructions
secrètes jusqu’au bout. »
« Tout reste à faire » poursuit-il…
Au revoir, et merci.